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Un vagabond sans bagage JGobert

Déguisé en chien, Il erre volontairement d’une démarche lourde dans les rues de la ville. Il ne cherche rien. Il a perdu son souffle. Il a baissé les bras, jeté ses rêves, effacé de sa mémoire ses souvenirs. Il est seul avec lui-même. Un vagabond sans bagage.

Dans une autre vie, il était important. Il avait des responsabilités, de l’argent, le pouvoir. Ce pouvoir qui fait qu’un homme est respecté, adulé, honoré par les autres hommes. Tout le monde l’admirait et il aimait les plus belles.  Quand il sortait le soir, il voyait les yeux se fixer sur lui et l’envier. Belle voiture,  belle demeure, belle femme. Tout ce qu’un homme aime posséder. Il était célèbre aussi pour ses débordements, les gens trouvaient qu’il en faisait trop mais ils le flattaient malgré tout.   Pouvoir, gloire, argent font de vous un être souverain. Il avait perdu le sens même de la réalité.

Il avait une famille. Une femme, une petite fille qui ne le voyaient pas souvent. Son emploi du temps ne lui permettait pas d’être journellement avec eux.  Il voyageait beaucoup pour ses affaires, pour son plaisir. Il passait le plus clair de son temps dans de très beaux hôtels parfois en bonne compagnie. Un jour, sa femme demanda le divorce. Celle-ci lui prit une partie de sa fortune et continua sa vie loin de lui.

Depuis quelques années, il n’est plus le même, il déambule dans cette existence dépouillée mesurant ainsi le chemin parcouru en vain et la vraie valeur des choses et leur réelle importance. Il cherche une figure de paix débarrassée des biens matériels. Il cherche un renouveau, une paix intérieure

Dehors il redécouvre le monde, la vie. Il apprend à savourer, à goûter un rayon de soleil et sa chaleur sur sa peau. L’odeur d’un café noir qui s’échappe d’une fenêtre ouverte. La beauté éphémère d’une fleur à peine éclose couverte de rosée. Le chant mélodieux d’un rossignol posé sur une branche. Le cliquetis  cristallin de l’eau qui se déverse lentement dans un petit bassin couvert de minuscules nénuphars. Le rire d’un enfant que sa mère promène avec tant d’amour. Il cherche l’apaisement.

Il se dit qu’il a gaspillé un temps précieux  dans tant de choses futiles, puérils. Cette ambition qu’il poursuivait si intensément, ce pouvoir qu’il entretenait avec tant de force, cet argent qu’il lui était si indispensable,  ne lui permettait pas de voir le bonheur étalé à ses pieds et au lieu de le ramasser délicatement, le recueillir avec bonheur, il le piétinait chaque jour avec force.

Mais ce destin d’exception sans âme commençait à l’étouffer, le rendre sombre et soucieux. Chaque jour devenait de plus en plus difficile, malaisé. Il sentait son étoile lui échapper. Il était riche et il n’était pas heureux.

Un soir qu’il festoyait dans sa belle résidence, avec de nombreux nouveaux amis, que sa piscine était remplie d’étrangers et sa table et sa cave vidée. La musique s’arrêta.

Le téléphone sonna.  Une voix venue d’ailleurs  l’immobilisa et il sentit le sol se dérober sous ses pas.  Une flopée de sentiments oubliés, effacés l’envahir. Il s’éveilla d’un long sommeil.

Sa fille vient d’avoir un accident et tout lui revient à la figure. Tout ce qu’il n’a pas fait pour elle. Tout ce qu’il a omis de lui dire. Le silence installé entre eux et l’indifférence dans laquelle la vie l’a plongé. Tout ce qu’elle représente pour lui et dont il n’avait plus conscience depuis si longtemps.

Le souvenir de sa naissance et la joie qu’il avait ressenti. L’immense bonheur qui l’avait submergé à la minute même de son premier cri. L’importance qu’elle avait pris pour lui à ce moment, c’était son bonheur, son bébé.

La fin de l’histoire n’est pas tragique. Sa fille va bien. Elle n’a pas voulu le recevoir à l’hôpital, ni le revoir depuis. Malgré son insistance, elle lui a dit d’une voix étrange qu’il n’était plus son père depuis si longtemps et qu’elle n’avait pas besoin de lui. Que son amour ne l’intéressait pas, qu’elle n’en voulait pas, qu’elle n’en avait pas besoin.

Il continue son destin avec ces phrases gravées sur son cœur et de nombreuses interrogations. Il connaît maintenant le poids de la solitude dans un cœur qui aime à vide. Il réapprend d’autres valeurs  et  reconnaît que sa fille est l’être le plus important de sa vie. Il sait aussi que le pouvoir, la gloire et l’argent lui ont pris une grande  partie de son temps le laissant démuni de l’essentiel.

Un matin, il est parti.

 

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Commentaires

  • Merci Rolande. Tes commentaires me font toujours beaucoup de plaisir.
    Je te souhaite une gréable journée pleine de soleil.
    Amitiés
    Josette
  • Bonjour Josette,

    En cherchant le texte annoncé, voilà que je "tombe" sur celui-ci.

    C'est tout simplement magnifique. J'en ai été bouleversée car tout y est tellement vrai et exprimé par une écriture sans faille et dont on ne peut s'extraire.

    Et quelle chute .... ! Magique elle aussi, elle rejoint le début du texte afin de boucler la boucle de la vie de cet homme. Car il a trouvé la sagesse dans l'absolu du dénuement.

    A ce soir pour l'autre texte .....

    En attendant, mille souhaits de bonne journée ensoleillée. Amicalement. Rolande.

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