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Iniquité JGobert

Le jour se lève sur ce coin de terre.  Déjà un soleil franc frappe et annonce une journée torride. Dans un  petit réduit se tient, enfermé, celui qui sera l’hôte de la fête. Etouffant dans le noir, il manque d’air  et d’espace. Contraint de ne pas bouger, il rumine en silence son destin fatal.

De sa vie dans les verts pâturages, il ne reste rien que des souvenirs enfuis et vit maintenant ce jour d’angoisse qui le mène à la gloire et à la mort. Ce midi, sur la route de sa destinée, il va mourir en brave, en combattant.  Dehors des curieux viennent l’épier, l’écouter à travers cette cloison et l’imaginent ruisselant de sueur et d’écume.

Dans quelques heures, les portes s’ouvriront. La lumière aveuglante le submergera et le rendra fou. Une clameur déchirera ses oreilles et le plongera affolé dans cette enceinte de jeu. Sa vie a l’importance d’une mort, il est l’enjeu d’un spectacle.

C’est l’heure qu’ils ont choisi pour l’affronter. La porte s’ouvre. Il s’élance, superbe, brillant de sueur.  Il trébuche, se relève. Il court pour mieux s’enfuir. Il court à perdre haleine. Il pivote, s’arrête. Son regard noir scrute le ciel. Il respire enfin un peu de cet air du dehors. Devant lui,  la foule est en liesse, elle hurle, elle crie, elle délire. Mais cet endroit n’a pas d’issu. Il est cerné, pris au piège. Il va mourir.

A des milliers de kilomètres de là, depuis son arrestation musclée, il est prisonnier dans cette cellule au milieu de cette geôle immonde. Il fait le vide dans sa tête et essaie de s’échapper de cet environnement hostile.  Il n’est pas là par hasard. Il est condamné pour des méfaits, des délits qu’il nie, qu’il n’a pas fait. D’autres hommes ont rendu un jugement.

Sur cette misérable paillasse, il reste assis des heures entières. Il distingue les bruits de couloir qui l’éveillent encore un peu à la vie. Des crissements, des voix qui le relient au monde. Le vacarme répété des clés annonce inlassablement le matin, le midi, le soir. Il tourne en rond se jetant parfois contre les murs. Sur cette surface, il compte ses pas. Il est innocent. Un filet de lumière pénètre dans ce trou et l’inonde un instant de chaleur. Quelques minutes à peine et fuit comme il était venu. L’obscurité se réinstalle, froide, inquiétante et ne le quitte plus.

La sentence est la mort, il va mourir. Depuis qu’il a appris la nouvelle, son existence a pris une tout autre dimension, plus profonde, plus réfléchie, désarmante. Il attend dans le silence et se rappelle. Son esprit passe en revue sa vie de combat et de déconvenue. La chance ne lui a pas souri. Il pleure. Il  n’a pas peur de mourir. Il attend que tout s’arrête vite, très vite.

Dans une autre région, le froid se pose sur des membres endoloris, peu vêtu, les piqures du gel font très mal. Allongé contre ce muret, il n’est pas seul à attendre. Beaucoup d’autres comme lui sont là à s’épuiser, à se perdre. Il a faim, soif. Esseulé malgré la foule de ce camp de fortune, il a perdu les bases de la vie et son humanité s’échappe.  Livré à lui-même, il attend, brisé, désespéré.

Depuis ce jour maudit, où la vie a basculé et est devenue un enfer, l’existence de son peuple et la sienne ont chaviré dans un monde barbare. Il a tout perdu et reste accroché à son enveloppe charnelle, dénudée, et comme seul bien lui appartenant encore.  C’est un réfugié comme des milliers d’autres qui cherchent ailleurs  la possibilité d’être heureux. Arrêté, parqué dans ce camp, il ne comprend pas pourquoi.

De ces barbelés courant autour de lui sur d’épaisses profondeurs, il cherche le souvenir d’un passé révolu et poursuit en lui la dernière goutte de vie qu’il possède. Il va mourir.

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Commentaires

  • Oui Michel, tout parait lointain et pourtant si proche de nous. L'homme n'a de paix que dans le conflit malheureusement.

    Merci pour votre commentaire .

    Agréable 15 août

    Amicalement

    Josette

  • Tout cela semble hors du temps, dans les couloirs de la désespérance et de la mort, et pourtant si banal, si proche, là à nos portes. Les temps barbares sont ceints de barbelés.

  • Bonjour Gilbert,

    Exact, il n’est pas nécessaire de souffrir avec mais percevoir ou ressentir la souffrance pousse les gens à y remédier. En psychologie, on dit que la compassion est une variante de l’empathie axée sur la douleur.  L’indifférence devant la misère est-elle que les images que nous voyons à la télévision  ne nous font même plus sourciller, ni couler une larme. La guerre est terrible, à nos portes peut-être et pourtant, elle n’occupe pas notre esprit et nous laisse vivre tranquilles avec nos propres tourments.  Peut-être faut-il voir cela comme le rachat par la compassion d’un karma.

    Amitiés

    Josette

  • Bonjour Josette,
    Je ne pense pas qu'il faille souffrir par compassion. Au vu des mascarades, iniquités, barbaries, horreurs, infortunes, morts, misères... plus un seul jour ne peut nous ravir. Mais il faut en avoir conscience et apprécier avec humilité la paix que nous avons le bonheur de vivre encore. Encore, car la paix n'est pas stable. Elle n'est qu'un intermède entre deux guerres. Voyez à Gaza où l'on vient de négocier l'intermède pour enterrer les morts, récupérer quelques photos avant de recommencer les tirs. Qui a tort, qui a raison ? Et s'il n'y avait que Gaza !
    Il ne faut pas souffrir par compassion. Comme vous le soulignez souvent à travers vos reportages ainsi que vos charmantes lectrices et lecteurs il est de notre devoir de nous indigner. L'indignation a une vertu pédagogique, elle peut infléchir les plus fortes têtes et faire triompher le vrai progrès, celui que nous attendons depuis notre enfance et qui met tant de temps à venir ! Peut-être un jour verrons nous la vie en rose ?
    Amitiés
    gilbert

  • Merci pour votre commentaire Olivier.

    La vie n'est facile pour personne et beaucoup abusent de leur force ou puissance pour imposer aux autres des comportements inappropriés. Il y a tellement de fronts où il faut lutter que le découragement pointe parfois son nez. Mais il est exact que le terre elle-même a des ressources inconnues et que quand l'homme aura tout détruit, elle revivra sans lui.

    Amicalement

    Josette

  • Hmmm c'est dur !

    J'ai cru un moment que tu parlais d'une corrida, et je profite de mon commentaire pour exprimer mon indignation profonde aux mangeurs de viande, quelle hypocrisie , excusez moi, mais parfois je n'en peux plus, que les hommes se tuent et s'entretuent, c'est leur problème, moi, même devant un homme étiqueté d’ennemi, jamais je ne prendrais sa Vie au dépens de la mienne, qui serais-je pour juger si sa Vie a plus de valeur ou moins que la mienne.

    Mais je pense à tous ces animaux, engraissés pour avoir leur gorge tranchée, à leur vie de six mois , parfois moins parfois plus, tués dans une scène d'horreur, dans l'odeur du sang et de la peur... et de voir des gens qui laissent de la nourriture sur leur assiette, jetée !! Ah quelle honte ! Quelle Honte de savoir que cet animal à vécu un enfer d'engraissement rapide, d'avoir été tué ... pour rien si ce n'est que de finir dans une poubelle !

    Où sont nos valeurs? où est notre humanité ? Qui sommes nous devenus ?

    Le monde est si beau, nous vivons sans doute sur une des planètes les plus belles  de cet univers, avec une diversité à couper le souffle, et nous en sommes là, à nous tuer, à nous juger, à détruire et à nous détruire..

    J'ai un jour entendu que nous n'allions pas vers la fin du monde Oh que Non , nous allons vers la fin de notre existence en tant qu'Homme "homo sapiens".. la Terre elle, cette si belle planète, a tout le temps du monde, pour faire revivre tout ce que nous aurons éteint , elle reverdira, elle se repeuplera des plus belles espèces et brillera dans l'espace pendant encore bien des millions d'années..

    L'impermanence.. oui, un cycle, des cycles, notre Vie aussi en est un, la mort viendra nous ouvrir une porte...vers....

    On voit souvent, (et c'est dans notre culture judéo-chrétienne, basée sur la peur, on nous a inculqué la notion d'enfer) la mort comme une fin , comme quelque chose de mal, qui fait peur, la grande faucheuse toute en noir avec sa faucille, alors que d'autres ( ceux qui en sont revenus) parlent de lumière indescriptible, d'une sensation d'être baigné d'amour intense, de libération... alors cet homme là qui a sué, et qui va affronté sa mort, peut être que son "demain" sera bien meilleur là où il va que ce qu'il n'aurait vécu ici bas.

    On peut pleurer nos morts, je pense qu'on pleure plutôt le manque qu'ils créent en partant, car eux...sont libérés de la souffrance de ce bas monde...

    Va en paix , cher homme, face à la cruauté de tes bourreaux, reste pur, reste propre et accepte ce qui t'es donné avec les bras ouverts..

  • Ce serait tout un débat mais je pense que nous ne sommes pas égaux devant la naissance et qu'en fonction de notre éducation et des gens que nous rencontrons, nous devenons ce que nous sommes.

    Tu as bien raison: profitons au max.

    Gros bisous!!!

  • Merci Yvette pour ton commentaire. Pourquoi les hommes se divisent-ils en victimes ou en bourreaux ? les circonstances de la vie !!! je n'ose penser que l'on vient au monde avec l'un ou l'autre. Profitons de la vie comme il se doit et bonne journée

    Amicalement

    Josette

  • J'ai lu avec beaucoup d'émotion ce superbe texte qui amène la réflexion...

    Qu'est-ce qui fait que dans ce monde, certains sont bourreaux et d'autres leurs victimes?

    Quand on regarde un mignon bébé dans son berceau, qui penserait qu'un jour il sera d'un côté ou l'autre de la barrière?

    Je suis aussi pour profiter du meilleur de la vie, instant par instant... Et j'essaie, avec mes maigres moyens de d'ajouter ma minuscule goutte d'eau à l'océan en m'indignant activement.

    Belle journée à vous tous qui passerez par ici

  • Bonjour Jacqueline,

    C’est exactement ce qu’il faut faire. Prendre le meilleur de la vie et essayer d’en bénéficier avec bonheur. Voir les côtés négatifs amène forcement à se poser des questions et à réagir.

    Merci pour le commentaire

    Amitiés

    Josette

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