ça et là, les poutres pleuraient leurs cires et leurs poussières,
L’automne dehors dispersait ses sanglots crachins de brouillards.
Auprès de l’âtre froid noirci on priait dans les chaumières,
Unis dans l’hideuse douleur, le fléau des pauvres vieillards.
Divagants l’infortune mort du domaine des bruyères,
Idéal perdu à jamais enlevé par les corbillards,
Nourris du corps de leurs enfants lors de luttes meurtrières,
Engloutis dans le sépulcre, demain, seront ces fiers gaillards.
Qu’entrevoir pour un domaine, prometteur d’avenir cossu,
Univers de jeunes efforts pour la culture de l ’ argent,
Et de la laine râpeuse pour l’industrie du tissu,
Ruineuse et à remanier, il était devenu urgent.
Tabler sur la survivance du savoir-faire du bossu,
Indispensable tâcheron au service du détergent,
Nabot solide et rebelle d’un genre travesti bissu*,
Maniant comme personne dans un intérêt convergent,
Outil et vieille rancune sous les injonctions du pansu,
Notable et digne successeur, de la fratrie émergent,
Traité avec respect par tous sauf par un indomptable ossu.
Nouvelle ère du tout va mal, des sabots jetés dans l’outil,
Embryon d’une révolte née de la voracité,
Encanaillée par un meneur, expire la machine-outil.
Déclin funeste des faibles, l’appétit de la survie,
Est la mort inattendue de l’usine villageoise.
Guerre des nantis de guères, contre les prospères de peu,
Envenimée par la faim et le rude froid hivernal,
Rabote les gains du futur qui s’effilent de pas à peu,
Machination, le désespoir escorte les fils au canal.
Alors s’abat le sort cruel et traître se sauve-qui-peut,
Ici et là gisent les corps, de l’homicide bacchanal,
Noyés dans l’eau de la haine, du pain absent et du trop peu,
Echauffent les cœurs et les sens dans un engagement final.
Et tourne le temps de la mort et pirouette la vie,
Tableau de la faim de la fin, les murs en colère flambent.
Détruisant toute espérance de leur assurance-vie,
Etouffée par la ruine que les émeutes enjambent.
Facture des maux à payer, c’est sitôt la fermeture,
Les remords rongent les pères de voir leurs enfants affamés,
Obstinés dans leurs suppliques, ne reste que leur biture,
Regrets et morts à engloutir dans leurs inconscients malfamés,
Emportés par leurs délires ont cru en la dictature,
Noyés les deux gestionnaires, dirigeants se sont proclamés,
Tout est fini pour le hameau, reste la magistrature.
Claudine QUERTINMONT D’ANDERLUES.
Bissu : ni homme ni femme. Parfois hermaphrodites, parfois simplement travesti.
Commentaires
Merci monsieur Miseur, pour votre appréciation.
Goya, avant Bosh m'avait fascinée très jeune,15 ans ?
Je vous verrais bien écrire des romans dans cette veine tragique et journalistique, si ce n'est déjà fait ?
Sur youtube j'ai regardé et écouté vos beaux poèmes, celui sur l'arcane qui m'interpelle, étant fan et collectionneuse de tarots et astrologue depuis ma tendre jeunesse... J'avais autrefois commencé à vous
répondre sur cette carte qui n'est pas la mort, mais mort et résurrection avec traversée d'un seuil comme passage obligé. Voyez la chair rose dans tout le squelette et lui avec, sa colonne vertébrale faite d'épis de blé. Et les têtes et mains et pieds coupés qui gardent leurs aspects, repoussent, leur activité ne sauraient être coupées à jamais...
Goya : j'admire ! Je suis née 200 ans après lui. Journaliste pictural de son époque, il savait rendre une atmosphère avec grand talent. Par ailleurs, j'ai eu la chance de vivre mon enfance sans télévision, jusqu'à mon adolescence. J'ai pu, grâce à cela, bénéficier de "veillées autour du feu", écouter avec avidité l'actualité commentée et pigmentée des couleurs des narrateurs, lire etc.... ça laisse des traces comme celles-ci. Dieu merci, l'histoire ne concerne pas ma famille, d'autant que j'y ai ajouté ma "griffe" imaginaire. Merci pour ce beau commentaire Rébeca et bonne soirée. Amicalement.
Une sacrée entreprise ardue et réussie :
que cerner par l'exigence poétique ces durs moments de révolte tragique et destruction ...
C'est un tableau à la Goya, sombre et réaliste et la beauté du verbe le cisèle crument avec dextérité
mais il faut à travers les mots, les images deviner !
Le titre est magnifique et tout du long les mots-images aussi.
Je crois deviner que dans la contrée dépeinte,
votre famille porte douloureusement en mémoire cette fermeture tragique de fabrique.
Amitiés
Rébecca
Bonjour Jacqueline. Merci d'avoir laissé une appréciation. Bon WE.
Bonsoir Jean-Luc. Me prêterais-tu une "objectivité étrange", à la Kafka ? :-)))) Etre responsable de ses choix et de leurs conséquences me paraît une nécessité, vis-à-vis de soi-même et des autres, en effet. Tu m'as bien cernée. Je vais te faire une confidence : moi aussi, j'adore le titre de mon poème, lol. Bonne soirée Jean-Luc et bon WE.
Bonsoir monsieur Robert Paul et grand merci, pour la mise en vedette de mon poème. Amicalement, Claudine.
Bonsoir Pascale et Nicole. Merci d'avoir pris la peine de vous arrêter sur mon poème et de le commenter. Je vous souhaite une très bonne soirée et à très bientôt chez vous. (chut, ne le dites à personne, je vous pousse à la production créative. :-)...)
Le titre déjà est tout un poème! Magnifique jeux de mots! Acrobatie subtile sur les lettres de ton identité! Les mots s'entrechoquent comme dans des images de Kafka! Apocalypse où nouvelle ère du "tout va mal"!? Les deux fonctionnent et c'est prenant! La fin des temps me fascine et par ton poème je crois deviner une domination des nantis par rapport aux "prospères de peu". Mais qui des deux enterrera l'autre!? La densité et la rage de ton texte, Claudine, me ravissent! Bravo!
Cela balance... avec talent!