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Toi qui pâlis au nom de Vancouver

12272745694?profile=original"Toi qui pâlis au nom de Vancouver" est le recueil poétique le plus célèbre de Marcel Thiry (publié à Liège chez Georges Thone en 1924) - et titre du poème d'ouverture de ce recueil -, Toi qui pâlis au nom de Vancouver mêle à l'influence du symbolisme la révélation que produit chez le poète la découverte d'Apollinaire au tout début des années vingt. Au travers de cette brève plaquette marquée par la guerre et les voyages accomplis sous l'uniforme belge, s'esquissent la plupart des grands thèmes qu'il développera par la suite.

 

Engagé dans l'armée belge dès 1915, Marcel Thiry embarque, avec certains de ses camarades, à bord d'un cargo britannique à destination de la Russie. "Je sais encor l'arrière-saison boréale / Où parurent, parmi la pâleur idéale / Et l'haleine du port angélisant le ciel, / Le Nord, le gel, et les clochers d'or d'Archangel" ("Toi qui pâlis au nom de Vancouver").

Le retour se fait par San Francisco et New York, où Thiry erre sur Broadway, "soldat pérégrin / Sur le trottoir des villes inconnues". De ces voyages, ainsi que de l'Orient dont il rêve, il gardera longtemps le "mal Asie". Cependant, il pressent que l'ailleurs est mirage et il prêche déjà un bonheur fait de résignation et de sérénité: "Va, va, ne te fais pas une âme raffinée, / Contente-toi d'aimer les premiers réverbères, / Va, va, ne cherche pas de rime à ton bonheur!" ("Je ne saurai jamais si tu es belle").

 

S'il chante le "corps de ployante chair adolescente" d'une jeune fille dont il se souvient, il connaît déjà la fuite du temps et voit que "jour à jour les sorbiers s'empourprent vers l'automne". Enfin, de sa lecture d'Alcools, il a appris à faire place dans le poème au monde contemporain, à ses objets et aux modifications qu'ils induisent: "Toi qui pâlis au nom de Vancouver, / Tu n'as pourtant fait qu'un banal voyage; [...] / Tu t'embarquas à bord de maint steamer, / Nul sous-marin ne t'a voulu naufrage" ("Toi qui pâlis au nom de Vancouver").

 

Si de Verlaine - qu'il cite en évoquant Londres -, Marcel Thiry a gardé un goût prononcé pour le vers court et parfois impair, en même temps que pour le "brouillard délicat de [l']âme", et si certaines des tournures qu'il utilise puisent dans le maniérisme décadent, le poète n'hésite pas pour autant à tressaillir lorsque "l'odeur de Rotterdam monte de tous les fleuves", ni à se rappeler "le flirt bronzé du capitaine / Qui portait avec art une robe safran / Comme un drapeau de quarantaine" ("Toi qui pâlis [...]").

 

Le poète Bernard Delvaille, dans la Préface de son édition des oeuvres poétiques (1924-1975) de Thiry, publiée sous le titre général de Toi qui pâlis au nom de Vancouver, rappelle le mot de Novalis, selon lequel "la poésie est le réel absolu". Pour Marcel Thiry, de même, la poésie n'a aucun domaine à se refuser, à condition toutefois qu'elle exprime le possible du banal et du prosaïque, et qu'attentive à l'instant, elle parvienne à lutter contre le temps. C'est ainsi que dans ses ouvrages ultérieurs, Statue de la fatigue (1934), Ages (1950) ou Usine à penser des choses tristes (1957), il n'hésitera pas à évoquer les tramways et les wagons, les chambres d'hôtel "où flotte une odeur de benzine" et les néons sur les façades, la vitesse et le commerce, la Bourse et les conférences internationales; mais toujours il mettra en avant les pouvoirs de la poésie et le plaisir des mots.

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