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Ce matin-là, je reçus une lettre d'un genre nouveau.* 

Elle était en étoile, une de celles à cinq branches brillant de mille feux.

Le facteur étonné d’avoir une telle missive au sein de sa sacoche, a sonné à la cloche. Avec un grand sourire, il m’a tendu l’enveloppe. Dans les multiples paillettes qui collaient à sa paume, la lueur de ses yeux se mirait en silence. Il avait l’air tout autre.

« La journée commence fort ! », m’a-t-il dit en partant. Il a ouvert la porte de sa camionnette rouge, a déposé son sac sur le siège passager, s’est assis au volant.

L’étoile dans la main, je l’ai suivi du regard tout en me demandant le sens de ses mots. Que pouvait-il savoir du contenu de cette lettre scellée par sceau de cire ?

Les oreilles baissées, le chien s’est écarté pour me laisser passer au lieu de tournoyer autour de mes jambes en aboyant gaiement.

Était-il bien prudent d’ouvrir cette missive qui semblait détenir le pouvoir de changer l’attitude du facteur et aussi celle du chien ?

Le sceau en cire rouge se trouvait juste au centre pour fermer chaque branche. Il était tellement dur que j’ai pris un couteau pour essayer en vain de l’avoir en entier. Il s’y refusait ferme, ne voulant libérer qu’une branche à la fois en respectant le sens de l’aiguille d’une horloge qui égraine l’air du temps.

Joséphine regrettait de n’avoir pu serrer son cher fils dans ses bras plus longuement que six jours. C’est la tuberculose qui l’avait emportée.

Gustave s’en voulait d’avoir soudain glissé avec sa grosse moto lui qui aurait aimé son rôle de grand-père. Il avait tant rêvé d’emmener à la pêche tous ses petits-enfants, de chanter avec eux des comptines paillardes. 

Mélie veillait sur moi depuis ce Noël-là. Elle tenait sa promesse. Je n’avais rien à craindre.

Quant à ma Josépha, elle me remerciait d’avoir fait dire cette messe pour qu’elle repose en paix. Elle en avait assez de hanter le village. 

Le dernier morceau de sceau refusant de céder, je n’ai pas insisté. J’ai déposé la lettre sur l’appui de fenêtre entre deux orchidées.

Une lettre de l’au-delà… Qui m’avait fait cette blague ?

En début de soirée, je suis allée m’asseoir sur la terrasse faisant face au jardin. Une multitude d’insectes voltigeait autour des fleurs semblant vouloir attendre la pluie d’étoiles filantes promise pour la nuit.

La bise légère et tiède soufflant dans mes cheveux a soudain laissé place à un coup de vent fort. C’est en tourbillonnant qu’il a ouvert la porte juste à côté de moi. Préférant que les moustiques dansent à l’extérieur, j’ai quitté mon fauteuil pour aller la refermer. Frissonnant malgré moi, je me suis dit qu’il était peut-être temps de rentrer.

Et c’est à ce moment que je l’ai vue sortir la lettre d’un genre nouveau. Étincelant la nuit noire, elle s’est envolée avec sa branche fermée. Montant comme une flèche, elle est allée rejoindre l’étoile de mes rêves, celle qui me fait des clins d’yeux quand je parle à papa.

*Première phrase du roman "Une Forme de vie" d'Amélie Nothomb

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