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L'amour d'une pharmacienne de province

 

Liliane avait épousé Etienne Visart, un pharmacien dont l’officine, paraît-il, valait de l’or. Il était plus âgé qu’elle de près de trente ans. Il était fortuné et s’était amouraché passionnément de cette jeune femme dont les regards l’enflammaient. Deux ans plus tard il s’était éteint. Les mauvaises langues prétendirent que c’était les exigences sexuelles de Liliane qui l’avaient achevé. Qui peut l’affirmer ?  Une pharmacie, parfois, pouvait receler bien des mystères. 

Liliane avait eu une vie amoureuse agitée mais seulement après la mort de son mari. Avant son mariage, durant ses études, elle n’avait pas été très farouche mais pas davantage que nombre d’étudiantes  soucieuse d’un mariage honorable.

Son mari avait été plein d’attentions au début de leur mariage. Liliane avait été sa laborante, elle sortait tout juste de la faculté de pharmacie. Elle avait à peine 24 ans, il en avait trente-cinq de plus. Il était veuf. Il aimait la bonne chère, le vin, l’alcool et le sexe. Tout en Liliane lui donnait envie de la prendre à n’importe quelle heure du jour. Il lui disait :

- Tu vois l’effet que tu me fais. Tu peux le dire, tu sais. Je te fais bien l’amour, hein ?

Un malade, dit-elle. Plus que de l’attirance pour sa femme, il voulait manifester sa virilité. Et qu’elle le dise quand ils recevaient des amis.

Il avait fait installer un poste de télévision sur une petite table en face de leur lit. Couchés, ils regardaient ensemble les films pornographiques des chaines spécialisées ou des cassettes qu’il ramenait de ses déplacements d’affaires. Son mari disait :

- Cela réveille l’appétit.

Un jour, à Paris où elle se rendait de temps à autre pour respirer l’atmosphère d’une grande ville, et qu’elle sortait de l’hôtel, elle passa devant une boutique où on vendait de la lingerie fine. A l’intérieur, c’était des objets érotiques qui étaient exposés. Un instant, elle avait été tentée de sortir. Puis, sans dire un mot, elle désigna à la vendeuse un vibro-masseur.

- Vous avez une préférence pour la tête ?

Elle s’en servit quelques fois mais n’en était pas réellement apaisée. Elle le glissa dans le tiroir de sa table de nuit. Tout au fond.

A vingt kilomètres de la ville sur la grand’ route, il y avait une discothèque fréquentée par des dragueurs et des femmes qui souhaitaient se faire draguer. Les jeunes gens qui ne songeaient qu’à boire et à danser se rendaient plutôt au disco-bar, un peu plus loin. Des frontières impalpables, comme dans la vie réelle, se constituaient dans le monde de la nuit selon les affinités et les âges. Chez les plus âgés, souvent, les sentiments s’exprimaient dans l’urgence. La distinction paraissait évidente à des yeux avertis.

Liliane y rencontrait parfois le videur de la discothèque, un robuste personnage, fruste d’aspect, d’une animalité impressionnante, surnommé El Toro. Un homme que personne ne connaissait très bien. Il l’emmenait dans sa chambre, et sans échanger beaucoup de mots, c’est elle qui en disait le plus, ils faisaient l’amour.

El Toro avait été retrouvé mort dans son lit. Un arrêt cardiaque, semblait-il. On ne lui connaissait personne de proche. On ne connaissait pas son nom véritable. Il travaillait illégalement. Quelques jours plus tard, il avait été enterré dans la partie du cimetière réservée aux indigents. Le patron de la discothèque avait engagé un autre videur. Un robuste gaillard que les clients baptisèrent : El Toro.

Depuis sa mort, elle avait eu des aventures qu’on dit sans lendemain. Sans en refuser beaucoup.

Elle disait :

- La vie est courte. Le jour où je n’en aurai plus, c’est que mon corps sera devenu tellement moche que ça ne vaudra plus la peine de vivre. C’est le regard des hommes qui te rend belle.

Elle ajoutait :

- Se faire belle, toujours. Moi, je me parfume partout, ça les rend fous.

Liliane avait vraisemblablement raison. On aime avec son cerveau, et on aime avec son corps. Les deux, pas nécessairement en même temps.

 

 

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Commentaires

  • Le El Toro et la pharmacienne me rappellent quelque chose. Sans aucun doute, déjà lu.

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