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Les Romances sans paroles de Verlaine

Il s’agit d’un receuil de vers de Paul Verlaine publié en 1874. Renchérissant sur la manière qu'il avait inaugurée dans "La bonne chanson", l'auteur évolue hardiment vers un art beaucoup plus libre. Dépris de l'influence parnassienne, il se dépouille par surcroît de ses autres masques. Il devient cet homme véridique, soucieux de tirer toute chose de lui-même, qu'il demeurera jusqu'à sa mort -pour le plus grand bien de la poésie française. Sa voix prend un nouvel accent, riche en inflexions inouïes et mûr pour ce chant profond qui sillonne toute son oeuvre et demeure inimitable.

On sait que la matière de "Romances sans paroles" se rattache aux heures les plus noires de sa vie sentimentale: la liaison particulière avec Rimbaud, la rupture dont l'épilogue fut le fait-divers de Bruxelles, le tribunal correctionnel et les maux qui s'ensuivirent. Verlaine compose tout son livre en prison. Bien qu'il n'y chante encore que des amours profanes, il se révèle poète lyrique dans toute l'acception du terme. Le recueil comporte une vingtaine de brefs poèmes qui sont groupés de la manière suivante: "Ariettes oubliées", "Paysages belges" et "Aquarelles". Il faut y ajouter un texte de plus longue haleine, intitulé "Birds in the night" ("Vous n'avez pas eu toute patience, -Cela se comprend par malheur, de reste -Vous êtes si jeune et l' insouciance - C'est le lot amer de l'âge céleste"). La plus subtile naïveté se fait jour dans les "Ariettes": "Il pleure dans mon coeur - Comme il pleut sur la ville. - Quelle est cette langueur - Qui pénètre mon coeur?" Ou la mélodie la plus imprécise: dans l'interminable "ennui de la plaine - La neige incertaine - Luit comme le sable". Il arrive même que tout se réduise à un simple balbutiement: "O triste, triste était mon âme - A cause, à cause d'une femme". Dans "Aquarelles", on trouve l'incomparable élégie intitulée "Green", laquelle passe à juste titre pour un des morceaux les plus achevés de la poésie universelle: "Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches - Et puis voici mon coeur qui ne bat que pour vous. - Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches - Et qu'à vos yeux si beaux l'humble présent soit doux". (Yves-Gérard Le Dantec observe que ce poème rend exactement le même timbre que les "Roses de Saadi" de Marceline Desbordes-Valmore: "J'ai voulu ce matin te rapporter des roses..."). On sait que le recueil de Verlaine passa d'abord inaperçu. Il n'obtint un certain succès que douze ans plus tard, lors de sa réimpression, en 1887. Aujourd'hui, certes, la plupart de ces poèmes vivent dans la mémoire des hommes. On le conçoit: pareille musique prévaut sur bien des sortilèges. Thibaudet, d'ailleurs, y voyait "le point le plus haut de la fusée verlainienne".

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