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Actualité de fin d'été en 1924

Chronique de Languenébé

1924, une révolution s’est produite dans la Fonction publique. Une femme de fonctionnaire, devenue veuve, peut revendiquer une pension de réversion. Sur la côte et près des ports militaires, elles sont nombreuses les veuves de marins de la Royale. Toutes ne savent pas lire et très peu d’entre elles connaissent leur nouveau droit.
Le garde maritime devient un assistant social. « Il fait les papiers ». Il n’est pas obligé mais il trouve cela normal. Dans son bureau, une table et deux chaises à l’entresol de la maison « Ker Eol » il reçoit des pauvres veuves en détresse. Il rédige, à la plume et à l’encre bleue, les demandes de pensions. Au début les femmes n’y croyaient pas trop, mais quand elles ont été convoquées à Morlaix pour recevoir de l’argent, elles ont cru que le Bon Dieu venait de revenir sur la terre ; même s’il fallait récupérer les sous dans la grande ville, en y allant à pieds et chaussées de sabots en bois.
Non, le garde maritime n’est pas le Bon Dieu… Même s’il arrive que des femmes reconnaissantes viennent, à genoux aux pieds des escaliers, remercier celui qui les a sorties de la misère.
En général, un garde n’est pas très bien vu, il embête tout le monde avec ses règlements. En plus celui-là n’est ni marin, ni pêcheur ; que ce soit à la ligne ou à pieds. Le monde de la mer l’indiffère complètement. Lorsqu’il a pris sa retraite de la gendarmerie maritime, l’Etat lui à proposé deux choses : d’abord un emploi réservé : il a choisi garde maritime, le métier le plus proche du sien. Ensuite, dans sa magnificence bien connue, l’Etat lui a proposé, soit un vélo tout neuf, soit une concession à perpétuité du domaine maritime ou il pourrait élever des coquillages. Des huitres par exemple. Evidemment il a pris le vélo, bien plus utile qu’un arpent de vase collante sur la grève.
Donc ce terrien, échoué à Carantec, aurait tout pour déplaire si les veuves ne lui avaient pas tressé des couronnes de louanges. Pourtant, il prend des initiatives qui pourraient déplaire.
La municipalité veut favoriser le tourisme, les hôtels poussent comme de la mauvaise herbe au printemps. Les estivants aiment se baigner, les femmes pas trop mais les enfants beaucoup. Au Kelenn, la plage des touristes, le maire a fait installer un plongeoir. (Les Morlaisiens de la Grève Blanche n’en ont pas besoin) Cet équipement touristique de pointe se compose d’une sorte de radeau en bois, ancré solidement et surmonté d’une petite tour d’où l’on peut sauter dans l’eau… S’il y en a assez !
Un photographe est venu prendre une « vue », à l’heure du bain, pour fabriquer une carte postale. Affluence et succès du plongeoir. Hilares, les enfants, en maillots de laine tricotés par les mamans, se pressent sur la petite plateforme.
Quand le garde maritime a repéré son petit fils sur la carte postale, son sang n’a fait qu’un tour. Vite, vite, interdire cet engin pour risque mortel par noyade. Il n’a pas tord. Le ressac balance le radeau et pourrait coincer un petit sous son poids. Un inconscient pourrait s’empaler sur l’ancre ; un maladroit pourrait plonger par erreur sur la plateforme et pas dans l’eau ; les berniques pourraient lacérer des jambes qui s’y frotteraient. Voilà le plongeoir hors la loi.
Par la grâce d’un modus vivendi bien compris, tout est bien qui finit bien. Ce n’est pas le plongeoir qui est interdit, mais plutôt sa conception. Il suffit de planter solidement une tour dans le sable pour remplacer le radeau et limiter les risques.
Du coup, on va en mettre aussi à la Grève Blanche, parce que les enfants de Morlaisiens aiment plonger autant que ceux des estivants.
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