Statistiques google analytics du réseau arts et lettres: 8 403 746 pages vues depuis Le 10 octobre 2009

Un destin américain (23) : Cousin-cousine


                                                         Les cousins, les cousines quand ils n’ont pas de frère ni de soeur sont eux-mêmes des frères et des soeurs. Dans leur maison, ils sont seuls. La batterie des jouets en plastique, des poupées et même des livres de la bibliothèque scolaire ne peuvent parvenir à combler l’absence des joies, des jeux, des amours qui s’installent au sein de la famille. Alors le cousin, la cousine prend la place de cette absence et devient le frère, la soeur manquante. Judith et moi étions donc frère et soeur. Du même âge presque, nous avons grandi ensemble. Ma mère lui avait donné le sein quand sa mère n’avait plus de lait et nous batifolions bébés dans le même parc pour nourrissons. En ces années là le parc était en bois et il ne fallait pas coincer sa tête entre les barreaux curieusement confectionnés pour la chose, intelligemment pensés à égayer les journées des mères par les pleurs et les cris des bambins coincés. Puis les têtes ont grossi, les parcs sont allés au grenier emportant les bleus et les pleurs. Puis cousin-cousine ont été vêtus comme des enfants de leur âge sans l’horrible couche volumineuse où l’on peut faire pipi dedans ! Nous nous regardions maintenant sans la grimace du condamné et nous nous trouvions bien élégants. Elle, avec sa robe à fleurs rouges qui flottait sur ses sandalettes blanches quand elle courait dans l’allée du jardin, moi en culotte mi-courte qui la poursuivait en frappant délicatement ses mollets avec un rameau de saule. Puis tout essoufflés nous nous prenions dans les bras marquant ainsi la trêve des combats.

                                                          Le temps passait avec enchantement. Nous allions en classe, à la messe ensemble, évoluions sur la route de l’adolescence en imaginant des scènes de grandes personnes : le mari qui part au travail et sa femme qui s’occupe des enfants et du ménage, le café chaud que l’on prépare et qui répand sa douce odeur dans la pièce réchauffant le coeur de ce mari dévoué, l’épouse charmante, fidèle et pure toute dévouée etc etc…Des rêves d’enfant en somme ! Mais très vite les adolescents poussés par d’indicibles pulsions découvrent un sentiment qui ne les lâchera plus de toute leur vie : l’amour. C’est la première magie et sans doute la dernière. Rien ne ressemblera plus à cet amour entre une fille et un garçon de treize ans que cet amour là. Celui-là est tendre, affectueux, d’une nouveauté réelle, d’une virginité unique, d’une pureté sans passé, sans expérience, sans tentative, d’une beauté de l’âme qui naît aux confins d’une grâce céleste. L’amour de deux enfants à la frontière de l’amour de deux adultes prenant soudainement conscience d’un danger qu’ils ne peuvent qualifier, qui les marquera au fer rouge à jamais sans retour possible à l’enfance et à son insouciance. Nous nous aimions. J’aimais Judith plus qu’elle ne m’aimait je le compris bien vite. Elle avait une longueur d’avance sur moi. D’où et comment tenait-elle tant de choses sur les garçons et les filles avec autant d’aplomb ? Elle ne découvrait rien, elle savait tout. Sa curiosité était méticuleuse, comparative et sans la moindre émotion. J’aurais pu la partager, m’enfoncer dans le plaisir sans états d’âme, sans la crainte d’être découvert ou de transgresser je ne sais quelle règle de morale qui se dessinait à mon insu. La transgression du sacré sans doute qui n’accepte aucune dissimulation mais affirme ses sentiments en plein jour aux yeux de tous. Déjà la paix de l’âme avait débuté son chemin et je m’arrêtais avant de basculer en enfer. Judith n’était pas fidèle et intempestive. Je n’aimais pas les esclandres et la légèreté. Je ne souffris pas longtemps de ses frasques. Je gardais d’elle le souvenir d’une effrontée qui ne craignait aucun scandale.

                                                        Nous étions dans l’année de la communion solennelle et la confession auprès du curé était obligatoire. Il fallait se libérer de tout péché pour avoir le droit de porter l’aube blanche et faire un pas vers le paradis. Je fus donc “convoqué ” par monsieur le curé- comme on disait à l’époque- pour m’expliquer sur ces “amours” que Judith avait confessé. Le prêtre d’Horaing brillait de curiosité à m’entendre dire que j’aimais ma cousine et que j’avais déposé un baiser au coin de ses lèvres. Brave homme qui m’avertit sur les dangers pouvant survenir par de tels commencements. Lui qui connaissait bien la question puisqu’il avait une liaison dans le village avec la mère d’un de mes copains de classe, liaison que tout le village savait et que j’appris bien plus tard. ” Cousin-cousine”, je l’aurais emmenée sur ma moto mais elle se serait envolée bien vite pour un hidalgo plus audacieux !

Envoyez-moi un e-mail lorsque des commentaires sont laissés –

Vous devez être membre de Arts et Lettres pour ajouter des commentaires !

Join Arts et Lettres

Commentaires

  • On a tous vécu des petits amours d'enfant. Cette découverte inavouée souvent laisse des souvenirs inestimables et montre le chemin vers d'autres amours plus importants.  Jusqu'au jour où c'est l'amour qui nous découvre et nous laisse cette fois démuni. Mais que de bons souvenirs Gilbert.

    Amitiés

    Josette 

This reply was deleted.

Sujets de blog par étiquettes

  • de (143)

Archives mensuelles