Statistiques google analytics du réseau arts et lettres: 8 403 746 pages vues depuis Le 10 octobre 2009

Une nuit de noces

 

 

Lorsqu’ils se sont mariés, ils étaient vierges tous les deux. Enfin, presque. Pierre, un soir de discothèque, une fille un peu forte l’avait dragué, l’avait entrainé aux toilettes, et elle l’avait violé.

Elle aussi avait eu une expérience sexuelle. Un soir de bal étudiant, dans un couloir de la faculté des Sciences Politiques, un garçon de vingt ans lui avait tâté les seins.

C'est le bourgmestre lui même, oncle du marié, qui procéda  à la cérémonie du mariage. Le mariage religieux eut lieu le lendemain consacré par l'abbé Cardon, un cousin éloigné de la mère d'Isabelle.

C'était un magnifique symbole que celui d'un mariage célébré par une autorité civile, membre d'une des familles, et par un prêtre, membre de l'autre famille. Deux familles différentes devenaient une seule et même famille au travers de ses enfants.

Tout avait été minutieusement préparé par les deux pères. Demain, le jeune couple se rendrait à Venise. Aujourd'hui, sa première nuit, il la passerait dans la plus belle chambre de l'hôtel choisi pour y recevoir les nombreux invités.

Le champagne continuerait de couler à flots mais les deux jeunes mariés quitteraient la salle de bal dès qu'ils sentiraient le besoin de se retrouver seuls. Ou de se reposer. C'est ce que dirent les deux pères l'esprit légèrement brouillé par la boisson.

 Ils s'étaient embrassés à de nombreuses reprises avant le mariage. Un soir, dans la voiture de Pierre, il faisait nuit, il s'était presque allongé sur elle. Un policier avait frappé contre la vitre et, souriant, il avait dit:

- Il y a des hôtels pour ça.

Ce soir tous les deux appréhendaient de se retrouver seuls dans cette chambre d’hôtel. Ils quittèrent discrètement la salle de bal et prirent l'ascenseur sans se parler jusqu'à l'étage où la chambre leur avait été réservée.

- C'est ici. Je crois que j'ai trop bu. J'espère que je retrouverai notre chambre.

- Je l'espère aussi.

Ils se mirent à rire de leur plaisanterie mais ils ne se sentaient pas très détendus. Il se serra contre Isabelle et ils entrèrent dans leur chambre en se tenant par la taille.

La nuit avait été atroce. Isabelle, étendue sur le lit, avait les yeux levés vers le plafond. Ils s'étaient déshabillés sans presque se regarder. Il avait conservé son slip. Isabelle avait conservé sa culotte et son soutien gorge. Ils avaient éteint la lumière.

Pierre s'était penché sur elle, et il l'avait embrassée. Puis il avait baissé son soutien gorge pour lui dégager les seins. Il était crispé.

- Tu ne veux pas ôter ta culotte ?

Il sentait qu'elle soulevait le bassin, et il posa une main sur son ventre. De l'autre il ôta son slip maladroitement en soulevant un genou puis l'autre. Enfin il s'allongea sur le corps d'Isabelle qui s'était raidie.

Mais il n'eut pas d'érection. Son sexe s'était recroquevillé comme lorsque après s'être masturbé, il jouissait sous ses draps. Elle avait écarté les cuisses, il se frotta contre elle désespérément mais son sexe restait aussi mou. Il en aurait pleuré.

- Ce n'est rien, calme-toi. Tu as du trop boire.

Il s'écarta d'elle, et plié en chien de fusil, il fit semblant de dormir.

A Venise, la première nuit, il avait eu une érection mais il avait joui dès qu'il s'était étendu sur Isabelle.

- C'est idiot, je n'ai pas pu me retenir.

- Cela ne fait rien. Ca arrive à tout le monde j'imagine.

Elle prit la main de Pierre, et la posa sur son ventre. Puis elle se caressa les seins. Pierre ne bougeait pas. Il écoutait Isabelle qui haletait de plus en plus fort. Ce n'est qu'après qu'elle se soit endormie qu'il se tourna sur le côté et s'efforça de s'endormir à son tour.

Durant leur voyage de noces, il avait pénétré Isabelle à plusieurs  reprises mais il jouissait tellement vite qu'elle finit par se caresser elle-même, d'abord très vite puis plus lentement. Le corps apaisé, elle caressait le sexe de Pierre avec tendresse.

- Il est tout chaud. On dirait un petit oiseau.

Il ne cessait d'y penser. Devant le miroir de la salle de bain, il soulevait son sexe et imaginait ce qui pourrait le stimuler. La nuit venue, auprès d'Isabelle qu'il aimait, il réagissait comme un impuissant. Je suis un impuissant, pensait-il. Et il se haïssait.

Comme toutes les nuits désormais, Isabelle apaisait toute seule la nervosité de son corps. Elle se demandait si cette nervosité était due aux pulsions sexuelles propres aux femmes mariées, ou aux idées qu'elle se faisait de ces pulsions.

- Il n'y a pas que le corps dans l'amour. Je t'aimerais même si tu étais infirme.

Elle pensait ce qu'elle disait, et Pierre n'en était que plus meurtri.

Au retour de leur voyage de noce, Pierre reprit son travail dans l'entreprise de son père tandis qu'Isabelle s'occupait de l'aménagement de leur maison.

Leurs relations nocturnes devenaient une véritable obsession. Il se haïssait.

- Elle mérite mieux que moi. C'est Jean qu'elle aurait du épouser.

Jean, son ami,  plaisait aux filles. Il n'avait jamais fait la cour à Isabelle parce que Pierre, c'était visible, en était amoureux. Pierre imaginait qu'avec Jean dans son lit, les nuits d'Isabelle eussent été différentes. Le matin, il lui aurait vu autour des yeux les cernes bleuâtres qu'il croyait voir sur ceux des amies de Jean, et dont, jeunes gens, ils riaient. Il n'éprouvait aucune jalousie en y songeant. Un trouble, peut-être, à la hauteur de la poitrine. Une nuit, c'est en imaginant que Jean était à sa place, qu'il avait caressé Isabelle. Elle avait joui cette nuit là.

Il aimait Isabelle. Corps et âme. Il ignorait la nature de l’amour mais il le voyait tellement différent des rêves et des idées qu'il s'en était faits. L'idée qu'il s'en était fait, il faut bien le reconnaître, c'était la fusion de deux idées, de deux envies, bien davantage que le face à face maladroit de deux êtres humains.

- Le sexe n'est pas tout; lui disait Isabelle.

Il répondait que c'était vrai. Que la tendresse était tout aussi importante. Mais il ressentait comme une blessure le sentiment qu’il la privait des plaisirs qui sont la texture même de l'amour. Le reste n'était que le décor des retrouvailles nocturnes d’un couple.

L'été suivant, ils partirent en Sardaigne tous les trois. Isabelle, Pierre et Jean. Jean venait de rompre une liaison qui l'avait décontenancé. C'était la première fois qu'une fille le laissait tomber; disait-il. Il n'était pas triste mais vexé.

- Une de perdue, dix de retrouvées.

- Tu as raison Isabelle, mais une seule fera l'affaire durant les vacances. Ca ne t'ennuie pas que je vous accompagne ?

Pierre leva son verre comme s'il portait un toast.

- C'est à nous que ça fait plaisir. C'est comme avant notre mariage. Santé !

Chez aucun d'entre eux, apparemment, il n'y eut la moindre arrière-pensée. De sorte que ce qui survint fut une surprise pour chacun d'entre eux. Mais pas un scandale.

Pierre voulait marcher. Il avait enfilé des chaussures de marche et s’était éloigné. L'hôtel était niché dans une anse rocheuse parmi des taillis qui escaladaient la montagne. Des sentiers pierreux s'enfonçaient dans l'ombre des parasols.

Jean et Isabelle autour de la piscine, après s'être baignés, étaient étendus sur l'herbe. Ils se séchaient, face à face, la tête couverte d'un drap de bain plié. Le regard d'Isabelle malgré elle se portait sur le sexe de Jean que le slip mouillé soulignait comme s'il avait été dénudé.

- Je vais aller me laver dans ma chambre; dit Jean.

Isabelle aurait été incapable d'expliquer sa réaction.

- Moi aussi.

Devant la chambre de Jean, c'est elle qui poussa la porte.

Pierre revint quelques heures plus tard. Son visage était rouge, il avait dû s'endormir dans une clairière sans se protéger du soleil.

- C'est vrai, j'ai eu tort. Je ne le ferai plus. Ce n'est pas la peine de me sermonner.

Isabelle lui mettait de la crème sur la figure.

- Quand je t'ai vu si rouge, j'ai eu peur. Tu aurais pu te brûler.

Ses mains étaient douces. Une ombre légère entourait ses yeux brillants.

Elle est belle, pensa-t-il, et il détourna la tête.

Durant cinq à six jours, chaque après-midi, Pierre allait se promener, parfois le sac à dos empli de livres. Il voulait durcir son corps, disait-il, et armer son esprit. Isabelle et Pierre, dans la chambre de Pierre, faisaient l'amour. Ils parlaient à peine.

Peut-être en effet que son corps s'endurcissait. Avant de s'endormir, Pierre prenait Isabelle, et c'est ensemble qu'ils jouissaient. Etrange phénomène qui les surprit tous les deux. Peut être Isabelle s'épanouissait-elle en présence de Jean. C'était une sensation singulière. Pierre était heureux parce qu'Isabelle était heureuse. Isabelle était heureuse parce que Pierre, pensa-t-elle s'était débarrassé de ses fantômes.

Un soir, Jean annonça qu'il les quitterait le lendemain. Son amie, paraît-il, avait téléphoné pour lui dire qu'elle se mourrait de lui. Ils firent la fête, et se promirent de se revoir dès que tout le monde serait chez soi.

Ce soir-là, c'est Isabelle qui pressa son ventre contre le dos de son mari.

Prend-moi, dit-elle.  

Ils firent l'amour longtemps.

 

Envoyez-moi un e-mail lorsque des commentaires sont laissés –

Vous devez être membre de Arts et Lettres pour ajouter des commentaires !

Join Arts et Lettres

Commentaires

  •   C'est fait, les lettres ont repris un format normal et je dis ouf ouf oufti ....Un cadeau de plus : elles sont en gras, ce qui m'arrange et mes yeux seront moins fatigués. Merci à l'inconnu qui a réglé ce problème dont je m'étonnais beaucoup, y voyant même quelques interventions non bienveillantes. Evidemment, je ne voudrais pas devenir parano, mais tant de choses anormales se passent parfois !!

    C'est vraiment un honneur pour moi de poser ainsi vos nouvelles  à mon intention mais c'en est un aussi de pouvoir vous suivre : vous écrivez admirablement et sur des sujets brûlants, de toutes les actualités de jadis et d'aujourd'hui.

    Un fait divers m'a tout spécialement bouleversée lorsque j'étais très jeune ....

    Un homme avait tué sa femme avec la complicité de sa maîtresse et, horreur suprême, en présence

     de sa petite fille de deux ans. Ce n'était pas du tout un milieu quart monde, non, petite bourgeoisie plutôt.

    Lors du procès, les deux amants se sont déchirés mutuellement en rejetant la faute de l'un à l'autre. L'amour s'en était allé en fumée ....Et, depuis ce temps là, je suis devenue d'une méfiance rare vis-à-vis des "Histoires d'amour" .... J'y ajoute également une rencontre mémorable au cours d'un trajet de train..... J'en ai fait un poème .... Bref, c'est l'histoire d'une prostituée : elle était ravissante : en fermant les yeux, je la revois encore : jeune, belle, bien habillée d'un manteau de fourrure, ce qui était rare juste après la guerre ..... Une histoire de train..... J'avais 17 ans. Ce jour là, j'ai pris la décision de ne jamais me marier, tant c'était sordide .

    Il n'y a pas que la forme ou la santé, mais aussi plein d'écrits à ranger, des poèmes à écrire pour un ami dans le cadre d'un partenariat poésie-peinture. Egalement, un texte concernant la genèse du poème "Le marchand de Caroube". Il faudra vraiment que je m'y mette !!

    C'est surtout le format des lettres qui m'a fait changer d'avis. J'ose espérer que plus jamais, je ne rencontrerai ce problème là. C'était tuant .... Si si

    Nous avons quasi le même âge, mais vous ne m'avez pas répondu à propos de Pecq ....que, certainement vous devez connaître. Le pensionnat des Sœurs a été rasé !!!

    Bonne soirée .... A bientôt.

  • J'ai une lectrice qui me suit depuis ma première nouvelle et se manifeste à chaque fois en disant j'aime et plus, parfois.

    Vous, sans que je le sache, vous me suiviez également.Et votre mémoire, elle m'a souvent surpris, se manifeste à chaque fois.

    Les auteurs généralement ne suivent qu'eux-mêmes.  Si je sors un texte dans Arts et lettres comme je les sors sur mon site ou des sites amis qui m'y invitent, c'est à votre seule intention.

    Je vous regretterai. Vos remarques me manqueront. J'espère, Rolande, que votre santé ou forme, vous feront changer d'avis.

    Sincères amitiés.

  • Une histoire qui finit bien malgré tout, grâce à l'intelligence des protagonistes !

    Il n'en était pas souvent ainsi jadis et tout pouvait déboucher sur des drames affreux.

    Les faits divers dont je me souviens faisaient parfois la une des journaux ...

    Vous avez le courage d'en parler et d'en faire le sujet d'une nouvelle.

    Malgré une libération des moeurs tout n'est pas réglé pour autant .... Au contraire.

    Comme les caractères ont repris une dimension trop grande pour moi, que tout cela me fatigue énormément, je me vois contrainte de renoncer à consulter le site et, surtout, de me manifester. De toute façon, beaucoup de travail m'attend car il me faut mettre de l'ordre dans mes écrits avant de m'en aller vers les étoiles.

    Bonne soirée et je ne sais à quand.

This reply was deleted.

Sujets de blog par étiquettes

  • de (143)

Archives mensuelles