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Publications de LOUHAL Nourreddine (53)

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Je n’oublierai jamais l’instant magique où fusèrent de mon transistor les premières notes de l’immortelle « Avava Inouva » (Mon papa à moi) du chanteur IdirHamid Cheriet, né le 25 octobre 1949 à Ait Yenni (Algérie), mort le 2 mai 2020. Qui aurait cru que cette chanson de la Face « A » du disque 45t allait être diffusée dans 77 pays et traduite en quinze langues, dont la version française qui a été interprétée en 1975 par le duo David Jisse et Dominique Marge en 1976 ? Et puis vint « Assendu » que l’on écoutait chez le disquaire de la rue Mustapha-Ferroukhi (ex-Richelieu) avant la sortie en 1976 de son album de légende, un disque 33t où il y’a la compilation de ses plus belles chansons. Et en dépit du succès, Idir disait : «J’avais un message à faire passer et c’est fait ! Je ne suis pas un chanteur à paillettes».  A ce propos, j’ai eu la chance de rencontrer l’homme ! Cet être « simple, » et débordant de bonhomie mais aussi d’un capital de contes qu’il a tété d’« une grand-mère et une mère poétesses » qu’il disait. A nous deux, nous débattions de thèmes divers, notamment de l’époque bénie des seventies où fusa des cœurs d’une jeunesse rebelle, la rébellion des chanteurs  Djamel Allem (1947-2018), Noureddine Hassani dit « Nourredine Chenoud » et bien d’autres qui allaient poser les jalons de la lutte identitaire. Qu’elle était belle cette Algérie qui s’irriguait de la sève d’une jeunesse porteuse d’idées mais aussi de progrès. Repose en paix l’artiste et que la terre de tes ancêtres te soit légère ! Sois-en sur que tes fans de l’époque des années 1970 et toutes générations confondues qui ont fredonnés Avava Inouva ne t’oublieront jamais. Paix à ta belle âme. Alger, le 3 mai 2012, Louhal Nourreddine.

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Christophe rejoint "Aline"

Christophe rejoint "Aline"

Bonjour mesdames et messieurs! A l’époque où la chaîne unique de l’ex-R.T.A (radio télévision algérienne) cessais d’émettre à 22h30’, c’était le transistor aux grosses piles plates qui prenait le relais jusqu’à  je sombre dans les bras de Morphée. Mais avant, j’allais de la station d’Alger Chaîne III vers la Radio Monte-Carlo (RMC) où j’écoutais les tubes au hit-parade de la variété française, dont  l’indémodable « Les paradis perdus » de Christophe qui passait en boucle avec entre-autre «Appelez-moi frénésie » de Michel Jonasz  (1973). Aujourd’hui qu’il est loin d’ici, je me sens redevable envers Christophe à qui je dédie cette modeste dépêche publié aujourd’hui sur le journal « Liberté » pour lui dire merci pour tant de bonheur qu’il m’avait donné. Repose en paix l’artiste ! Que la terre te soit légère et que tes « mots bleus » soient l’épitaphe gravée pour l’éternité sur ta pierre tombale. Bonne lecture à vous mes ami(e)s et agréable journée. Louhal Nourreddine, le 18 avril 2020.12273324473?profile=original

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Que reste-t-il de nos salles de cinéma ?

Que reste-t-il de nos salles de cinéma ?

La petite salle de la cinémathèque algérienne a abrité lundi dernier son premier forum sur le cinéma algérien et mondial, appelé à se renouveler. Il s'agira, en effet, d'inviter des cinéastes, des écrivains, des critiques et même des artistes et des comédiens pour parler du cinéma, de son histoire et de ses perspectives. Des projections et des ventes-dédicaces seront également organisées dans ce lieu symbolique. Premier rendez-vous pris, a été donc, mardi dernier, avec une rencontre-débat des plus enrichissantes avec le chercheur et écrivain algérien Nourreddine Louhal et le photographe français Stephan Zaubitzer, auteur de Cinés-Méditerranée au sujet de l'état des salles obscures en Algérie. Nourreddine Louhal, écrivain, chercheur en patrimoine et journaliste, évoquera tout au long de sa conférence son livre Sauvons nos salles de cinéma.12273323893?profile=original

Témoignages vivants

De son côté, Stephan Zaubitzer, photographe, mais aussi passionné de cinéma et d'architecture, a décroché le World Press Photo en 2004 pour le travail sur les salles de cinéma plein-air de Ouagadougou et expose régulièrement en France et à l'étranger, a présenté un diaporama d'une centaine de photos ayant trait aux différentes salles de cinéma toujours fonctionnelles ou fermées, que ce soit en Egypte, Maroc, Liban, Tunisie, mais encore l'Algérie (Alger, Oran). Il était ainsi accompagné par les précieux arguments et anecdotes de son comparse Nourreddine Louhal avec lequel il formait un très bon duo pour décrire l'un avec les mots et l'autre avec l'image la situation des salles de cinéma en particulier et du 7e art en général que ce soit au Maghreb ou dans les pays arabes, entre passé, présent et ce qui augurait peut-être pour elles comme avenir. à noter que les photos de Stephan Zaubitzer se caractérisant par des prises de vue très larges de l'objet photographié, donnant à voir non pas une vue minimaliste, de chaque salle de cinéma, mais bien au contraire, des paysages d'ensemble quasi panoramiques, sur le tissu social et urbanistique qui entoure chaque salle de cinéma et ainsi comprendre et analyser son architecture au sein de son environnement et sa genèse, mais aussi son impact sur la population de jadis ou encore d'aujourd'hui. à noter que le photographe français a pu prendre connaissance des différentes salles de cinéma algériennes grâce au précieux livre de Nourreddine Louhal qui témoigne de l'historique des salles de cinéma algériennes, et ainsi du passé glorieux de l'Algérie en matière d'industrie cinématographique et de son déclin aujourd'hui.

Etat des lieux catastrophique

«Ce que je trouve rassurant, même si certaines salles de cinéma sont détruites et parfois dans un sale état, c'est qu'il y a encore une mémoire qui se perpétue même si elles ne sont plus en activité aujourd'hui.», fera remarquer le photographe Stephan Zaubitzer. Abordant la préservation de la mémoire du cinéma en Algérie, Nourreddine Louhal déplorera le manque d'écrits autour du 7ème art algérien et de citer comme exemple le nom de Sid Ali Kouiret «parti sans laisser la moindre trace. On se doit d'écrire sur le cinéma en Algérie». et de souligner aussi: «Nous avons régressé en terme d'images alors que nous sommes détenteurs d'une Palme d'or». Nourreddine Louhal dénoncera aussi la disparition de la salle de cinéma Le Régent pour se transformer en une supérette, même si c'est une propriété privée arguant que c'est un patrimoine qui appartient à la mémoire collective du pays avant tout. «Je pleure tous ces endroits historiques qui sont en train de changer de main avec une telle facilité et de façon bête et méchante.» Autre point relevé, notamment par le directeur de la Cinémathèque algérienne est le manque de distribution de films et la carence au niveau du réseau d'exploitation des salles en Algérie qui, par ailleurs, fait défaut. «Sauvons nos salles de cinéma d'abord. Faisons ensuite ce qu'on veut après», dira Nourreddine Louhal, à propos des salles de cinéma.

Pressurisation de la mémoire de notre patrimoine

Et d'évoquer la pétition des gens de Sétif pour ouvrir leur vieille salle de cinéma, fermée depuis des années. Pour Nourreddine Louhal, il est faux de dire que le numérique et le DVD ont tué les salles de cinéma arguant que pendant les festivals, il y a bien un public cinéphile présent qui fréquente les salles. Et à Salim Aggar, directeur de la Cinémathèque algérienne, de relever aussi les mauvaises habitudes prises par le public depuis la décennie noire et la désertion de ce dernier des salles le soir. Il dira que dans les années 1980, les salles étaient largement fréquentées, avant l'avènement aussi de la parabole et des films de cinéma à la télé. Evoquant l'importance de la retranscription de la mémoire ou de l'archivage, que ce soit par écrit ou en photos, «le plus important est de ne pas oublier toutes ces salles de cinéma qui ont fermé et qui sont encore vivantes dans l'esprit des gens. Ce qui est très important.», dira-t-il. Et d'indiquer avoir pris connaissance de l'existence d'une salle de cinéma à la Casbah, appelée «Nedjma», grâce au livre de Nourreddine Louhal. Enfin, les choses sont-elles vraiment en train de changer aujourd'hui? Aussi, faut-il coller à la réalité du terrain. Le secrétaire d'état chargé de l'Industrie cinématographique, Bachir Youcef Sehaïri, récemment nommé, avait-il conscience de ce qu'il disait en affirmant que «nous allons produire 20 films par an»? Et un des présents dans la salle de se demander: « En l'absence de salles de cinéma où allons-nous projeter ces films déjà??». Bonne question...

In L'Expression O. Hind du 5 mars 2020

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ALGER- Le Forum de la cinémathèque algérienne a organisé mardi à la Cinémathèque d'Alger son 1er numéro, consacré à "la situation des salles de cinéma en Algérie" en présence de plusieurs spécialistes et de passionnés du 7e art.

 12273324672?profile=originalLa situation des salles de cinéma; thème du 1er forum de la cinémathèque algérienne

Deux férus du cinéma ont été invités par le Forum pour apporter leur vision des choses sur ce thème, il s'agit du journaliste et écrivain, Nourreddine Louhal et le photographe français Stephan Zaubitzer.

L'auteur du livre « Sauvons nos salles de cinéma Acte II», Nourreddine Louhal a mis l'accent, dans son intervention, sur la situation déplorable du réseau d'exploitation (salles de projection), rappelant que l'Algérie disposait à l'indépendance de près de 500 salles.

 

Parmi les autres points importants soulevés par l'écrivain, figurent la transformation de l'activité de ces salles dont certaines ont été rasées pour y bâtir des locaux, voire même des parkings et d'autres salles dont le cachet urbanistique est dévalorisé.

 

M.Louhal Nourreddine a, d'autre part, relevé avec amertume le peu d'écrits sur les cinémas en Algérie, notamment par les professionnels du cinéma dont beaucoup sont partis sans laisser des livres ou œuvres sur le cinéma.

 

De son côté, le photographe Stephan Zaubitzer a présenté sur le grand écran de la Cinémathèque un panorama de son travail photographique dédié aux salles obscures en Algérie et dans d'autres pays arabes, mettant en avant leur architecture particulière.

 

En effet, à travers les photographies des salles de cinéma qu'il a arpentées en Egypte, au Liban, en Tunisie et au Maroc, ce passionné de cinéma et d'architecture a tenu à immortaliser ces somptueux édifices en les appréhendant sous divers angles.

 

Dans certaines de ses photographies, Stephan Zaubitzer a également capturé un aspect de l'identité architecturale et urbanistique des rues aux abords de ces cinémas et des villes les abritant, ce qui lui a permis, a-t-il dit, de relever de grandes similitudes dans les méthodes et les modes de construction de ces espaces, mais aussi dans les noms qui leur sont donnés, surtout au Maghreb arabe.

 

Après cette ballade photographique, l'hôte de la Cinémathèque algérienne a vivement regretté que ces salles de projection soient aujourd'hui tombées en désuétude.

 

Dans la partie réservée aux cinémas en Algérie, Stephan Zaubitzer a notamment mis en exergue l'architecture particulière des salles d'Alger et d'Oran, en plaçant la focale sur les décors et les somptueuses couleurs de ces espaces dont certains ne sont plus que des vestiges aujourd'hui.

 

Par ailleurs, les intervenants ont insisté sur l'impératif d'accorder un intérêt particulier à ces salles qui sont essentielles à l'industrie cinématographique et de trouver les moyens d'une gestion optimale de ce réseau.

 

Ils ont également appelé à la création de cinémas modernes en accord avec les exigences de la nouvelle génération pour que cette industrie prospère

 

APS Publié Le : Mercredi, 04 Mars 2020 13:59    Lu : 240 fois.

 

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Devant la dégradation du parc cinématographique algérien, l’écrivain Nourredine Louhal qui vient de publier aux éditions Aframed « Sauvons nos salles de cinéma »  lance un SOS et plaide  pour un sursaut rapide  pour redynamiser  l’industrie cinématographique algérienne. Dans cet entretien qu’il nous a accordé, il met le doigt sur la plaie et propose des pistes pour impulser un nouveau souffle à ce secteur en décrépitude

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L’Express dz : Votre dernier ouvrage  « Sauvons nos salles de cinéma acte II »  (Si nos salles de cinéma m’étaient comptées) est une sorte de plaidoirie pour la renaissance du cinéma en Algérie.  A travers votre livre-enquête publié aux éditions Aframed 2019, que pouvez-vous dire  de l’état actuel de l’industrie du cinéma en Algérie  

Louhal Nourreddine : L’unique baromètre qui soit fiable pour l’évaluation de l’état réel de l’industrie du cinéma reste évidemment le grand écran que l’on n’a plus hélas ! A cela s’ajoute le déficit qu’il y’a autour de l’annonce de nouveautés et de statistiques inhérentes à la propension réelle de la vente de billetterie qui atteste du taux de fréquentation des salles de cinéma d’Alger-centre mais aussi de Riadh-El-Feth (El Madania) l’instar d’« Ibn-Zeydoun », filmothèque « Mohamed-Zinet » et « Sid-Ali Kouiret » (ex-Le Cosmos) . Autre disparité pour cause de travaux décidée dans le sillage de l’hôtel « Safir » (ex-Aletti), la salle Le « Mouggar » (ex-Colisée) qui était dans un passé récent, l’idéal support d’inédites projections telles que « L’Andalou » (2014) de Mohamed Chouikh, « Mascarades » (2008) de Lyes Salem et « Harraga blues » (2015) de feu Moussa Haddad. A ces indigences, se greffe également l’aridité en termes de subventions dont souffre le cinéma. D’où qu’il est malaisé d’estimer ou de jauger l’industrie du cinéma du terroir qui était des plus florissante dans les années 1960-1970. En effet, il ne faut pas perdre de vue que l’Algérie s’était investie dans la coproduction d’indémodables classiques d’envergure universelle à l’exemple de la : « La Bataille d’Alger » (1966) de l’italien Gillo Pontecorvo, (1919-2006), « L’Étranger » (1967) d’après le roman d’Albert Camus, (1913-1960) et adapté à l’écran par Luchino Visconti (1906-1976), « Z » (1969) de Costa-Gavras et « Remparts d’argile » (1970) de Jean-Louis Bertuccelli (1942-2014) qui été auréolé du prix « Jean-Vigo ». 

-Produire des films, c’est bien ! Les projeter dans les salles de cinéma d’Alger et de l’arrière pays serait mieux.  Mais ce n’est pas le cas actuellement, n’est-ce pas ?

La dissolution entre autre de l’Oncic et du Caic qui géraient le cinéma a arrêtée net l’ascension de notre 7e art qui a enfanté au bout d’un itinéraire jamais égalé « Alger l’insolite ou Tahia Ya Didou » (1971) de Mohamed Zinet (1932-1995) et s’est adjugé même la Palme d’or à Cannes pour « Chronique des années de braise » (1975) de Mohamed Lakhdar-Hamina. Laissé donc orphelins de ses opérateurs, le cinéma algérien évolue actuellement en dents de scie, eu égard à l’austère bourse de l’Etat qui se refuse de desserrer ses cordons. Du reste, et si production filmique il y’a, celle-ci se limite aux avant-premières mondiales et puis rien… A ce sujet, j’ose paraphraser Merzak Allouache qui à braver le débat : « Pourquoi s’obstiner à faire des films s’il n’y a pas de salles où les projeter, » lors de l’avant première de son film « Harraga » (2013) à la salle « Sierra-Maestra ». Et depuis, le hall de l’ancien « Hollywood » abrite les étals de l’artisanat au lieu de la biennale du cinéma. Il est vrai que l’artisanat est aussi essentiel mais ce n’est pas sa place. C’est triste !

-Est-ce vrai que dans les premières années de  son indépendance l’Algérie possédait le parc cinématographique le plus important à l’échelle du continent africain et du monde arabe ?

Effectivement, l’Algérie s’enorgueillit d’un parc d’environ 450 salles de cinémas que nous enviaient nos voisins du Maghreb et d’autres pays du bassin méditerranées. D’ailleurs, j’ai énuméré l’inventaire de nos salles de cinéma que j’ai fréquenté à El- Biar, La Casbah, Alger-centre, Bab-El-Oued, Belouizdad (ex-Belcourt) et au-delà même de la limite de la Capitale. Exhaustif, l’inventaire s’étend à la banlieue d’Alger et englobe les salles d’Oran, de Constantine, de Sétif, de la Kabylie, du Khroub et de Tébessa. En plus qu’il soit chiffré, le répertoire comporte l’exactitude de l’appellation ancienne et nouvelle de chaque salle ainsi que l’exacte localisation de ce lot de salles obscures. Mieux, les salles étaient pour la plupart « réfrigérées » pour dire « climatisée » à l’exemple du toit ouvrant de l’ancien « Majestic » de Bab-El-Oued où il était loisible au spectateur de s’aérer en plein air. Authentique ! Véritable musée, l’actuel « Atlas »  était la scène de prédilection d’inaccessibles stars à l’exemple de Johnny Halliday, Frédérique François, Gérard Lenorman, Georges Moustaki, Le groupe Pop kabyle des Abranis, le duo « Turkish Blend » (Yacine & Malik) de Saint-Eugène… l’actuel Bologhine. Si tant que le concept de la « Première vision » d’un film s’appliquait pour Alger, Oran, Constantine et Annaba.

-Par votre ouvrage  vous nous avez compté et conté  les nombreuses salles de salles de cinéma aux noms prestigieux qui ont fermé rideau.  Votre inventaire est-il exhaustif et qui faut-il incriminer  dans cette débâcle quasi généralisée  qui caractérise nos salles de cinéma ?

Mon ouvrage est d’abord « une Première » dans le paysage du septième art et se veut aussi une modeste pierre que j’ai offert à l’édification de l’historialité du patrimoine cinématographique algérien. A ce titre, l’inventaire que j’ai établi revêt le sceau de l’authenticité d’une carte cadastrale d’un patrimoine qui s’effrite chaque jour un peu plus et que l’on ne peut reconstruire à l’identique, faute d’un savoir-faire que l’on n’a pas. S’il en est une preuve d’une innovation littéraire, celle-ci s’est illustrée lors de la dernière édition du salon international du livre (Sila 2019-2020) où il n’y avait que mon livre au stand des éditions Aframed (2019) qui a osé l’inventaire et la description de l’état des lieux peu reluisant de nos salles de cinéma qui se détériorent. Il n’est pas dans mon intention de jeter la pierre à qui que ce soit, mais s’il y’a faute, celle-ci est dû à la précipitation qui a concourue à céder ce patrimoine à la gestion d’opérateurs privés qui n’était pas préparé à gérer une salle de cinéma qui requiert un savoir-faire. Et quand bien même qu’il soit comptable des dégâts, le bailleur privé n’est pas l’unique architecte de ce désastre où le gain facile a surclassé l’acte culturel.

-L’état des lieux que vous avez dressé dans cet ouvrage est calamiteux. Outre le désengagement de l’état, quels sont les autres facteurs à l’origine  de cette situation moribonde de nos salles de cinéma ?

Du lot des causes qui ont malmenées nos salles de cinéma, il y’a l’irréfléchie démarche d’avoir approuvé le projet des APC (mairies) de se dessaisir des salles de cinéma au profit de la gestion du privé. Et au lieu d’un léger mieux dans la gérance, il y’a eu d’abord les licenciements massifs du personnel rompu  pourtant à l’abécédaire de gestion y afférent à l’accueil du cinéphile. Notamment la caissière, l’ouvreur, la placeuse à laquelle Merzak Allouache a rendu hommage dans son filme « Omar Gatlato » (1977) dans une scène tournée à l’Olympia d’Alger. Derechef, le confort du 35mm a laissé place à la piètre image de la vidéo qui a provoqué la défection du cinéphile qui boude nos salles de cinéma. Autre talent de perdu, le savoir-faire du projectionniste qui en plus de veiller au souci du confort du cinéphile à l’aide de l’image et du son, opérait également des tâches de montage sur les déchirures de bobines de film. S’ensuivit aussi le grave déficit en matière d’hygiène et de la maintenance des lieux qui ont entraîné la dégradation des lieux. Pire, les carrés de pizzas et du douteux sirop à l’eau ont remplacé la dégustation d’un bâton d’esquimaux à l’entracte. Du reste, la gestion à l’emporte-pièce a contribuée à désertifier ces lieux de culture.

-Pourtant, il ne se passe pas une année sans qu’on assiste ici et là à travers le pays à l’organisation de festivals de cinéma, de nuits cinématographique…etc. d’un coté, il apparait un certain intérêt pour le cinéma, d’autre part, on ferme à tour de bras depuis les années 90 les salles de cinéma. Comment expliquez-vous cette contradiction ?

L’action de grâce du ciné-club « Allons voir un film » de l’association « Project ‘heurt » de Bejaïa, ainsi que le ciné-club de Mascara auxquels se greffent « les découvertes DZ » et  l’événement « Afak Fine-Week » à la salle « Atlas » (ex-Majestic) de Bab-El-Oued du  Cinuvers et les journées du cinéma engagé du Fica représentent cette étincelle qui ressuscitent en nous l’envie d’une sortie au cinéma. Donc, ça ne peut qu’attiser la curiosité du cinéphile ou l’allécher pour qu’il se fait plaisir d’une projection de film à la filmothèque Mohamed-Zinet de l’Oref, surtout lorsqu’il se sait entre les mains de professionnels du 7e art. Seulement,  l’intérêt du cinéphile s’éteint à l’instant même où s’éteignent simultanément les lumières de ces festivals qui ont le mérite d’apporter une éclaircie dans la grisaille du quotidien. D’où qu’il est requis d’asseoir un agenda où les matinées traditionnelles de cinéma vont de paire avec l’organisation de festivals. En attendant, on n’a plus qu’à se contenter du nouveau concept de la cinémathèque algérienne qui propose à l’affiche, des classiques 13h, 15h et 18h. Bien entendu, que ce n’est pas encore la grande foule mais ça viendra, particulièrement après le confinement dû  au virus du Coronavirus.

-Peut-on espérer une résurrection de ce secteur ?Il est vital de militer par le biais de l’écrit et de l’image à l’éveil des enseignes de nos salles de cinéma qui éclairaient les rues d’Algérie. En témoigne la pétition qui circule actuellement sur le net, revendiquant la réouverture des salles de cinéma de Sétif, entre-autre l’«Afrique » qui tarde à être inaugurée en dépit de l’investissement consenti.  Au demeurant, « Un pays sans cinéma, c’est comme une maison sans miroir » dixit Hervé Dumont le directeur de la Cinémathèque Suisse. Et l’on ne peut qu’espérer ce renouveau qui viendra à la suite de la rénovation de l’ancien Casino, Le « Debussy », l’actuel El Khayam, l’« ABC » ou Et’haqafa d’aujourd’hui ainsi que l’« Afrique » (ex-Empire) et le « Sierra-Maestra » (ex-Hollywood). Certes, c’est petit mais c’est toujours bon à prendre pour le cinéphile qui reste horriblement sevré d’une sortie au cinéma.  Autre espoir, la création d’un secrétariat d’Etat chargé de l’Industrie cinématographique avec à sa tête le comédien Bachir Youcef Sehaïri.

-Après les salles de cinémas et les fontaines d’Alger, quel autre inventaire illustré  et revendicatif allez-vous nous offrir ?J’attends d’abord de quoi demain sera-t-il fait pour opter pour d’autres sujets qui me tiennent à cœur, eu égard à l’état peu brillant dans lequel est confiné tout comme nous en ce moment, le patrimoine matériel du terroir. Mais ça, c’est un autre projet. S’agissant de celles et ceux qui allèguent que la vidéo, la parabole et le DVD ont tué le cinéma, je dirai à ces adeptes de la bazarisation, pourquoi qu’aux pays d’où est issue cette technologie, les gens, continue d’aller au cinéma ? Notamment nos voisins à Tunis, Rabat et en Europe où la fréquentation des salles de cinéma est à son paroxysme ! En ce sens, le cinéma n’a pas tué le théâtre et la télévision n’a pas tué non plus le cinéma qui continu d’attirer le cinéphile. A bon entendeur !

-Un dernier mot ?D’abord, Je ne souhaite pas qu’il soit mon dernier souhait, mais je formule le vœu que la gestion de nos salles de cinéma soit confiée à l’Etat, en l’occurrence l’Office National de la Culture et de l’Information (ONCI) qui a les moyens qu’il faut et aux professionnels du 7e art qui ont ce talent pour y impulser la dynamique inhérente à la fréquentation de nos salles de cinéma. Outre ce vœu, je nourris l’espoir que l’Algérie retrouvera cette époque où il y’avait des files interminables aux guichets de nos salles de cinéma. Je ne désespère pas non plus d’un retour des beaux jours, où le ticket de cinéma se vendait au marché noir, eu égard à l’engouement pour tel ou tel film.

Par Bouahmed Boualem

In L'Express DZ, (un journal électronique) du 28 mars 2020

.Entretien avec Nourreddine Louhal, Ecrivain: « Tombée de rideau et tombée de plafond sur nos cinémas »

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Autres temps, autres loisirs.

“AKKEY, LE JUGEMENT DES ANIMAUX” DE MEND BIZMAR ET DE SIMON MBUMBO - La BD au secours de l’environnement

Bonjour mesdames, mesdemoiselles et messieurs! Il fut un temps où nous achetions nos bandes dessinées à même le tourniquet du buraliste du coin. Mon kiosque ? C’était à l’enseigne de l’« Equipe » d’El-Biar (Alger) et de temps à autre j’allais chez le libraire de Saint-Raphaël ou celui qui était en face de l’immeuble « JSEB-Judo » au lieu-dit « Le Cheval Blanc » à El-Biar. Heureux, chacun y allait vers son héros, « Akim le roi de la jungle », « Zembla le seigneur de la forêt » et tous les « Tarzan » ou les « Tarzazan ». Bien sur qu’un tel bonheur y laisse des traces dans le mental. Notamment, l’image de nos héros qui voltigent de lianes en lianes et qui nous ont accompagnés d’une branche de baobab et vers la cabane d’Akim qu’il a bâti sur un baobab. Un nid où nous rêvions d’aller jouer à l’intérieur sans savoir que c’était en réalité un nid d’amour qu’il filait avec sa belle Rita. Il en est un parmi ces nostalgiques de ces années heureuses qui s’est mis à l’écriture de scénarios de bandes-dessinés et c’est monsieur Mohamed Naït-Kaci (nom de plume Mend Bizmar) qui a écrit : «Akkey, le jugement des animaux » (éd, Toom 2019) avec de belles photos illustrées du dessinateur Simon Pierre Mbumbo et qu’ils m’ont dédicacés lors de leur passage au Festival de la Bande Dessinée (Fibda 2019) à Alger. En voici un aperçu d’un article de presse sur le journal « Liberté » (Algérie) que j’ai consacré à l’appréciation de cet ouvrage. Bonne lecture chers ami(e)s et agréable journée. Alger, le 18 mars 2020. Louhal Nourreddine, journaliste-écrivain.12273324460?profile=original

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Passionné du patrimoine culturel algérien, le journaliste-écrivain Noureddine Louhal vient de publier aux éditions Aframed un livre intitulé «Sauvons nos salles de cinéma, Acte II», ouvrage dans lequel il reprend et enrichit son premier opus «Sauvons nos salles de cinéma», publié en 2013 dans le cadre du Festival national culturel du film amazigh. L’auteur explique le pourquoi de ce livre mais aussi livre ses impressions sur l’état déliquescent du patrimoine cinématographique national.

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Horizon : Vous avez choisi de rééditer un livre que vous avez déjà publié sous le titre «Sauvons nos salles de cinéma». Pourquoi?

Ce n’est pas une réédition. J’aurais aimé qu’il soit réédité mais la manière dont il a été écrit la première fois, il ne se limitait qu’à Alger, Oran et Constantine. J’ai préféré le réécrire pour pourvoir intégrer les techniques qui envahissent chaque jour la scène artistique mais aussi pour parler des salles rouvertes à Alger et inclure les salles de banlieue en plus de Boufarik, des villes de la Kabylie comme Tadmaït et Draa Ben Khedda ainsi que Sétif et Tébessa. Ce nouvel ouvrage contient une foule d’informations qui peuvent servir au cinéphile ainsi que des dates importantes qui ont marqué le 7e art algérien.

De quel aspect parlez-vous dans ce nouvel ouvrage? Est-ce un constat ou simplement un inventaire des salles obscures algériennes?

Le titre est «Sauvons nos salles de cinéma, Acte II». Je dresse un constat mais aussi l’apologie de ses institutions qui ont égayé notre jeunesse. Le constat comme vous le savez est peu reluisant et ne prête pas à l’optimisme. Il y a des salles qui risquent de disparaître définitivement comme «Le Marivaux», «Le Lux». Au-delà du constat que tout le monde sait, mais dont on ne parle que très peu, je fais l’apologie et je pars en guerre contre ceux qui prétendent qu’aujourd’hui il ne sert à rien d’aller au cinéma du fait que tout est à portée de main sur les différents supports audiovisuels modernes. Un discours sciemment entretenu pour fermer ces salles et les consacrer à d’autres activités commerciales.

Votre ouvrage est également empreint d’une pointe de nostalgie...

Effectivement, je raconte les moments forts d’Alger, mais aussi Oran où la salle «L’Escurial» était la vitrine du cinéma arabe, où ont aussi défilé des stars de la chanson égyptienne. J’évoque aussi la cinémathèque, un haut lieu de débat autour du cinéma ainsi que les grands titres qui ont secoué la tranquillité d’Alger. Une époque révolue mais qui pourrait ressusciter avec de la volonté et du travail.

L’Algérie abrite annuellement quelques festivals du cinéma, mais les salles de cinéma restent fermées à ce nombre important de films projetés durant ces festivals. Qu’en pensez-vous ? 

La contradiction est criante. A l’heure où l’on inaugure le festival du cinéma engagé, il n’y a aucune salle à Alger, en dehors des salles de Riadh El-Feth, pour abriter cet événement important. Pour reprendre Merzak Allouache, «A quoi sert de faire des films pour qu’ils finissent dans des cartons». Au-delà de l’avant-première, le film disparaît et est stocké dans une quelconque cave.

Qu’en est-il de la gestion des salles de cinéma?

Les salles pourraient retrouver la fréquentation du public si on les retire à ces pseudos gérants privés qui projettent des matchs de football de ligues étrangères. Les salles doivent être prises en charge par le ministère de la Culture qui a le pouvoir et l’argent et qui doit les confier à des gens de métier ou à des coopératives de gestion.

Entretien réalisé par Hakim Metref

In Journal Horizon du 12 novembre 2019.

 

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L’auteur a évoqué lors de cette rencontre son attachement à son vieux quartier, à travers duquel  il s’est inspiré dans ses différents ouvrages.

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L’espace « L’Agora du livre » de la librairie Mediabook d’Alger a ouvert ses portes dernièrement au journaliste et auteur Nourreddine Louhal pour un échange avec ses lecteurs à propos de ses publications qui tournent toutes autour de la Casbah d’Alger et de ses souvenirs d’enfance desquels il puise quelques clichés qui donneront le déclic pour une recherche plus poussée, puis une publication. Car, dira-t-il, à l’assistance composée surtout de Casbajis nostalgiques de la belle époque : « Chacun de mes livres est né d’une idée, d’un mot ou d’un manque qui fait tilt dans mon esprit et déclenche en moi l’envie de creuser plus loin dans mes souvenirs, et parfois dans certaines archives, bien qu’elles soient pratiquement inexistantes concernant les sujets traités. »

Durant cet échange modéré par Abdelhakim Meziani, l’auteur reviendra sur sa naissance à la Casbah : « je suis né à Bir Djebbah (le puits de l’apiculteur) » ; sur le départ forcé de sa famille : « On m’a arraché à la Casbah sans me demander mon avis »  ; sur sa tristesse de voir un si beau site ainsi maltraité aussi bien par les institutions en charge de sa sauvegarde que par ses habitants qui, désireux du confort et de la modernité, oublient souvent que leurs actes irresponsables et irréfléchis fragilisent leurs bâtisses et les précipitent vers le danger imminent de l’écroulement. En effet, l’installation de canalisations, l’utilisation excessive de l’eau, le surpoids de l’ameublement sont autant de facteurs humains qui accentuent le danger.

Le simple et beau mobilier d’antan a disparu au profit de meubles lourds et encombrants. Des trésors d’ustensiles et d’instruments ont disparu.  En ce mois du patrimoine, il était important pour Nourreddine Louhal, fervent défenseur de sa Casbah natal – tout autant que les autres Casbahs du pays car il y en a beaucoup d’autres et, hélas, pas en meilleur état – de relancer le débat sur cet état de délabrement physique du bâti en lui-même, mais aussi sur certaines pratiques de bon voisinage, des jeux de l’enfance, des habitudes familiales, des us et coutumes disparus, des « petites gens » de ces ruelles mythiques qui ont fait l’histoire, des valeurs que les parents inculquaient et que les enfants suivaient à la lettre. Avant d’évoquer ses différents écrits : « Chroniques de la Casbah », « Alger la blanche », « Alger la mystique » ; qui se souvient des fontaines ?”, « Sauvons nos salles de cinéma », « Les jeux de notre enfance »…  l’auteur a tenu d’abord à rendre hommage et à remercier son papa qui travaillait chez le groupe Hachette installé à la rue Larbi-Ben-M’hidi et grâce à qui il a découvert  le livre et il est tombé amoureux de la lecture puisqu’il allait passer ses dimanches au milieu de toute cette richesse qui l’a forgé, puis sa grand-mère qui le traînait avec elle dans ses différentes courses quotidiennes et à partir de là il a découvert sa Casbah qui lui est resté collé à la peau depuis et à l’infini. Cette Casbah qui souffre aujourd’hui de l’indifférence de ses habitants – parfois squatteurs qui s’imposent malgré le danger ­— qui ne la ménagent pas, de l’abandon des autorités concernées par sa réhabilitation, de l’inculture de certains responsables d’administration ou APC qui fait détruire des richesses du patrimoine, telles ces fontaines qui racontent chacune son histoire, ces palais, ces bains maures…

Une autre sonnette d’alarme est tirée pour signifier le danger et exiger réparation…  Mais y aura-t-il un jour une réelle volonté et une démarche sérieuse de sauvegarde du patrimoine ou restera-t-il toujours victime d’une politique de l’autruche ?

 

Par Samira Bendris Oulbsir

Journal Liberté le 05 mai 2019 10:00

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«Alger, la blanche (Contes, légendes et bouqalate) (éditions Tafat) est une ode à Alger, au vieil Alger, aux traditions et histoires d’autrefois. Non sans un brin de nostalgie, Nourreddine Louhal nous transmet ces histoires au présent, dans le sens où il invite son lecteur à se souvenir, à (re)considérer les traces qui subsistent d’une histoire et d’un savoir populaire, notamment dans les lieux, et à trouver des réponses dans notre mémoire. Un héritage commun matériel (architectural) et immatériel fait de contes, de légendes, de jeux et surtout riche en enseignement. Dans cet entretien, l’auteur revient sur l’élaboration de son ouvrage, son contenu et sur son travail de mémoire.

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Reporters : «Alger, la blanche » (Contes, légendes et bouqalate) est un ouvrage fouillé et bien documenté sur un pan de l’histoire de la ville d’Alger. Comment avez-vous construit cet ouvrage et combien de temps a pris son élaboration ?

Noureddine Louhal : L’idée d’«Alger la blanche», publié aux éditions Tafat, est née d’un tilt le 2 décembre 2015 à la rue Hector-Berlioz, dans le quartier des musiciens à l’îlot de l’ancienne rue Lulli à Alger et s’enchaîne à mon livre «Les Jeux de notre Enfance» (éditions Anep). C’est dire que l’un ne peut exister sans l’autre, étant donné que le sol d’Alger est semblable à une cour de récréation si aisée d’un capital de lieux-dits, où nous avions laissé un bout de notre tendre enfance. Seulement, et à l’heure où le beylik lorgne le moindre bout de foncier, il est à peu près sûr que l’urbanisation galopante va gommer un jour ou l’autre de la mémoire collective, ces endroits communs à nos albums de souvenirs. D’où l’impératif qu’ils soient intégrés dans la toponymie locale et officielle, du fait que ces lieux revêtent un cachet muséal et nous renvoient encore l’écho du charivari bon enfant de nos jeux d’enfance. Pire, l’éventualité d’une perte est d’autant évidente, puisqu’à l’extinction de la génération des seniors, c’est l’Alger qui sera élaguée de ces endroits, où s’épanouissait la joie de vivre. Alors, et pour qu’ils ne sombrent pas dans l’oubli, j’ai schématisé ces lieux à l’aide d’un capital de détails. Si tant et bien que la curiosité locale de «Dar El Ghoula » (La maison de l’ogresse), où fut captive «Loundja Ben L’ghoul» n’échappera pas à l’œil de la caméra du visiteur, qu’il lui sera loisible de visiter au quartier de Debbih-Chérif (ex-Tournants-Rovigo) dans le quartier de Soustara. L’inventaire n’est pas pour autant exhaustif, puisqu’il y a aussi «Dar Raïba» ou la «douera» en ruines que hantait «Yemma R’biha» à l’îlot de Houanet Sidi Abdellah à La Casbah. S’ensuivent alors, l’Oued-K’nis et la tragédie du «ravin de la femme sauvage» et le Djebel Koukou au Frais-Vallon. Donc et partant d’une volonté de sauvegarde d’un espace temps et de lieux de l’histoire de bled Sidi Abderrahmane, j’ai imagé les histoires de notre enfance, dans le décor à la fois féerique et aventureux de ces lieux, où vagabondait l’imagination de l’enfant que nous étions. Pour ce faire, il m’a fallu refaire le chemin à l’envers vers mon enfance et recueillir bribes après bribes «lemhadjiate» (contes) que me contait ma grand-mère El Hadja Keltouma Hadj-Ali. Bien entendu, cela ne s’était pas fait sans endurer tant de quolibets, mais le challenge en valait la chandelle, puisqu’au bout d’un parcours où il me fallait interroger la mémoire de l’un et de l’autre, j’ai réussi un tant soit peu à reconstituer autant que faire se peut, l’album de nos histoires qui amenait le marchand de sable.

Toute la sagesse distillée dans votre ouvrage nous présente un savoir-faire et un savoir-vivre. Et on y retrouve tant d’histoires : sur les femmes, sur l’amour, sur la vie...12273296856?profile=original

«Alger, la blanche» se veut un outil pédagogique porteur d’abord de morale et d’un bouquet d’adages du terroir afin d’étayer au mieux les règles de convenances que tout être-sociétaire se doit de respecter en milieu sociétal. C’est le cas de l’existence à l’eau de rose de «L’maâkra» qu’il me tenait à cœur de redorer, pour avoir souffert de médisances du voisinage au motif qu’elle croquait la vie à belles dents, en ce temps où il était malséant de chanter dans le genre «Messemâat» (orchestre féminin) et de rire à gorge déployée ! C’était suffisant pour que «L’Maâkra» soit clouée au statut peu élogieux, mais faussement de dépravée. D’ailleurs, les choses n’ont pas évolué depuis, eu égard au statut de cette éternelle mineur qui demeure clouée au code de l’infamie ! Donc, il m’a plu d’alléger le poids de la détresse de «L’Maâkra» que j’invite le lecteur à aller à son tour vers celle qui avait défrayé la chronique «people» de l’époque. En ce sens, la gente féminine s’est adjugée la part du lion dans «Alger, la blanche», dont l’inaccessible «Lallahoum» qui écrivit de suggestives pages «people» du temps, où l’on mourait pour moins que ça. Autre révélation, l’adorable «Mimouna» qui nous réconcilie avec l’authenticité de l’Islam de nos parents. De l’amour ? Il y en a de quoi pleurer sur la destinée tragique de N’fissa et sa sœur Fatima. A l’amour, succède aussi l’humour, histoire de se dilater la rate avec l’indémodable Djeha à La Casbah. A ce titre, l’œuvre «Alger la blanche» est «à mettre entre les mains du plus grand nombre et, particulièrement, il devrait être proposé (gratuitement pourquoi pas?) à tout nouveau visiteur d’Alger», écrivait l’instituteur Aïssa Bellache dans sa préface. D’où le devoir de gratitude envers Sidi Abderrahmane que d’écrire et de décrire tant de belles choses qui ont façonné et bercé notre enfance, notre jeunesse, du temps où la «douera» (bâtisse traditionnelle) abondait dès le chant du coq de : «S’bah El Kheir» (Bonjour) » et de «N’harak Mabrouk» (Bonne journée). Ecrire ! N’est-ce pas là, le minimum qu’il y a à faire pour restituer à l’Alger sa lumière qui doit nous réconcilier avec l’usage, voire le cérémonial scellé depuis la nuit des temps dans le manuel des règles de convenances et dont chacune des familles se devait de faire sien ?

La Casbah occupe une place particulière dans votre cœur. Mais, au-delà de cet aspect émotionnel, que représente, d’après vous, La Casbah dans et pour Alger ?

La Casbah, c’est cette perle méditerranéenne qui est à Alger ce que le croissant est à l’étoile. Et à l’occasion de mes moult pèlerinages dans l’étroitesse de ses «z’niqat», j’ai cet avantage de revivre, rien qu’au toucher, la splendeur de cette séculaire médina qui est imagée tel ce burnous dans lequel s’emmaillote «El Âassima». Certes qu’il est admis que La Casbah agonise «s’tah» à terre, néanmoins, je continue d’apprécier ses murs chaulés qui sont comparables au haïk, lorsqu’il resplendit sous le soleil. De la même manière, la couleur du bleu Shanghai symbolise aussi la mer que tout Casbadji peut voir et «toucher» de son «menzah», disaient les anciens de cette cité séculaire. Seulement, de nos jours, l’image de La Casbah s’en trouve écornée à cause de ces hideuses constructions qui s’érigent dans l’îlot de Sidi Ramdane dans le hideux style de Semmar et Khraïcia et qui spolient les Casbadji d’une aussi belle vue sur l’Amirauté.

Le titre de l’ouvrage et précisément «La blanche» évoque la nostalgie : d’abord êtes-vous nostalgique ? Ensuite, la nostalgie n’est-elle pas un sentiment qui enferme et empêche d’avancer ?

«Ma nostalgie est différente» chante Gérard Lenorman. Ce qui n’est pas mon cas, puisqu’elle me permet d’inviter d’abord l’élu à lire ce qui est arrivé à l’Alger d’antan, où il faisait bon vivre le soir sous d’éclairantes enseignes de salles de cinéma fermée… (à jamais ?). J’ai fait aussi mien l’adage : «Comparaison n’est pas raison» ! Alors et plutôt que de comparer la cité dite «européenne» qui n’était pas celle de mon père, feu Mohand-Amokrane, puisqu’il souffrait à l’instar d’autres Algériens, du blocus imposé aux Casbadji par l’autorité coloniale, j’ai plaisir à ne comparer que «Casbah mienne», avant qu’elle ne s’effrite. Donc, alléguer qu’«Alger la blanche» » n’est pas nostalgique, c’est faire offense à l’âne si doux ou plutôt «Sidhoum», qui à lui seul, nettoyait toute La Casbah. D’ailleurs, il y réussissait si bien l’âne, là où des «Epic» de la wilaya d’Alger et des municipalités budgétivores échouent à nettoyer l’Alger contemporain, en dépit de dépenses aussi lourdes que «Le tonneau des Danaïdes». D’où ce titre provocateur, pour rappeler au beylik qu’Alger était si propre à la seule force du baudet. S’il en est une preuve d’efficacité, le procédé fut exporté en Sicile ! N’est-ce pas là, la preuve qu’il y a du bon dans la nostalgie ?

Comment pourrait-on, selon vous, faire vivre ce «patrimoine», cette part de notre histoire au présent ?

«Alger la blanche» s’adresse avant tout aux enfants de 60 ans, pour lesquels je réitère l’invitation de le lire et de le faire lire à leurs progénitures ! Ce n’est qu’à cette condition que l’on réconciliera «M’qidech» avec son lectorat qu’il n’aurait jamais dû perdre au profit de personnages de bandes dessinées venus d’ailleurs. C’est dire que l’aubaine est d’autant belle pour inviter nos bédéistes à crayonner les histoires de Khedaoudj El Âamia, la belle Zaphira, Settoute et tant de personnages que l’on se doit de pérenniser pour les générations à venir. Outre l’apport de la famille, j’ose auréoler «Alger la blanche» d’un cachet pédagogique et à ce titre, j’en appelle ensuite à l’école pour réconcilier l’élève avec l’épopée héroïque d’El Djazaïr El Mahroussa, son «Baba Merzoug» et la perte de notre fort des 24h de Setti Taklit à Bab El Oued. Alors, de grâce et qu’on se le dise : le mois du patrimoine n’est pas l’apanage unique de la vieille pierre, mais c’est aussi les contes et légendes du terroir ainsi que les bouqalate.

Ce travail, à l’instar de vos précédents ouvrages, s’inscrit également dans une perspective de mémoire...

Cela a commencé avec «Chroniques Algéroises La Casbah» publié en 2011 par l’Anep, où je narrais l’épopée de ces petites gens qui faisaient l’actualité à La Casbah et la joie des petits «Ya Ouled», dont «Kilomètres», ce marchand de confiserie avec son binôme, le faiseur du «Qortas» dits les « Oublis ». S’ensuivit ensuite «Sauvons nos salles de cinéma» (publié par le FCNAFA) qui fut préfacé par Khalida Toumi, l’ancienne ministre de la Culture. Une première dans le genre où sont inventoriées les salles de cinéma d’Alger, d’Oran et de Constantine. D’ailleurs, c’est à mon livre que l’on doit la réouverture d’une poignée de salles d’Alger et de l’Algérie profonde. Et c’est ainsi que j’ai tracé ma propre ligne éditoriale, dont l’essentiel est axé autour du patrimoine matériel et immatériel, dont «Les jeux de notre enfance» qui a été traduit de la langue française vers tamazight par le Haut-commissariat à l’Amazighité. «Alger la blanche» vient succéder à «Instantané sur une époque» (éditions Anep). En ce sens, ma satisfaction est d’autant grande qu’il fut préfacé par la dame Djoher Amhis-Ouksel, et dont l’essentiel se focalise sur les cafés et les jardins d’Alger.

Sara Kharfi

In le Reporter 11 juin 2017 06:40

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12273296299?profile=originalRencontré au stand des éditions «Tafat» au Sila, l'écrivain Noureddine Louhal, qui était en train de dédicacer son nouveau livre «Alger la Blanche» (Contes, légendes et boqalat), nous a accordé cet entretien où il parle d'Alger la Blanche et de ses lieux mythiques, ainsi que de son amour pour l'écriture, la lecture et l'univers envoûtant des lettres.

 

L'Expression: Après «Chroniques algéroises La Casbah», «Sauvons nos salles de cinéma» et «Les jeux de notre enfance», vous venez de perpétrer «Alger la Blanche» aux éditions Tafat, voulez-vous nous en parler un peu?

Louhal Noureddine: Au-delà d'un titre qui n'a d'autre prétention que de redorer un tant soit peu le blason ô combien terni de bled Sidi-Abderrahmane, «Alger la Blanche» se veut également un recueil de nos contes du terroir tant ressassés par nos tendres grands-mères dans la quiétude des chaumières d'ici et de l'Algérie profonde. Donc et en devoir de mémoire, ce modeste ouvrage recèle une gerbe de légendes cueillies à l'arbre de la prodigieuse mémoire de l'oralité populaire, ainsi qu'un bouquet de boqalat, ce legs ancestral hérité de mères en filles jusqu'à nos jours. Mieux, et à la suite du colloque ayant pour thème «La toponymie du local au national» qu'avait organisé le Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA) du 25 au 27 juillet 2015 dans l'antique «Iguelguili» (Jijel), j'ai eu à coeur de satisfaire à l'une des premières recommandations arrêtées à l'issue de cette conférence: «Mettre en place un protocole-cadre engageant les institutions étatiques et universitaires pour la prise en charge du patrimoine toponymique par la mise en place d'une plateforme unique de réflexion et un plan de charge commun». à ce titre, j'ai eu à coeur d'apporter ma modeste pierre à l'édification de l'ouvrage de la toponymie nationale, en la forme de ce modeste ouvrage qui contribuera, j'en suis convaincu, à lever le voile de l'obscurantisme sur les dédales des ruelles de la séculaire Casbah d'Alger.

Dans votre livre, on trouve aussi les noms des lieux et des endroits importants d'Alger, n'est-ce pas?

Oui, «Alger la Blanche», c'est aussi un guide, où sont répertoriés les lieux et les endroits mythiques d' «El Âassima» afin de guider le visiteur dans le circuit dédalique de la vieille médina. à ce propos, Alger est si riche en lieudits, dont «Dar El Ghoula» (La maison de l'ogresse), située entre la rue Debbih-Chérif (ex-Tournants-Rovigo» et le quartier de Soustara, ainsi que «Dar Erraïba» (la maison en ruines» à l'îlot de Houanet Sidi Abdellah à la Casbah et tant d'autres...

Vous faites aussi un travail de mémoire? Il y a ce souci de devoir de mémoire de préserver ces lieux de l'oubli.

C'est qu'il y a urgence en la demeure, du fait de l'extinction progressive de nos seniors, à qui je fais le vœu qu'Allah leur prête longue vie.

Comment êtes-vous venu à l'écriture et quelles sont les plumes qui vous ont inspiré?

D'abord, j'ai eu beaucoup de chance d'avoir été le fils de Mohand-Amokrane, cet ouvrier de l'ancienne Maison Hachette d'Alger qui m'abreuva de livres, à telle enseigne qu'il a ensemencé en moi, l'amour de la lecture, où a éclos également la graine d'écrivain que je suis devenu aujourd'hui. En ce temps-là, où nous n'avions comme loisir que la fréquentation de la bibliothèque d'El Biar, je retrouvais des extraits des romans «Le fils du pauvre» de feu Mouloud Feraoun et «Le métier à tisser» du regretté Mohamed Dib aux côtés d'autres textes de l'inégalable Malek Haddad, dont «Je t'offrirai une gazelle». Autant de textes que je «dévorais» dans mes livres de lectures et de récitations et qui ont concouru à façonner l'esprit de l'enfant que j'étais, dans le moule des arts et des lettres. Et de l'écriture de nouvelles à l'information de proximité, j'ai l'immense honneur d'appartenir aujourd'hui à la grande famille de la presse, eu égard à mes écrits sur la préservation du patrimoine matériel et immatériel qui m'a valu le prix «Athar» que m'a octroyé l'Aappa en l'an 2006.

Quel est votre avis sur le Sila?

En dépit de ce qui se dit çà et là sur le Sila, cette manifestation reste l'espace idoine pour que l'éditeur et l'écrivain se donnent la visibilité qu'ils n'ont pas. Mieux, le Sila, c'est également cet espace d'échanges et de partage. La preuve, le Sila n'a eu de cesse de gagner en notoriété après plus de vingt ans d'existence, où en plus d'une visibilité, l'écrivain et tout autant que le public, pensent livre et mangent livre durant une dizaine de jours. C'est si peu, certes, mais c'est toujours bon à prendre dans notre désert culturel.

Entretien réalisé par Aomar MOHELLEBI - Lundi 07 Novembre 2016 00:00

 

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«Les jeux, j’en connais un bout», confie Nourreddine Louhal dans son prologue. «Alors, quoi de mieux qu’une excursion dans l’univers féerique de l’enfance, pour y boire à la fontaine de jouvence et retrouver ainsi ma tendre enfance...»

 

Voilà un auteur qui écrit avec persévérance et beaucoup de régularité, réussissant à créer, dans chaque livre, cette ambiance particulière qui procure des émotions au lecteur. Dans son dernier ouvrage Alger la blanche. Contes, légendes et bouqalate, paru aux éditions Tafat, l’écrivain visuel (qui ne néglige pas pour autant son écoute) a surtout fait appel à sa mémoire. Il a cherché des souvenirs de son enfance, mystérieux et importants. Des souvenirs comme des morceaux de puzzle qu’il est arrivé à placer, le tout complété par le recueil de témoignages qui ont pu se transmettre par voie de tradition orale. «Et, c’est ainsi que j’ai décidé de refaire le chemin à l’envers » pour cueillir l’historiette et le conte que j’avais écrits sur les murs de ma Casbah ! Certes ils s’en trouvent décrépits les murs de ma Casbah, mais c’est l’endroit qui me parle le mieux et que je comprends si bien ! Généreuse dans l’âme, j’eus tôt fait de récupérer ce patrimoine immatériel de sous les décombres des douérate effondrées. D’ailleurs, en voici un assortiment de ces contes et légendes que j’ai dépoussiérés de l’oubli et que j’ai imaginés dans le décor des dédales de z’nikat», nous dit-il dans son langage coloré, à la sève généreuse. Etant natif de la médina d’Alger, Nourreddine Louhal n’a pas eu trop de difficulté à écrire sur le passé de la vieille ville, un passé dont il a pu reconstituer un aspect passionnant (les contes, légendes et autres bouqalate), en plus de donner une description très exacte de l’environnement qu’il connaissait. Le livre est d’ailleurs rempli de détails finement observés sur les lieux, les gens. Le décor fait donc partie du thème, si ce n’est pas le thème lui-même, comme le suggère le titre de l’ouvrage («Alger la blanche»). «Au demeurant, j’ai pris le soin d’enjoliver chaque conte du décor d’un lieu, d’un endroit qui va sans aucun doute aider le lecteur à mieux connaître le vieil Alger», précise l’auteur dans le prologue.

L’originalité du livre, c’est justement de combiner les caractéristiques du récit oral (des histoires à raconter, censées peu ancrées dans l’espace et le temps) et l’effet de réel (des histoires qui donnent aussi à voir, car fortement ancrées dans un lieu et une époque). Ici, les personnages des contes et légendes se révèlent non seulement par leurs actions, mais encore par leur décor habituel de vie, leur environnement physique et social et par des impressions sensorielles, exprimées sous forme d’images. Toponymie et anthroponymie, éléments d’histoire et données anthropologiques ajoutent au cachet d’un ouvrage qui porte l’estampille de Nourreddine Louhal. Autant dire que l’auteur invite à un voyage merveilleux, dans un autre monde, régi par d’autres lois ; mais aussi à une visite guidée qui permet au lecteur de voir et de comprendre tout ce qui se passe dans la médina. «Ne jamais cesser de tenir dans sa main, la main de l’enfant que l’on était», disait Miguel de Cervantès. Pour éviter la vieillesse mentale et maintenir la jeunesse d’esprit, les parents devraient lire ce livre. A leur tour, ils pourront raconter à leurs enfants les histoires qui avaient peuplé l’âge de la féerie et des enchantements, du temps où Alger la blanche était encore généreuse de bienfaits et de lieux mythiques. Place maintenant au voyage dans le merveilleux, à travers les vestiges d’une civilisation disparue (ou les traces qui en restent) et les souvenirs d’un passé pas si lointain que ça. Le flâneur (car, dans cette visite guidée, on se promène sans hâte, au hasard, en s’abandonnant à l’impression et au spectacle du moment) pénètre dans «La Casbah d’Alger par la « z’niqa » (venelle) Azzouzi-Mohamed qui s’ouvre à l’angle de la villa du Millénaire (ex-villa du Centenaire), de l’architecte Léon Claro sise à Bab Edjedid». Il est aussitôt accueilli par les effluves de la vie, l’odeur du basilic (lahbeq) «qui s’échappe des touiqat (fenêtres) pour mettre en fuite la mélancolie et l’état d’âme versatile du poète». Comme entrée en matière, dans l’avant-propos, on ne peut faire mieux : le pouvoir évocateur de l’odeur du basilic est si fort que la mémoire olfactive du lecteur s’en trouve aiguillonnée. Cela a le pouvoir d’exciter l’imagination, les empreintes laissées par les odeurs dans notre mémoire étant de formidables réserves d’émotions. Par la vertu d’une plante à feuilles aromatiques, c’est l’enfance qui se dresse devant le promeneur. 

Le talent de conteur de Nourreddine Louhal faisant le reste, le visiteur n’a plus qu’à se laisser «conter récits et légendes par les galeries de vieilles pierres et les murs qui recèlent de tendres souvenirs de jeunesse». Au reste, l’hospitalité proverbiale de «l’anonyme Casbadji, si prompt à l’échange d’un sbah el kheir rassurant et prometteur», est un appel à retrouver l’enfant ludique qui est en soi, celui qui imaginait des histoires et des aventures fabuleuses.

Dans son avant-propos, l’auteur multiplie les prévenances. Il joue parfaitement son rôle d’hôte, expliquant à son lecteur qu’un conte «ça se déguste et se discute à la fin», et combien le menu offert se compose de mets fort savoureux : «La Casbah est bel et bien ce sillon de terre si propice à l’éclosion de contes et de légendes, du moment qu’il est fertilisé par l’imagination des petites gens.» Foi de grand-mère Keltouma qui en possédait une riche collection ! Elle qui, au soir des longues nuits d’hiver, quand le f’nardji (l’allumeur de réverbère) «plantait le décor pour l’heure du conte», se faisait d’abord prier «pour lui arracher hadjitek, cette clef du conte et à laquelle je m’empressais de répondre madjitek, nous rappelle-t-il. La grand-mère se prêtait au jeu, enfin, elle ressortait quelques contes en commençant par diminuer la lumière de la lampe à pétrole. Respectueux du cérémonial, l’enfant espiègle est maintenant sage comme une image. Il est tout- ouïe. «Les contes de chez nous» (titre du chapitre premier) que raconte l’auteur selon une lecture remixée, ce sont des histoires qui gardent une part importante d’imaginaire, mais qui fonctionnent suivant la trame du récit réaliste. Ils sont, en effet, connectés à des souvenirs d’enfance et de jeunesse, à des fragments de culture populaire, à des endroits mythiques qui risquent de s’effacer à jamais de la mémoire collective. Sous la plume de Nourreddine Louhal, tout cela respire et insuffle la vie à la médina.

C’est cheikh El Kanoun, «le gardien des flammes et des feux éternels», qui inaugure la galerie de personnages fantastiques, pittoresques, truculents, terriblement attachants qui peuplent l’univers fantasmagorique du petit Casbadji. «Soyez sages ! De là où il se blottit dans la chaleur des braises, cheikh El Kanoun épie nos faits et gestes et il saura reconnaître l’ange du garnement qu’il punira !» avertissait la Mani Keltouma. Lorsque la tendre grand-mère s’énervait, elle brandissait la menace de «L’ghoula» (l’ogresse) et se mettait à héler «Aïcha moulate r’djel el maâza, ou l’ogresse aux pieds de chèvre». Et l’auteur de raconter «Aïcha Kandisha, la « « Condesa »’ d’Espagne belle et vorace», dont l’histoire remonte probablement au temps des raïs et de la course en Méditerranée. Il y a ensuite l’histoire de M’qidèche, de L’ghoula et de sa captive Loundja. Ici, le voyage commence «du temps où l’homme et l’animal se parlaient et réalisaient des roulés-boulés» ensemble, et s’achève dans l’oued K’nis et le Ravin de la femme sauvage. Le lecteur retrouve Loundja, la captive d’El Ghoula, dans le conte suivant et dont Nourreddine Louhal a imaginé les aventures dans Dar El Ghoula, située dans le quartier de Soustara. Et puis, peut-être aussi que L’Ghoula et le grappin n’en font qu’un ? «Un mystère demeure toutefois : mais pourquoi a-t-on attribué le nom de L’Ghoula à cet outil ?» L’histoire de Settoute la sorcière, également très imagée et pleine d’enseignements, est suivie d’une digression sur un cheval, un sultan, un hakim et Richard III d’Angleterre. Quant à l’incontournable Djeha, il illumine de ses facéties les quartiers de «Djamâa Lihoud», de Laâqiba ou le souk des Trois Horloges de Bab El-Oued. Ah ! le spectacle de Djeha et son fils portant un âne sur leurs épaules. Mais écoutons plutôt le père de l’auteur qui disait : «Dis au prétentieux qui te regarde du haut de son âne : félicitations, ton baudet a tout d’un cheval.» L’auteur a plein d’autres histoires à raconter sur l’âne si doux (l’âne «Sidhoum», l’ami d’El Bahdja), le pilon (El yad el mahrez, ou eddenya mâa el ouakaf), ou encore l’histoire du «Ravin de la femme sauvage». Avec ce dernier conte s’opère la transition en douceur vers le récit populaire traditionnel, plus ou moins fabuleux : les légendes d’Alger (deuxième chapitre).

«Au cœur de la séculaire Casbah d’Alger, on entend encore le murmure de la galerie de vieilles pierres qui content des liaisons sentimentales, souvent dramatiques et porteuses de morale. L’histoire de L’Mâakra, N’fissa et sa sœur Fatma, Khedaoudj El Aamia, la reine Zaphire, Lalahoum, El Aalia et Lalla Mimouna en est un bouquet d’idylles de cœurs parmi tout un florilège d’histoires à l’eau de rose», résume l’auteur avant de partir sur les traces de tous ces personnages de légende. Où le lecteur découvre que «l’amour apprend les ânes à danser», sinon que «l’amour est tout yeux et ne voit rien».

 Les traces de ces héroïnes, c’est aussi dar raïba (la maison en ruine) à Houanet Sidi Abdellah, c’est le cimetière profané des deux princesses N’fissa et Fatma à la rue N’fissa, c’est la douera de L’Mâkra et tant d’autres lieux chargés de culture et d’histoire que l’auteur revisite dans les «Scènes d’Alger». Le troisième et dernier chapitre («Le jeu de la bouqala et les croyances populaires») complète le florilège de pièces choisies qui, toutes, charrient des valeurs, des croyances, des attitudes et des normes sociales.

Pour l’auteur, c’est une manière intelligente de rappeler au lecteur que ces histoires sont un excellent moyen de communication, d’apprentissage à comment se conduire et comment réfléchir, de développement de la pensée critique et de l’empathie. Le mérite de Nourreddine Louhal, c’est d’avoir réécrit ces histoires selon une grille de lecture contemporaine et avec le talent qu’on lui connaît. A savourer, le soir, de préférence avec un bon thé.

Hocine Tamou

 

Nourreddine Louhal Alger la blanche. Contes, légendes et bouqalate, éditions Tafat 2016, 254 pages, 600 DA.

 

In Le Soir d’Algérie du Mercredi 8 Mars 2017.

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La caravane vers « La terre est mon village » a fait une halte au caravansérail Algérie depuis le 26 juillet dernier. Convoyé par l’artiste-peintre Hamsi Boubeker, ce musicien et enfant de la médina de Yemma Gouraya (Béjaïa) a élu bivouac et « Repas sur l’herbe » à la galerie Baya (1931-1998) qui est mitoyenne au « Jardin du bonheur » du palais de la culture Moufdi-Zakaria. Véritable globe-trotter, Alger est le pied-à-terre que l’officier de l’Ordre de la couronne (Belgique) a choisi sur sa feuille de route après l’étape en 2016 au musée Guillaume-Charlier (1854-1925) du plat pays de Jacques Brel (1929-1978). Outre le pays à Tintin (Hergé), l’assistant ethnomusicologue de Mouloud Mammeri (1917-2017) avait fait escale à l’Hôtel de ville de Paris, lors de la 20e édition du Maghreb des livres en 2014. Mais maintenant qu’il est là, le maître d’école nourrit l’optique de croiser le fer contre l’amnésie, où s’engluent dans l’oubli, notre culture et le savoir-faire de nos aïeux, auxquels l’interprète du chant « Les berbères de Kabylie » tente d’inoculer de la vie, notamment lors de la célébration de Yennayer. Douce mère icône, d’où il puise l’inspiration ou tendre idole de grand-mère qu’il adule « Autour du conte », « L’enfant circoncis » se sent redevable envers ses premières amours… maternelles. Reconnaissant, eu égard au filon des traditions anciennes qu’il a tété à la berceuse « Essendu » que « chantaient les femmes de la maisonnée autour du couscous lors d’un après-midi convivial ». Fragments d’enfance, l’ancien élève de cheikh Sadek El-Béjaoui, né Sadek Bouyahia (1907-1995), trempe ses pinceaux dans les couleurs chatoyantes d’une robe d’une femme kabyle au port altier, où scintillent les signes berbères qu’enjolivent sa cruche lorsqu’elle va à l’eau de la « tala » (fontaine). C’est là le préliminaire d’un jet de portemine qui ordonne : « Le retour au village familial ». Donc, vers l’authenticité afin de « faire la fête », que l’artiste-peintre graisse à l’encre de Chine. Tellement d’agréables traits, que le choriste et maître de chœur s’adonne à cœur joie et crée l’ébauche du bracelet de cheville, ce « khalkhal » argenté d’une femme qui tournoie çà et là dans un coin de sa mémoire d’enfant.

Façonné à l’école de l’autodidactie, l’auteur de « Si tu veux la paix prépare l’enfance » (Unicef 1988) esquisse ses toiles ou plutôt ses mémoires d’enfant à l’acrylique qu’il panache à la gouache qui reflète les couleurs qui narrent l’escapade sur son âne vers les pâturages de sa Kabylie natale. Plus qu’elles ne s’admirent, les toiles de l’auteur d’« Aïcha, l’ogre et le père Inouva » (Bruxelles, Didier Hatier 1990) se feuillettent tels nos livres de récitation, où l’enchanteur décor bucolique occupe l’essentiel des gravures. Dans ce cas de nostalgie à laquelle nul ne peut échapper, autant y aller, histoire de déguster les beignets cuits des occupations des femmes et méditer sur les élucubrations du fou du village qui fait l’éloge du chasseur orgueilleux. Pour rappel, « La terre est mon village » est organisée sous le patronage du ministère de la Culture et de l’ambassade du royaume de Belgique à Alger jusqu’au 22 août.

Par Louhal Nourreddine

In journal Liberté du 20 août 2018 12:00

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