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                                                       Il fallait donc battre en retraite, sauver les meubles au risque d’être dévoré, englouti par les mâchoires impitoyables et diaboliques de l’argent qui fabrique des monstres sans coeur. Guillaume se mit à chercher un peu partout les affaires bon marché qui entraient dans son enveloppe : le genre de bazar qui lui irait bien à lui, habitué au bazar de sa vie faite de tout et n’importe quoi. Et il trouva. Un ensemble restaurant-épicerie-salle-de-jeux-pompes-à-essence à Arromanches pour un bon prix, à l’état d’abandon, à n’en pas douter, au soleil pluvieux de la Normandie, mais tout de même sur la côte avec la mer, les galets et l’air du large ! Les voilà fourgués sans tambours ni trompettes dans le premier vol qui les délivrait de l’infâme sangsue qui se moquait de ces rêveurs du bout du monde croyant encore à une petite place pour leur grande ambition. C’était près d’ Arromanches : Saint -Hyppolite- Des- Pertes. Comme une prédestination à sourire rappelant ceux qui vivent dans des impasses ! Pas une âme qui vive sous la pluie. Une bâtisse quasi-abandonnée, un restaurant à la bonne figure en face. Mais il n’y avait pas de doute, les pompes rouillées étaient à côté de la bâtisse : donc c’était là. Guillaume n’avait pas pris la précaution de retenir la vente par une avance quelconque sur le prix. C’est en toute confiance qu’il avait traité avec l’agence qui disposait du bien. Elle lui avait assuré que sa parole suffisait, qu’elle retenait le bien pour lui. Judith et Marienka imaginaient des travaux à venir, comme des bruits familiers qu’elles avaient déjà entendus quelque part. Mais Guillaume, lui, s’imaginait différemment. Coiffé d’une toque, il tenait enfin son rêve entre les mains.

                                                       Animé de ces ressources étranges, intarissables qu’ont les créateurs visionnaires déployant un courage saisissant, Guillaume se mit à l’ouvrage. Aidé de quelques bras volontaires par le vin qui les soutenait, ils remirent l’affaire sur pied. L’étage disposait de quelques chambres à louer. Un équipement sobre comptant un lit, une modeste table de chevet, une lampe, sanitaires et douches sur le palier, des poutres apparentes donnaient à cet ensemble spartiate le cachet de cellule militaire. Mais n’étions nous pas sur une plage du débarquement ? Au rez-de-chaussée le restaurant avait pris des couleurs, il disposait d’un bar où quelques égarés de ce bled perdu prirent l’habitude d’y passer la journée. A coups de “oui” et de “non” ils redonnaient vie à ce placard de la mort. Pour ce qui était du restaurant il n’était pas encore au point et ne recevait que peu de monde. La fébrilité de ma tante et de ma cousine devaient y être pour quelque chose, peu rodées à un exercice requérant endurance, serviabilité et compétences diverses liées au commerce, à la gestion, elles découvraient ahuries leur nouvelle vie ! Guillaume, lui, aux fourneaux et en salle argumentait le peu de clients sur les chefs étoilés qui l’avaient formé. Ces braves gens voyaient donc le fils spirituel de Paul Bocuse, Alain Ducasse et autres sous lesquels il avait oeuvré, à Saint-Barthélémy dernièrement d’ailleurs !, expliquant à qui voulait l’entendre que lassé du monde et de ses fastes il venait apporter ici sa divine sauce à leur exclusive attention, ceci dans un silence quasi-religieux en les priant de garder le secret bien caché.

                                                       Progressivement avec le temps, cette dernière roue de secours se mit à tourner, du moins ce que nous en savions. Nous avions ici à Horaing des nouvelles de leur nouveau périple. Des invitations à venir. Je me demandais à la lumière de ce que j’entendais si nous n’étions pas nous aussi des clients qui devions taire un secret exceptionnel fondé sur une prodigieuse réussite, là-bas sur une plage d’un débarquement des troupes alliées aux couleurs du drapeau américain ? Et retentissaient dans ma mémoire des bruits de chenilles, de grenades, de tirs de mitrailleuses mais aussi de plaques de chocolat, d’oranges que les G.I distribuaient aux enfants. Je pensais à Marienka qui recevait dans son restaurant des américains venus en pèlerinage sur ces lieux mythiques.

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