Paul contemple l'ensoleillement
rose étendu et posé sur la baie à minuit ;
Philippe espère revoir la mer du Nord,
sur sa terrasse niçoise,
ruisselante de roses, de mimosa, de lilas blanc ;
Yves se balade solitaire doux rêveur,
s'égare non sans plaisir,
dans ses mauves vignobles ;
Simon imagine dans sa tête,
infinie et légère,
cette musique de demain,
qui peu-à-peu prend corps ;
Michel assis près de l'âtre crépitant,
savoure l'œuvre monumentale
de la Dame de Nohant ;
Rémi installé seul dans sa cuisine claire,
prépare son cours d'histoire-géo ;
Quentin se recueille,
grand et sombre,
dans le ventre de l'église
de son petit village ;
Gille se saoule d'un faux soleil,
dans une cabine étroite et rouge,
de la région parisienne ;
Thomas apprend à lire, à compter,
à sa petite fille Anne-Lise,
studieuse, assoiffée de savoir ;
Mathieu n'a de yeux
que pour sa nouvelle voiture
décapotable et bleue ;
François au paroxysme de sa réussite,
de son ascension sociale,
s'ennuie de tout, accumule du vide,
de l'essentiel se désapprend ;
Franck caresse son chat gris-bleu,
oh tellement précieux,
sur son canapé vert,
en écoutant Mozart et Bach ;
Marc apprend une sixième langue étrangère
pour parcourir le Monde, l'écrire,
puis faire des livres ;
Gérard dans son jardin d'hivers,
dessine un pommier en avril,
une fleur intime,
pour lui défaite ;
Quant à Pierre,
il ne cesse de penser à elle,
à leurs 20 ans entrelacés ;
il pense, oh combien mélancolique,
au départ brutal d'Isabelle,
à l'apogée d'elle-même,
en plein rire !
Il songe à l'envolée sombre,
dans l'écrin blanc du silence,
à cette soudaine absence,
à ce choc tonitruant dans son
cœur fracassé.
Pierre est l'ami, le copain, le frère de
Marc, de Franck de tous les autres,
mais le deuil bleu-azur d'Isa, le place,
le maintient continuellement dans
l'entre-deux.
Plus rien ne semble ici le toucher,
ni même l'atteindre,
excepté lorsqu'il entend parfois ici et là,
le prénom "Isabelle" ; un petit feu !
Il vit, existe grâce au livre qu'il écrit,
dont les pages, d'elle embaument,
lui apportent dans sa chambre exiguë,
l'immensité, la luminosité
et le parfum d'une forêt toute entière.
C'est ainsi qu'il écrira toujours ;
la racine d'Isabelle ayant pris à jamais.
NINA
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