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12273059889?profile=original"Les silences du colonel Bramble" est un roman d'André Maurois, pseudonyme puis patronyme d'Émile Herzog (1885-1967), publié à Paris chez Grasset en 1918.

Trois romans d'une facture originale, que rapproche une unité de personnages et de ton, ont été inspirés à André Maurois par son expérience d'officier de liaison auprès de l'armée britannique lors de la Première Guerre mondiale. Aux Silences du colonel Bramble succèdent en effet les Discours du docteur O'Grady (1922), suivis des Nouveaux Discours du docteur O'Grady (1950). Mais l'intérêt profond de l'auteur pour l'Angleterre excède largement ce cadre. Il apparaît notamment dans des biographies (Ariel ou la Vie de Shelley, la Vie de Disraeli, Byron), dans son Histoire d'Angleterre ou dans des ouvrages de critique littéraire (Études anglaises). Le romancier a révélé plus tard qu'il avait d'abord hésité à publier les Silences du colonel Bramble, puis envisagé d'en limiter la diffusion au cercle de ses proches. Il fut surpris du succès de cette première publication qui lui assura d'emblée la notoriété.

Entre 1914 et 1918, dans la plaine flamande, sympathisent des officiers britanniques et français. Le colonel Bramble, écossais, comme le révérend Mac Ivor, a un "humour sec et vigoureux". L'Irlandais O'Grady, qui est dans le civil médecin aliéniste, se lance parfois dans des conférences "dans un style intermédiaire entre celui de M. Shaw et celui de la Bible". Le major Parker devise volontiers avec le Français Aurelle, officier de liaison. Le soir, la conversation porte souvent sur les différences de conception de l'existence entre les peuples. Puis Bramble met sur son gramophone un disque de Caruso. Un jour, un obus tue le révérend et blesse Aurelle.

Plus tard, les hasards de la guerre remettent en présence les anciens amis. Bramble est devenu général et Parker "brigade major". Ils évoquent leurs rencontres passées avec nostalgie, "car il y avait déjà un bon vieux temps de cette guerre, qui n'était plus dans la fraîcheur de la jeunesse".

Malgré les interludes que composent des poèmes semblables à des chansons d'amour, ou une incursion dans le journal d'Aurelle, le corps de ce bref roman est constitué par les échanges des Britanniques et du Français. Quand celui-ci défend sa conception de la liberté, ils lui répondent avec sérieux que "les droits imprescriptibles de l'homme sont le droit à l' humour, le droit aux sports et le droit d'aînesse". Leur fatalisme et leur scepticisme semblent parfois confiner au cynisme: "Nous n'allons pas au collège pour nous instruire", affirme Parker, "mais pour nous imprégner des préjugés de notre classe sans lesquels nous serions dangereux et malheureux". Mais on sent, à travers de ponctuelles interventions de l'auteur, une chaude estime pour la dignité et la tolérance de ces hommes: "Dans l'effroyable méchanceté de l'espèce, les Anglais établissent une oasis de courtoisie et d'indifférence." Leur assurance ingénue semble une grâce venue de l'enfance. Plus qu'un livre de bons mots ou une méditation sur le génie des peuples, André Maurois amorce une réflexion sur la supériorité morale que confère, au sein des périls, le sens de la mesure et de l' humour. Le terme "gentleman" prend ici une portée universelle. Il suppose un mélange d'orgueil et d'humilité qui résume à lui seul les leçons de stoïcisme que délivre toute guerre.

 

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