Premier long métrage pour Giacomo Abbruzzese, connu pour des courts primés (Archipel, Fireworks, Stella Mari) et un documentaire nominé aux César : America, sur l'émigration américaine de sa famille.
Disco Boy accompagne Aleksei, un Biélorusse qui, avec son ami Mihhael, tente de fuir son pays pour rejoindre Paris via la Pologne. Dans le car d'un club de foot biélorusse, ils passent la frontière polonaise de l’Union européenne. Mais alors qu'ils tentent de franchir une rivière à bord d'un canoë gonglable, Mikhael est abattu par un patrouilleur. Aleksei, quant à lui, parvient à arriver en France. Jeune gaillard robuse et sans attaches familiales, on lui propose d'intégrer la légion étrangère qui lui permettrait d'obtenir un permis de séjour de cinq ans et au bout la nationalité française. « Êtes-vous prêt à prendre des risques ?». « Celui qui a peur reste à la maison » bravache Aleksei. Il est enrôlé.
«Avocat ou sans abri, je me fiche de qui vous étiez» clame l'instructeur de la Légion devant les nouvelles recrues, «ici, tout le monde a une nouvelle chance si vous avez l'intention de devenir Français avec tout votre cœur et vos muscles». "La légion est votre famille". A l'issue de son entraînement et de son endoctrinement, Aleksei est envoyé dans le Delta du Niger.
Changement de point de vue: nous faisons la connaissance de Jomo, un chef rebelle, qui depuis son village dans la jungle dirige le MEND (Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger) contre les compagnies pétrolières qui dévastent l'écosystème et réduisent l'espérance de vie des habitants. Udoka, la soeur de Yomo, pense que la lutte est vaine et rêve de s'expatrier. Alors qu'il plaisante avec un ami, Jomo exprime un rêve : «Que ferais-tu si tu étais né blanc dans une ville avec de l'argent et une bonne éducation ?». « Je ne sais pas, peut-être que j'aimerais être danseur, un disco boy».
C'est lors de la prise en otage des dirigeants d'une compagnie pétrolière, qu'Aleksei se trouvera face à Yomo surgissant brusquement devant lui lors d'un repérage alors qu'il traversait un marais. Le combat nocturne est hallucinant filmé à l'aide d'une caméra thermique. Aleksei tue Yomo dans un tourbillon de lumières rouge orangées et blanches rappelant un jeu vidéo. Aleksei ramène Yomo à terre. Les yeux grands ouverts de Jomo émeuvent Aleksei au point qu'il enterre son adversaire en lui creusant une tombe à mains nues alors que l'hélicoptère de la brigade tournoie dans le ciel.
Hanté par ce premier crime, Aleksei sombre dans un mélancolie irréversible. Lors d'une marche, il refuse de chanter le chanson de Piaf "Non, je ne regrette rien". Humilié, déshabillé, exhorté à la raison "Tu auras la nationalité française, tu pourras épouser une fille d'ici et envoyer tes enfants dans une bonne école, Aleksei finira par mettre le feu à son permis de séjour dans son casier.
Dans une boîte de nuit, il épousera les rythmes d'une danse tribale, celle de Udoka et Yomo et comme dans un rêve Udoka rejoindra la scène pour se joindre à lui.
Film anti-guerre au rythme narratif troublant où rêve introspectif et réalité crue se chevauchent créant un suspens étrange jusqu'à son dénouement symbolique, Disco Boy parvient à toucher le spectateur avec très peu de mots mais des images fortes et une esthétique nouvelle dans les films de ce registre. Giacomo Abbruzzese a expliqué sa démarche dans une note pour la Berlinale : «Nous sommes habitués à ce que la guerre soit racontée d'un seul point de vue. L'autre, l'ennemi, existe rarement en tant qu'entité complexe.» Il poursuit: «Je voulais montrer l'horreur de la guerre en donnant aux deux camps la même dignité émotionnelle. Je voulais m'éloigner des stéréotypes de masculinité et de violence qui caractérisent de nombreux films de guerre.»
Le projet remonterait à 2013, quand Abbruzzese rencontre dans une discothèque française un danseur classique ancien soldat, deux activités qui demandent effort extrême discipline physiques. “J’aime vraiment y penser comme à une peinture et pas seulement comme à un drame psychologique d’êtres humains traumatisés, parce qu’ils le sont” dit le réalisateur à propos de ses choix visuels. “Par exemple, je ne voulais pas filmer le combat entre Aleksei et Jomo comme dans un Rambo. Cela aurait été ridicule". L'idée du film a ensuite été développée lors d'une résidence d’artistes Cinéfondation dans le cadre du Festival de Cannes.
Casting prestigieux puisque c'est l'acteur allemand primé Franz Rogowski (Freaks Out) qui a été choisi pour le rôle d'Aleksei et pour Jomo, c'est l’acteur Gambien Morr N’Diaye (Tumaranké) qui relève le défi. Quant à Udoka, le rôle revient à Laetitia Ky, mannequin militante ivoirienne. Dans la distribution, on retrouve encore le Croate Leon Lučev, l’Italien Matteo Olivetti, le Polonais Robert Więckiewicz et le Belge Mutamba Kalonji.
Né à Tarente dans les Pouilles en 1983, Abbruzzese a étudié à Bologne et à l'école nationale de cinéma Le Fresnoy en France. Abbruzzese a travaillé dans plusieurs pays dominés par les guerres et les troubles civils en tant que photographe au Moyen-Orient et directeur artistique de la chaîne de télévision palestinienne AQTV. Il a aussi enseigné l'écriture de scénarios et le montage de films au Dar Al- Kalima College de Bethléem en Cisjordanie.
Disco Boy est une coproduction française, belge, polonaise et italienne.
Palmina Di Meo