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AZIZA*

(Une dédicace au réalisme saignant d'une "bonne" que j'ai recueillie, soignée et mariée, que j'ai perdu de vue puis retrouvée.)

Quand elle se présenta, je ne me doutais pas
Qu’elle avait eu une vie à réveiller les morts,
A faire tressaillir, de choc et de douleurs
La plus rigide des âmes qui n’y croyaient pas.

Abusée par un père despotique et violent,
Délaissée par une mère violentée et soumise,
Elle dut fuir ce foyer que l’inceste attise
Pour rechercher secours auprès des bonnes gens.

Elle ne pouvait compter sur ni frères ni amis.
Qui épaulerait une dite fugueuse ? En somme,
Les femmes avaient bien peur pour leurs petits hommes,
Les hommes ne pensaient, eux, qu’à leurs grosses envies.

Elle dut faire toutes les rues, restaurants et cafés.
Partout, lasse du vice qu’elle devait essuyer,
Sans soutien, dans la honte et la nécessité,
Elle dut seule surmonter la peur qui la coiffait.

De maison en maison, elle apprit à gérer
Le Mal, les insidieuses passions de ces humains
Qui prétendaient l’aider et lui tendre une main
Alors que l’autre cachait l’arme qui la tuerait.

Elle avait tout perdu, l’Amour et l’Innocence,
La Pitié et la Foi, n’avait que le courage
De lutter pour sourire et de garder la rage
Qui attisait en douce ces rêves de vengeance.

Elle savait bien que tous la voyaient du coin de l’œil
Elle travailla, trima, souffrit, et chaque jour,
Se relevait nouvelle, déterminée : pas de retour
Vers le noir passé qu’elle renie avec orgueil.

Elle se fit à coup dur un petit chez elle puis,
Armée de ses deux mains, de sa grande patiente,
Se fit place dans ce monde glaçant d’indifférence
Et se réfugiait le soir dans son minuscule nid.

Elle souriait toujours mais son cœur qui saignait
Faisait de ses grands yeux deux fontaines de larmes
Jaillissant à tout mot, douleur ou même fantasme
Lorsque son abominable passé elle peignait.

Je la revis enfin, si fière quoique marquée
Par le Mal. Mais elle vit, elle travaille et gagne
De quoi oublier sa solitude, compagne
Des malheureux qui sont par la Vie exilés.

Rabat, le15/12/2009, la gare routière, 11h15.

*AZIZA, prénom arabe qui veut dire « Chère, précieuse ».

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Commentaires

  • Merci très chère claudine quertinmont de lire et d'apprécier mon geste de solidarité envers de telles femmes que tue le silence.

  • Merci Monsieur Paul pour cette présence qui m'honore et ces voeux si solidaires et humains.

  • Merci Josette Gobert de lire et d'être là, je sens cette présence comme un soutien.

  • Que de vies saccagées nous entourent dans le silence du courage et de la honte.  Un texte fort pour une femme forte.  Merci du partage Khadija et bonne soirée.

  • Nous ne la connaîtrons jamais, mais vous avez évoqué son nom, et nous la respectons. Qu'elle puisse rencontrer quelqu'un qui lui sera bon compagnon et qu'ils puissent s'épauler. C'est ce que nous lui souhaitons de tout coeur.

    2965947078?profile=original

  • très beau texte. j'aime

    amicalement josette

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