Nous retrouvons Judith, un peu plus tôt dans le récit. Elle reçoit de la visite au fond de son coma.
Valérie considérait toujours Judith d'un air à la fois curieux et amusé.
Son visage se détachait avec netteté sur le ciel d'un bleu parfait.
— À quoi tu penses ? demanda-t-elle à la jeune femme.
— Je pense à mon mari.
— C'est le monsieur qui s'est mis en colère contre maman ?
— Oui. Je n'arrive plus à sentir sa présence. Pendant un bon bout de
temps, je l'ai senti près de moi, mais depuis que je suis ici, j'ai perdu
tout contact.
— C'est normal, dit la jeune fille avec simplicité. Ici, c'est nulle part.
Judith se tut pendant un instant.
— Tu as l'air fâchée, reprit Valérie.
— Non, non... Je réfléchissais. Pourquoi tu dis qu'ici c'est nulle part ?
— Ma maman dit que c'est ici qu'on fait tous les rêves dont on ne se
souvient pas. On ne sait pas comment on y arrive, on ne sait pas
comment on en part, et quand on se réveille, on a tout oublié.
— Moi, je sais comment je suis arrivée ici.
— Oui, mais toi, ce n'est pas pareil, dit Valérie. Toi, tu ne rêves pas.
Judith fut une fois encore frustrée de ne pas pouvoir exprimer sa
surprise.
— Pourquoi je ne rêve pas, Valérie ? Comment le sais-tu ?
— Tu ne bouges pas. Moi je rêve que je fais une grimace, et je fais
vraiment une grimace, regarde !
Valérie se pencha au-dessus de Judith et lui tira une langue
kilométrique, tout en se bridant les yeux avec les index. La jeune
femme voulut sourire, mais rien n'y fit : mis à part Valérie, rien dans
ce monde étrange semblait ne jamais pouvoir quitter cette parfaite
immobilité.
— Tu vois ? J'ai raison : tu ne bouges pas. Tout le monde rit toujours
quand je fais cette grimace.
Mon Dieu. Si ça se trouve, je suis en état de mort cérébrale ?
— Pourtant je te parle, reprit Judith. Et je sais aussi par où je suis
passée pour venir ici.
— Tu es venue à pied ?
— Pas en voiture, ça c'est sûr, dit Judith d'un ton ironique qui pourtant
laissa la jeune fille indifférente. Pendant quelque temps, j'ai entendu et
senti ce qui se passait autour de moi, à l'hôpital. J'entendais
Dominique, les médecins, ta maman, les instruments électroniques
qui m'entouraient. Et en même temps j'étais dans un autre monde, en
train de flotter dans les airs, tu vois ?
— Oui, dit la jeune fille, soudain mal a l'aise.
— Je flottais et parfois je m'accrochais à un rocher, poursuivit la jeune
femme, sans se rendre compte de la gêne de son interlocutrice. J'aime
bien grimper sur les montagnes, je me sens en sécurité quand je
touche de la roche. En fait, je m'accrochais parce qu'en-dessous de
moi...
— Je ne veux pas savoir, dit Valérie d'un ton ferme.
— ...il y avait..., continua Judith.
— Je ne veux pas. S'il te plaît.
— Pardon. Ça ne va pas, Valérie ?
— Non ! Je ne veux pas !
— Tu ne veux pas quoi ?
— Faire un cauchemar ! Je ne veux pas ! J'ai peur !
Commentaires
En effet, Lili! L'extrait était tombé dans une trappe (mots, lettres; tout!)
:-) mais je l'ai retrouvé intact.
Il faut dire que peu de choses bougent là-bas...
Sourire ... OUF ! ...Sorti du trou noir !
Merci Eric ...je patiente avec impatience pour la suite ....
Bonne et belle journée .
Lili.