Prix Médicis, le dernier roman de Nathalie Azoulai claque comme une provocation : « Titus n’aimait pas Bérénice ». Car si c’est bien le cas, il n’y a pas de tragédie et la pièce de Racine cesse d’exister…
Aimantés par ce titre à l’allure de scoop, nous sommes entraînés dans un roman passionnant.
Une jeune femme abandonnée par son amant trouve dans les premiers vers de Bérénice un écho à son propre désarroi : « Dans l’Orient désert, quel devint mon ennui ». Cette parole en appelle d’autres et la jeune femme découvre en Racine, un homme qui a su deviner le cœur féminin comme nul autre. Intriguée, elle part sur les traces du grand tragédien.
Ecrit dans un « style droit, pur et net » ce roman est passionnant de bout en bout : roman d’initiation, nous y suivons Racine à Port Royal, dans sa découverte de sa vocation et des sortilèges de la langue française. Jamais il n’oubliera ses maîtres d’alors.
Au fil des pages, les rapports complexes de Racine avec Louis XIV se précisent : la grandeur de l’un se fortifie du génie de l’autre : « ainsi le poète puise-t-il un peu de bravoure chez le capitaine tandis que le capitaine un peu de cet or sans poids ni couleur que manie le poète ».
Mais comme en surplomb, c’est un être de vent, d’ombre et de lumière qui agit en Racine et sculpte ses héroïnes : toutes ces femmes qu’il a créée relayent le chant de Didon , « cette plainte universelle et réprouvée » d’une Reine abandonnée par Enée. Une réserve toutefois : l’intrigue de départ tient davantage du prétexte à une plongée dans la vie de Racine que de l’occasion de vraiment explorer la proximité de a littérature avec nos vies, quelle que soit les époques. C’est un peu dommage que cet aspect n’ait pas été davantage exploité.
Au final cependant, un très beau roman qui donne envie de relire Racine dont la poésie si particulière doit tant à un style épuré au point que, par endroit, il fait songer au début de la Genèse : « Dieu dit « que la lumière soit ! ». Et la lumière fut ». « Je l’aime, je le fuis ; Titus m’aime, il me quitte »…
Mais la dernière page lue, c’est vers l’opéra de Purcell « Didon et Enée » que je suis retourné et cet air merveilleux « Remember me but, ah, forget my fate » qui m’émeut plus que jamais.
Commentaires
Cet excellent résumé m'a donné envie de lire le livre, un grand merci de ce partage.