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Extrait de DILEMME

Assise dans un rocking-chair près de la cheminée, Marie se détend, les mains posées sur son ventre arrondi. Elle peut par moments sentir les mouvements de l'enfant quelle porte. Il doit naître dans un mois et demi. Un garçon ? Une fille ? La jeune femme n'a pas souhaité le savoir. Qu'importe le sexe ! Elle ne désire qu'une chose : qu'il soit en bonne santé. Cet enfant est le fruit d'un amour vrai, passionné, et pourtant d'un amour aujourd'hui compromis.
Depuis quelques jours, le froid a fait son apparition. Ce mois de décembre s'annonce particulièrement rigoureux. Au-dehors, quelques passants pressés, frileux, hâtent le pas. Cette offensive hivernale offre un spectacle d'une grande beauté. Les arbres, poudrés de givre, totalement dépouillés, s'étirent majestueusement vers le ciel. Le vent glacial fait courber les plus frêles. Sammy le labrador, fidèle compagnon des bons et mauvais jours, somnole aux pieds de Marie. Elle se sent bien, moins fatiguée que les jours précédents. Elle écoute la cinquième symphonie de Beethoven. La musique classique a le pouvoir de chasser de son esprit toutes les inquiétudes et la mélancolie qui la submergent parfois. Elle se lève avec peine du fauteuil et s'enroule dans un châle. Son dos la fait souffrir et son ventre la gêne, de temps à autre, dans les mouvements du quotidien. Ses yeux arpentent le salon ; ces derniers temps, elle s'y prélasse souvent, car son médecin lui a ordonné de se reposer. Les murs sont agrémentés de toiles qu'elle a peintes. Son regard s'attarde sur le portrait de son grand-père. Il a beaucoup compté dans sa vie, et malheureusement a disparu beaucoup trop tôt. C'était un gars du Nord, un ch'ti. Lorsqu'enfant, Marie venait passer quelques jours de vacances chez ses grands-parents, elle était toujours très impressionnée de voir ces maisons en brique alignées, qui se ressemblaient toutes. Son grand-père était un homme simple, il aimait la terre, les gens. Il a transmis à Marie des valeurs morales de respect, de don de soi, de loyauté. Il mourut d'une silicose, cette fichue maladie des mineurs. Lorsqu'on lui demanda ce qu'elle voulait garder du défunt, Marie n'hésita pas un seul instant et choisit le fauteuil mythique de son grand-père : le rocking-chair. 
L'ameublement du salon est plutôt sommaire. Marie n'aime pas les pièces trop chargées de meubles et de bibelots inutiles. Elle n'a aménagé que l'essentiel. En face de la fenêtre, elle a installé un vieux bureau de ministre acheté chez un brocanteur. Elle y passe de longues heures à la préparation de ses cours de français et aux sempiternels corrigés de ses élèves. Dans un coin de la pièce, on trouve aussi un sofa rouge dont Platon, le chat, a fait son domaine de prédilection, une table basse toujours recouverte d'une multitude de bouquins et de revues. Et puis, au centre, il y a un piano blanc, «son piano», un cadeau de son père pour son dixième anniversaire. Elle y joue encore quelquefois, malgré ses défauts d'accordage. Le craquement des bûches dans la cheminée fait sursauter Sammy, qui s'agite dans tous les sens et vient se faufiler entre les jambes de sa maîtresse. Elle se dirige vers la cuisine pour préparer une tasse de thé vert. En passant dans le couloir, elle s'arrête un court instant devant le miroir. Platon, couché dans son panier, miaule de plaisir en la voyant. Marie affiche un petit sourire. L'anxiété des premiers mois de grossesse s'est estompée peu à peu. La peur a fait place à l'attente.

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