L’ESPACE COMME THÉÂTRE DU SENTIMENT VITAL : L’ŒUVRE GRAPHIQUE DE SERGE DEHAES
Du 06 au 29-08-21, dans le cadre du SALON d’ÉTÉ 2021, l’ESPACE ART GALLERY (83, Rue de Laeken 1000 Bruxelles) a le plaisir de vous présenter l’œuvre du peintre et dessinateur belge, Monsieur SERGE DEHAES.
Avec SERGE DEHAES, nous avons affaire à un artiste « polyvalent », en ce sens qu’il associe avec le même bonheur, l’aquarelle, le dessin, la peinture et la bande dessinée. Cet éclectisme est corroboré par une excellente connaissance des styles. Chacune des œuvres exposées est un concentré de maîtrise, stylistique et technique.
NEDER SUR MEUSE (29 x 39 cm-aquarelle, pastel et crayon)
Cette œuvre concrétisme l’association de l’aquarelle, par ses couleurs tendres posées en aplat, soulignant les fleurs ainsi que la végétation entourant la maison avec la grande qualité du dessin. Ce dessin, lequel par la mise en perspective du dispositif mural de la maison, agencé par le dispositif des fenêtres, articule le mur en accroissant la sensation d’avancement. La peinture, présente dans la conception des arbres, met en exergue les troncs. Particulièrement en ce qui concerne l’arbre en avant-plan sur la droite donc les racines s’immergent dans l’eau. Observez la façon dont l’écorce est soulignée. De longs traits au crayon, structurent le corps de l’arbre sur toute sa longueur, le recouvrant de sinuosités, accélérant ainsi le rythme du mouvement des racines se dilatant vers l’eau. L’artiste s’est exclusivement concentré, en premier, sur la couleur en attendant qu’elle sèche pour utiliser, par la suite, un gras au lieu d’un crayon aquarelle. La présence du peintre se ressent également dans la conception du petit sentier en pierres se mouvant vers l’intérieur du jardin dans son uniformité géométrique. Elle se révèle aussi dans la conception spatiale : 6 plans structurent l’ensemble de la toile.
- le cours d’eau réfléchissant la silhouette des arbres et de la maison
- l’allée en terre claire sur laquelle évoluent les personnages
- le jardin sur lequel trônent les arbres et la maison
- le champ désert strié par des sillons
- l’allée des arbres verts
- le bleu clair du ciel, encadrant l’ensemble de la composition et faisant écho avec le bleu (plus foncé) du cours d’eau agité par les remous.
L’ensemble vibre à l’intérieur d’une dynamique rarement atteinte à l’intérieur d’un calme ambiant.
Le coloriste se révèle dans la magnifique conception de la couleur verte dans l’élaboration du gazon ainsi que des feuilles des sapins.
Chacune d’entre elles est tributaire de deux tonalités axées sur le vert : l’une claire, l’autre sombre. Le chromatisme régissant les fleurs sur le parterre, associant essentiellement le rouge, le jaune et le bleu, confère à l’ensemble une gaité ainsi qu’une innocence, débouchant sur l’idée d’un style, celui de l’art dit « naïf » réinterprété selon la sensibilité de l’artiste. Notons que ce dernier a traité l’arrière-plan du tableau, par après, en atelier.
TOKYO (59 x 43 cm-digigraphie)
C’est avec cette œuvre que s’affirme le dessinateur de bande dessinée. Elle s’inscrit dans ce que l’on pourrait qualifier d’ « aventure urbaine », en ce sens que l’artiste a fait partie d’un groupe appelé « The Urban Sketchers », dont l’enjeu consistait pour les artistes (qui ne se connaissaient pas) à se donner rendez-vous dans une ville déterminée et de dessiner un même sujet à partir de visions différentes. Et ce, quel que fut le temps. Il est arrivé à l’artiste de travailler sur place pendant trois ou quatre heures d’affilée. Créée, précisément « in situ » au Japon (comme son titre l’indique), cette œuvre se distingue par son côté « crépusculaire », suscité par un ciel rouge alterné de jaune, contrastant avec deux zones sombres coupées par une plage blanche en leur milieu, dans le bas de la toile. L’ensemble des passants déambulant dans la rue accentue ce côté « crépusculaire ». Les édifices sont traités, chromatiquement, par du bleu foncé (en dégradés) et du blanc (également en dégradés), alternant avec des notes jaunes et rouges : les hiéroglyphes japonais sur le toit de l’immeuble au centre, à l’arrière-plan de la toile. Les fils électriques des poteaux servent d’axes reliant divers points dans l’espace, augmentant ainsi la dynamique narrative. Le visiteur sera à coup sûr intrigué par cette croix blanche, posée au sol entre deux plages, d’un bleu sombre. Si l’artiste Ignorait l’explication de sa présence sur ce lieu, force est de constater que cette forme va jusqu’à intriguer le passants, puisqu’un couple se fige face à elle de façon ostentatoire.
CHEZ ANNICK SCHAERBEEK (100 x 320 cm-huile sur toile)
Il s’agit d’un diptyque comportant des similitudes au point de vue de l’organisation spatiale :
- les deux panneaux sont structurés à l’arrière-plan par deux fonds chromatiques différents : du rouge pour le panneau de gauche et du bleu pour le panneau de droite. Tous deux sont encadrés par une plinthe blanche, délimitant le plan moyen. Une ligne, également de couleur blanche, sur le panneau de gauche, fait office de séparation entre les deux pièces (les deux panneaux)
- l’organisation spatiale des deux panneaux s’articule sur un avancement des deux pièces centrales, à savoir les cheminées, lesquelles accentuent progressivement leur rythme vers l’avant. Cet avancement prend son point de départ à partir du prolongement du mur formant un cube.
L’avant-plan, faisant office de parquet, offre un ensemble cinétique déterminant pour la dynamique de l’œuvre. Il y a une opposition subtile exprimée entre l’élément vertical de l’arrière-plan et l’élément horizontal de l’avant-plan, offrant un déséquilibre visuel accentué par des situations presque en trompe-l’œil : les lamelles du parquet, le revêtement en damier, noir et blanc, à l’intérieur de la cheminée ainsi que le tapis posé sur la droite du panneau de gauche. La verticalité est assurée, notamment, par les deux fauteuils striés, accentuant l’affrontement visuel entre les éléments verticaux et horizontaux.
La table retournée, soutenue par trois chaises, sur laquelle sont posés différents objets lesquels, de par la position oblique de la table, offrent un déséquilibre trouvant son origine dans la peinture de Matisse. Déjà, concernant NEDER SUR MEUSE (évoqué plus haut), l’artiste avait basé sa composition sur ce même principe. Prenons en considération le fait qu’il aime les points de vue frontaux, donnant au visiteur le sentiment d’un décorum théâtral.
Concernant l’œuvre précitée, nous avions attiré l’attention sur le fait que l’artiste avait reproduit le style dit « naïf » selon sa sensibilité propre.
ACADEMIE DE ST. JOSSE (27 x 33 cm-aquarelle, pastel, crayon)
Avec cette œuvre, nous assistons à une déclinaison, à la fois picturale et conceptuelle du verbe « Apprendre ». Que voyons-nous? Une leçon basée sur l’apprentissage, à savoir l’image des élèves face au model à reproduire. A’ partir de « gribouillis » « maladroitement » posés, remplissant les personnages soit entièrement, soit sommairement, signifiant les visages dans les traits les plus évidents, parmi lesquels le nez, l’artiste nous convie vers une évocation rappelant l’écriture « enfantine », laquelle évoluant en dehors de toute culture, c’est-à-dire de toute « norme », se passe de codifications. Cette liberté retrouvée est une évocation sans entraves de l’Art brut (évoquée plus haut).
SERGE DEHAES a fait ses études à l’Académie des Beaux Arts de Bruxelles où Il a étudié le graphisme. Illustrateur, il enseigne la communication visuelle dans cette même institution.
Il retouche parfois ses toiles dans son atelier même si, de façon générale, l’essentiel de son travail est accompli. Le graphisme, la peinture, l’aquarelle, le dessin et le pastel, constituent l’éventail de sa personnalité créatrice. Chacune de ces disciplines lui permet de s’affirmer dans chaque domaine. Cette démarche est, comme il se plaît à le dire, dicté par le principe de la nécessité : celle d’un changement évolutif. Même si ce n’est pas fréquent, il lui arrive de prendre des photos mais uniquement dans le but de les retravailler picturalement. Mais ce qui d’emblée saute aux yeux, c’est son amour pour la couleur. Coloriste attitré de l’auteur de bandes dessinées Philippe Geluck, il travaille sous la contrainte morale de ne jamais tomber dans cette routine que seraient les « redites » en termes chromatiques concernant un même sujet. De toutes les étapes créatrices, c’est la couleur qui vient en premier. En effet, celle-ci est envisagée avant même la conception du dessin. L’artiste travaille au crayon aquarelle. Les masses de couleurs profitent de leur aspect consistant pour que l’on y dessine par dessus. Selon lui, le « dessin pur » n’est pas suffisant car il doit jongler avec l’ensemble des éléments, tels que la mise en couleurs et la perspective, à l’intérieur de la composition générale. Plusieurs artistes structurent son écriture picturale. Parmi ceux-ci, MATISSE (évoqué plus haut) et PICASSO ont une valeur primordiale. Matisse, en ce qui concerne la scansion rythmique de l’espace ainsi que pour son amour des couleurs posée en aplat. Pour la prédominance de cette même couleur sur le dessin ainsi que pour la pose du dessin dans la couleur. Picasso, parce que l’artiste le considère comme un chercheur infatigable, prêt à toutes les expériences, évitant ainsi le piège de cette « routine » dont nous parlions plus haut concernant le besoin de renouveler son travail de coloriste au service de l’auteur de bandes dessinées Philippe Geluck.
SERGE DEHAES nous convie dans son univers féerique où les couleurs enrichissent et définissent l’atmosphère trouvant ainsi sa révélation dans un déséquilibre progressif au diapason du regard lequel, à chaque étape de son périple, réinvente le sentiment vital de l’espace.
Signature de l'artiste: Collection "Belles signatures" © 2021 Robert Paul
N.B. : Ce billet est publié à l'initiative exclusive de ROBERT PAUL, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.
Robert Paul, éditeur responsable
A voir:
Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza
L'artiste SERGE DEHAES et François L. Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles
Photos de l'exposition de SERGE DEHAES à l'ESPACE ART GALLERY
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L’artiste belge Serge Dehaes a exposé ses œuvres dans la galerie en 2021. Et son billet d’art du critique d’art François Speranza sera publié dans le « Recueil n° 10 de 2021 » par « Les Éditions d’art EAG » dans la Collection « États d’âmes d’artistes » en 2022.
Lien vers la vidéo lors du vernissage de son exposition dans la galerie :
https://youtu.be/Ed5nxZvb0-4