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D I G U E

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(mer du Nors, huile sur panneau)

 

Parfois parmi le flot des estivants poussifs

Qui se traînent rêvant au bock du soir, pensifs

Comme singes savants, je crois te voir, ma belle,

Parfois tes cheveux d’or que la brise entremêle

Viennent danser, danser dans l’air calme du soir…

Vite je te prépare un mot gentil : « Bonsoir… »

Hélas les blonds cheveux ne cachent sous leurs larmes

Qu’une face terrible et rouge de gendarme

Ou qu’une pâte informe où s’enlisent les yeux

Et je repars plus seul encore sous les cieux

 

 

D’autres fois ton sourire éclot sur d’autres lèvres

Presqu’aussi belles presque œuvre du même orfèvre

Mais la figure est ronde ou longue comme un i

Que faire d’autre que repartir vers la nuit ?

Parfois encor tes yeux brodent leur ciselure

- Sourires infinis de grisantes brûlures –

Mais le corps est d’une autre et les cheveux sont noirs

Et je m’en vais un peu plus loin dans l’air du soir

 

 

Puis dans la chaleur lourde du jour qui vacille

Et transforme la foule en ombres qui oscillent

L’une sur l’autre ainsi que d’informes ballots

Tu surgis brusquement : ton corps dans un halo

De lumière indécise est, sous le ciel limpide,

Comme sous un fronton une caryatide

Aux lignes pures, longues… Hélàs ce n’est pas toi

De plus belle le vent rit de me voir pantois

 

 

Et la foule roulant sa molle indifférence

Traîne sa majesté emplie d’odeurs rances

Me bousculant du coude – Ah ! Etre seul c’est dur

Lorsqu’un couple vous frôle encor jeune ou bien mûr

Et je m’en vais roulant, moi, des pensers bien sombres

Seul – tandis que l’orchestre étourdissant, à l’ombre

Du kiosque se met à jouer un vieil air

Ah ! si je t’avais toi, toi et ton rire clair !

 

Partout où je te cherche il n’y a que l’absence

Et, pour mieux me narguer, de pâles ressemblances

De toi. On dirait que le hasard a tenté

De recréer cent fois ton unique beauté

Sans réussir jamais… Ah ! peut-être pourrais-je

Prendre à l’une les yeux, à l’autre un sein de neige

Arracher les cheveux à une autre et ainsi

En recousant le tout à faire comme si

Je t’avais toi enfin sous mes lèvres ma mie…

Mais non ! A ce fantoche il manquerait la vie

Et… je ne sais pas coudre… Et puis on me prendrait

Pour un vil assassin. Peut-être on me pendrait…

 

 

Mieux vaudrait m’aveugler et demander au vin

Ces étranges vapeurs qui flottent aux confins

Du réel et du rêve, indécises, feutrées.

Mieux vaudrait fuir en de très lointaines contrées

Où le ciel n’aurait pas nimbé d’or tes cheveux

Mieux vaudrait assouvir tout ce que ma chair veut

Dans d’autres bras de femme et mêler ma détresse

Au bleu-vert d’autres yeux, la noyer dans l’ivresse,

T’oublier en un mot, mais le pourrais-je un jour ?

 

 

Je pourrais, esprit fort, dédaigneux de l’amour,

Accomplir une tâche imbécile et sublime

Et me tailler un nom à force coups de lime.

Je pourrais, lourd poids mort, me laisser traîner par

Les jours qui vont, banals, au fil des faire-part

M’abrutir corps et âme à des tâches mesquines.

La fleur ne peut lorsque l’abeille la taquine

Feindre de l’ignorer. Toujours il y aura

Cette image de toi, l’empreinte de tes bras

Si légère et, pourtant, lourde sur mon épaule

Au point que, dût mon cœur geler plus que le pôle,

Tu seras toujours flamme au flanc lisse du bloc…

 

 

Oh ! je sais ! il en est qui disent que le choc

S’oublie et que l’écho, même l’écho, s’efface

Qu’à tout mal l’habitude exige qu’on se fasse.

Qu’importe tout cela ! A présent tu es loin :

L’un après l’autre les jours traînent leur déclin.

Tu es bien loin là-bas, effacée, confuse,

Voilée du brouillard très délicat qui fuse

De la terre alourdie et mordue par l’eau.

Peut-être rêves-tu face au fleuve falot

Qui se dérobe, lent, et traîne ses lessives

Mortes… Peut-être aussi effeuilles-tu pensive

Les roses du bonheur… Alors je me ferai

Très, très insignifiant et je disparaîtrai

Et tu ne sauras pas que je t’avais aimée…

  

Ô dans le ciel d’hiver les très lentes fumées !

(inédit)

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Commentaires

  • C'est curieux! j'avais balisé ce texte "DIGUE" en poésie et il n'apparaît pas dans les billets de blogs "poésie"...

  • Merci Sandra d'avoir ainsi navigué sur cette rivière de mots. A cette époque-là, encore adolescent, j'en étais à rêver la femme (c'était avant mai 68!)

  • Chère Rébecca, merci de vos avis qui me comblent (bon! je dois défaire un bouton de col!). C'est vrai que j'éprouve du plaisir à passer des mots aux couleurs de la peinture puis aux formes de la sculpture, constatant que ces arts divers se nourissent l'un de l'autre.

  • Cher Claude,

    J'admire qu'outre vos dons picturaux,

    vous soyez tel poète

    d'un caractère et style si beaux.

    Chaque fois, votre talent me met à la fête.

    Votre verbe inspiré est sublime

    Qui dans le désespoir d'amour s'abime.

    Dans un rythme léger, un souffle habité

    nous rend sensibles et nous tient en haleine

    Lorsqu'il exhale aux quatre vents votre peine.

    Vous pourriez à vous seul vous illustrer !

  • Merci Antonia; j'aime bien cette compaison que tu fais.

  • Où peut-on chercher un amour perdu sinon sur une digue, là où le ciel et la mer se donne la main...
    https://www.youtube.com/watch?v=8y3Q5F-k8Eg

  • Merci, Béatrice, d'avoir apprécié: ce texte, comme la peinture qui l'illustre, date de mes 20 ans ou à peu près...

  • Adyne, Michel, Suzanne,Liliane, merci de m'avoir accompagné sur cette digue. J'avais alors près de 20 ans et toutes les espérances...

  • A la recherche de l'amour perdu. Indélébile.

  • Très belle poésie à la recherche d'un amour disparu!

    Félicitations Claude, j'aime beaucoup tout ce développement, qui vous tient en haleine!

    Adyne

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