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Il marche JGobert

Mon maître parcourt le monde pour éveiller les consciences.  Répandre la bonne parole. Il visite la terre pour alerter les habitants et leur expliquer l’histoire, le chemin. Son domaine n’est pas Dieu mais l’homme. Il marche pour lui.

Portant les paquets, je le suis docilement. Je m’attarde le long des routes pour flâner et cueillir l’herbe tendre. J’aime les jeunes pousses et les fleurs odorantes. Toujours à quelques pas de lui, je ne cherche pas à le dépasser, le devancer. D’un pas ferme, il se déplace vers sa destinée, son avenir, convaincu de ce qu’il dit. Il a la foi du prêcheur. La détermination, la volonté de vouloir  le bien d’autrui.

L’appel est né quand il vivait en ville. Les trottoirs couverts d’infortunés, de sans-abris, d’immigrés, de femmes et d’enfants lui étaient depuis longtemps insupportables. Le nombre toujours croissant de ces déracinés, sans avenir, arrivant chaque jour le désespérait.  Les solutions constamment insatisfaisantes, le sentiment d’être inutile à cette masse humaine le rendait malheureux.

Il frappait à toutes les portes pour avoir de l’aide, prenait des rendez-vous pour essayer d’obtenir des fonds, des médicaments, de la nourriture et s’épuisait sans trop de résultat. Une quête dans la nuit qui lui devenait fatal.

Moi, je sors d’un refuge. Mon propriétaire  m’a séparé de ma mère et m’a vendu à un citadin qui avait une belle propriété.  Je faisais partie du magnifique décor.  Une belle maison, une belle voiture, une belle femme, de beaux enfants et des animaux pour égayer tout ce beau monde. Ma vie était parfaite mais j’avais un défaut. Je sautais la barrière et je gambadais dans les rues. Je mangeais les parterres et piétinais les plates-bandes.  J’étais indocile, sauvage, têtu.  

Un matin, ils sont venus me chercher et  enfermé dans un établissement spécialisé .Un réduit minable que je partageai avec un autre de mes tristes congénères. J’avais fini par me plaire et les volontaires qui s‘occupaient de moi étaient sympathiques.

La première fois que j’ai vu passer mon maître, il marchait seul, droit devant lui. Son sac sur le dos, il peinait sous le soleil, dans la sueur. Il cheminait sur les pavés de l’inacceptable, de l’intolérable, investi d’une mission. Quelques jours plus tard, il est revenu par hasard et je ne sais par quel miracle, j’ai continué la route avec lui. D’une bonté sans borne, il a fini par m’adopter et rendu la liberté.

Je suis donc libre de venir et aller comme il me plait sur les routes. Depuis, je le suis dans son interminable voyage. Je marche à ses côtés. Je l’aide comme je peux. Je lui donne toute ma tendresse, mon affection et mon temps. Il me parle parfois quand le chemin est monotone, ennuyeux, quand les hommes sont fermés, égarés dans des idées fausses.  Il lui arrive de me raconter ses rêves, ses doutes aussi. Et souvent, ses désillusions, ses déceptions qu’il tire péniblement derrière lui et dont je partage le poids.

Des hommes viennent parfois le rejoindre et faire un bout de chemin en sa compagnie. Ils sont intelligents, convaincus, persuadés de connaître la vérité mais ils ont vite fait de se fatiguer, s’épuiser et disparaissent à l’aube d’un petit matin. D’autres parlent de lui, écrivent quelques articles, le prennent en photo et le louangent. Le résultat est rarement à la hauteur de la tâche. Peu de gens se sentent concernés, intéressés par cette manière de revendiquer.

La mission n’est pas facile. Corriger l’intolérable, l’insupportable.  Réveiller la lucidité des hommes pour un monde meilleur. Eclairer les esprits n’est pas aisé, les persuader de changer est un travail difficile.  J’avoue être perdu dans son discours. Mais ses paroles me font du bien, m’apaisent même si je n’en comprends pas toujours le sens. J’écoute sans rien dire et j’aime ses mots de partage, d’amour, de paix, de liberté.

Cet homme de bonne volonté a tout quitté pour éveiller les consciences, pour aider d’autres hommes. Il marche droit devant lui pour dénoncer l’injustice, l’indifférence, la misère. Il met au jour d’autres hommes exploités, rejetés, vidés de leur âme, mis à nu au fond du fond de l’humanité et qui fuient leur terre pour un monde meilleur.

 

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Commentaires

  • Une belle complicité entre deux êtres. Merci de votre partage.

    Amitiés

    Josette

  • Bonjour Gilbert,

    Merci pour le commentaire. Faire parler les animaux ou les choses changent un peu de la routine. Merci d'aimer aussi.

    Amitiés

    Josette

  • Bonjour Rolande, merci pour le commentaire toujours plein de sagesse.

    Excellente journée. Amitiés

    Josette

  • Ils se sont trouvés et marchent ensembles pour leur bonheur, très belle histoire.

    Merci Josette.

    Amitiés.

    Adyne

  • Voilà que vous faites réfléchir un chien et nous le faire parler est un angle plein d'émotion " canine ". On se laisse avoir. Agréable, plein de poésie !

  • Une belle description d'un prophète des temps modernes ! Alors qu'on le craignait de les voir disparaître ..... à jamais.

    La lecture des prophètes de jadis nous remplit le cœur de bonté et leurs écrits sont nombreux. A nous de nous y désaltérer l'âme.

    Hélas ! Qui les écoute encore ???

    Bisous. Rolande

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