Il s'agit de Mémoires de François Mauriac (1885-1970), publiés à Paris chez Flammarion en 1959.
Mauriac renouvelle le genre dans cet ouvrage qu'il faut bien qualifier de "mémoires", faute de terme propre pour le définir. L'adjectif "intérieurs" désigne le cheminement intellectuel et, mieux encore, spirituel d'un homme pour qui parler de soi serait, d'une certaine façon, trahir les siens. C'est donc au fil de ses lectures que Mauriac révèle son intériorité, recréant chaque auteur à son image, mais témoignant aussi, par ses inclinations, de la communauté profonde qui le lie à tel ou tel écrivain.
Prédisposée au rêve, l'âme de poète de l'enfant Mauriac se nourrit d'une quête de l'invisible au travers du visible, et refuse l'affabulation mensongère. Romancier, il s'abreuve à cette source, et comme lecteur, il recherche l'être originel qui se projette dans les créatures imaginaires. Adonné à la lecture de Pascal, de Racine, de Baudelaire et de Proust, il découvre chez eux la volonté exigeante d'exprimer une vérité indicible. En effet, plus que les signes visibles de l'écriture, Mauriac interroge les silences d'une oeuvre, tout ce qu'ils trahissent d'angoisses et de quête mystique. L'art, celui de Racine ou de Valéry, se définit donc comme une approche de l'ineffable, là ou la parole affronte ses limites. Retiré de l'arène littéraire, le romancier vieillissant affectionne les journaux et les biographies, qui éclairent les textes de fiction en restituant leur arrière-plan spirituel. Ainsi le mal en littérature, les provocations de Gide ou les complaisances de Constant s'imposeraient comme les signes inversés d'une quête de la transcendance, secrète ou avouée. Pour Mauriac, le grand romancier, comme Balzac ou Proust, met en place tout un monde; il édifie un monument à nul autre pareil et nulle loi formelle, n'en déplaise aux "Nouveaux Romanciers", n'oriente son écriture: la complexité d'une oeuvre témoigne avant tout de sa surnature profonde. Mauriac suit à la trace le travail de la grâce chez ces âmes en quête d'elles-mêmes et d'un absolu - qui peut s'appeler Dieu.
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