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Des frères à la vie à la mort

 

Jean et moi, nous avons terminé nos études ensemble. Le jour de la remise des diplômes, à minuit pile, nous avons ôté nos pantalons, je lui ai pris le bras, et nous avons parcouru la rue principale de la ville en chantant des chansons salaces. Nous étions vraisemblablement saouls.

Jean avait épousé Lucie que j’aurais pu épouser moi-même si Jean ne m’avait pas précédé pour lui demander sa main. Parce que nous n’avions pas de secret l’un pour l’autre, il savait que moi aussi j’étais amoureux d’elle. Il m’avait fait promettre que s’il mourrait avant moi, c’est moi qui veillerais sur Lucie.

- Tu me le jures ?

- Je te le jure.

Nul n’est maitre de ses rêves. Lucie était banalement belle. Pas comme ces femmes dont la vue seule vous remue les sangs. Je me suis parfois demandé si les charmes que je luis trouvais, ce n’était pas Jean, parce qu’il était son mari, qui en était le responsable.

Jean était un sportif. Il prétendait à un corps sain. Le matin par exemple il faisait une demi-heure de jogging  puis prenait une douche avant d’aller travailler. Sans oublier un baiser rapide donné à Lucie. A la fermeture du bureau de son entreprise, plutôt que d’aller au café, il se rendait dans une salle de fitness où il entretenait sa forme. Somme toute une vie bien réglée. Il me disait qu’il voulait se dépasser.

Le soir, j’étais souvent chez eux avant qu’il ne rentre. Nous l’attendions, Lucie et moi en prenant un verre de vin. Elle me regardait parfois d’une façon curieuse.

- Tu vas bien ?

- Oui. Et toi ?

- Oui.

Lorsqu’il arrivait, nous buvions à trois avant de dîner. Puis encore en dînant. Puis avant que je ne rentre chez moi. En fait nous buvions beaucoup. Peut être beaucoup trop. 

Saoul, un mari au lit pense d’abord à dormir et moins à combler sa femme. C’est ce que j’escomptais. Le jour où c’est moi qui veillerai sur Lucie, je me le promettais, je boirai beaucoup moins.

Nous passions nos vacances ensemble. Ma présence lui permettait de pratiquer son sport favori sans trop priver Lucie de compagnie. C’était le parapente. Il se ruait vers la vallée et se jetait dans le vide. Puis recommençait.

- Il me fait peur.

Lucie portait la main à la poitrine.

J’avais des remords. Il m’arrivait de souhaiter qu’il se cassât quelque chose, pas nécessairement sa mort.

Un jour, je ne me souviens plus de ce que nous fêtions, nous sommes sortis tous les deux tandis que Lucie préparait le dîner Nous avons bu dans ne nombreux cafés avant de rentrer en chantant. Nous n’avons pas dîné. Jean s’était affalé sur la table.

J’ai regardé Lucie.

- Sois sage, Pierre.

Elle ne m’a pas repoussé. Je me suis étendu sur le sol et je l’ai attirée. Elle a rejeté la tête et je l’ai pénétrée. J’ai joui très vite. Sans plaisir. Quant à elle, à peine si elle a émis un soupir. Je ne savais pas ce que je devais faire. Je me suis levé  et je suis sorti. Jean ronflait toujours.

Je suis resté deux jours sans les voir avant que Jean ne me téléphone.

- Lucie s’étonne de ne pas te voir. Si tu es malade, dis-le. Elle viendra te soigner.

Le soir, nous avions repris nos habitudes. Je prenais l’apéritif avec Lucie en attendant Jean.

Je fis la morale à Jean le lendemain.

- Tu as tort de boire autant. L’amitié que je te porte m’autorise à te le dire. Lucie, ton épouse, tu lui fais l’amour souvent ?

- Elle est frigide. A toi, je peux le dire. Pourquoi crois-tu que je me dépense tellement ? Lorsque je pense que durant toute une vie c’est elle que j’aurai dans mon lit.

Il ajouta en ricanant :

- Tu en jugeras lorsque je mourrai. Tu l’as promis, non ?

Depuis, jamais la vie de Jean ne m’était apparue aussi précieuse. Je lui avais fait la promesse d’épouser Lucie s’il mourrait. A mes yeux une promesse est une promesse et notre amitié était aussi profonde que celle des indiens américains qui se partageaient une goutte de leur sang.

 

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