Il est impossible de parler de Federico Garcia Lorca sans évoquer le Cante Jondo, le chant profond issu des Gitans d'Andalousie, dont le thème central est la personnification de la mort et l'évocation des "pays lointains de la peine".
Garcia Lorca et son ami et père spirituel Manuel de Falla, étaient fascinés par les chants des Gitans et ont essayé dans leurs œuvres, de traduire cette authenticité populaire inspirée et profonde.
Cela les a conduits à organiser en 1922 un grand concours de Cante Jondo où purent se produire les meilleurs "cantaores". Pour la petite histoire, Don Manuel aurait voulu inviter Igor Stravinski et Maurice Ravel, tous deux très intéressés par ce concours, mais la municipalité de Grenade s'y opposa pour des raisons financières.
Les meilleurs chanteurs sont ceux qui interprètent les chants gitans avec duende, cette sorte d'inspiration toujours liée à l'angoisse et au mystère, à la souffrance et à la mort, qui s'empare de l'artiste, musicien, chanteur ou poète, lorsqu'il se livre physiquement au public. C'est au café de Chinitas (chinitas veut dire "babioles", "bibelots") à Grenade que l'on pouvait trouver les vrais "cantaores".
Lorca a harmonisé des chansons populaires espagnoles. Ces chansons sont liées à l'enfance et à l'adolescence du poète à Fuente Vaqueros ; il les a entendues dans la cuisine de la maison, dans les rues, dans la campagne environnante ; elles sont l'expression de l'âme populaire espagnole que Lorca aimait tant.
Par la suite, au contact de Manuel de Falla, il a cherché à les transcrire et il a ajouté beaucoup de lui-même. Jorge Guillen a dit, dans sa préface aux oeuvres complètes de Lorca, que sa passion pour la peinture, pour la musique et pour le théâtre provenait de la même impulsion poétique. Lorca a inséré ces chansons dans son oeuvre théâtrale ; elles témoignent d'une autre facette de son génie créateur : le Lorca compositeur et musicien.
Par une nuit de lune, racontera Miguel Ceron, Federico et moi nous montions à la Silla del Moro (La chaise du Maure) derrière l'Alhambra de Grenade, par un sentier qui serpentait dans une oliveraie. La brise agitait les branches des arbres à travers lesquelles filtraient les rayons de lune. Federico s'immobilisa soudain, comme s'il avait vu quelque chose d'étrange. "Les oliviers s'ouvrent et se referment comme des éventails", s'exclama-t-il. L'image se retrouve dans les premiers vers du poème de la Siguiriya gitane : Paisaje, extrait du Cante Jondo :
El campo
De olivos
Se abre y se cierra
Como un abanico.
Sobre el olivar
Hay un ciel hundido
Y una lluvia oscura
De luceros frios.
Tiembla junco y penumbra
A la orilla del rio.
Se riza le aire gris.
Los olivos,
Estan cargados
De gritos
Una bandada
De parjaros cautivos,
Que mueven sus larguissimas
Colas en lo sombrio.
Le champ
D'oliviers
S'ouvre et se referme
Comme un éventail.
Sur l'oliveraie
Un ciel plombé
Et une pluie obscurcie
D'astres morts.
Tremblent les joncs dans la pénombre
Du bord de la rivière.
L'air gris se froisse.
Les oliviers
Sont chargés
De cris
Une volée
D'oiseaux captifs
Qui meuvent leurs immenses
Traînes dans l'obscurité.
Une chanson populaire espagnole très connue, transcrite et harmonisée par F.G. Lorca, De los quatros muleros :
Commentaires
Merci de ce partage !
J'ai découvert les poèmes de Federico Garcia Lorca à l'adolescence . Superbes et ...poignants !
Belle journée à vous ! Cordialement,Nicole V.Duvivier
Oh que ça me fait plaisir ; on en parle trop peu de Fédérico, MERCI !
Sublime et bouleversant !
NINA