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A peine un adultère

Pierre avait passé cinq ans aux Etats-Unis. Lorsqu’il était revenu, c’était en septembre, l’après midi tirait sur sa fin, il s’était rendu directement chez Julie. Il l‘avait serrée dans les bras et elle s’était abandonnée contre lui.
Le lendemain matin, ils étaient encore au lit, elle lui avait dit qu’elle avait épousé Bernard mais, elle s’en rendait compte aujourd’hui, c’est lui qu’elle aimait.
Son corps était encore moite. Elle ne savait pas si cette odeur était la sienne ou celle de Pierre. Elle respirait fort. Elle ne réfléchissait pas, elle voulait qu’il la prenne encore. Elle avait la main sur son sexe.
- Pourquoi es-tu parti ? Ne m’abandonnes plus, Pierre. C’est toi que j’aime. Pourquoi es-tu parti ?
Elle alla préparer le petit déjeuner après avoir posé sur les épaules un léger peignoir qu’elle laissa flotter et qui la rendait plus nue que si elle n’en avait pas mis du tout.
Pierre était âgé de trente cinq ans. Il était aussi maigre que lorsqu’elle l’avait connu à l’âge de vingt ans assis au bord de la piscine municipale tandis que Bernard, plus musclé, se jetait à l’eau à partir du plongeoir haut de cinq mètres.
- Et Bernard ?
- Ne penses pas à lui. Il ne revient que dans dix jours. En attendant, tu logeras ici. Tu iras chercher tes bagages à l’hôtel.
Pierre secoua la tête d’un air dépité.
- Je n’ai pas été à l’hôtel.
- Tu es venu directement ici ? Tu n’as rien ?
- Plus rien, Julie. Rien ni personne.
Elle se sentait inexplicablement heureuse. Il n’avait qu’elle. Elle aurait voulu le bercer comme elle avait bercé durant de nombreuses années l’ours en peluche qu’elle avait reçu à sa naissance.
Elle conduisit Pierre dans ce qu’elle nommait le dressing-room. Elle ouvrit la garde robe de Bernard.
- Changes de vêtements. Vous avez pratiquement la même taille.
Elle le regardait changer de vêtements avec curiosité alors que quelques heures auparavant, elle avait vu, nu, son corps tout entier. Il avait cessé de se changer.
- Je vais t’attendre dans la cuisine.
Durant les jours suivants ils se conduisirent comme un couple marié dont aucun des membres n’était astreint à un horaire. De sorte qu’ils se levaient tard, déjeunaient avant même de s’habiller, parfois ils se remettaient au lit.
Si elle n’avait pas envie de cuisiner, ils allaient au restaurant. C’est elle qui lui glissait sous la table quelques billets avec lesquels Pierre réglait l’addition.
Le moment qu’elle préférait c’était le soir avant de se mettre au lit. Ils regardaient la télévision, lui assis dans un fauteuil et elle, les genoux pliés, accroupie à ses pieds. Elle posait la tête sur ses cuisses. Elle aimait ce moment où elle sentait qu’il respirait plus fort et lui poussait la tête contre le ventre.
A la même heure, tous les soirs Bernard téléphonait. Il était ingénieur. Il travaillait sur des plateformes maritimes. Il ne revenait que tous les deux mois.
La veille de son retour, deux mois passent vite pensa-t-elle, elle lui dit que Pierre était revenu.
- Il a voulu que nous soyons les premiers avertis de son retour. Demain nous viendrons te chercher. Je préparerai un repas comme tu les aimes.
Lorsqu’un couple se dispute, c’est le soir avant de se mettre au lit. Les ébats sexuels auxquels il se livre ensuite parce que les disputes mettent les nerfs à vif rendent incompréhensibles les raisons de la dispute. En revanche les aveux, c’est après les ébats sexuels qu’ils se font. Les relations amoureuses relèvent d’une alchimie singulière.

La veille du retour de Bernard, Pierre avait pris une chambre d’hôtel. La vie d’avant avait presque repris pour Bernard et Julie. Sinon que le lendemain alors que
Julie était étendue auprès de Bernard.
- Il faut que je te dise, Bernard. Je suis amoureuse. De Pierre.
- Tu es amoureuse ?
- De Pierre.
Il le voyait bien, elle parlait sérieusement. Bernard n’était pas homme à crier. Les cris dissimulent la peur qui, soudain, vous envahit.
- Je…je dois réfléchir.
Il s’était assis pendant qu’elle enfilait sa robe de chambre. Il avait mit la couverture sur ses épaules, d’instinct, comme s’il n’était pas convenable de se montrer tout nu devant une femme pour qui, peut être, il était devenu un étranger.
Ce soir là, c’est dans le lit de Pierre que Julie se coucha. Bernard avait la nuit entière pour réfléchir à une situation qui lui était tout à fait inconnue sinon par les histoires sinistres de cocus.
Bernard ne voulait pas perdre Julie. Tuer Pierre ? Il n’y pensait pas réellement. Cela ne l’aiderait en rien. Mourir, pas davantage.
Il fallait bien finir par se poser la question : une femme comme l’était Julie vivait-elle comme une nonne lorsqu’il s’absentait deux mois durant ? Qui donc mettait-elle dans son lit ? Des rencontres de hasard ? Deux mois !
Pierre, il le connaissait, c’était un ami. Il aimait Julie. Elle comptait pour lui comme elle comptait pour Bernard. Il l’aurait tué sans hésiter si ce n’avait pas été le cas.
La réponse finit par s’imposer. S’il ne l’avait à lui que durant huit jours à chaque fois qu’il revenait de mission, n’était-ce pas mieux que de ne plus l’avoir du tout ?
Elle était sur le point de pleurer. Elle n’aimait pas faire de la peine. Ils étaient assis face à face dans le salon.

- J’ai besoin de toi, Julie.

Bernard avait demandé à Pierre de les laisser seuls quelques heures. Elle n’avait rien objecté. Il fallait vider l’abcès, elle en avait conscience. Tout régler au plus tôt. Pierre avait dit oui. Il ne savait pas l’attitude qu’il devait adopter. Il dit qu’il reviendrait plus tard.
-Je te comprends, Julie. Je n’étais jamais là. Je n’ai pas l’intention de vous empêcher de vous aimer. Mais j’ai besoin de t’avoir à mes côtés. Je mourrai si tu t’en vas.
Bernard s’exprimait comme il s’exprimait sans doute durant une négociation d’affaires. D’un ton uni mais sans hésitation. Les mains jointes posées sur la table.
- J’ai besoin de sentir ton odeur. Tu ne peux pas me refuser ça. J’ai besoin de t’appeler tous les jours.
Il avait préparé une valise. Elle se laissa embrasser.
Elle avait encore les yeux mouillés lorsque Pierre était revenu. Toute alanguie elle se serra contre lui. C’est elle qui le conduit à la chambre qui avait été, la veille encore, celle de Bernard et qui serait désormais la leur. En l’espace d’un moment, ce qui avait été un adultère était devenu les retrouvailles d’un couple libre de ses élans. Même s’il n’avait pas le droit de les afficher officiellement.
Pendant un mois, ce fut ce qu’elle appelait avec exaltation « des noces de chair ». Elle était incapable d’expliquer ce qui lui embrasait le ventre lorsqu’elle était auprès de Pierre mais c’est elle qui l’entrainait. Le coup de téléphone de Bernard était loin de leur déplaire, ils l’attendaient comme un repère important.
C’est Pierre qui avait dit un soir, ils en avaient ri peu après :
- Il n’a pas encore appelé. J’espère qu’il ne lui est rien arrivé.

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