Laurence Vielle est une de nos meilleures comédiennes. Elle est aussi une poétesse admirée. Conformément à un usage réactivé voici quelques années, elle vient d’être élue pour deux ans « poète nationale ». En cette qualité un peu étrange, elle créera durant cette période six textes par an consacrés à sa vision de la Belgique. Ces textes poétiques seront publiés dans le journal « Le Soir ».
Associé à cette entreprise, ce journal publiait donc ce jeudi un entretien avec la po...étesse.
A la question angoissante, « C’est quoi être poète ? » Laurence Vielle répond : « Je me rappelle qu’à six ans j’étais dans une rivière, j’avais appris le son « u » à l’école et je criais plein de mots en « u ». La poésie et l’oralité ont toujours été pour moi complètement liés. Et être poète c’est une façon de se mettre en résonnance avec les vibrations du monde quelles qu’elles soient, avec les mots. Pour moi, la poésie est musicale, rythmique, orale. La poésie, c’est une force vive dont le monde a grand besoin ». D’ajouter plus loin que les enfants sont presque toujours sensibles à la poésie…
Certes, cette réponse évoque davantage la démarche poétique que la poésie elle-même : on peut en effet repérer tout ce que Laurence Vielle en dit dans la peinture, en musique ou encore dans le roman. Ce qui distingue sans doute le poète c’est que cette résonance présente chez les autres artistes "par surcroit", lui, le poète, la convoque à tous les instants de sa création.
Cette vocation tôt ressentie par la poétesse au bord d’une rivière m’évoque les premiers poèmes d’Hölderlin magnifiquement commentés par Ph. Jaccottet dans sa préface à l’édition des œuvres de ce grand poète.
Hölderlin a seize ans ; il est pensionnaire dans un séminaire et loin des siens, se remémore les bons moments passés avec son demi-frère :
« ö mon bon Charles ! C’est l’un de ces beaux jours
Que nous étions ensemble sur les grèves du Neckar,
Heureux de voir les vagues battre dans le rivage
Et jouant à creuser des ruisseaux dans le sable…
Puis je levai les yeux : dans le soir miroitant
Le fleuve paraissait. Une émotion sacrée
Me fit vibrer le cœur : soudain je ne ris plus,
Soudain, plus grave, je laissai nos jeux d’enfant
Et balbutiai, vibrant : il faut prier !
Ce qui a saisi le jeune enfant, c’est le fleuve et sa présence formidable : son mouvement et le jeu de la lumière à la surface de ses eaux dans la venue du soir. Présence et pressentiment qu’autre chose se révèle dans ce chant du monde.
C’est peut-être cela qui peut nous sauver : nos retrouvailles avec cette « émotion sacrée »
Commentaires