Impossible de ne pas admettre que l’ensemble de notre vie est impacté par toute situation rencontrée dès notre plus tendre enfance. Oserais-je ajouter qu’avant même que nos premières respirations se joignent à l’orchestre de l’humanité, le bébé comme une éponge, absorbe tendresse ou manque d’amour avec une déconcertante facilité. C’est probablement à l’image de cette même éponge, qu’il rejettera progressivement le trop-plein de ce qui l’a perturbé. Pour les plus malchanceux d’entre nous, trop de poisons briseront le contenant en forgeant dans le subconscient une fêlure irréparable, un point de non-retour.
L’auteure qui nous intéresse est médecin généraliste, mais pas que. Éclectique par nature, elle s’adonne à la peinture en plus de l’écriture. Les plus fidèles d’entres-vous se souviendront que j’avais chroniqué, il y a quelques années déjà, son roman « Temps de guerre, temps de paix ». C’était une œuvre qui m’avait séduit et que, par coup de cœur, j’avais proposée au prix remis à l’occasion du Salon International du livre de Mazamet 2018. L’ouvrage avait été remarqué et s’il ne fut pas couronné j’ose dévoiler que ce fut de justesse.
Élide Montési n’est pas à son coup d’essai. Elle nous a offert « Les filles d’Hippocrate », « La nuit n’est jamais complète », « Ligne brisée » avant de rédiger le roman que nous approchons dans cette chronique. Pas étonnant qu’avant de découvrir son dernier ouvrage, je me sois préparé une bulle de confort afin de me plonger dans l'œuvre qu’elle m’avait confié au salon Mon’s livre fin novembre dernier.
J’avoue avoir été décontenancé par un sujet des plus interpellant. C’est peut-être la faute au fait que l’on ne l’approche jamais suffisamment, je veux dire par là, en utilisant un langage compréhensible par le quidam que nous sommes, misérables ignorants, hermétique au jargon scientifique. La raison vient peut-être également que l’on préfère quelquefois le déni par peur d’ouvrir une boite de pandore don le contenu se limiterait à une antenne parabolique qui refléterait les manquements de nos sociétés, mais pas que. Pas facile d’oser se remettre en question et pourtant, comme le soulignait si justement ce cher Albert Einstein, c’est devant celui qui connait les abysses de son ignorance que l’on reconnaît l’être d’exception.
Mais revenons à nos moutons :
En abordant « Allo maman, ma mère n’est pas là ! », comme tout lecteur qui se respecte j’ai commencé par le quatrième de couverture. Ce dernier nous explique que : ce livre met en scène la problématique des troubles de l’attachement chez l’enfant…
Je ne puis souscrire à cette description, elle est à mon sens trop restrictive. À mon regard, ce livre aborde une série de catastrophes humaines inhérente à notre environnement. Certes, je puis comprendre ce que l’auteure ou l’éditeur a voulu souligner par cette accroche. Elle est certainement logique si l’on considère que les conséquences, dues à ce qui pourrait ressembler à un rejet parental, vont peser lourdement sur le destin d’un enfant, et pourtant !
En me plongeant dans « Allo maman, ma mère n’est pas là ! » je n’ai pu empêcher mon esprit de porter son attention sur l’entièreté des éléments que nous décrit Élide Montesi. J’avoue, j’en ai eu le vertige.
C’est que l’auteure possède une sensibilité à fleur de peau qui lui permet de décrire les ornières posées par la vie ou par les destins émiettés. L’écrivaine détient le don d’effleurer les oubliés, les êtres cassés, ceux qui n’intéresseront personne sauf quand viendra l’heure d’un bilan apporté malheureusement par la « une » de l’actualité judiciaire. C’est là qu’intervient la description de nos limites et du tourbillon qui peut entrainer une âme blessée au risque d’entraîner ceux qui tentent de lui venir en aide.
M’arrêter ici serait malhonnête, le livre nous réserve beaucoup plus.
L’enfance malmenée pas une maman complètement paumée permet d’aborder la thématique non pas de l’adoption, mais des familles d’accueil. Au final, en refermant le livre je me suis rendu compte qu’il foisonne d’informations qui peuvent probablement servir de références. En parlant de référence, je songeais à l’ensemble des acteurs qui fréquentent la scène de la vie sur laquelle irrémédiablement nous jouons notre rôle et qui me porte à dire que nul n’est innocent. Je n’accuse personne, je ne fais que décrire une simple observation. S’il fallait vous convaincre j’ajouterais qu’il suffit d’être conscient des regards que nous portons sur ceux qui nous sont différents par le comportement. Je suppose qu’il est plus facile de juger que de soigner…
Je ne condamne pas, je ne le pourrais pas puisqu’en écrivant ces mots me voici assis à vos côtés sans que je ne puisse apporter la moindre solution à ce dilemme présent depuis que l’humain à foulé le sol de cette bonne vieille terre.
Voilà, sans l’avoir provoqué, Élide Montési ouvre les débats et m’y a entrainé malgré mon devoir de réserve…
Je n’ai qu’un léger bémol à murmurer, que ceci ne gâche pas votre plaisir.
En finissant ma lecture, me reste comme un léger goût d’empressement. Comment exprimer mon ressenti ? C’est comme si l’auteure s’était laissée portée par le sujet (serait-elle concernée ?) et que de nous apporter cette histoire, elle s’est livrée jusqu’à l’épuisement. N’aurait-elle plus eu la force de se laisser le temps nécessaire à la décantation ? Il y va d’un livre comme d’un parfum de femme. L’exception requière une attention des plus exigeantes et l’éditeur devrait de temps en temps se positionner en qualité de chef d’orchestre. Plus facile à dire qu’à faire j’en suis conscient, mais c’est également mon rôle de prendre tous les éléments d’une œuvre en compte. Les détails don je vous parle sont insignifiants, sans la moindre réserve je vous invite à vous procurer « Allo maman, ma mère n’est pas là ! ». Vous pourrez découvrir ce livre comme un simple roman ou, et je vous y invite, l’utiliser comme un outil au service de l’humain.
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