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Les heures du soir de Verhaeren

12272721280?profile=originalIl s’agit d’u recueil poétique d'Émile Verhaeren (Belgique, 1855-1916), publié à Leipzig chez Insel-Verlag en 1911.

 

C'est Stefan Zweig qui, invité habituel du "Caillou-qui-bique", le havre campagnard de Verhaeren, lut les poèmes en manuscrit, et les porta à l'éditeur allemand. Le recueil, commencé en 1906, "clôt le cycle des Heures [commencé avec les Heures claires (1896) et poursuivi par les Heures d'après-midi (1905)], conçu en dehors de toute préoccupation d'école, avec le simple désir de conserver à jamais la mémoire des instants les plus doux [...] qu'il soit donné de vivre à des êtres d'exceptionnelle bonté" (A. Fontaine).

 

La nature crépusculaire est complice de l'union des vieux amants: "Nous songions que c'était notre vie apaisée / Que ce beau soir nous dévoilait." Revient alors le souvenir d'un séjour fait à Glabeek, dans la Campine, en 1893, où leurs deux cours étaient "remplis jusqu'au bord de la ferveur du monde" (III). Ni l'âge ni le temps ne tuent le désir, mais lui donnent au contraire une seconde jeunesse, une "tiédeur dernière" semblable à celle du jardin à l'automne (IV, V). Ce jardin est à la fois le catalyseur de souvenirs flamboyants et la pierre de touche de la mort: "Mon être est comme entré dans sa ruine à lui / Et j'apprendrai ma mort en comprenant la sienne" (VI, VIII). La tendre intimité entre la lampe et l'âtre n'est pas cependant retrait ou fermeture au monde, mais conscience des autres, des gens des "vieux villages" (IX), et la présence diffuse de l'être cher chasse l'omniprésence de la mort dans la nature (XII, XIII). "Non, mon âme jamais de toi ne s'est lassée", tel est le murmure fervent du poète (XV), qui ne craint pas de rappeler ses fautes et ses incartades. La hantise lancinante de la décrépitude est ponctuée par un hymne à la neige et à la lumière (XIX). Les derniers poèmes sont imprégnés de la présence de la mort, jusqu'à l'adieu final à l'épouse: "Lorsque tu fermeras mes yeux à la lumière / Baise-les longuement car ils t'auront donné / Tout ce qui peut tenir d'amour passionné / Dans le dernier regard de leur ferveur dernière."

 

 

"Les Heures, c'est mon bonheur d'homme", a dit un jour Verhaeren. Cette appréciation s'applique particulièrement aux Heures du soir qui, des trois recueils dédiés "A celle qui vit à mes côtés", est sans doute le plus personnel, le plus intime. On a pu dire aussi qu'il n'y avait rien de systématique "dans ce mouvant et émouvant poème dont le créateur s'efface pour faire rayonner le visage de la femme aimée et l'essence de l'amour". Faire rayonner est l'expression juste car l'épouse est la détentrice et la dispensatrice de la lumière du monde ("Tes yeux qui n'ont peur d'aucune lumière") et le poète aspire "A finir en tes yeux ma belle vie humaine". On connaît le rôle capital joué par Marthe Massin dans la vie de Verhaeren, qu'elle aida à sortir de la phase d'autodestruction dans laquelle il s'était engagé à l'époque des Flambeaux noirs. Après vingt ans de vie commune, elle est encore pour lui "un calme et sûr asile". Sans doute le poète ne peut-il échapper à la conscience du temps et de la dégradation de l'image aimée: "Tout est changé, même ta voix / Ton corps s'est affaissé comme un pavois / Pour laisser choir les victoires de la jeunesse." Le miracle est que, à travers ces images de décrépitude, restent toujours présentes les splendeurs de jadis, et même, qu'elles sont comme démultipliées. C'est le plus bel hommage que la vieillesse puisse se rendre à elle-même, que de s'identifier à ce qu'elle n'est pas.

Robert Paul in arts et lettres

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