Chez Charlotte et Dany on réveillonne en famille avec petits fours, chapon farci, champagne et alcool que l'on tient plus ou moins bien.
Comme dans toutes les familles, il y a ceux qui ont "réussi" et les loosers. Et comme dans presque toutes les familles, il y a le grand ado qui ne descend de sa chambre que pour le dessert qu'il mange en regardant son écran.
Chez Charlotte (Odile Mathieu) et Dany (Pierre Lafleur), un agent de footballeur pas plus honnête qu'il n'en faut, ce soir de réveillon est un peu particulier. On vient d'enterrer le grand-père, Papy Edouard, qui ne laisse derrière lui que quelques bricoles et pas trop de regrets. Pas question d'annuler le réveillon!
C'est Charlotte qui a eu l'idée de glisser sous le sapin des cadeaux anonymes à piocher, cadeaux à 5 euros max. "Une idée débile dans une barraque à 3 millions" dixit Jefferson (Thibault Packeu), le fils que Dany a eu avec Anna sa première femme ("la plus belle femme de Bruxelles"), toujours présente dans les conversations familiales au désespoir de Charlotte qui en devient hystérique.
Pour l'occasion, Will (Thibaut Nève), vieil ami de Dany et ex d'Anna, vient de débarquer de Londres avec sa nouvelle compagne Ariane (Bwanga Pilipili), une époustouflante vénus d'ébène, cadre supérieur dans une banque suisse.
L'ex beau-frère de Dany et oncle de Jeff, Stéphane (Fred Nyssen), rocker dans la cinquantaine, artiste méconnu et sans le sou, a retrouvé parmi les legs de Papy Edouard quelques photos et BD qu'il compte glisser sous le sapin en même temps que de vieux CD de ses mémorables concerts dans l'un ou l'autre café de la capitale.
Tout se passe cahin-caha jusqu'au moment où Will se rend compte que parmi les cadeaux figure "Tintin au Congo" d'Hergé que Stéphane a spécialement réservé à Jeff. Will, juriste international bien-pensant et bien pédant, explose la soirée. Montant sur ses grands chevaux, il en fait une affaire d'état et la soirée devient une tribune où le passé colonial de la Belgique ainsi que les affinités politiques douteuses des ascendants familiaux refont surface sous les regards indifférents de Jeff et Ariane qui apparemment à mieux à faire qu'entrer dans la mêlée.
Albert Maizel, co-directeur du TTO, signe ici un véritable vaudeville avec des personnages croqués sur des gabarits de BD. C'est de son expérience personnelle du racisme en société que le spectacle tire son souffle. "Ca vous tombe dessus quand vous avez vraiment mais vraiment autre chose à faire ou que les circonstances ne s'y prêtent absolument pas"..." Loin de vouloir refaire un énième procès du colonialisme, l'objectif est ici de revendiquer le droit à l'indifférence en tant qu'Africain quand LE "sujet" vous tombe dessus au moment le plus mal choisi. Le personnage d'Ariane, central dans le dilemme qui déchire la tablée (fallait t'il offrir ce cadeau dont personne ne se souvient du contenu) ou le brûler, va donner à l'intrigue une tournure inattendue comme un bol d'air frais après une soirée orageuse.
Nathalie Uffner offre au spectacle une mise en scène soignée assistée par Charly Kleinermann pour un décor qui dynamise la pièce. Tout se passe dans la cuisine cossue des hôtes, une manière d'éviter une discussion assise qui aurait alourdi les propos. Ici les portes claquent, les confidences se libèrent et le frigo en prend un coup!
On ne peut que recommander ce spectacle qui n'a pas la prétention de faire débat mais reste un moment de franche détente grâce à l'interprétation impeccable et typée de tous les comédiens.
Palmina Di Meo
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