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AMAIA VP OU LES COULEURS D’UN RÊVE INVISIBLE

AMAIA VP OU LES COULEURS D’UN RÊVE INVISIBLE

 

Du 04-02 au 27-02-22 l’ESPACE ART GALLERY (Rue de Laeken, 83 à 1000 Bruxelles) a eu le plaisir de vous présenter une exposition consacrée à la photographe belge, Madame AMAIA VP, intitulée METTRE EN COULEURS L’INVISIBLE.

Il y a dans l’œuvre d’AMAIA VP un mariage mystique entre une révélation de l’invisible et le temps passant, saisi dans l’instant. Ce temps, l’artiste le fige dans des plans animés d’une intimité exploratoire, comme pour un objet vu à travers une loupe optique. En réalité, son œuvre exposée est constituée de gros plans, au centre desquels se révèle le noyau d’une sensation vivace, conduisant vers l’extériorisation du sentiment du temps ressenti par le visiteur. L’œuvre exposée se compose de deux spécificités graphiques : 1) une série de tableaux conçus sur le module rectangulaire, présentant le sujet isolé en son centre. 2) une série sur module occasionnellement quadrangulaire, divisé en quatre carrés internes, chacun de ceux-ci représentant un même sujet quatre fois exposé. Le dénominateur commun recouvrant les œuvres rectangulaires se distingue par le sujet isolé faisant corps avec son ombre, pensée comme son double. Elle est, pour ainsi dire, « projetée » à partir du mur lui servant d’écran. L’image devient sciemment la projection du sujet. Et cette ombre, à l’origine de son existence, confère à l’œuvre une forme d’humanité à partir de la chose inerte. Certes, loin de nous l’idée d’une interprétation à outrance. Néanmoins, que dire de TRIP 1/4 (90 x 60 cm - impression : chromaluxe) ?

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Cette unité organique entre la forme et son ombre, ne va-t-elle pas au-delà de sa simple présence visuelle ?

Il en va de même pour HANGING 1/4 (90 x 60 cm - impression : chromaluxe).

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Comme son titre l’indique, l’idée de la pendaison est présente. C’est elle qui insuffle à l’œuvre la puissance de sa dynamique. Pour donner plus d’intensité à la mise en scène, le sujet et son ombre (son double) sont pris de ¾. Une théâtralité enveloppe la totalité de l’image. Celle-ci se compose de symbolique, à la fois figurative : la chevillette de porte semblable à une corde (celle du pendu) et chromatique : le bleu intense dont la force psychologique est de révéler une situation potentiellement angoissante.

D’origine cinématographique, le « bleu nuit » ainsi traité fut utilisé pour la première fois par le cinéma muet, précisément pour mettre en exergue des situations dangereuses, au-delà de la simple représentation nocturne.    

Force est de constater le rapport existant entre l’artiste et la ville dans une philosophie purement urbanistique. La ville devient le théâtre au sein duquel émerge un univers à la fois statique et fantastique. Cette philosophie trouve son point d’appui dans l’image du mur, lequel exprime sa matérialité sous la forme d’un écran, une assise, souvent vétuste, d’où s’échappe le sujet projeté. Le mur demeure immuable : il est soit lisse, laissant apparaître des anfractuosités, soit il est nu, révélant sa matière première, la brique. Il revêt ainsi sa double destination, à savoir qu’il reste un mur dans sa fonction portante tout en assurant son rôle de toile symbolique. Il y a une particularité dans le chromatisme usité par l’artiste. Bien que les couleurs soient vives (bleu clair/foncé (en dégradés), rouge vif, rose, violet, jaune vif), une atmosphère globalement « nocturne » se dégage de son œuvre, mettant en relief une sensibilité essentiellement onirique.

DEPTH 1/4 (80 x 80 cm - impression : chromaluxe)

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Comme impliquée par le titre, l’idée de la profondeur est présente. Ces quatre gros plans absorbent le champ visuel à l’intérieur d’une focale serrée en la restituant dans un ensemble sensoriel différent, en ce sens que chacun d’eux exprime un état d’âme particulier. Nous sommes face à une œuvre réalisée à distance, en ce sens que, posée à même le sol, l’artiste l’a reprise par le biais d’une plongée, provoquant un sentiment de profondeur.

 

 ABANDONED HOUSE-COMPOSITION 1/4 (100 x 75 cm - impression : chromaluxe)

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Symboliquement et chromatiquement fort proche de l’œuvre précédente, cette composition nous donne à voir l’image d’une porte, prise à des stades divers de sa narration. Dans ce cas-ci, le sujet est clairement une porte. Étant donné qu’elle donne accès à une maison abandonnée, le visiteur laisse divaguer son imaginaire.

 

WAITING-COMPOSITION 2/10 (80 x 80 cm - impression : chromaluxe) 

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Cette œuvre révèle un tour de force. Ce crochet entouré d’un anneau ne serait rien sans son support chromatique ! Cela est particulièrement vrai dans sa représentation à l’intérieur du carré supérieur de droite. Cet objet insignifiant acquiert, par le traitement des couleurs (rose pour les nuages et bleu pour le ciel), une dimension surréaliste à la MAGRITTE. Les trois autres carrés sont tout aussi intéressants. Remarquons que chacun d’eux adopte une identité à chaque fois particulière : le dialogue des couleurs exprime un état d’esprit différent.

 

 COAT OF ARMS 1/4 (90 x 60 cm - impression : chromaluxe)

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Est-ce une initiale surmontée d’une couronne, entourée d’un cadre rouillé ? Est-ce une plaque commémorative ? Un emblème héraldique ?

Cette symbiose entre le prestige du symbole et la vétusté du présent, mise en relief par les pierres dénudées et lépreuses, parle d’elle-même.

L’association des couleurs, notamment celle du vert à l’intérieur du cadre avec le rouge de la rouille et le bleu occasionnel parcourant l’espace, laisse le visiteur face à son propre onirisme. Le temps devient intemporel, en ce sens qu’il s’agit d’un temps contemporain se déclinant dans la réincarnation d’un acte qui a laissé sa trace. L’artiste lui donne une nouvelle vie, entre passé et présent, forte de sa touche d’intemporalité dans une interrogation devenue désormais actuelle, à savoir ne sommes-nous pas, en définitive, porteurs de notre propre invisible que l’Art cherche désespérément à extirper de nos limites humaines ? L’artiste a été, à tel point, fascinée par ce mélange de briques, de rouille, de craquelures et de couleurs qu’elle a voulu imposer sa volonté en superposant les éléments de cet ensemble dramaturgique dans le but de jouer sur la profondeur, à la fois spatiale et temporelle.

Par le titre de son exposition, l’artiste nous pose un problème hautement philosophique, à savoir l’association entre l’onirisme et l’invisible. En effet, le dénominateur commun entre ces deux notions est assuré par le traitement de la couleur, évoqué plus haut. Celle-ci développe une fonction génératrice, laquelle galvanise, à la fois, la composition en tant que telle mais également le rapport que l’œuvre entretient avec le visiteur. La couleur illumine l’invisible. Elle lui confère une vie en l’isolant de la banalité d’un quotidien sans relief dont la ville est le théâtre.

AMAIA VP axe sa démarche sur la mise en lumière des « oubliés » comme elle les qualifie. Des choses, en apparence, anodines, lesquelles, une fois révélées, acquièrent la force nécessaire à l’identité du sujet à l’intérieur du contexte urbain auquel il fait corps. Vivant à la campagne mais citadine à l’origine, l’artiste dresse un parallèle entre la ville, laquelle nous invite à la découverte et la campagne à la liberté absolue. Son œuvre se veut une synthèse entre les deux univers. Ce sentiment physique de la couleur trouve son origine dans l’aversion que l’artiste éprouve pour tout ce qui est sombre.

Elle doit mettre de la couleur pour faire revivre les lumières nocturnes des villes. Son rapport avec le temps est dicté par la volonté de vivre chaque instant passant dans le but d’aller le plus loin possible dans son parcours créatif. Un sentiment d’intemporalité baigne l’ensemble de son œuvre mais ce sentiment semble être le fruit de l’inconscient car en son for intérieur, elle affirme ne pas croire à l’intemporalité. Et pourtant, comment interpréter ces murs lézardés, dormant sous la poussière, ces jeux de textures sensitives, évoquant le toucher et le visuel ainsi que la lumière nocturne sans éprouver un sentiment personnel d’intemporalité ? Sans doute est-ce la dimension onirique que son œuvre révèle à y introduire cette image du temps en suspension teintée d’invisible. Le rêve est l’enfant de l’invisible.

Techniquement, l’artiste part d’une photo. Le travail se réalise sur un programme informatique conçu pour sublimer le sujet par la couleur et la lumière, traduisant ainsi une velléité de peintre sur support numérique sans perdre l’essence picturale de l’œuvre (même si ce n’est pas de la peinture à proprement parler). Elle peint, néanmoins, de façon autodidacte. L’artiste a une formation de journaliste (Université Libre de Bruxelles), en plus d’être diplômée en piano. C’est précisément en donnant des cours de piano qu’elle est entrée en contact avec les enfants. Elle a donc choisi de devenir institutrice dans une école inclusive, ce qui lui a permis d’organiser des séances destinées à permettre aux enfants de s’épanouir à travers l’Art. Précisons que même sa formation de photographe est autodidacte. Son travail exposé date d’il y a environ cinq ans. Elle pense continuer sur cette voie car, comme elle le dit si justement : « c’est moi ! », voulant demeurer fidèle à elle-même.

AMAIA VP, par l’acuité sensible de son art, interroge une interrogation, en mettant en couleurs cet invisible que le regard contemporain, après avoir été moderne, ne cesse de se poser.   

 

François L. Speranza

  

 

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(Février 2022 – photo Jerry Delfosse)

 

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AMAIA VP et FRANÇOIS SPERANZA : interview et prise de notes sur le réputé carnet de notes Moleskine du critique d’art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles.

 

13142922276?profile=RESIZE_710x13142924881?profile=RESIZE_710xPhotos de l’exposition à l’ESPACE ART GALLERY 

 

N.B. : Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Jerry Delfosse, cofondateur et nouvel administrateur général du réseau Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

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