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Ecrivaines ou précieuses ridicules ?


Je profite de la journée de la femme pour inaugurer ce blog en commençant par écrire des choses vaines.Mais quelles peuvent bien être ces choses vaines ? L’écrit , bien sûr. L’écrivaine, ça ne vous dit rien ? Féminisme oblige : La langue française n’ayant pas prévu de voir les femmes s’en saisir pour se mettre à écrire des livres, les voici réduites à se contenter d’un petit “ e” en fin de mot pour rétablir leur dignité littéraire. Mais quelle dignité ?

Me voilà devenue auteure de mes pièces de théâtre ! La logique de la langue avait tenté un timide “autrice ” encore mentionné sur mon dictionnaire ( Hachette 2005) sur le modèle de“ éditeur-éditrice”. Mais la langue de Céline Dion a préféré “ auteure” : l’influence québécoise l'a emporté.

Phonétiquement, il n’y a pas grande différence sauf pour les gens du midi qui prononcent toutes les lettres : “ auteureu...” mettant ainsi en valeur ce qui fait toute la différence entre un homme et une femme de lettres.
Sur le plan grammatical, tout ceci fait tout de même un peut cancre enfin disons “cancrette” , journée de la femme oblige.
“Auteure”, c’est la revanche sur les profs de français qui de mon temps auraient tiré les oreilles aux ahuris osant écrire “auteure ” pour féminiser ce mot. Il faut reconnaître qu’ils n’en mènent pas large depuis que les enseignantes sont devenues des professeures !

Voici venu le temps des ”écrivaines” ; Pas vraiment joli pour une femme mais tellement plus féministe ! Un mot où l’on n’entend que “vaine” et qui de plus rime avec “vilaine” ! (J’ai lu ça sous la plume d’un horrible macho).
Enfin les femmes l’on échappé belle ! Si en québécois “écrivain” s’était écrit “écrivin ” ( au point où nous en sommes ! ...) , nous nous aurions été condamnées à devenir des “écrivines”. Vous avez dit : « et Krivine ? » : ça fait pas un peu gaucho ? Á quoi bon s’évertuer à rester féministe quand on est d’extrême- gauche ? Ça aussi, c’est toute une époque...

“Ecrivaine” ne sert qu’à montrer aux femmes à quel point leur activité littéraire est vaine. Pour pousser encore plus loin dans lepéjoratif, “écrivailleur” a un féminin : “ écrivailleuse”. Par contre :“ écrivaillon” n’est réservé qu’aux hommes ! Bien fait pour eux ! Le Robert de poche 2008 ne connaît pas d’écrivaillonnes”.

Mais à y regarder de plus près, les hommes devraient éviter tout triomphalisme car par ricochet ”écrivaine” fait également peser des soupçons ”d’écrits vains” pour les hommes qui faisaient de cette activité leur fierté. Au niveau des accords entre écrit (s )et vain(s), c’est même bien plus évident que pour écrit vaine où il y a tout de même un petit problème . L a supposée vanité de l’écrit féminin ne fait que rendre plus évident celle des écrits masculins.
“L’écrivain” était plutôt flatteur pour l’oreille avec presque une solennité religieuse : « Au commencement était le Verbe ; Le Verbe était Dieu .. Et l’écrit vint ... »
Fort de cette consonance biblique, l’écrivain avait presque tendance à se prendre pour Dieu alors que l’écrivaine, mon Dieu qu’elle est vaine !
Dans l’écrivain, il est également possible d’entendre : « l’écrit vainc ». C’est un peu militant ou militaire mais ça reste dans le registre de la virilité.

Tant pis pour les huit-martiens et encore plus pour les huit-martiennes. Je ne veux être ni une auteure ni une écrivaine.

A vouloir chambouler la langue française, autant demander à la gent masculine de faire ce qu’il faut pour que les femmes puissent féminiser dans les mots ce qu’elles font depuis longtemps dans les actes sans se voir gratifier d’un “e” jeté à la va-vite, avec des relents de « Précieuses ridicules » à faire esquisser un petit sourire narquois aux hommes de lettres prononçant mot “ écrivaine ”.

Pourquoi les hommes de plume n’accepteraient-ils pas de changer ce mot pour un autre dont le féminin serait plus heureux comme par exemple :
”écrivant- écrivante ” sur le modèle d’ “étudiant -étudiante” , “enseignant- enseignante” mais aussi de: “vivant -vivante”.

Nous sommes désormais embarqués sur la même arche, hommes et femmes, qui voulons que ce monde profite des lueurs des gens qui aiment écrire qu’ils soient hommes ou qu’ils soient femmes.
Inutile d’attendre après les académiciens pour les voir admettre qu’ils ne seraient plus des “écrivains” mais des “écrivants”. Quelle honte pour eux !
Mais qui peut sérieusement affirmer aujourd’hui que la langue française n’évolue pas plus sous les pressions politiques et les compromis culturels que dans la continuité des mécanismes qui ont contribué à en faire la richesse et la complexité ?
Journée de la femme oblige : que je sois suivie ou pas dans cette voie m’importe peu. Á partir d’aujourd’hui je me déclare “écrivante”.

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Commentaires

  • Bonjour Karl.
    Merci pour ce commentaire aussi bien documenté? Désolée pour ce contretemps Ayant quelques problèmes de connexion internet le week-end, je ne le mets en ligne qu'aujourd'hui..
    Pour ce qui est de la féminisation des mots, j'ai surtout pris le prétexte de la journée de la femme pour fêter l'évènement avec légèreté.La question des droits de la femme est d'une telle gravité que j'ai choisi un thème moins préoccupant mais qui cependant mérite attention..
    D'une façon générale, je prends pas mal de libertés avec la langue française mais pour ne pas contrarier les femmes qui tiennent à ce "e" de féminisation, je m'adapterais sans doute à" auteure" ou "écrivaine"... ou alors, il me faudrait cesser d'écrire...
  • Oui cafetière n'est pas très heureux.
    Je ne suis pourtanti pas maniaque de l'orthographeni de la grammaire . Sur mes diverss blogs, j'oublie souvent des fautes parce que je trouve ennuyeux de me relire plusieurs fois.
    Mais si les" mots en eur"se féminisent avec un simple "e" celà n'entraînera-t-il pas des docteures au lieu de doctoresses ou des directeures au lieu des directrices ?
  • J'aime beaucoup l'humour de votre "premier" billet ...

    Ceci dit, je crois qu'on finit par s'habituer o;) - En Belgique, la féminisation des noms de métier a été mise à l'honneur par décret. Par décret, pour une raison politique donc... La sagesse veut qu'on préfère "cabaretière" à cafetière (que l'on propose comme féminin de "cafetier") et le temps fait qu'on s'habitue donc à auteure, qui, en effet, est plus joli qu'écrivaine.

    Et quel féminin pour poète ???

    Très cordialement !
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