I. L’écrivain est un esclave,
Un masochiste, une tour de garde
Qui lance la clé de sa porte
A l’ennemi quand il approche.
Il offre son cou au billot,
Sa tête à la guillotine,
A la fière police des mots
Il tend ses fins poignets fébriles.
Et quand la muse s’empare de lui
Ô firmament, ô frénésie,
Il se soumet, soudain dompté
Lui qu’on médit se fait objet
On lui reproche ses libertés
Et son comportement d’artiste
Quand il est pieds et poings liés
Sur l’autel du verbe et du rythme.
Car a-t-il seulement le choix,
Lui qui est né réceptacle ?
A-t-on vu rien qu’une seule fois
Démissionner un oracle ?
Par lui la muse lie deux mondes
En lui l’irréel s’entend
Il traduit dans une langue immonde
Le parler aérien des anges.
A bout de force il s’abandonne
A la plume et ses farandoles
Et il s’épuise pour sa survie
S’il n’écrit pas il dépérit.
Ainsi attaché aux syllabes
Comme le chanteur aux octaves
Comme le peintre à ses couleurs
L’écrivain est un esclave
Volontairement otage,
Il livre son âme aux lecteurs.
II. Et s’il sombre dans les vices
Jusqu’à en perdre la raison
C’est que la peine s’est faite complice de sa passion.
Il écrit nu sur son lit de mort
S’il expire il écrit encore
Rien ne le libère du serment fait à son don grandissant.
Plus conscient même que la conscience
Il voit ce qu’on dit invisible
Et dépèce d’une plume acide le meurtre autant que la naissance.
Face aux mots, ses frères, impuissant,
Il dirige lui-même ses tyrans
Qu’il soit vicieux ou vertueux ce cercle le fait roi et gueux
Recroquevillé dans un coin
Les mains crispées sur la tête
Il ne peut calmer la tempête s’il veut écrire et ne peut point.
Indicible sentiment
Jouissance vomitive
Parfois le texte est testament et l’encre se fait parricide.
Il peut fuir mais pas se cacher
Il peut mentir mais pas tromper
Il sait si bien être vivant qu’il croit mourir en respirant.
Sa sensibilité est son alliée et son ennemie,
Son âme sœur et sa moitié
Le poing et le fard qui maquille.
Jusqu’au plus profond de la nuit
Il nourrit de sang l’insomnie
Pour autant que la muse l’appelle
Quand les mots planent dans son esprit
Il se fait douceur ou furie
Pour pouvoir chanter avec elle.
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Commentaires
Invitation à une auto-analyse : suis-je comme çà ? Peut-être, la certitude, j'ai apprécié ce que je viens de lire. Félicitations.
J'aime beaucoup ce que je viens de lire...
Serge