Je t’aime a-t-il dit, une volée de papillons a frémi dans mon sang, les abeilles ont rampé dans mes veines, mon cœur s’est envolé ainsi que la dextérité de mes mains, j’ai écrit les grenades et j’ai enlevé les pépins au poème, je l’ai pressé jusqu’à ce que le sens de la vie perde connaissance.
Je t’aime a-t-il dit, le temps s’est assoupi pendant une dizaine d’années ou plus, au moment où le visage est pomme et le rêve un ange cueillant la lumière et m’offre une lune et un morceau de sucre.
Je t’aime a-t-il dit, des tempêtes ont soufflé, des villes ont disparu, les cartes se sont errées sur son visage, la ville est retournée à la ville, elle a dansé un tango avec le temps sur le balcon du temps, et tous les balcons se sont courbés devant elle.
Je t’aime a-t-il dit, des caravanes de fourmi se sont massées dans mes pores tremblotant, montant, descendant et se déchainant au moindre contact, à la moindre probabilité qu’il dise encore : je t’aime.
Je t’aime a-t-il dit, mes jardins ont soufflé sur l’automne, il s’est transformé vert humide dans mon corps.
Je t’aime a-t-il dit, le ciel s’est écroulé sur moi et sur mes tristesses, il m’a entendu dire : oh ciel, je ne peux te supporter, descend dans ma main, prends le bleu et retourne, et toi la rose, bois-moi pour que tu ne dors plus, bois-moi, je suis, dès cet instant, ta source et ton eau pure et douce.
Je t’aime a-t-il dit, les branches des vignes ont trembloté, les roseaux ont éclaté, le champ s’est enivré et s’est mis à chanter, le bucheron a eu pitié du bois.
Je t’aime a-t-il dit, les beignets se sont arrondis, les verres ont libéré le bruit de leurs boissons. La prière est annoncée, les minarets ont lancé leur appel, les cloches ont sonné, l’aïd a lancé ses youyous : à la vie !
Poème de Sonia Khader
Traduit par Monia Boulila
Commentaires
Surprenant ! Mais j'aime cette force, et les mots employés pour traduire l'émotion, l'ouragan que propulse ces mots.
Bravo et merci