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Il s'agit d'u recueil poétique de Victor Hugo (1802-1885), publié simultanément à Bruxelles chez Alphonse Lebègue et Cie et à Paris chez Pagnerre et Michel Lévy en 1856.

 

Les 11 000 vers des Contemplations furent écrits dès 1834, mais surtout pendant l'exil à Jersey, puis à Guernesey, en particulier à partir de 1853 alors que Hugo composait les Châtiments. Mettant fin au silence lyrique qu'il observait depuis les Rayons et les Ombres (1840), le recueil, sommet de sa production poétique, somme de sa vie, de sa sensibilité et de sa pensée, se présente comme «les Mémoires d'une âme» (Préface). Si «une destinée est écrite là jour à jour», le recueil s'érige aussi en expression d'une expérience, celle d'un homme qui se veut comme les autres: «Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous.»

 

Si l'exil politique se fait de plus en plus figure du hors-lieu ou du hors-jeu, s'il se métamorphose en poème, et informe les Contemplations, un autre exil, affectif et moral celui-là, la mort de sa fille Léopoldine, tragiquement noyée à Villequier avec son mari Auguste Vacquerie le 4 septembre 1843, rend nécessaire la reconstruction par l'écriture poétique d'un sens de la vie.

Mais ce deuil n'est que la terrible image d'une mort encore plus essentielle, celle d'un moi sublimé en poète. Le recueil transcrit l'itinéraire spirituel d'un «je» poétique tout en accumulant les expériences du moi personnel. La contemplation devient le point de vue d'une âme après la mort, une posture poétique qui équivaut à l'activité poétique même: «Ce livre doit être lu comme celui d'un mort» (Préface).

 

La structure du livre, cette «grande pyramide» (A Hetzel, 31 mai 1855), reflète cette démarche. Si en 1854 Hugo pensait à quatre sections («Ma jeunesse morte», «Mon coeur mort», «Ma fille morte», «Ma patrie morte»), il s'arrête finalement à un dyptique articulé autour de deux parties d'égale ampleur, «Autrefois» (77 pièces) et «Aujourd'hui» (59 textes), diptyque centré sur la mort de Léopoldine («Un abîme les sépare, le tombeau», Préface). Chacune de ces parties comporte trois livres qui sont autant d'étapes de ce cheminement «sortant de l'énigme du berceau et aboutissant à l'énigme du cercueil» (Préface), et dont les poèmes se voient attribuer une date fictive de rédaction, ceux de la première partie étant censés avoir été rédigés avant 1843. Le recueil, livre d'un mort, se donne aussi comme le livre d'une morte, encadré par les poèmes-dédicaces, "A ma fille", "A celle qui est restée en France".

 

 

Livre de la jeunesse, «Aurore» (29 pièces) évoque les souvenirs de collège ("A propos d'Horace"), les premiers émois amoureux ("Lise"; "Vieilles Chansons du jeune temps", avec l'un des plus beaux poèmes érotiques de Hugo ("Elle était déchaussée, elle était décoiffée"), rappelle les combats littéraires, mais chante aussi le printemps ("Vere novo"), la rêverie devant la nature ("Le poète s'en va dans les champs. Il admire") ou un spectacle en plein air ("la Fête chez Thérèse").

 

Livres des amours, «l'Ame en fleur» (28 pièces) embrasse la passion pour Juliette Drouet, la déclinant depuis les premiers temps de leur union, leurs promenades en forêt de Fontainebleau ou dans la vallée de la Bièvre ("Viens! - une flûte invisible"), joies, extases et épreuves, querelles et réconciliations. Pour elle, il note des impressions de voyage ("Lettre"), ou écrit un "Billet du matin". Tantôt il lui laisse la parole ("Paroles dans l'ombre"), tantôt il rappelle "le Rouet d'Omphale", pérennisant les moments heureux ("Hier au soir"; "Mon bras pressait ta taille frêle").

 

«Les Luttes et les Rêves» (30 pièces) constituent le livre de la pitié pour la misère moderne ("Melancholia"; "le Maître d'études", "A la mère de l'enfant mort"), flétrissant les persécutions infligées aux hommes de bien, dénonçant ces fléaux, la guerre et la tyrannie ("la Source"; "la Statue"), ou ce scandale, la peine de mort ("la Nature"). Décrivant le châtiment des maudits ("Saturne"), Hugo interprète philosophiquement le mal comme une épreuve ("Explication").

 

Après la béance de la séparation, c'est «Pauca meae» - «quelques vers pour ma fille» - (17 pièces), le livre du deuil. Tantôt se révoltant contre la cruauté du destin ("Trois Ans après") ou évoquant la terrible épreuve ("Oh! je fus comme un fou dans le premier moment"), n'oubliant pas son gendre ("Charles Vacquerie"), tantôt s'attendrissant au souvenir du passé ("Elle avait pris ce pli"; "Quand nous habitions tous ensemble"; "Elle était pâle, et pourtant rose"; "O souvenirs! printemps! aurore!"), tantôt se soumettant à la volonté divine ("A Villequier"), il associe enfin à l'idée de la mort l'espoir dans l'au-delà ("Mors").

 

«En marche» (26 pièces) met en scène l'énergie retrouvée, qui apparaît dans le passage de "Charles Vacquerie", le gendre, à " Aug. V.", le compagnon d'exil. Le poète l'investit dans la méditation, depuis les impressions de promenade ("Pasteurs et Troupeaux") jusqu'aux pensées sur la condition humaine ("Paroles sur la dune"), depuis le spectacle quotidien ("le Mendiant") jusqu'à l'"Apparition", sans oublier le souvenir d'enfance ("Aux Feuillantines") ni le chien familier ("Ponto").

 

Le livre VI nous mène «Au bord de l'infini» (26 pièces). Livre des certitudes, itinéraire ("Ibo"), il se peuple de spectres, d'ombres, d'anges et, franchissant "le Pont", ouvrant sur le gouffre, parcourt l'espace métaphysique entre angoisse ("Hélas! tout est sépulcre") et espérance ("Spes"; "Cadaver") pour prophétiser ("Ce que dit la bouche d'ombre"), comme "les Mages", l'universel pardon.

 

 

Le livre VI, plus qu'il n'équilibre les autres, en constitue l'aboutissement. Tout le mouvement du recueil mène à ces révélations ultimes. Approfondissement ménagé par une progression et de subtiles symétries ou échos, trop nombreux pour être énumérés ("Melancholia", III, 2, et "les Malheureux", V, 26; "Halte en marchant", I, 29, et "Ibo", VI, 2; "Magnitudo parvi", III, 30, et "les Mages", VI, 23), mais qui érigent le recueil en combinatoire selon une stratégie de significations entrecroisées. La circularité se trouve supérieurement illustrée par l'ultime pièce, "Ce que dit la bouche d'ombre", composée la dernière, et datée du jour des Morts (2 novembre 1855).

Retournement qui superpose conquête des vérités révélées et réitération du point de départ.

Comme les Châtiments, qui annonçaient la République universelle, assomption de l'Histoire, les Contemplations anticipent sur la mort en mimant la production et le progrès d'une parole. Au lieu de renvoyer «Aujourd'hui» vers le passé aboli de la poésie «pure», celle d'un moi personnel, cet achèvement, ou cet accomplissement poétique, récupère tout le livre comme lyrisme désormais pertinent, assumé parce que sublimé, pour le nouveau «je», celui que la double fracture, politique et affective, a fait naître.

 

L'ouvrage cependant ne saurait se réduire à cette architecture certes complexe mais épurée, trop lisible. La multiplicité des thèmes, des entrées possibles, des recoupements, la dispersion autant que les rassemblements le rendent foisonnant, vertigineux. De "l'Enfance" (I, 23) à l'au-delà ("Voyage de nuit", VI, 19), de "Horror" à "Dolor" (VI, 16 et 17), des bruissements de la nature ("En écoutant les oiseaux", II, 9), de ses voix ("Mugitusque boum", V, 17) aux "Pleurs dans la nuit" (VI, 6), de "la Vie aux champs" (I, 6) aux "Baraques de la foire" (III, 19), "Crépuscule" (II, 26), "Lueur au couchant" (V, 16), "Éclaircie" (VI, 10), "Insomnie" (III, 20)... tout accède à la dignité poétique, en une immense "Religio" (VI, 20), car tout est un temple.

 

Le sacré ou la référence à l'antique, comme pour mieux s'approprier l'éternité, se manifeste dans les titres latins "Quia pulvis est", III, 5; "Dolorosae", V, 12; "Nomen, Numen, Lumen", VI, 25 et douze autres; mais depuis la désignation du modèle ("Épitaphe", III, 15) jusqu'au "?" (III, 11), entre les odes dédiées (depuis "A André Chénier", I, 5 jusqu'"Aux arbres", VI, 24) et l'indication programmatrice ("la Chouette", III, 13), une gamme titulaire jalonne les sentiers du recueil, pistes de la rêverie, de la réflexion, du souvenir, de la mélancolie, de la souffrance ou de l'élévation.

 

Tout un éventail d'inspirations et de résonances s'ouvre entre les vers simples et poignants du célébrissime "Demain dès l'aube" (IV, 14) et les développements cosmiques et métaphysiques de "Ce que dit la bouche d'ombre" (VI, 26), entre le badinage libertin ("la Coccinelle", I, 15) et la véhémence ("Écrit en 1846", V, 3), entre "Aimons toujours! aimons encore!" (I, 22) et l'interrogation de "Saturne" (III, 3), entre la déréliction de "Veni, vidi, vixi" (IV, 13) et les enchantements des "Joies du soir" (III, 26).

 

A ce déploiement prodigieux correspond un festival prosodique. Tous les mètres et les genres lyriques (parfois exhibés comme dans "Églogue", II, 12 ou "Chanson", II, 4), idylles, élégies et odes étant les plus nombreuses, toutes les combinaisons strophiques, toutes les ampleurs se répartissent dans ce livre-monde. La langue hugolienne embrasse le réel et le surnaturel, le haut et le bas, opère la révolution dans les lettres, comme le revendique vigoureusement "Réponse à un acte d'accusation" (I, 7). L'alexandrin sait se grandir jusqu'à la période rhétorique ou suggérer le vertige de l'infini, montrer sa charpente ou ménager des brisures. Art superbement maîtrisé du contraste entre les grâces plastiques et les visions olympiennes, l'écriture hugolienne offre toutes les capacités du "Poète" (III, 28), géant monstrueux de la taille d'un Shakespeare. Peinture de l'humanité et prise en charge de ses destinées, forme du temps, les Contemplations sont en définitive l'oeuvre du«secrétaire de Dieu» (P. Albouy). Hugo, homme crucifié, peut dire «Homo sum»: il réunit les deux mondes, le gouffre obscur et l'espace lumineux.

 

Le texte intégral des Contemplations

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Commentaires

  • Le monde attend un nouvel Hugo.
  •  

    Dédicaces

    J’embrasse la main

    De mes maîtres les écrivains

    Je dédie mes poèmes à Victor Hugo

    De ses œuvres on apprend tout

    L’art d’écrire les mots

    L’art de décrire les maux

    A Emile Zola je dédie cette œuvre

    L’auteur de L’œuvre

    Et de  La joie de vivre

    A Stendhal, l’intendant militaire

    Son roman  Le rouge et le noir

    Une étoile lumière

    Qui rayonne dans les foires

    A Flaubert le géant de la littérature

    Au petit Guy, il a fait découvrir

    L’originalité, comment l’acquérir

    Et les secrets de la littérature

    A Henri Troyat le grand

    Par son chef-d’œuvre Maupassant

    Sans oublier  Les semailles et les moissons

    A Bernard Clavel le père

    Il m’a fait vivre  Les petits bonheurs

    Avec son roman  Les fruits de l’hivers

    Il ne peut être que fier

    Je dédie mes vers à Max Gallo

    Qui m’a mis dans les bras d’Hugo

    A Amine Maalouf du levant

    Auteur des   Echelles du levant

    Je dédie mes poèmes à Béatrice Saubin

    Son Epreuve  n’est pas une fin

    Un récit si touchant et beau

    Où  « la vie est un cadeau »

    A Patrick Segal, je lui baisse ma tête

    Pour  L’homme qui marchait dans sa tête

    A Amélie Nothomb

    Un bonheur du ciel tombe

    Avec  Stupeur et tremblements

    On passe de bons moments

    Mes maîtres que vous soyez vivants ou morts

    Vous me soutenez très fort

    27/01/05

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