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Alvéoles - Le voyage de Judith (8)

Valérie et Judith dialoguent dans un monde, Valérie et Faustine dialoguent dans un autre...

 


— C'est bizarre, tes lèvres sont toutes froides.

Judith entendit à peine la remarque de Valérie, tant elle se concentrait pour percevoir les pulsations cardiaques de la jeune fille. Elles étaient bien présentes. Rapides, légères, pleines de vie. C'était comme des vaguelettes sur un lac chauffé par un soleil d'été. La jeune femme se surprit à revivre un fugitif instant l'époque de ses stages en tant qu'interne, dans un service dédié aux grossesses à risques, où le bruit du souffle placentaire était omniprésent à chaque consultation, comme l'évidence de la vie à venir.

La jeune fille rayonnait de la même puissance jusque dans la moindre de ses cellules. Judith sentait la vie au-travers de ses lèvres.

Et moi ? Je suis quoi ? Morte ?

Si Judith avait pu bouger, peut-être aurait-elle tenté de planter ses dents dans les veines offertes de la jeune fille. Tant de vie contre ses lèvres glacées, c'était presque indécent. La jeune femme se ravisa au prix d'un immense effort :

— On dirait bien que tu vas mieux, Valérie. Tu n'as pas l'air d'avoir de la fièvre. Mais tu dois te reposer, tu sais, pour t'aider à guérir plus vite.
— Mais je me repose : je dors, là. Je rêve de toi.

 

(...)

 

Valérie s'était réveillée en sursaut.


Les détails de son cauchemar s'effilochaient déjà, mais il lui restait l'essentiel. Judith avait raconté cette histoire de rocher, mais dès l'instant où elle avait prononcé les premiers mots, l'image du monde où la jeune femme avait erré s'était imposée à Valérie. Elle n'avait pas eu le temps de s'attarder au décor féerique qui lui avait vaguement fait penser à son film préféré, Avatar, tant la menace que représentait l'énorme masse noire glissant sous cet univers semblait n'attendre qu'une occasion pour dévorer jusqu'à la moindre trace de vie et de lumière.
 

Elle aurait voulu dire à Judith qu'elle l'avait vue flotter au gré du vent, puis, comme un avion de papier qui perd de la vitesse, aller lentement à la rencontre du ténébreux océan. Elle aurait voulu dire à Judith qu'elle avait vu ce qui s'était passé ensuite, mais qu'elle ne trouvait pas les mots tant c'était étrange.

 

(...)

 

Valérie s'arrêta de parler.
Sa maman restait muette elle aussi, mais elle avait une tête à poser plein de questions, comme quand ses notes de calcul n'étaient pas bonnes, et Valérie n'aimait pas trop cela.


Elle avait couru depuis sa chambre, de peur que les derniers souvenirs de son cauchemar ne fondent comme en hiver les flocons sur la paume de sa main. Il ne restait d'ailleurs presque rien dans sa petite tête lorsqu'elle avait bondi dans les bras de sa maman, mais la jeune fille
avait tout de suite compris qu'elle avait eu raison de raconter.

— Je lui ai parlé, avait-elle dit tout de suite.
— À qui, ma chérie ?
— À elle, avait-elle laissé tomber en montrant le lit de Judith. Elle va mourir.
 

Elle avait ensuite laissé sa maman la serrer contre elle, et l'emmener dans le fauteuil au coin de la pièce. Là, elle avait déversé en un flot continu de paroles tout ce qui n'avait pas encore été effacé par son réveil brutal : Judith allongée toute nue et immobile comme une statue, l'herbe, les étoiles en plein jour sans soleil.
 

— Et j'ai eu peur.
— À cause de quoi, ma poupée ?
 

Elle avait pris un air grave, presque torturé, comme lorsque le médecin lui avait piqué la fesse pour son dernier rappel de vaccin. Faustine avait ressenti physiquement la concentration de sa fille, car en d'autres circonstances, elle aurait certainement remarqué que sa maman était
elle aussi très bizarre.
 

— Je ne sais pas. Peur, quoi.
— Peur que la madame meure ?
— Non. C'est un truc avec Judith, mais je ne me souviens plus.
 

C'est à ce moment que Faustine s'était tue.
 

Je ne lui ai jamais dit son prénom ?

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Commentaires

  • Merci Eric pour tout ces extraits! pas de problème on rentre dedans.Même si les passages dans le coma reflètent de la fiction , c'est bien décrit on y croit. On vit le ressenti de Judith, malgré qu'on ne sache jamais ce qu'une personne dans le coma perçoit. J'ai travaillé 34 ans  en soins intensifs, j'ai côtoyé des malades intubés, ventilés , je leur ai toujours parlé, ou simplement un échange physique, prendre la main,, caresser etc.... C'est jamais facile d'avoir un échange avec quelqu'un d'inerte tout se passe dans le regard et le toucher. Bon ça c'était une aparté professionnelle..! je ne lis pas souvent, mais j'ai eu plaisir à vous lire.Maintenant je suis curieuse de connaître l'intrigue du roman? Donc je vais l' acheter, car rien de tel qu'un bon bouquin dans les mains, feuilleter les pages et pouvoir l'emmener ou l'on veut. J'ai déjà étais faire un petit tour sur votre site, j'ai lu les critiques, votre biographie..(j'aime beaucoup Grangé!) donc je vais commander. A bientôt Eric, profiter de ce beau we ensoleillé! amicalement Catherine
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