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Du sang, de la volupté et de la mort

Il s’agit d’un recueil de proses de Maurice Barrès (1862-1923), publié à Paris chez Charpentier et Fasquelle en 1894.

 

Composé de vingt-six textes répartis sur quatre sections ("Idéologies passionnées"; "En Espagne"; "En Italie"; "Dans le Nord"), le livre combine nouvelles ("Un amateur d'âmes"), études ("l'Évolution de l'individu dans les musées de Toscane") et descriptions ("Sur la volupté de Cordoue"; "les Jardins de Lombardie") où l'état des choses donne accès à autant d'états d'âme. L'unité s'y fait peu à peu, lyriquement, dans la recherche d'un frisson par quoi "composer une vie intense et contrastée".

 

Rien ici de convulsivement décadent, malgré l'effet d'accroche du titre, habituel chez Barrès (ni l'Ennemi des Lois ni Toute licence sauf contre l'amour ne dépasseront pareillement un anarchisme distingué), qui préfigure aussi par là le livre jumeau Amori et dolori sacrum. Des "magnificences délabrées" de Tolède aux délicatesses de Lombardie, de l'Espagne "pointe extrême d'Europe" aux eaux ternies de Flandre, d'Aristote à Stendhal ou de Gounod à Wagner, la quête vagabonde vise plutôt l'exploration d'une sensibilité que l'explosion d'une sensualité. La grâce un peu négligée, faussement malhabile parfois, d'une écriture qui n'est jamais aussi mélodique que dans le libre cours de sa tentation picturale, cache alors sous son vagabondage un travail, et sous les séductions de sa mollesse, une discipline. Dans l'espace, elle fait affleurer les strates de temps (tel est le sens du mot de "mort") qui l'ont composée; dans la "volupté", elle traque une authenticité de l'être (son "sang"). Dans cet entrelacs de paysages, de tableaux et d'écriture, il s'agit de configurer une identité au visage de l'auteur, la mise en forme littéraire sauvant peut-être l'individu de sa dispersion dans la multiplicité des expériences. Plutôt qu'un exotisme, c'est donc un intimisme qui se dégage des diverses errances, dans le droit fil du Culte du moi, héritant d'un égotisme qui se refuse à sacrifier l'une pour l'autre l'ouverture ou le resserrement sur soi-même. C'est cette hésitation entre la profondeur et l'étendue qui fait le phrasé de Barrès, jugé selon les cas trop superficiel ou un peu empesé, mais qui, les quelques préciosités dépassées, peut mieux que tout autre fondre dans une harmonie tiraillée les chatoiements d'une identité. La recherche de la sensation évoque, certes, encore un peu son Des Esseintes, les "syllabes chantantes" sont sans doute un peu trop suaves, le croisement du wagnérisme et du culte de la terre assurément ne présage idéologiquement rien de bon; restent cependant l'opiniâtre analyse d'une subjectivité, et, en dépit de rares joliesses, l'enchantement d'une langue capable de l'essentiel: l'invention d'une voix.

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