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Un médecin de province.

 

Le cabinet du docteur Leroy se trouvait boulevard Léopold, une avenue élégante, au rez-de-chaussée d’une villa toute blanche, entourée d’un jardin soigneusement fleuri.

Le premier étage était celui de son appartement, une surface spacieuse de plus de deux cents mètres carré, salle à manger de réception, une autre plus petite réservée à un usage quotidien moins cérémonieux, un salon, une cuisine et son bureau qu’on aurait pu qualifier de ministériel. D’un ordre absolu, pas un papier ne traînait sur une épaisse table de verre.

Les trois chambres se situaient au second étage, là où il avait aménagé une salle de sport, une salle qu’il qualifiait de salle de fitness, et dont l’usage quotidien lui permettait de garder une ligne comparable à celle d’un athlète, et dont il savait qu’elle était enviée pour un homme de son âge.

Le cabinet d’un médecin est le reflet de sa personnalité. Celui d’André Leroy disposait du matériel le plus perfectionné et le plus nouveau pour examiner ses patients, et les soigner.

Les femmes particulièrement appréciaient le docteur Leroy. Impossible de savoir si c’est parce qu’il était bel homme ou bon médecin, les deux, sans doute. Un jour, une de ses patientes l’avait fait venir chez elle, elle était pratiquement nue, et c’est presque en fuyant  qu’il s’en était tiré.  André se piquait de choisir ses maîtresses lui-même.

Le jour où elle était venue le consulter, Isabelle s’était dénudé. A l’exception de sa culotte. Impassible, André lui avait palpé les seins, lui avait demandé de tendre les jambes, mesuré ses capacités respiratoires.

- Vous avez raison de vous livrer à un check-up complet. Selon moi, vous êtes parfaite.

- J’avais cru en me touchant les seins…

- Ils sont parfaits, eux aussi. Votre mari est un homme enviable.

Elle lui plaisait. Il avait l’impression que de son côté, il lui plaisait à elle aussi. Ce sont des choses que l’on sent.

Isabelle s’ennuyait. Cinq ans après son mariage, ils avaient quitté le petit appartement de leurs débuts pour une maison à proximité du Palais de Justice. Pierre avait changé de voiture. Elle était plus puissante et plus représentative de son statut. La seule et véritable tristesse qui avait gâché les toutes premières années de leur mariage, c’était l’impossibilité dans laquelle ils se trouvaient d’avoir des enfants. C’est Pierre qui en avait été le plus affecté. Un enfant, c’était le maillon d’une chaîne qui projetait la lignée des Orloff dans l’avenir. Il en serait le dernier représentant. Aucun d’entre eux n’aura été davantage qu’une parcelle anodine de l’histoire.

Ce fut une pulsion irrésistible. A laquelle cependant, elle avait résisté trois mois.

Un jour qu’elle se dirigeait vers la gare, une petite voiture s’arrêta à sa hauteur. Le docteur Leroy lui fit un signe de la main. Il était descendu en souriant.

- Madame Orloff, comment allez-vous ? Ah, vous marchez ! Si je pouvais en faire autant mais c’est difficile pour visiter ses patients.

- Je n’ai pas le choix, c’est mon mari qui utilise la voiture.

- Cela me donne la possibilité de vous conduire. Si j’osais, je vous demanderais de le remercier pour moi.

Tous les deux avaient le sentiment que les propos qu’ils tenaient auraient pu être remplacés par n’importe quelle onomatopée. Leurs regards en disaient bien plus. Ni chez l’un ni chez l’autre il n’y n’eut la moindre hésitation.

- On prend un café ensemble ?

A la lisière de la ville, une grosse villa servait de restaurant, de lieu de rendez-vous et d’hôtel de jour. On pouvait s’y faire servir dans les chambres. Ils commandèrent deux cafés qu’on leur servit dans le petit salon.

- Je vous ai rassuré lorsque vous êtes venue me consulter ?

Ils savaient tous les deux que c’est aux seins d’Isabelle qu’il faisait allusion et pas à sa santé. Elle était surprise de sa réaction et fière des compliments qu’il lui faisait. Elle devinait ce qui allait suivre, elle y était prête. Mariage ou non, lorsque le désir ou la curiosité vous étreint, c’est tout naturellement qu’on se met au lit. Le plus difficile la première fois, c’est de l’imaginer.

Debout auprès d’elle, tandis qu’elle enfilait ses bas, le torse encore nu, il dit en souriant :

- Tu as aimé ?

Ils décidèrent de se revoir. Souvent il en est des adultères comme des unions officielles, on s’y complait par habitude.

Si ce n’est pas par habitude, c’est parce qu’il est parfois aussi difficile de quitter un amant que d’entamer une procédure en divorce. Et parfois, il se trouve des unions triangulaires tellement heureuses que seul la mort de l’un des protagonistes la bouscule, et la brise.

Vous l’avez remarqué, tant qu’il n’y a pas de drame, les histoires d’amour sont des histoires de fesses. En province, les histoires de fesses ne sont pas des histoires convenables de sorte qu’on y ajoute ce qui en fait des histoires d’amour. Si le drame ne suffit pas, on y ajoute la mort. A une simple aventure limitée dans le temps, elle donne une dimension d’éternité.

La mort anoblit.

Ni madame Orloff ni le docteur Leroy ne moururent mais ce fut une agréable aventure.

    

 

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Commentaires

  • Tournée autrement, avec des personnages  connus.

    Il est rare de voir apparaître des problèmes d'enfants dans un couple. J'ai toujours eu la sensation qu'ils avaient peu de place dans vos nouvelles. Du moins pour les couples récemment constitués.

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