350 ans après sa mort, la Belgique rend hommage à l’un des principaux peintres baroque de l’âge d’or espagnol. Avec 50 tableaux majeurs provenant de musées internationaux et de collections privées, il s’agit d’une première dans la tentative de reconstituer l’œuvre intégrale de celui qui fut considéré comme "Le Caravage espagnol ».
On a souvent reproché au Bozar de passer à côté des œuvres majeures des artistes exposés. Ce n’est certes pas le cas ici. Ne possédant aucune collection propre, le Bozar n’a rien à offrir en échange de prêts par les grands musées internationaux. Cependant, la qualité de ses manifestations et leur fréquentation par un public international ont gagné la confiance des grandes institutions. La rétrospective offre ainsi l’opportunité rare d’admirer pour la première fois quatre œuvres récemment découvertes et restaurées : L’apparition de la Vierge à Saint Pierre Nolasque , Le mariage mystique de sainte Catherine d’Alexandrie , Saint Nicolas de Bari , L’Archange Gabriel et Saint François . Fidèle à sa vocation, le Bozar inscrit l’événement dans une aventure sensible pluridisciplinaire à laquelle s’associent Bozar Cinema et Bozar Musique. Bozar Cinema propose de voyager dans l’œuvre d’Albert Sera, un artiste mystique choisi pour son rendu des paysages, son goût pour les contrastes et la réduction des dialogues.
Côté musique, le Bozar s’est livré à un travail de recherche en collaboration avec Paul Van Novel pour dénicher des musiques anonymes inconnues. Un CD sera mondialement distribué sous le label Cypres et le Huelgas Ensemble. En point d’orgue, des concerts nocturnes durant toute la période de l’exposition sous le titre L’Intime et le sacré avec notamment des œuvres de Byrd et Haëndel. Un spécial live est prévu le 26 mai lors de la clôture de l’exposition. Trois pauses musiques offrent un décor sonore au parcours pictural avec un Agnus Dei de Diego de Pontac (1603-1654) (en réponse à l’agneau aux pattes entravées de Zurbarán provenant du Musée de San Diego), un Miserere mei Deus (psaume) de Andrés Barea (1610-16870) et Dos estrellas le seguen , une romance de Manuel Machado (1590-1646), compositeur d’origine portugaise. Les artistes contemporains traditionnellement associés sont Craigie Horsfield pour ses peintures s’inscrivant dans le contexte de la renaissance de la tapisserie flamande et Cristina Iglesias, sculptrice espagnole, pour ses inscriptions d’oeuvres monumentales dans l’environnement.
« L’art a été fait pour la religion et la religion pour l’art », ce serait une formule de Zurbarán dont la plupart des œuvres étaient destinées à des ordres religieux dominicains ou franciscains. Grand mystique lui-même, il passe maître dans l’art d’interpréter et saisir l’extase religieuse au quotidien. Sa modernité s’exprime dans le naturel et la simplicité des scènes dépourvues de toute transcendance où les sujets et les saints se côtoient d’égal à égal. Dans le contexte de la Contre-Reforme, l’objectif de la représentation est de toucher le spectateur (Dieu est dans vos casseroles) et de l’inciter à l’imitation et à la dévotion. Dans ce cadre, il développe un style personnel qui inclut le miracle et la spiritualité dans la vie de tous les jours. Il trouve une source d’inspiration personnelle dans ses visions de la vierge enfant. Fils d’un marchand de tissus, sa minutie dans la reproduction des textures et des tissus est exploitée en tant que ressource théâtrale pour détourner la perspective dans la mise en espace ou en tant que simple support de mise en scène comme dans la toile représentant le voile de Véronique.
Peintre de son temps, il ne peut échapper aux commandes de la Cour et est appelé à participer à la décoration du Salon des Royaumes au Palais du Buen Retiro à Madrid. L’exposition a pu en récupérer des fragments avec Hercule affrontant le lion de Némée et La Mort d’Hercule . La mythologie herculéenne, on s’en doute, était associée à la famille royale.
L’influence du Nouveau Monde draine un regain d’intérêt pour la matérialité des choses. Une clientèle marchande demandeuse d’effets décoratifs lance la mode du bodegón ou natures mortes à la mode des Vanitas des Pays-Bas. La nature morte espagnole se distingue par une mise en espace dans un éclat lumineux sur toile sombre. Zurbarán produira quelques toiles où les pots et cruches à anses ont une allure étrangement altière. La tradition sera perpétuée par son fils Juan de Zurbarán dans un style beaucoup plus baroque. Les alignements étudiés de Francisco rappellent les arrangements de Morandi vus il y a peu dans ces mêmes salles.
Palmina Di Meo
Commentaires
Quel modelé dans ces peintures, ces corps sculpturaux, ces noirs vibrants et puis ces blancs... ces blancs subtils et crémeux, certes moins audacieux qu'un carré blanc sur fond blanc mais si profonds. Pas audacieux ? je ne sais pas moi, mais on se damnerait pour sa sainte Marguerite !
Merci pour ce très bel article qui mérite d'être signalé.