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Dans son « Journal d’un inconnu », recueil d'essais publiés en 1953 par Cocteau, c’est au problème de l' invisibilité et, plus génréralement, à l' Invisible, que l’auteur se consacre. Seul donc, Cocteau, avec son bagage de pionnier, va s'engager dans une nouvelle "zone" interdite par l' habitude et la limite de nos sens. La jeune science ouvre à l'esprit du poète des "espaces infinis", qui, loin de l'effrayer, le rassurent car le malaise de vivre sur terre y cesse enfin.

Depuis longtemps, Cocteau a pressenti que le temps, les distances, le loin et le près, sont des inventions de l'homme, commodités au départ devenues par la suite tyrannies ou épouvantails. Le chapitre "Des distances" que Cocteau considère comme le pivot même de son livre, est le plus vertigineux, le plus neuf, le plus riche d' avenir. Certes, on en a déjà trouvé certains éléments, dès le premier "Potomak". Mais le discours sur l' éternel présent et la simultanéité n'avait jamais jusqu'alors atteint cette rigueur.

Le détail de cette recherche, menée avec une étonnante souplesse, est passionnant, convaincant, sans jamais appeler à son secours la référence pédante. Et l' optimisme foncier du poète s'y acharne à combattre le pessimisme qui nous accable à tort, puisque les données de notre désespoir sont fausses. "Même si la prison est à perpétuité, mieux vaut pour un prisonnier comprendre qu'il est en prison. Cela engendre l' espoir et cet espoir n'est autre que la foi". "Le journal d'un inconnu" attaque tous les conformismes de pensée et les fausses vérités établies à la manière de certains livres de combat, comme "Humain trop humain", "Par-delà le bien et le mal", où Nietzsche emploie la technique des moralistes français. Mais la nature apollinienne de Cocteau, son élégance et sa beauté, ont évité à son ouvrage tout caractère agressif. Quelle agressivité ressentirait-il d'ailleurs dans le haut domaine où il veut nous entraîner? L'essentiel n'est pas de combattre, mais de projeter la lumière sur ce qui importe. "Et ce qui importe ne peut être qu'inconnaissable, puisque sans aucune ressemblance avec quelque chose de déjà connu". Le livre se termine par une étude de "L' amitié", reprise des thèmes développés dans "Opium" et "La difficulté d'être". L' amitié est justement un sentiment méconnu, sinon méconnaissable. Jean Cocteau affirme qu'il s'y acharne, car "il préférait être condamné pour une préférence de coeur que pour une doctrine de son esprit". Notre monde empoisonné par le virus politique ne compte plus que des partisans ou des ennemis. Une fois encore, Cocteau est seul à défendre un territoire de l'âme menacé par les passions lourdes, ou, ce qui est pis, par l' indifférence. L' amitié réclame le désintéressement, un contrôle continu, la clairvoyance. C'est qu'elle n'est pas un instinct, comme l' amour aveugle, mais un art. Définir l' amitié, c'est encore définir la poésie. A ces trois textes importants, Cocteau a joint quelques petits essais: "De la naissance d'un poète" tente de saisir la genèse de "L'ange Heurtebise"; "D'un morceau de bravoure" raconte la querelle avec François Mauriac au sujet de "Bacchus"; "D'une justification de l' injustice" démèle les rapports du poète avec Maurice Sachs, André Gide et Claude Mauriac. "Le journal d'un inconnu" s'achève par des notes sur "Oedipe-Rex" et la description des mimes qui rehaussaient l'oeuvre en 1952, ainsi que des notes sur le "Voyage en Grèce" (12-17 juin 1952).

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