Buzet sur Baïse ne fait pas partie des capitales répertoriées sur les cartes du monde et si l'on considère le nombre d'habitants au mètre carré, peut-être que quelques nombrilistes afficheraient un sourire dédaigneux. Ce serait une erreur, cette petite ville de « province » est géante par son rayonnement.
Buzet sur Baïse est une ville que l’on devrait « peut-être » montrer en exemple par le fait que la Culture en son sein est invitée nécessaire, une complémentarité à l’enseignement.
Un engouement certes mais qui ne serait possible sans la mobilisation de quelques bénévoles qui portent les projets en toute discrétion. Puisque mon rôle est de parler de littérature, je ne puis résister au plaisir de saluer la petite équipe entourant Chantal Garez qui a mis sur pied un Salon littéraire des plus originaux grâce à l’agent littéraire, Marika Daures à l’origine de l’idée.
Porter la littérature à bout de bras, voici un pari risqué si l'on considère qu'un essoufflement médiatique semble tourner le dos à ce qui pourtant offre la grandeur de nos civilisations. Ne l’oublions pas, sans littérature, sans Art en particulier, la mémoire de notre « raison d’être » risque de s’étioler.
Le projet littéraire de Buzet sur Baïse a ceci d'original qu'elle débute son salon par la projection d'un film en présence de personnalités surprenantes. L'opportunité d'offrir un débat. (En 2017 Joseph Joffo pour « Un sac de billes », en 2018 le réalisateur Eric d'Agostino pour « La nef des fous »)
Un tapis rouge déroulé pour ses habitants, voici qui devrait mobiliser les foules mais, combien de Buzéquais sont conscients que depuis 2017 un événement à résonance internationale a vu le jour en leur honneur ?
Ce vendredi 28 septembre dernier, le cinéma de « Aiguillon » accueillait le scénariste et réalisateur Belge Eric d’Agostino. L’événement peut sembler anodin et pourtant !
Eric d’Agostino et son co-réalisateur Patrik Lemy s’enfermèrent pour une période de deux ans dans l'annexe psychiatrique de la prison Belge de Saint Gilles. Les images que nous découvrirons n'ont laissé personne indifférent. Le sujet est pénible et nous renvoie une image déplorable de ce que nos sociétés construisent pour étouffer ce qui ne lui convient pas. Le film est révélateur, dur, mais pas insoutenable. Il porte le mérite d’interroger nos consciences en dépassant le déni collectif qui s’identifie à une forme d’omerta. Après tout, cette chape de silence semble arranger pas mal de monde.
Pour avoir assisté à la projection et aux débats qui ont suivi, bien que le réalisateur ait répondu sans détour aux questions du public, j'ai comme une impression fugace que le film ne l'a pas épargné. Eric d'Agostino semblait épuisé, plus exactement, il n’est pas improbable que cette expérience l'a profondément marqué. Rien ne vient étayer cette constatation, juste une impression, une forme de prémonition.
Sur la scène, le réalisateur était accompagné par celui que l'on pourrait définir comme étant le fil rouge du document : Chef Jean.
Gardien Chef de l’annexe, ce dernier a partagé ses impressions et ses révoltes face à ce qui a été nommé comme étant, je cite, « les poubelles de nos sociétés ». Chef Jean qui apportera tout au long de sa carrière le maximum d’empathie à ces hommes enfermés parfois au nombre de trois. Trois humains parqués dans une cellule de quelques mètres carrés, trois malades confrontés à la pathologie de ceux qui partagent la même cellule. Inutile d’être expert pour comprendre que c’est une bombe à retardement mise en place par un système derrière lequel les acteurs cachent leurs responsabilités.
A sa sortie, le film fit forte impression au point qu'en Belgique le parlement se saisit du débat. Les choses ont changé sans toutefois répondre au besoin de conscience collective.
C'est la seconde année que Buzet sur Baïse fait le pari de fusionner cinéma et littérature. Pari difficile à tenir puisque nous savons que les budgets de la Culture ne répondent malheureusement pas aux besoins de la demande. C'est la raison pour laquelle j'ai envie de me lever, d'applaudir une poignée de passionnés qui mobilisent temps et énergie pour le plaisir de ceux qui ont répondu à cette invitation.
Restons honnête, si la première projection destinée aux élèves des écoles avoisinantes a récolté un franc succès, la projection destinée aux adultes ne fut pas ce que l'on pourrait appeler un grand cru. La question est posée, que faut-il faire pour que le public réponde présent ? Je n'ai aucune réponse à cette question, peut-être faudrait-il un peu plus d'engouement de la part des acteurs Politique ? Voici un événement qui porte le nom de la ville, de la région, à briller sur les affiches de l'international en a t'on prit conscience ? En vérité le nom des organisateurs devrait être gravé pour la postérité.
Que ne faut-il pas déployer d'énergie pour arriver à porter un tel événement ? Beaucoup de frustrations, d'impondérables qu'il faut résoudre parfois au dernier instant. L'espoir ne subsiste que parce qu’une poignée de bénévoles osent prétendre qu'un rêve peut devenir réalité. J’avoue avoir été étonné par l’absence d’élus à la salle de projection, n’y avait-il personne de disponible pour assister à l’évènement ? J’ose comprendre que dans cet état d’esprit, les citoyens ne se soient pas déplacé en nombre, c’est dommage, les organisateurs méritent beaucoup mieux.
Deux projections suivies d'un salon littéraire. La qualité était sans conteste au rendez-vous. Impossible de citer tous les auteurs, nous risquerions de commettre un impair. Nous saluerons toutefois Juliette Nothomb marraine de l'édition, venue en droite ligne de Lyon. J'adore Juliette pour l'avoir rencontrée à de nombreuses reprises dans le cadre de mes chroniques. En dehors de Juliette Nothomb, la Belgique fut largement représentée malgré une grève annoncée au sein d'une célèbre compagnie aérienne. Cette grève obligea les plus tenace à parcourir plus de 2000 kilomètre sur un W.E.. Bou Bounoider, Anne Libotte et j'en passe, furent le temps de quelques heures les ambassadeurs de la littérature Belge.
Ainsi, par cette ouverture d’esprit, le salon du livre de « Buzet sur Baïse » ouvre la porte à la culture sans frontière. C’est important pour les artistes de savoir qu’un tremplin existe au rayonnement de leurs créations en dehors du cercle intime et donc limité de leur terroir.
La langue Française mérite d'être cultivée, c’est un héritage qui porte notre mémoire, le rendez-vous des souvenirs sauvegardés. Comme le disait si justement une élue d'un département voisin : « L'un des premiers gestes que fait un tyran quand il prend le pouvoir c'est de brûler les écrits ». Par nos regards et notre intérêt nous permettons aux auteurs de percevoir un minimum de reconnaissance pour un travail étalé parfois sur plusieurs années. Rien que pour cela, l’effort d’être curieux mérite que l’on se déplace.
En conclusion j'écrirai que le Salon du livre de Buzet sur Baïse fait partie des incontournables. L'organisation est admirable malgré quelques détails insignifiants à améliorer, qui peut se vanter d'être parfait ? Si les organisateurs acceptent ma présence, je n'aurai aucune hésitation à me joindre à la prochaine édition. Je vous l'écris, je le signe et le fais avec enthousiasme, si la vie me le permet, en 2019 je serai présent et heureux de l’être. Petit mot encore pour saluer les vignerons de Buzet qui offrent un breuvage généreux, un apperçu de paradis. Un petit faible pour le restaurant "Le Gougeons qui frétille" dans lequel je me suis régalé et fait trembler le chef par mes blagues de potache. C'est que dans la région on porte le sourire au dessus du verbe et c'est cadeau.
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