Le chômage fait peur. C’est un épouvantail qui est agité sans cesse dans l’opinion publique et ce n’est pas innocent. C’est l’épée de Damoclès. Chômage veut dire : moins de voiture, de maison, de bonnes études pour ses enfants, d’amis, de vacances à la mer ou au ski …plus de pauvreté en somme. Mais derrière ce mot aussi effrayant pour  l’inconscient collectif qui ne rêve que de bonheur que nous cache t-on ? Quel est le cocktail savamment dosé, quels sont les ingrédients qu’on y met pour agiter ainsi ce spectre infernal et pourquoi n’arrête-t-on pas d’en parler comme d’un cyclone qui ne va pas tarder à toucher nos terres ?

D’abord le mot chômage est lié au mot travail. La disparition de ce dernier ne fait pas disparaître le premier et inversement  ! Bref, à ce que l’on entend,  il n’y aurait plus de travail pour tout le monde. Les usines ferment. Les ouvriers brûlent des pneus devant les caméras. Ils séquestrent les patrons, demandent des indemnités de départ plus élevées et paraissent soulagés quand ils obtiennent plus que ce que leurs conventions collectives prévoient. L’air de la revanche ajoute là aussi à l’inconfort du mot travail. C’est une menace brandie pour la prochaine fois. Menace désespérée car sous la menace chacun sait que la solution c’est la fuite quand on est moins  nombreux. Donc fuite de l’outil de travail, des capitaux , donc chômage. Il est facile d’aiguiser la revanche, la menace et la fuite pour parvenir au but que l’on s’est fixé. Cela s’appelle la stratégie. Il y a donc une stratégie du chômage. Que l’on ne s’y trompe pas, le plein emploi n’existe pas, on n’y tient pas en haut lieu. Il ferait disparaître la peur et de quoi la foule causerait-elle ? Il vaut mieux distiller les pas en avant et les pas en arrière, surveiller ce que cela donne, infléchir des courbes à coup d’annonces miracles pour conduire le troupeau là où on veut le mener ! Quant au travail par lui-même, c’est une variable d’ajustement. Quand il est trop cher, il faut en faire baisser le prix. Ce n’est pas plus compliqué. Aujourd’hui la valeur du travail est planétaire. Finie la carriole à boeufs et le tam-tam, quoique ! S’il y avait quelque chose de vertueux dans le travail il y a une cinquantaine d’années c’est bien fini. Le travail, on y vient pour gagner de l’argent. Ce n’est  plus la valeur morale de jadis…Il faut dire que lorsque l’argent se fait rare on crie haro sur le baudet !

Au passage de ces réflexions, si l’on quittait la macro-économie du travail, la stratégie de la peur et que l’on regardait le parcours de l’individu face au travail . Prenons la sphère publique. Il faut passer un concours. C’est le meilleur qui réussit. Il en est. Mais un pourcentage plus ou moins élevé n’a pas nécessairement ce besoin. Qui ne favoriserait pas son ami, son clan, sa société. Vous ? Et peut-on parler de travail, de stratégie, de peur quand l’équation est déjà résolue au départ ? La route du fonctionnaire jonchée de répétitivités, d’ennui et de certitudes calculées d’avance n’a rien au fond de plus enviable que la seconde catégorie qui suit. Celle de la sphère privée, de la jungle de l’argent, de l’insécurité comme contrat à vie marquée au fer rouge, du suivi jusqu’à la tombe où chômage et travail alternent incessamment, pauvreté et peur sont conjugués au fil des coups de fil des labyrinthes du désespoir, des perpétuelles errances.