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L' étoile Vesper

12272812485?profile=original« L’étoile Vesper » est un récit de souvenirs de Sidonie-Gabrielle Colette, dite Colette (1873-1954), publié aux Éditions du Milieu du Monde (Genève, Paris, Montréal) en 1946.

 

Après les épreuves de la guerre, Colette connaît celles de la maladie. Elle souffre en effet d'une arthrite qui la rendra impotente. Cette immobilité forcée est propice aux vagabondages de l'esprit vers le passé et à ceux du regard dans les jardins du Palais-Royal, sur lesquels donne la fenêtre de l'appartement de l'écrivain.

 

L'ouvrage est scandé par de brefs dialogues entre Colette et son mari, Maurice Goudeket, qu'elle appelle «mon cher ami». Soulignés par l'italique, ces passages, où son compagnon s'enquiert avec sollicitude de l'état physique ou moral de Colette malade, sont autant de rappels à la réalité et au présent. Le livre est en effet consacré aux rêveries de Colette qui, condamnée à l'immobilité, voyage par l'esprit au pays des souvenirs. L'écrivain n'évoque ici ni son enfance à Saint-Sauveur, à laquelle elle a déjà consacré plusieurs ouvrages (voir surtout la Maison de Claudine, la Naissance du jour et Sido), ni la période de son mariage avec Willy, relatée dans Mes apprentissages. Sans se préoccuper de l'ordre chronologique, Colette ressuscite, au gré de ses pensées vagabondes, diverses périodes de sa vie depuis l'époque où elle écrivait dans le Matin (à partir de 1910) jusqu'à celle de la Seconde Guerre mondiale et de l'Occupation (le traumatisme causé par l'arrestation de Maurice Goudeket, qui fut heureusement relâché, est encore vivace). L'auteur, à travers quelques portraits, fait revivre aussi les amis disparus (la figure de la poétesse Hélène Picard est singulièrement émouvante).

 

Ce livre est, ainsi que le titre l'indique, celui de la vieillesse. Vesper est, après Lucifer, le troisième nom de la planète Vénus: «A son troisième nom, Vesper, j'associe, je suspends celui de mon propre déclin [...] A Vesper aux trois noms, la suivante du soleil, je dédie mes propres vêpres.» Le temps de l'amour et de ses troubles est désormais révolu. C'est maintenant l'époque du renoncement à la séduction et à l'ardeur des passions. Le symbolisme cosmique du titre souligne le caractère naturel et inévitable de ce parcours que Colette accepte avec une attentive lucidité mais sans pessimisme, en «vieillard normal, donc qui s'égaie facilement». Au détour de quelques phrases, toujours pudiques, sur la douleur perce parfois un accent plus pathétique. La souffrance n'est pas tue, mais elle est le plus souvent tenue à distance par un irrépressible humour.

 

L'Étoile Vesper est à la fois la conséquence de l'invalidité imposée par la vieillesse et le moyen de la surmonter. Colette, qui sait en effet «élever son impotence à la hauteur d'un privilège», fait de l'écriture un moyen d'accéder à la pacification et à l'harmonie de son être. L'oeuvre intime revêt donc une fonction heuristique. Une fois terminés «primo, une nouvelle; secundo, un gentil articulet», lorsque «l'heure est de [s]'abandonner à des rêveries plus vaines», la prose de Colette épouse les méandres d'une pensée en liberté, d'«une contemplation sans buts ni desseins». Tournée vers soi, la littérature, à l'heure de la vieillesse, s'affranchit de toute préoccupation séculière et, du même coup, renonce à la fiction: «Voici que l'empêchement de marcher et les années me mettent dans le cas de ne plus pécher par mensonge, et bannissent de moi toutes chances d'événements romanesques». L'approche de la mort purifie et dépouille l'écriture, la portant aux bords même du silence car «écrire, c'est souvent gaspiller». Colette pensait que l'Étoile Vesper serait son dernier livre. Elle termine l'ouvrage par ce voeu: «Désapprendre d'écrire.» L'oeuvre suivante - et, cette fois la dernière - de Colette, le Fanal bleu, montrera que c'est à la mort seule qu'il échoit de mettre un terme à l'écriture.

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Commentaires

  • Hélas, la fréquentation des écrits de Colette nous a longtemps été interdite ... mis à part quelques extraits.

    Il ne fallait pas donner de vilaines idées aux oies blanches que nous étions !

    Mais, parfois, le cinéma a arrangé bien des choses : je me souviens d'une image fugace bien ancrée dans mes souvenirs : Colette dansant nue tout en faisant passer un ballon autour d'elle avec une grâce infinie. 

    Et l'adaptation de son fameux livre Gigi, un rêve ! Merci de nous réorienter vers elle, cette très grande dame si digne face à la vieillesse et aux restrictions qu'elle impose. Comme le disait une amie : "attardons-nous plutôt sur ce qui, en nous, reste valide" et n'oublions pas la gaîeté, le rire, l'humour ... et, ce cadeau que nous avons  le privilège de connaître : Internet. Qu'en aurait-elle fait ? Ah si nous avions les possibilités de lui poser la question. On peut toujours rêver. Je ne connaissais pas du tout l'étoile Vesper (Vespérales évidemment oui, c'est un mot qui berce tout en douceur)

  • Très grande Dame, sur cette photo accompagnée par ses chats, SUBLIME.

    Je m'y balade souvent.

  • "L'approche de la mort purifie et dépouille l'écriture, la portant aux bords même du silence car écrire, c'est souvent gaspiller"

    "Désapprendre d'écrire" : Ne reste plus alors qu'un souffle bleu, l'essentiel !!!! VIE.

    Oh comme je vous aime Colette, vous êtes un peu ma mère en matière d'écriture.

    Il me faut grandir, grandir encore, tout le temps.

    Merci au passage à Monsieur PAUL de vous rendre un tel hommage !

  • Merci pour cette intéressante présentation. Robert Paul.

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