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AMAIA VP OU LES COULEURS D’UN RÊVE INVISIBLE

AMAIA VP OU LES COULEURS D’UN RÊVE INVISIBLE

 

Du 04-02 au 27-02-22 l’ESPACE ART GALLERY (Rue de Laeken, 83 à 1000 Bruxelles) a eu le plaisir de vous présenter une exposition consacrée à la photographe belge, Madame AMAIA VP, intitulée METTRE EN COULEURS L’INVISIBLE.

Il y a dans l’œuvre d’AMAIA VP un mariage mystique entre une révélation de l’invisible et le temps passant, saisi dans l’instant. Ce temps, l’artiste le fige dans des plans animés d’une intimité exploratoire, comme pour un objet vu à travers une loupe optique. En réalité, son œuvre exposée est constituée de gros plans, au centre desquels se révèle le noyau d’une sensation vivace, conduisant vers l’extériorisation du sentiment du temps ressenti par le visiteur. L’œuvre exposée se compose de deux spécificités graphiques : 1) une série de tableaux conçus sur le module rectangulaire, présentant le sujet isolé en son centre. 2) une série sur module occasionnellement quadrangulaire, divisé en quatre carrés internes, chacun de ceux-ci représentant un même sujet quatre fois exposé. Le dénominateur commun recouvrant les œuvres rectangulaires se distingue par le sujet isolé faisant corps avec son ombre, pensée comme son double. Elle est, pour ainsi dire, « projetée » à partir du mur lui servant d’écran. L’image devient sciemment la projection du sujet. Et cette ombre, à l’origine de son existence, confère à l’œuvre une forme d’humanité à partir de la chose inerte. Certes, loin de nous l’idée d’une interprétation à outrance. Néanmoins, que dire de TRIP 1/4 (90 x 60 cm - impression : chromaluxe) ?

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Cette unité organique entre la forme et son ombre, ne va-t-elle pas au-delà de sa simple présence visuelle ?

Il en va de même pour HANGING 1/4 (90 x 60 cm - impression : chromaluxe).

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Comme son titre l’indique, l’idée de la pendaison est présente. C’est elle qui insuffle à l’œuvre la puissance de sa dynamique. Pour donner plus d’intensité à la mise en scène, le sujet et son ombre (son double) sont pris de ¾. Une théâtralité enveloppe la totalité de l’image. Celle-ci se compose de symbolique, à la fois figurative : la chevillette de porte semblable à une corde (celle du pendu) et chromatique : le bleu intense dont la force psychologique est de révéler une situation potentiellement angoissante.

D’origine cinématographique, le « bleu nuit » ainsi traité fut utilisé pour la première fois par le cinéma muet, précisément pour mettre en exergue des situations dangereuses, au-delà de la simple représentation nocturne.    

Force est de constater le rapport existant entre l’artiste et la ville dans une philosophie purement urbanistique. La ville devient le théâtre au sein duquel émerge un univers à la fois statique et fantastique. Cette philosophie trouve son point d’appui dans l’image du mur, lequel exprime sa matérialité sous la forme d’un écran, une assise, souvent vétuste, d’où s’échappe le sujet projeté. Le mur demeure immuable : il est soit lisse, laissant apparaître des anfractuosités, soit il est nu, révélant sa matière première, la brique. Il revêt ainsi sa double destination, à savoir qu’il reste un mur dans sa fonction portante tout en assurant son rôle de toile symbolique. Il y a une particularité dans le chromatisme usité par l’artiste. Bien que les couleurs soient vives (bleu clair/foncé (en dégradés), rouge vif, rose, violet, jaune vif), une atmosphère globalement « nocturne » se dégage de son œuvre, mettant en relief une sensibilité essentiellement onirique.

DEPTH 1/4 (80 x 80 cm - impression : chromaluxe)

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Comme impliquée par le titre, l’idée de la profondeur est présente. Ces quatre gros plans absorbent le champ visuel à l’intérieur d’une focale serrée en la restituant dans un ensemble sensoriel différent, en ce sens que chacun d’eux exprime un état d’âme particulier. Nous sommes face à une œuvre réalisée à distance, en ce sens que, posée à même le sol, l’artiste l’a reprise par le biais d’une plongée, provoquant un sentiment de profondeur.

 

 ABANDONED HOUSE-COMPOSITION 1/4 (100 x 75 cm - impression : chromaluxe)

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Symboliquement et chromatiquement fort proche de l’œuvre précédente, cette composition nous donne à voir l’image d’une porte, prise à des stades divers de sa narration. Dans ce cas-ci, le sujet est clairement une porte. Étant donné qu’elle donne accès à une maison abandonnée, le visiteur laisse divaguer son imaginaire.

 

WAITING-COMPOSITION 2/10 (80 x 80 cm - impression : chromaluxe) 

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Cette œuvre révèle un tour de force. Ce crochet entouré d’un anneau ne serait rien sans son support chromatique ! Cela est particulièrement vrai dans sa représentation à l’intérieur du carré supérieur de droite. Cet objet insignifiant acquiert, par le traitement des couleurs (rose pour les nuages et bleu pour le ciel), une dimension surréaliste à la MAGRITTE. Les trois autres carrés sont tout aussi intéressants. Remarquons que chacun d’eux adopte une identité à chaque fois particulière : le dialogue des couleurs exprime un état d’esprit différent.

 

 COAT OF ARMS 1/4 (90 x 60 cm - impression : chromaluxe)

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Est-ce une initiale surmontée d’une couronne, entourée d’un cadre rouillé ? Est-ce une plaque commémorative ? Un emblème héraldique ?

Cette symbiose entre le prestige du symbole et la vétusté du présent, mise en relief par les pierres dénudées et lépreuses, parle d’elle-même.

L’association des couleurs, notamment celle du vert à l’intérieur du cadre avec le rouge de la rouille et le bleu occasionnel parcourant l’espace, laisse le visiteur face à son propre onirisme. Le temps devient intemporel, en ce sens qu’il s’agit d’un temps contemporain se déclinant dans la réincarnation d’un acte qui a laissé sa trace. L’artiste lui donne une nouvelle vie, entre passé et présent, forte de sa touche d’intemporalité dans une interrogation devenue désormais actuelle, à savoir ne sommes-nous pas, en définitive, porteurs de notre propre invisible que l’Art cherche désespérément à extirper de nos limites humaines ? L’artiste a été, à tel point, fascinée par ce mélange de briques, de rouille, de craquelures et de couleurs qu’elle a voulu imposer sa volonté en superposant les éléments de cet ensemble dramaturgique dans le but de jouer sur la profondeur, à la fois spatiale et temporelle.

Par le titre de son exposition, l’artiste nous pose un problème hautement philosophique, à savoir l’association entre l’onirisme et l’invisible. En effet, le dénominateur commun entre ces deux notions est assuré par le traitement de la couleur, évoqué plus haut. Celle-ci développe une fonction génératrice, laquelle galvanise, à la fois, la composition en tant que telle mais également le rapport que l’œuvre entretient avec le visiteur. La couleur illumine l’invisible. Elle lui confère une vie en l’isolant de la banalité d’un quotidien sans relief dont la ville est le théâtre.

AMAIA VP axe sa démarche sur la mise en lumière des « oubliés » comme elle les qualifie. Des choses, en apparence, anodines, lesquelles, une fois révélées, acquièrent la force nécessaire à l’identité du sujet à l’intérieur du contexte urbain auquel il fait corps. Vivant à la campagne mais citadine à l’origine, l’artiste dresse un parallèle entre la ville, laquelle nous invite à la découverte et la campagne à la liberté absolue. Son œuvre se veut une synthèse entre les deux univers. Ce sentiment physique de la couleur trouve son origine dans l’aversion que l’artiste éprouve pour tout ce qui est sombre.

Elle doit mettre de la couleur pour faire revivre les lumières nocturnes des villes. Son rapport avec le temps est dicté par la volonté de vivre chaque instant passant dans le but d’aller le plus loin possible dans son parcours créatif. Un sentiment d’intemporalité baigne l’ensemble de son œuvre mais ce sentiment semble être le fruit de l’inconscient car en son for intérieur, elle affirme ne pas croire à l’intemporalité. Et pourtant, comment interpréter ces murs lézardés, dormant sous la poussière, ces jeux de textures sensitives, évoquant le toucher et le visuel ainsi que la lumière nocturne sans éprouver un sentiment personnel d’intemporalité ? Sans doute est-ce la dimension onirique que son œuvre révèle à y introduire cette image du temps en suspension teintée d’invisible. Le rêve est l’enfant de l’invisible.

Techniquement, l’artiste part d’une photo. Le travail se réalise sur un programme informatique conçu pour sublimer le sujet par la couleur et la lumière, traduisant ainsi une velléité de peintre sur support numérique sans perdre l’essence picturale de l’œuvre (même si ce n’est pas de la peinture à proprement parler). Elle peint, néanmoins, de façon autodidacte. L’artiste a une formation de journaliste (Université Libre de Bruxelles), en plus d’être diplômée en piano. C’est précisément en donnant des cours de piano qu’elle est entrée en contact avec les enfants. Elle a donc choisi de devenir institutrice dans une école inclusive, ce qui lui a permis d’organiser des séances destinées à permettre aux enfants de s’épanouir à travers l’Art. Précisons que même sa formation de photographe est autodidacte. Son travail exposé date d’il y a environ cinq ans. Elle pense continuer sur cette voie car, comme elle le dit si justement : « c’est moi ! », voulant demeurer fidèle à elle-même.

AMAIA VP, par l’acuité sensible de son art, interroge une interrogation, en mettant en couleurs cet invisible que le regard contemporain, après avoir été moderne, ne cesse de se poser.   

 

François L. Speranza

  

 

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(Février 2022 – photo Jerry Delfosse)

 

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AMAIA VP et FRANÇOIS SPERANZA : interview et prise de notes sur le réputé carnet de notes Moleskine du critique d’art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles.

 

13142922276?profile=RESIZE_710x13142924881?profile=RESIZE_710xPhotos de l’exposition à l’ESPACE ART GALLERY 

 

N.B. : Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Jerry Delfosse, cofondateur et nouvel administrateur général du réseau Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Jerry Delfosse

Galeriste

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Espace Art Gallery

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Arts et Lettres

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                                      SOUS LE CHAPITEAU : LES COULEURS DU CIRQUE DE JOSE MANGANO

Du 05-11 au 28-11-21, l’ESPACE ART GALLERY (Rue de Laeken, 83, 1000 Bruxelles) a le plaisir de vous présenter l’œuvre de l’artiste italien, Monsieur JOSE MANGANO, intitulée : JE T’AIME, TU LE SAIS.

JOSE MANGANO se distingue, immanquablement, par son univers féerique, tout droit sorti d’un cirque imaginaire, avec ses saltimbanques jonglant avec les lois de l’espace. Lois privées de gravitation car ce qui caractérise la conception de ses personnages, faisant derechef la spécificité de son écriture picturale, ce sont ses silhouettes, filiformes, donnant le sentiment de flotter sur la surface de la toile, créant ainsi un agglomérat humain, en lévitation dans l’espace. Le sujet, ce sont, précisément, ces longues silhouettes allongées, remplissant l’entièreté de la toile, séparées entre elles par un espace pratiquement inexistant. A’ certains moment, le regard peut déraper sur un mirage à la Keith Haring mais la vision s’arrête aussi net. Nous sommes confrontés à un univers féerique où les personnages apparaissent d’instinct au regard, sans que celui-ci ne les recherche. Univers fabuleux qui trouve ses racines dans la Sicile natale de l’artiste.  A’ l’approche de l’œuvre, on le sentiment que celle-ci a été réalisée sur une feuille de papier millimétré, tellement les formes remplissant l’espace ne s’entrechoquent jamais. Chaque personnage illustrant cet univers comprimé est « enfermé » dans une « bulle » imperceptible. L’on se perd entre peinture et dessin, tellement la forme devient complexe dans son graphisme, ce qui influe sur le rendu spatial. Est-ce un dessin? Est-ce une peinture? Tout est question de graphisme composant avec la spatialité. Et l’artiste se répète tout au long de sa folie chaude et douce, jusqu’à vivre lui-même à l’intérieur de son propre univers.

JOSE MANGANO domine, au moins, deux écritures picturales. Celles-ci prennent leur base sur une ligne « flottante » s’étirant dans l’espace. En réalité, tout est étiré : figure humaine comme animaux, fantastiques ou non. Tout s’étire mais, par rapport à ce que nous précisions plus haut, rien ne s’entrecroise. Autant chaque personnage étire sa forme dans l’espace, autant il est autonome, à l’intérieur de sa forme : rien ne s’entrechoque. Et cette agglutination de formes allongées donne le sentiment que tout est relié à un fil conducteur invisible.

Cela est dû au fait que l’écart entre les formes n’est que de quelques millimètres. Ce qui accentue la dynamique amorcée par le foisonnement des personnages, déployés dans l’espace. Mais cela exprime aussi la manifestation d’un respect inconditionnel envers l’Autre, de la part de l’artiste, en ce sens qu’à aucun moment, nul personnage n’envahit l’espace autrui. Notons, néanmoins, qu’il existe une disposition structurée des personnages : la figure humaine est conçue de face. Le bestiaire, réel ou fantastique est pensé de profil. Le visage humain se présente isolé et souvent de profil.

      (50 x 50 cm-acrylique) (sans titre)

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  • Techniquement, le mode pratiqué par l’artiste a d’abord consisté à peindre le fond de la toile en noir et gris. Le résultat s’exprime par l’existence du personnage apparaissant, lequel est d’emblée compris dans le gris. Le noir est là pour décanter la forme, par le trait et le fond. Le doré est également usité dans le trait.

      (50 x 50 cm- acrylique) (sans titre)

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  • L’artiste a commencé par peindre le fond. Ensuite, il a dessiné avec des feutres à base de poudre composée de blanc et de doré. Cela dynamise l’aspect des personnages peints, alors qu’il s’agit, en réalité, d’un dessin sur un fond coloré.

 

Mais il arrive qu’il n’y ait plus d’espace (à proprement parler) entre les personnages. Et nous nous retrouvons face à une plage blanche dont le centre est occupé par un ensemble impressionnant de têtes humaines. La forme dans son intégralité, ne se révèle qu’à l’avant-plan, par une série de silhouettes masculines debout. Chacune adopte une posture statique particulière, dont le but est de dynamiser le mouvement par rapport au statisme de l’ensemble. Néanmoins, il y a un mouvement ondulatoire, à peine perceptible, concernant la « masse » formée par les personnages, vers le milieu de la toile.

      (54 x 45 cm-acrylique) (sans titre)
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L’artiste adopte également une deuxième écriture. Celle-ci est régie par le même code sémantique : quatre personnages aux proportions différentes de celles que nous avons rencontrées jusqu’ici, sont parsemés d’une série de cercles de formes multiples. L’arrière-plan est noir.

      (78 x 58 cm-acrylique) (sans titre)

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L’univers, ici envisagé, est celui du cirque dans sa magie. Les deux personnages, au faciès hyperbolique, dominant le centre de la toile, occupent l’essentiel de l’espace.

Les deux autres (sur la gauche de la toile), ont le rôle mineur de saltimbanques. Ils divertissent l’audience. Avec leur tête au volume disproportionné, (posée sur le cou, inexistant, en ce qui concerne le personnage de droite) et extrêmement long pour ce qui est du personnage de gauche, le visiteur éprouve le sentiment qu’il s’agit d’une fête foraine où des masques égaillent l’atmosphère nocturne. Comme pour toutes les œuvres de l’artiste, l’attention est attirée par la minutie des détails, finement travaillés.

 

Cette œuvre, composée de rouge, de bleu, de jaune, de vert et de blanc, tout en affirmant une température chromatique chaude, trouve son originalité dans l’esthétique qu’elle traduit : celle de Chagall. Cette image sortant de l’inconscient de l’artiste, exprime l’admiration qu’il éprouve pour le maître russe. Cette toile est intéressante dans ce qu’elle révèle, à savoir ce qui constitue une esthétique. Qu’est-ce qui, en ce qui concerne cette œuvre, est « chagallien »? Est-ce le faciès du personnage masculin au visage rond dans sa vive expression du regard? Pas du tout. Est-ce sa position corporelle de ¾ dans une attitude rappelant la danse hassidique? On s’y approche, surtout si l’on considère que Marc Chagall était juif, et qu’il a énormément évoqué la culture yiddish dans son œuvre. Néanmoins, cela participe de l’anecdotique. Tout se joue dans la puissance du chromatisme : couleurs vives, galvanisant l’atmosphère scénique. Les couleurs « enveloppent » le personnage, comme dans un tourbillon. Tout de blanc vêtu, il émerge de cet amalgame chromatique. Il est au centre d’une révolution sensuelle. Ses bras accueillent l’oiseau (ou pour mieux dire, les oiseaux antithétiques, disproportionnés dans la taille) terminant, en quelque sorte, la dynamique du mouvement.   

       (40 x 50 cm-acrylique) (sans titre)

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Principalement autodidacte, JOSE MANGANO a travaillé pendant quarante ans chez Oxfam. En 1995, lors d’une fête consacrée à l’Afrique, réalisée par cette organisation, il eut l’opportunité de se familiariser avec le graphisme, à partir d’une commande ferme.

Cela s’est concrétisé par la création d’une couverture sur le sujet. Depuis lors, il a travaillé comme graphiste. Après avoir travaillé la peinture à l’huile pendant dix ans, considérés comme une période de recherche, il s’est montré insatisfait par le résultat. Il a continué à dessiner et à peindre pour entrer dans une période de « (re)naissance », comme il le dit lui-même. Il a ensuite réalisé des cartes postales à destination d’Amnesty, pour les prisonniers politiques, où il a rencontré un grand succès. Il est également sculpteur. Son matériau est le papier mâché avec lequel il sculpte des masques. Tout cela traduit un amour vital pour le théâtre et son pendant populaire, le cirque. En effet, l’artiste, qui a étudié le théâtre également en autodidacte, est aussi clown depuis quinze ans ainsi que marionnettiste. Voici dix-sept ans, il a fondé une école de cirque, dont il est le président. Il est également poète et écrivain. Sa technique est l’acrylique sur base d’un dessin au graphisme avec marqueur. Cette (désormais éternelle!) période de Covid-19 lui a donné l’énergie nécessaire pour créer. Et cette énergie s’est traduite dans le rapport qu’il entretient dans ce qui définit totalement son œuvre plastique, à savoir la couleur et la ligne.

Celles-ci sont la source d’une continuité galvanisante, alimentant l’énergie intrinsèque du visiteur.

L’artiste insiste sur le fait que seul l’inconscient est le bras guidant son œuvre. Il affirme que « seule la répétition du mouvement est une prière vers les autres ». C’est par cette liturgie esthétique que son œuvre s’ouvre au Monde.  

François L. Speranza.

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Collection "Belles signatures" © 2021 Robert Paul

 

N.B. : Ce billet est publié à l'initiative exclusive de ROBERT PAUL, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis. 

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste JOSE MANGANO et François Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles.

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Photos de l'exposition de JOSE MANGANO à l'ESPACE ART GALLERY

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                                  LA VISION COSMIQUE, ENTRE PEINTURE ET POÉSIE, DE SALVATORE GUCCIARDO           

Du 04-11 au 28-11-21, l’ESPACE ART GALLERY a le plaisir de vous présenter une exposition consacrée à l’artiste belge, Monsieur SALVATORE GUCCIARDO, intitulée : LYRISME CÉLESTE.    

A’ l’instar de sa poésie, son œuvre picturale est un voyage initiatique basé sur une mythologie personnelle dont les origines, souvent sorties de leur contexte, se rattachent aux mythes de l’Antiquité proche-orientale, européenne du Moyen Age et biblique. Nous retrouvons des constantes telles que la sphère, le culte de la lumière celui de la montagne-pyramide, scellant l’union mystique entre la terre et le ciel ainsi que le culte de la Femme, à la fois spiritualisée et érotisée. Chacune de ces images, intervenant dans des contextes narratifs particuliers, est au service d’une vision cosmique dont le point central est l’Homme (l’Anthropos grec), luttant désespérément pour sortir de sa caverne, infestée d’ombres et de limites. Sa vision cosmique picturale n’est pas dominée par le noir sidéral, comme l’on s’attendrait à la rencontrer lorsqu’il s’agit d’espace mais bien par la couleur et la lumière, figurant par là, la conception d’un univers féerique, se déclinant sur le bleu, le rouge et le jaune. Cette triade chromatique traduit trois états d’âme majeurs de l’artiste : le bleu étant synonyme d’espoir, le rouge symbolisant la passion et le jaune exprimant un état de plénitude absolue. Remarquons, à propos du jaune, que contrairement aux deux expressions chromatiques précédentes, ce dernier ne fait jamais office de couleur dominante. Il se pose à l’apex de la composition, en ce sens qu’il la termine, comme l’on achève un récit mythologique. La vision cosmique devient, au contact de l’œuvre, une longue étendue mobile, aux accents terrestres, flottant à l’intérieur d’une mer céleste dans laquelle l’humanité gravit la pente conduisant vers la lumière. Belge d’origine sicilienne, l’artiste exprime sur la toile les couleurs chaudes, douces et savantes des cultures méditerranéennes. 

L’UNIVERS VERSION BLEU              

HARMONIE HUMAINE (122 x 104/acrylique sur toile)

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Se dégageant sur un fond bleu, l’ensemble résultant de la mixis humaine, entre à la façon d’un Michel-Ange à l’intérieur d’une sphère ouverte trouvant son origine dans le langage poétique de l’artiste. Si nous évoquons Michel-Ange, c’est à cause de l’agglutinement des corps, à la fois nus et musclés, rappelant les « Damnés » de la Sixtine.

Sauf qu’ici, on peut parler de « Bienheureux », tellement l’harmonie spirituelle et corporelle, est manifeste. Cette œuvre, aux accents dantesques, est construite à l’intérieur d’une demi-sphère dans laquelle le genre humain évolue, adoptant une posture en demi-lune, épousant ses limites sphériques. Un socle massif soutient la demi-sphère. L’humanité est amorcée par deux nus sur chaque côté : un homme (à gauche), une femme (à droite). Ils tendent un bras vers le bas, assurant à l’ensemble la verticalité requise. Chaque sommet de cette montagne humaine est terminé par un corps, debout, dont nous ignorons le genre. Au centre de la mixis humaine, se trouve un personnage masculin tendant son bras vers la droite et pointant son doigt vers cette direction. Les rendus physiques sont fort différents. Le personnage central tendant le bras, possède une musculature affirmée, laquelle (bien que fort différente), n’est pas sans rappeler cette celle de Michel-Ange. Les autres typologies physiques varient selon leurs proportions dans l’espace. Chacune d’elles est soulignée par un trait, définissant son volume. Nous évoluons au cœur d’un univers sphérique. Cinq sphères s’affirment au regard : la première (à l’avant-plan) la seconde (celle englobant la scène), la troisième (au début du chemin conduisant vers les hauteurs lumineuses, la quatrième (au-dessus du point lumineux) et la cinquième (englobant l’image de la famille, celle que l’artiste exalte dans sa poésie). A’ l’intérieur de la demi-sphère, diverses petites planètes évoluent au loin. A’ partir de la dominante bleue (en dégradés), figurant l’univers ainsi que de l’ensemble rocheux entourant la route, une autre dominante apparaît, à savoir le rouge (également en dégradés) rehaussé de noir. Quelques touches blanches, à l’avant-plan, entourent l’ensemble massif. Cette montagne humaine se présente en éventail, laissant apparaître le paysage rocheux, en perspective, divisé par une route serpentine, conduisant vers un point irradié d’une lumière à la fois chaude (créée par un jaune, vif et opaque, à la Turner) et blanche, donnant à l’ensemble l’aspect d’une flamme.

L’ÉMERGENCE CÉLESTE (70 x 50 cm - acrylique sur toile)

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Cette œuvre reprend une thématique similaire avec cette différence que dans l’œuvre précédente, l’humanité était à l‘honneur.

Tandis que dans cette œuvre-ci, c’est vers le Christ en croix face à une humanité déchue que le discours se porte. Le Christ est crucifié dans le Monde, affirmant ainsi sa participation dans l’Humanité. Avec ce groupe de huit femmes nues, rampant hors de leur antre en forme de cercle (en haut, à gauche), l’œuvre dégage une atmosphère de « décadence », telle qu’on peut la concevoir dans la sphère biblique, littéraire ou picturale, par rapport à l’image de la lascivité, coïncidant avec la luxure, par conséquent avec le péché et la mort. Un oiseau mort surplombe le Christ mort. A’ partir du troisième plan du tableau, une ville dominée par une architecture à peine cubiste, apparaît. La dialectique scénique est la même que celle de l’œuvre précédente. Il s’agit de la vision dantesque laquelle guide le regard humain à partir du bas pour le guider vers les hautes sphères célestes. Le regard débute son ascension à partir de l’avant-plan pour atteindre la « flèche » dressée, indiquant le chemin lumineux (serpentin comme dans l’œuvre précédente). La position de cette « flèche » coupant, en quelque sorte, la perspective est fort intéressante. Le chromatisme général ne diverge nullement du reste.  

LA MUSE SOLAIRE (70 x 60 cm - acrylique sur toile)

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Au centre d’une structure inconnue, une femme de dos, dont le dessin du vêtement coupe le corps dans sa longueur, regarde devant elle. Nous ne voyons pas son visage. La seule trace corporelle que nous percevons d’elle c’est sa main gauche, tendue vers le bas. Il s’agit d’un être spirituel car elle est Muse, une Parque de la Poésie. 

LA MUSE ÉTOILÉE (60 x 50 cm - huile sur toile)

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De « solaire », la Muse devient « étoilée ». De « spirituelle », elle devient « érotique ». Pour la première fois dans l’œuvre du peintre, Eros s’invite à la fête. La femme exposée, dont la tête est entourée d’une auréole, se montre comprise entre deux cercles cosmiques, elle-même évoluant à l’intérieur d’une sphère de feu, offrant sa féminité érotique. Ses seins, volumineux, deviennent le point d’ancrage du buste, alors que la tête, reposant sur un long cou, penche vers l’épaule gauche (droite par rapport au visiteur). Son bassin joue le rôle mécanique dans son pivotement vers le bas. Les poils pubiens effleurent, ramassés dans un bouquet stylisé. La conception technique du corps de la femme, met en évidence l’amour que l’artiste éprouve pour Amedeo Modigliani. La cassure rythmique opérée par l’épaule gauche (droite par rapport au visiteur) du personnage féminin, permet à la tête de trouver un point d’appui.

L’expression du regard est conforme à celui de Modigliani. Particulièrement, en ce qui concerne ce que le peintre « montparnos » appelait « l’œil intérieur », plongé dans l’intériorité de l’Etre, mis en exergue par une pupille petite et vive, doucement enveloppée par une paupière soulignant le dessin de l’œil. Mais si le regard du nu féminin de Modigliani regarde souvent vers le visiteur, celui de SALVATORE GUCCIARDO couve avec une infinie douceur l’homme à la recherche de la lumière, venu se placer sous sa bienveillance, érotique et maternelle. Le cou penché vers l’épaule, permettant la cassure rythmique (évoquée plus haut) est également conforme à l’esthétique d’Amedeo Modigliani.  

L’UNIVERS VERSION ROUGE

LE MYSTÈRE DE BABEL (122 x 104 cm - acrylique sur toile)

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Cette œuvre est la traduction picturale de l’épisode vétérotestamentaire de la Tour de Babel, revu par la sensibilité de l’artiste. La couleur rouge, symbolisant la passion, est la note dominante sur laquelle s’articule la composition. L’édifice conçu par le peintre est animé non par le style, à proprement parler, mais bien par l’esprit futuriste du début du 20ème siècle. A’ l’intérieur de l’édifice (lequel ressemble à s’y méprendre à une nef intergalactique), diverses niches, semblables à des petites grottes platoniciennes, retiennent prisonnière une humanité en proie à ses peurs, incapable de distinguer leur ombre de la réalité lumineuse. L’avant-plan nous montre un personnage qui s’apprête à gravir le chemin conduisant à la lumière, présenté comme une constante dans l’œuvre de l’artiste. Tandis qu’à sa gauche, vers le bas, un ersatz d’humanité, enfermée à l’intérieur d’une niche, stagne dans ses impasses. Le sujet biblique est détourné par l’artiste, néanmoins, la Tour de Babel demeure. L’outrage de Nemrod envers Dieu, s’avère être positif, malgré la confusion des idiomes qu’il engendre, car il encourage la connaissance de l’Autre malgré l’obstacle linguistique. Il devient, de ce fait,  le tremplin vers la culture et la pensée de l’Autre. Par le détournement qu’en fait l’artiste, la Tour devient à présent, l’image d’un espoir vers la connaissance de soi et du Monde. Remarquons que par sa structure, elle adopte, dans cette excroissance métallique située vers la droite, une tête d’oiseau. 

L’ETRE ASTRAL (90 x 70 cm - acrylique sur toile)

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Voici un personnage qui parsème la poésie du peintre-poète : le Sage.

Celui vers qui le voyageur de la fin du voyage initiatique s’incline. Du Sage, nous ne percevons que la tête, les épaules et les bras, posés sur un symbole, celui du triangle.

Ce triangle, l’artiste le présente onze fois. Comme nous l’avons observé, plus haut, le triangle est le trait d’union entre le haut et le bas. Entre l’ouranien et le chtonien. Il se retrouve sous bien des images : la montagne, la pyramide, les mains jointes en prière et même dans l’image du triangle pubien que l’on retrouve, mis en évidence, sur les statues des Vénus préhistoriques. Les chairs du personnage sont d’une blancheur immaculée, évoquant sa dimension spirituelle. Cette blancheur contraste avec l’ensemble chromatique dominé par le rouge. Passion et spiritualité se mélangent donnant ainsi une consistance dramaturgique et picturale au personnage. Autour du Sage, six cercles gravitent autour de lui. Le cercle est l’union de l’Alpha et de l’Omega. La boucle unissant les deux extrémités du temps (celles du commencement et de la fin) dans leur accomplissement. Considéré déjà chez les présocratiques comme une figure logique, sa forme est associée, notamment au Monde, situé au centre de l’univers. Sa dimension sphérique est considérée comme parfaite parce que d’essence divine. Est-il donc si étonnant de voir figurer ces deux entités géométriques (le triangle et le cercle) dans l’univers de l’artiste? La position des mains est très intéressante : sa main droite (gauche par rapport au visiteur) touche à peine la gauche (droite par rapport au visiteur). A’ la question de savoir ce qui l’a motivé à adopter cette position, l’artiste répond qu’il n’a voulu qu’effleurer l’attitude physique de la prière chrétienne (les mains jointes) sans vouloir l’aborder de front, précisément pour prendre ses distances par rapport aux liturgies séculaires et garder ainsi da propre dialectique.  

SALVATORE GUCCIARDO, considère l’œuvre exposée comme un résumé de sa pensée actuelle, en ce sens qu’elle sanctionne cinquante ans de travail assidu, affirmant sa contribution à l’Humanité actuelle. Nous avons insisté, plus haut, sur le fait que l’artiste est à la fois peintre et poète. Peinture et poésie sont consubstantielles à son œuvre. Les thématiques exposées dans sa peinture se trouvent élaborées en sa poésie, aussi cosmique que son œuvre peinte. C’est par la poésie que l’artiste a commencé à s’exprimer par la lecture de Rimbaud. Autodidacte, il est entré en peinture, comme l’on entre en religion, à l’âge de dix-sept ans.

Sa révélation lui a été donnée par l’œuvre de Modigliani, chose parfaitement perceptible à l’analyse de LA MUSE ÉTOILÉE (citée plus haut). Son écriture picturale est sensuelle, musicale et harmonieuse.

Tout est structuré et pensé, autant dans la couleur que dans le dessin. Techniquement, il a adopté l’acrylique depuis une quinzaine d’années, après s’être exprimé par l’huile pendant quarante-cinq ans. Néanmoins, l’artiste insiste sur le fait qu’il arrive (et c’est absolument discernable) à obtenir la même finesse graphique tant avec l’acrylique qu’avec l’huile.

SALVATORE GUCCIARDO a toujours été à l’écoute des Maîtres de l’Histoire de l’Art. Peintre à l’écriture contemporaine, il jouit d’une grande culture classique et humaniste, résolument tournée vers un futurisme, parsemé d’intemporalité. Son œuvre parle à l’Humanité.

 

François L. Speranza.

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Collection "Belles signatures" © 2021 Robert Paul

 

N.B. : Ce billet est publié à l'initiative exclusive de ROBERT PAUL, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis. 

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste SALVATORE GUCCIARDO et François Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles. 

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Photos de l'exposition de SALVATORE GUCCIARDO à l'ESPACE ART GALLERY

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                          LE CUBISME PRIMITIF RESSUSCITÉ DANS L’ŒUVRE PLASTIQUE DE FRANҀOISE BARON

Du 08-10 au 31-10-21, l’ESPACE ART GALLERY (Rue de Laeken 83, 1000 Bruxelles), a consacré une exposition dédiée à la sculptrice française, Madame FRANҀOISE BARON, intitulée : NOUVELLES RÉALITÉS.       

FRANҀOISE BARON s’inscrit, au sein de la continuité de l’évolution artistique, dans le dialogue qui a ouvert avec l’expressionnisme (à partir de 1908), le panorama intellectuel et culturel européen du 20ème siècle, à savoir l’aventure cubiste. De par la taille de l’objet sculpté, elle renoue avec l’esthétique de l’époque, en redéfinissant l’Homme dans les sphères humaine et spatiale.                            

Les pièces exposées de l’artiste se divisent en 3 séries : les danseurs, les musiciens et les « portraits ». C'est-à-dire, les sujets de prédilection du cubisme, au début du 20ème siècle. D’autres pièces apportent une plus value à son discours plastique. Les œuvres présentées attestent d’une utilisation rigoureuse de la grammaire cubiste. Les personnages, et par extension, l’Homme dans sa dimension iconographique, est présenté sous un certain nombre de facettes, le définissant dans l’espace. Les membres des corps sont repliés sur eux-mêmes, dans une dimension géométrique, proche de la mécanique d’horlogerie. Tout se tient dans cet ensemble de segments assemblés. Une coupe en appelle une autre. Et la forme apparaît, issue d’une myriade de coupes sélectives jusqu’à trouver un dialogue formel.

LES DANSEURS

ROCK BRONZE et DANSEURS offrent deux moments opposés de la danse : le mouvement séparant les danseurs et le mouvement les réunissant.

ROCK BRONZE

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DANSEURS  

12273409889?profile=originalCela suppose deux moments rythmiques différents. Un rythme accéléré, « jazzistique » (même si, en l’occurrence, il s’agit de « rock », opposé à un rythme lent, style « slow »). Les deux moments indiquent deux phases pulsionnelles dans le rendu sculptural. Un relâchement permettant au couple de reprendre la lignée rythmique après l’avoir quittée et une fusion les rapprochant dans un enchevêtrement de courbes, créant une série de variations plastiques.

ROCK BRONZE Le rythme endiablé permet aux personnages de s’étirer jusqu’à ce que leurs formes traduisent des stries verticales, matérialisées par le manteau de l’homme et la jupe de la femme, tombant vers le bas ainsi que des angles droits spécifiques du buste, dans la diagonale qu’il forme, chez l’homme et des jambes, également en diagonale, chez la femme, accentuant la phase de séparation. Le bras gauche (droit par rapport au visiteur), que la femme soulève pour accéder à sa tête, offre une forme triangulaire, augmentant le rendu cubiste. La partie arrière de la pièce est structurée par une série de stries, à la fois verticales et horizontales, témoignant de la raideur du mouvement déclenché par les danseurs. Le rythme lent, symbolisant le rapprochement du couple, s’avère être l’antithèse de l’œuvre précédente : plus d’angles droits ni de stries verticales et horizontales.

DANSEURS Tout se joue sur la courbe, par le biais de laquelle la douceur du  rapprochement s’accomplit. Cela se remarque de façon émouvante, à l’arrière de la pièce, lorsque l’on observe la main de la femme caresser la tête de l’homme, dans un geste de tendresse. Pus que tout, c’est la fusion qui s’opère. Et cela se révèle, une fois encore, en observant la partie arrière de l’œuvre, laquelle confirme la fusion des deux personnages en une seule pièce.

LES MUSICIENS    

LE VIOLONCELLISTE

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Nous sommes, avec cette œuvre, en plein cubisme du début du 20ème siècle. Le musicien, surtout le musicien jouant d’un instrument à cordes, tel que la guitare ou le violon, fut l’un des sujets de prédilection des cubistes tant en peinture qu’en sculpture. Cette œuvre nous montre un violoncelliste jouant. Pourquoi évoquer le cubisme du début du 20ème siècle? Parce que le style de cette pièce, dans sa conception plastique, participe de cette esthétique. En réalité, il faut voir dans cette œuvre l’émergence de deux personnages : le musicien et son violoncelle. L’un étant consubstantiel de l’autre. Et surtout, l’un étant issu de l’autre car, vu de face, l’instrument à cordes prend naissance dans le creux du musicien. Dans ses entrailles. Les deux personnages s’entremêlent et se rejoignent dans les angles. Observez le geste penché unissant le violoncelle au musicien. L’on pourrait carrément parler d’une « étreinte amoureuse », tellement le visage du musicien (ou plus exactement, le rendu de son visage) se penche, presque voluptueusement vers les volutes de son instrument, conçues comme un cou féminin. Cela provient de la diagonale formée entre le violoncelle et le corps du celliste. La tête de ce dernier opposée à la partie supérieure de l’instrument à cordes forme l’étreinte de deux corps comme pour un baiser.

PORTRAITS-VISAGES 

Avec les portrais-visages, l’artiste se concède une voie intermédiaire entre le cubisme et un réalisme évoluant dans le temps.

PORTRAIT 1

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Cette pièce nous propose, en quelque sorte, « le visage et son double », en ce sens que l’une de ses parties, la droite (gauche pour le visiteur), est grâce au prognathisme accentué sur cette partie du visage, fort proche du masque à la Picasso. Pensons aux « DEMOISELLES D’AVIGNON 1907) où nous retrouvons le masque africain. La pièce est scindée en deux parties, séparées par un long nez à l’arête fort épatée, se terminant par une petite bouche en cœur, délimitant les deux parties du visage. La partie gauche (droite par rapport au visiteur) est tout à fait lisse et ne présente aucun attribut. La taille de cette dernière à été réalisée dans le but d’accentuer les différences entre les deux parties tout en faisant de sorte que la partie lisse soit, à la fois plus petite que celle sculptée et par conséquent, déséquilibre imperceptiblement le volume de la pièce. Les cheveux sont conçus en de longues stries horizontales. Ce qui s’avère être la signature graphique de l’artiste en ce qui concerne le rendu plastique de la coiffure. 

LES DEMOISELLES D'AVIGNON (FRAGMENT)

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FIER DE SERVIR

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Cette tentation de vouloir flirter avec la réalité dans la représentation du visage humain se retrouve dans cette pièce. Ce visage masculin portant un béret de marin se révèle être un hybridisme entre cubisme et réalisme, à la fois dans le style comme dans les proportions. Mais à y regarder de près, même dans l’effort réaliste, l’artiste ne peut résister à la tentation d’ « encadrer » la partie avant du visage (comprenant l’œil, le nez et la bouche - en leur moitié) à l’intérieur d’un cadre partant de l’arête du nez pour se terminer à hauteur du menton. Ce qui rappelle l’origine cubiste dans la conception de la pièce. L’oreille sort en saillie et se distingue du reste du visage. La partie arrière de l’œuvre nous révèle le béret de marin, parfaitement pensé et réalisé. La partie droite (gauche par rapport au visiteur) n’est qu’un ensemble anguleux. Cette pièce, bien qu’aboutie, donne un sentiment d’inachevé.    

PORTRAIT VIERGE

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L’artiste renoue avec l’iconographie « sacrée » en la personne de la Vierge. L’approche stylistique fait penser à l’art roman. Tous les attributs sont présents : la position de la tête du personnage, au visage allongé, penché vers le bas, en signe de commisération envers le genre humain. Sa position, occupant la gauche (droite par rapport au visiteur), les yeux mi-clos, légèrement soulignés par le creux délicat des cernes ainsi qu’une fine bouche fermée, répondent au vocabulaire des signes médiévaux exprimant la douceur. La chevelure est toujours formée de stries. Celles-ci occupent les deux côtés de la tête avec cette fois-ci, des ondulations bien marquées, contrastant avec les stries lisses présentes sur les autres sculptures. Un voile, posé de trois-quarts, laissant apparaître la chevelure, recouvre la totalité de la tête pour se terminer à la base du buste. Plastiquement, cette pièce est un exploit, car étant réalisée en bronze, son allure, rehaussée par sa patine, donne le sentiment de la pierre blanche et lisse, typique de la sculpture en pierre du Moyen Age.  

PIETA’

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L’artiste s’autorise une liberté, à savoir que le Christ ne repose pas sur les genoux de la Vierge. En fait, celle-ci le porte à bras le corps. Pour mieux exprimer son état de cadavre, le Christ a été conçu comme un pantin désarticulé qui laisse pendre ses membres vidés de leur force. Sa tête, retournée en arrière, accentue ce sentiment d’abandon. Un détail, concernant la Vierge, se situe dans la conception du visage. Celui-ci, réduit à un carré, regarde vers la gauche (droite par rapport au visiteur), ce qui diffère du contexte original de la fin du Moyen Age dans lequel le regard de la Vierge se tourne vers le Christ mort. A’ cette remarque, l’artiste insiste sur le fait que son visage dépasse le stade de la mort pour se tourner vers la Résurrection, c'est-à-dire vers le futur.    

FRANҀOISE BARON a découvert la sculpture à l’âge de vingt ans après avoir « goûté », comme elle le dit, à la terre. Bien qu’elle n’ait pas une formation strictement académique, on ne peut pas la qualifier d’« autodidacte » au sens stricte du terme. En effet, elle a suivi des ateliers de sculpture à Paris qui lui ont donné les bases du métier. Les conseils avisés d’un sculpteur chinois lui ont été primordiaux pour son développement artistique.

Après sa vie professionnelle, elle s’est entièrement consacrée à son art. D’abord sculptrice figurative, elle a éprouvé le besoin de se tourner vers autre chose.

Le cubisme s’est avéré être une révélation, celle de la forme, non plus abordée de façon « réaliste » mais bien transformée en une myriade de segments, chacun d’entre eux à l’origine de l’autre. Cela l’a assurée dans la conviction que l’on peut dire plus de choses par le biais du cubisme. Sa démarche créatrice implique, comme nous l’avons vu, l’emploi d’un langage comportant, à la fois des courbes, des droites et des angles. Ces formes sont les outils tactiles appuyant la manifestation du sentiment dans le rendu plastique. Sa sculpture est, stylistiquement, fort proche du cubisme du début du 20ème siècle. On ne peut s’empêcher de penser à Lipshitz dans l’évolution de la forme et cela est fabuleux car il ne s’agit nullement d’un « retour à l’expéditeur » mais bien du résultat inconscient de sa production artistique, à l’intérieur d’un environnement contemporain. Remarquons que la sculpture cubiste est fille de la peinture du même style. Dès lors, il nous a été impossible de ne pas poser, à l’artiste, la question à savoir si la peinture lui était familière. Elle nous a répondu par la négative, en insistant fortement sur le fait qu’elle ne peut, en aucun cas, concevoir une œuvre de façon préparatoire. Tout au plus, peut-elle avoir une vague idée d’ensemble mais cela s’arrête là.

A’ par trois exceptions, l’artiste aborde le corps humain par la géométrie. Celle-ci trouve sa plénitude dans la formation du carré pour exprimer le visage et les mains (lesquelles attestent la présence de doigts, à peine esquissés). Même s’il lui arrive de céder au rendu réaliste, c’est le cubisme qui reprend le dessus. Techniquement, l’artiste affectionne le bronze. La technique usitée est celle « à cire perdue».

FRANҀOISE BARON, comme tout artiste qui se respecte est « passeuse de culture ». Par la maîtrise de son art, elle ressuscite une époque de très haute culture, témoin des bouleversements majeurs d’un 20ème siècle en formation. Gageons que cette résurrection artistique, associée aux nécessités de notre temps, l’amènera vers d’impossibles contrées.  

François L. Speranza.

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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste FRANCOISE BARON et François Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

12273413876?profile=originalPhotos de l'exposition de FRANCOISE BARON à l'ESPACE ART GALLERY

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                                              DANS LES SPHÈRES DU DÉSIR : L’ŒUVRE DE CAROLINE DANOIS  

Du 08-10 au 31-10-21, l’ESPACE ART GALLERY (Rue de Laeken 83, 1000 Bruxelles) vous convie à une exposition consacrée à l’artiste belge, Madame CAROLINE DANOIS, intitulée : KISS ME, SI JE VEUX.

L’on remarque, dès la première approche avec son œuvre, que CAROLINE DANOIS se situe entre plusieurs cultures. Plusieurs cultures est synonyme de d’un ensemble de discours esthétiques aux racines multiples. D’origine vietnamienne, élevée en Occident, ayant beaucoup voyagé, sa peinture témoigne d’influences culturelles diverses et importantes. Cela se remarque, notamment, dans l’attitude culturelle de certains de ses personnages, particulièrement en ce qui concerne le langage amoureux dont nous parlerons plus loin. Toujours est-il que ses personnages sont, d’un point de vue physique, de conception orientale. Ceci précisé, ne perdons pas de vue la thématique principale de cette exposition, à savoir le discours, à la fois, sur le désir et sur l’art d’aimer. Néanmoins, le désir est ici pris sous l’angle du désir de l’Homme pour la Femme. Le titre de l’exposition est très explicite sur la philosophie du discours de l’artiste : il s’agit d’une approche amoureuse et sensuelle du masculin vers le féminin, laquelle ne pourra, en définitive n’avoir lieu, uniquement que si le Femme le consent, permettant ainsi à la fusion spirituelle et charnelle de s’accomplir pleinement. Et cela devient l’ordre d’entrée des manifestations amoureuses : le spirituel précède le charnel lesquels devront conduire à l’étreinte épanouie. D’un point de vue chromatique, chaque scène érotique s’inscrits sur deux plans de couleur différente, toujours tendre, créant une belle harmonie : même DANS LES BRAS DE MORPHÉE (que nous évoquerons plus loin), répond à cette esthétique car le contraste saisissant entre les couleurs rouge et blanc, ne perturbe nullement le regard.

TEMARI KISS (huile sur toile-huile sur toile)

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L’attitude amoureuse des personnages dérive directement de l’art érotique japonais que l’on retrouve dans les Shungas de la fin du 17ème siècle, jusqu’au milieu du 19ème siècle (bien que les Shungas soient, dans l’ensemble, plus « osées » par rapport aux œuvres de l’artiste). Cette œuvre présente, en l’occurrence, un baiser langoureux conçu dans le cérémonial de sa pose sur la bouche de l’autre ainsi que dans l’attitude physique qui prélude à l’étreinte. Dans l’art érotique japonais, les bouches de l’Homme et de la Femme s’alignent sur le même plan.

Ici, l’on constate un léger déphasage dans l’alignement des personnages, ce qui a pour résultat que le visage de l’Homme étant plus décalé par rapport à celui de la Femme, sa bouche s’imprime en superposition sur la sienne. La tête de la femme ainsi que les épaules, les mains et le pied (à peine esquissé) contrastent avec le vert de la robe et le pantalon gris à fleurs noires et rouges. Cela est dû au fait (devenu une constante dans l’œuvre de l’artiste) que les corps sont d’une blancheur immaculée. Ce qui a pour effet de les envisager dans une sorte d’évanescence charnelle.

La tête, les mains et le pied de l’homme contrastent harmonieusement avec le vert de la chemise ainsi qu’avec le bandeau qu’il porte sur la tête. La boule de laine qu’il tient dans la main (le temari) est utilisée dans un jeu faisant partie de la tradition thaïlandaise.

Notons que c’est également le vert qui domine l’ensemble chromatique. On le retrouve, notamment, à l’avant-plan largement dominé par le bleu-foncé ainsi que dans l’arrière-plan conçu en vert-clair. Les fleurs, sur le pantalon de l’homme attirent le regard, amplifiant l’intensité de la scène.

FIN DE JOURNÉE (100 x 50 cm-huile sur toile)

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Même si, dans l’œuvre précédente, l’homme est en léger décalage face à la femme, force est de constater, après lecture de l’image, qu’elle occupe une position légèrement dominante sur l’Homme, en ce sens qu’elle le dépasse en hauteur de quelques centimètres. FIN DE JOURNÉE nous donne une image, non pas de domination mais presque de « protection » vis-à-vis de l’Homme. Par sa façon d’être penchée sur lui, la femme donne le sentiment de le « couver » amoureusement. Néanmoins, elle se trouve physiquement sur lui. Ce qui, dans l’art érotique japonais duquel ces œuvres dérivent, est parfaitement impensable. L’Homme a toujours le « dessus » sur la Femme. Inutile d’insister sur le fait que cette chorégraphie sexuelle a été usitée par l’artiste précisément pour « contrebalancer » cet état de choses.

KISS ME, SI JE VEUX (100 x 70 cm-huile sur toile)

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Cette œuvre reprend le titre-même de l’exposition, laquelle est centrée sur la tempérance entre les désirs des deux sexes. Nous sommes ici dans un moment d’incertitude. Va-t-elle se donner à ces hommes? Va-t-elle se refuser à eux? Son corps, immaculé, semble vouloir se donner par l’image de ce soutien-gorge en forme de papillon rouge (couleur à la symbolique érotique de surcroît), lequel ne tient qu’à un fil. Les baiser n’existe, à la fois, que dans l’attente de sa matérialisation ainsi que dans le contact charnel entre la bouche du personnage masculin (en bas à droite) qui embrasse goulument les doigts de la femme. Le cadrage de cette œuvre a été longuement pensé. Il se décline en trois étapes : deux étapes régies par le noir. Un premier carré -noir - sur le périmètre de la toile (extérieur). Ensuite, en partant du bas, un deuxième carré également noir, enserrant le buste ainsi que les jambes du couple, jusqu’au personnage (conçu à moitié corps), embrassant les doigts de la Femme. Le deuxième carré (également noir) s’élance jusqu’aux épaules de la Femme – à l’intérieur. Et ce n’est qu’à partir des épaules de celle-ci que se conçoit la troisième étape dans un troisième carré - couleur or – encadrant les personnages masculin et féminin, dans la partie supérieure de la toile. Il s’agit d’un cadrage intérieur « ouvert », en ce sens qu’il permet simultanément à la main du personnage féminin ainsi qu’au coude du personnage masculin du bas, à droite de la toile, de sortir su cadre. Ce qui permet à l’œuvre de s’amplifier dans un élan d’élasticité. Comme pour l’ensemble de l’œuvre de l’artiste, le jeu des mains constitue un véritable dialogue gestuel : il souligne l’abandon dans les bras baissés de la femme offrant sa main à la bouche du personnage du bas, à droite qui l’embrasse. Mais il indique également la possession dans le geste de l’homme serrant passionnément la taille de la femme. De même que pour TEMARI KISS (mentionné plus haut), un léger déphasage s’opère dans la position des visages de l’homme et de la femme, en ce sens que celui de l’homme est en retrait par rapport à celui de la femme. 

FIN DE JOURNÉE (cité plus haut)

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L’œuvre reprend la même thématique amoureuse. Comme nous l’évoquions précédemment, le jeu des mains (et des pieds dans ce cas-ci) est capital. Mais ici, nous assistons à une sorte de danse « statique », tellement le jeu des membres est agité, à l’intérieur d’une lenteur rituelle. Les mains s’inscrivent dans un fabuleux enchevêtrement des formes. A’ tel point qu’il permet toutes les audaces : remarquez la torsion extrêmement allongée du bras gauche du personnage masculin entourant la femme et ressortant de la gauche de celle-ci. Cette audace, nous retrouverons dans l’œuvre suivante. L’Art permet de transcender la réalité dans l’audace d’une licence artistique. Car dans la réalité, cette extension du bras est physiquement impossible.

Le dialogue des corps se forme dans une danse lente au cours de laquelle le corps de la femme se « glisse » littéralement entre les jambes de l’homme.

Dès lors, par rapport à l’art érotique de culture japonaise, duquel l’artiste s’inspire, les « règles » sont inversées, en ce sens que dans la tradition érotique japonaise, l’homme, de par sa position physique dans l’espace, « domine » la femme, en se plaçant sur elle. Dans cette œuvre, le désir fougueux de l’homme est atténué par la tendresse. Dès lors, cette posture de la femme, embrasse la dialectique qui anime le discours pictural de l’artiste, selon lequel c’est la femme qui a le dernier mot. Par sa posture, elle indique son consentement à la fusion physique, assurant ainsi l’harmonie charnelle. 

BAISER DE MORPHÉE (100 x 100 cm-huile sur toile)

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Situé entre de deux plans par rapport à un chromatisme opposé formé de blanc (vers le bas) et de rouge (vers le haut), le couple s’enlace.

Nous assistons à un splendide jeu de contrastes. Le blanc immaculé de la femme fait de sorte que de par sa blancheur, elle émerge de l’avant-plan, également blanc.

Tandis que l’homme, dans un souci de contrepoint pictural, est revêtu d’un manteau à fleurs de couleur verte. Sa décoration est constituée de quatre notes harmonieuses, à savoir le blanc, le jaune, le bleu et le noir. Une légère note bleu-pâle parsème le bras gauche de la femme et se termine dans sa main. Le jeu des mains est d’ailleurs très intéressant. L’artiste nous démontre par un tour de force qu’en Art, TOUT est possible! Observez la main de l’homme enlaçant la femme, conçue en plan : on la voit dépassant le torse de la femme. Il s’agit toujours d’une licence picturale que l’artiste se permet. Elle consiste à (dé)montrer que l’Art dépasse la réalité, en ce sens que cette extension du bras de l’homme enlaçant la femme est, dans la réalité, tout à fait irréalisable, le bras de l’homme étant trop court pour y arriver. Ce n’est que par une cassure de rythme que l’artiste nous fait croire à l’impossible : le bras, occulté par le corps de la femme, fait apparaître de derrière son dos, une main massive, comme par enchantement. La main de la femme, elle, venant par en-dessous, saisit doucement l’homme par l’épaule. Pour la première fois, concernant les œuvres présentes dans l’exposition, la femme, à l’instar de l’homme, est chauve.

L’artiste renoue, une nouvelle fois, avec la tradition bouddhiste, en ce sens que les cheveux sont considérés comme une perruque. Dès lors, leur rasage constitue une étape vers la simplicité, non dépourvue de sensualité.

La femme porte sur son front un symbole dont le dessin est inspiré de l’art traditionnel thaïlandais. L’homme est  graphiquement affirmé dans le champ visuel par un trait noir, autant appuyé que discret, sur les contours de son vêtement au chromatisme prononcé, le séparant à la fois de son propre visage d’un blanc immaculé ainsi que de la femme. Par contre, aucun trait noir ne délimite le corps de celle-ci face à l’arrière-plan de couleur rouge, devenant ainsi évanescente par rapport à l’homme. Il s’agit, à l’instar de l’ensemble de l’œuvre de l’artiste, d’une vision mystique du désir. Une vision partant d’une ritualisation scénique de préliminaires érotiques conduisant à l’extase du rapport charnel. Ne perdons jamais de vue qu’il s’agit, selon l’artiste, d’un acte-pacte lequel ne peut être approuvé que par la Femme.

FÉLINE (38 x 30 cm-huile sur toile)

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Cette toile est la synthèse d’une typologie de regards englobant délicatesse et désir. Mais ici, un stade supplémentaire a été franchi dans l’image de la séduction. De plus, on la retrouve sur le visage des deux personnages. Le visage de l’homme, posé sur les reins de la femme, semble l’ausculter comme l’on écoute les vibrations de la terre. Cette œuvre est un triptyque reprenant le corps de la femme exposé sur les trois parties de la toile. Celle-ci offre une série chromatique basée sur trois couleurs : le blanc (pour le corps de la femme et le visage de l’homme), le bleu clair (pour le vêtement de l’homme) et le vert de l’arrière-plan.      

LE DIALOGUE DES VISAGES ET DES MAINS

Les visages, issus comme nous l’avons précisé, de la tradition picturale japonaise, dérivant de l’art érotique, parcourent l’œuvre de l’artiste. Ils ont pour fonction d’instaurer un dialogue amoureux et s’ils se font face, c’est pour délimiter le champ de leur désir. Car tout, dans leur nature, est une question d’impulsion directionnelle. Les visages, d’un blanc immaculé à l’instar des corps, souvent penchés et plongés dans la plus sainte douceur, conduisent vers le corps de l’autre par l’intermédiaire du regard qui semble être « à l’écoute ». Les mains, elles, assurent une continuité dans les liens entre les personnages. Elles vivent, comme dans les danses thaïlandaises, en scandant le rythme.

LE DIALOGUE DES VÊTEMENTS

Les vêtements des personnages sont, en réalité, des costumes de scène. Car nous sommes ici dans un vaste théâtre, celui du désir. Notre désir. Car ce sont les costumes qui habillent et dénudent simultanément les personnages, en ce sens qu’aucun d’entre eux n’emprisonne les corps mais le libère en laissant transparaître la blancheur essentielle à son Etre. De plus, ils sont, dans une large mesure, amples, permettant aux membres de s’étirer à souhait.

Ce qui accentue le sentiment de liberté qui anime l’œuvre de l’artiste. Ils sont animés par le contraste, à la fois, pictural et symbolique, qu’ils entretiennent autant entre eux ainsi qu’avec la blancheur des chairs. Il y a, en plus d’une mise en scène de l’esthétique, un érotisme du costume dans sa dimension symbolique. Cette  dimension symbolique se retrouve, notamment, dans la façon dont l’artiste « enveloppe » l’homme, blotti entre les bras de la femme, dans MORPHÉE. Porte-t-il un vêtement ou est-il enroulé dans une couverture le maintenant bien au chaud, au sein d’une chaleur à la saveur presque maternelle? Les costumes sont également l’instrument instaurant le lien affectif avec les différentes cultures dans lesquelles l’artiste a évolué : l’Orient et l’Occident se retrouvent, faisant partie d’un TOUT. Ils habillent geishas et notables mais aussi Vierges de tradition européenne. Ils évoluent au rythme des courbes enrobant les personnages dans le chemin de cette mystique sensuelle.   

 

LES TROIS « MADONNES »  

C’est par cette appellation que l’artiste les nomme après que nous lui ayons fait remarquer la ressemblance stylistique de l’une d’entre elles avec le thème de la « Vierge à l’Enfant » dans la peinture de la Renaissance italienne.

ADOPTED (70 x 60 cm-huile sur toile)

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Tout comme les deux autres, cette œuvre témoigne d’une influence européenne. Comment séparer le symbolisme d’une telle scène d’avec une Vierge à l’Enfant de la Renaissance italienne? L’enfant, placé à la gauche de la mère, est entouré d’une aura rappelant l’auréole chrétienne. La position du visage de la femme, elle-même entourée d’une aura dorée, regarde au loin. Celui de l’enfant regarde vers sa mère. Elle porte une coiffe sortie de l’imagination de l’artiste, néanmoins fort proche de certaines coiffes féminines de la Renaissance italienne.

L’arrière-plan est divisé en une zone dorée incluant une deuxième zone bleue, elle-même incluant la coiffe de la femme. A’ l’instar de KISS ME, SI JE VEUX (mentionné plus haut), le cadre est « ouvert », permettant au bras droit de la femme de s’exposer brièvement vers un extérieur fictif. Le jeu des mains entre la mère et l’enfant témoigne d’une infinie douceur. Insistons, néanmoins, sur le fait que pour l’artiste, aucune inspiration strictement « religieuse » n’est à rechercher dans ce tableau. Il s’agit d’une œuvre de plénitude totale. Œuvre « autobiographique » ? En un certain sens si l’on tient compte que l’artiste, d’origine vietnamienne, a été elle-même adoptée. Cette œuvre est, en fait, une réminiscence d’un épisode majeur de sa vie. 

PETITE MARIE : LA JEUNESSE DE MARIE ON N’EN PARLE PAS (70 x 60 cm-huile sur toile)

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Nous sommes face à une œuvre à l’atmosphère festive et désinvolte. Remarquons que cette fois, le nom de « Marie » est prononcé. Il n’y a donc aucune ambigüité sur le propos. A’ la question : «s’agit-il d’un même et unique personnage féminin représenté deux fois, à deux moments différents de son existence? », l’artiste répond : « pourquoi pas? ». La question reste ouverte. Il s’agit surtout de représenter une fillette qui se penche, au de-là du cadre, conçu comme une fenêtre ouverte sur le Monde. Sa mère la retient doucement, en la mettant gentiment en garde d’un geste contrôlé de la main. Cette main, comprise entre celles de la fillette, forme une entité directrice car on peut y voir la volonté d’une diagonale (à peine perceptible) accompagnant, de façon rythmique, la posture penchée vers la fenêtre de la jeune fille. Remarquez la présence de la coiffe sur la tête de la mère ainsi qu’une copie de celle-ci, conçue de façon géométrique (un rien plus rude) portée par la fillette.

BB NELSON. LE GRAND AVENIR DE NELSON M. (70 x 60 cm-huile sur toile) 

12273396267?profile=original« Nelson M. » est, en fait, Nelson Mandela. Retenons la remarque de l’artiste à propos de cette toile : « Le comble, pour Nelson Mandela, s’il avait eu une maman « européenne »…..aurait-il entrepris la même bataille pour le respect des Noirs? » On peut se le demander. Et, tout en se le demandant, l’on peut remarquer que l’enfant n’est plus « blanc », selon les conventions occidentales de l’art sacré mais bien « noir ». Le jeu des mains de l’enfant dont l’une saisit le sein de sa mère est très émouvant. Notons, concernant ces trois tableaux, la conception du cadre, extrêmement fleuri dont le décor rappelle l’esprit « art déco » que l’on trouve sur les vêtements des personnages.

READ MY LIPS (150 x 100 cm-huile sur toile) 

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Nous sommes en présence d’un diptyque dont la dominante chromatique est vert. Le visage humain se limite aux narines et aux lèvres, rendues charnues par l’artiste.

L’on a le sentiment de se trouver face au totem de quelque société traditionnelle, tellement l’atmosphère qui s’en dégage traduit la pensée « primitive ».

Des motifs végétaux, dérivés de la tradition thaïlandaise, ornent les coins supérieurs ainsi que le bas du visage. Une série d’autres motifs agrémentent le haut et le bas de la composition. Ce sont principalement des bandes horizontales et verticales garnies de motifs géométriques. La bande centrale verticale du bas nous revoie à la dialectique principale de l’œuvre dans la conception de quatre visages antagonistes, l’un présentant un faciès de couleur rouge faisant face à une figure de couleur noire, de profil, sur fond vert (en haut). Ils sont prolongés, en bas, par le même schéma sur fond noir, présentant un visage de couleur verte face à un visage de couleur jaune (tous deux en silhouette). Qu’il soit positif ou négatif, le motif antagonique, symbolise en Histoire de l’art, l’émergence d’un rapport. Par conséquent d’un échange. Mais que vient faire ce bambou, posé horizontalement, entre les deux panneaux du diptyque? Nous remarquons qu’il « coupe » littéralement le visage en deux, à hauteur des lèvres, rendues pour l’occasion, extrêmement charnues. La tige de bambou « bloque » pour ainsi dire la parole, en fendant le visage. En le fendant, il exprime l’impossibilité du personnage d’exister. Le traitement chromatique du visage ne déroge pas de la façon dont l’artiste peint les chairs du corps humain : il est blanc, presque translucide.       

ANALYSE DES DESSINS PRÉPARATOIRES

Celles ou ceux qui n’ont jamais vu les dessins préparatoires de Michel-Ange ne peuvent comprendre leur importance dans la réalisation picturale. Il y a les ajouts et il y a les manques. Les indications techniques qui révèlent, in fine, les allongements et les raccourcis, conduisant aux motivations psychologiques de l’artiste. L’intimité du chef-d’œuvre dévoilée.

CAROLINE DANOIS éveille par ses dessins préparatoires, le même sentiment de curiosité face à la complexité de certaines de ses œuvres.  

PETITE MARIE

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La conception spatiale ne varie pas par rapport au résultat pictural. Le jeu des mains, formant une diagonale (à peine perceptible) est néanmoins présent. Il assure l’inclinaison amorcée par la position de la jeune fille. Les deux personnages portent la même coiffe. Celle-ci structure la gestion de l’espace sur les trois-quarts de la toile. Les vêtements sont laissés vides de motifs ornementaux.

BB NELSON

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Dans le résultat final, les mains de l’enfant tâtent la mère. Elles sont parfaitement positionnées sur le sein gauche de la mère (droit par rapport au visiteur). Dans le dessin, le tâtonnement est très incertain. Les mains de l’enfant semblent presque trouver leur chemin avec difficulté. 

ADOPTED  

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Le jeu des mains semble tout aussi incertain, en ce sens que celles de l’enfant ne sont pas « traversées » par les mains de sa mère. En fait, elles se touchent. Les regards ont été modifiés. Les deux personnages se regardent. Tandis que dans le rendu pictural, celui de la mère fixe le lointain. La conception du cadre est intéressante, en ce sens que la bordure est parsemée de toutes petites fleurs. Dans la toile, il est polychromé (bleu-chromatisme dominant-brun et rouge).

READ MY LIPS

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Le dessin préparatoire va droit au but! Il s’agit d’aller à l’essentiel. L’œuvre s’inscrit, non pas sur un diptyque mais bien sur une entité, malgré le bambou traversant la bouche. Le visage n’a pas encore été scindé. Deux zones bi-chromées (jaune sur la gauche, rouge sur la droite) séparent le bas du visage. Un anneau est accroché à la narine droite (gauche par rapport au visiteur) du personnage. Ce détail est absent dans le rendu pictural. Le bambou, traversant la bouche est prolongé vers les limites du cadre. La dimension « totémique » évoquée plus haut, n’est en rien envisagée dans l’esquisse. Tout s’est accompli lors de la création.

FIN DE JOURNÉE

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Ce dessin est, sans doute, le seul qui « colle » le mieux au rendu pictural. Le couple occupe la zone gauche de l’espace. Le jeu des mains ne diffère nullement de celui de la toile. Il en va de même pour le jeu des pieds. La femme se glisse, à l’instar du rendu final, entre les jambes de l’homme. Comme dans la toile, le couple est laissé entre deux espaces chromatiques (non encore précisés par la couleur), fixant l’avant et l’arrière-plan.   

 

Née à Saïgon, adoptée dès l’enfance par une famille belge, citoyenne du Monde par conviction, elle est issue de plusieurs cultures. CAROLINE DANOIS a passé son enfance à New-York et a fait ses études à l’Ecole Internationale de Bangkok.

Elle a, par la suite, entrepris ses études artistiques à l’Université des Beaux Arts de Silapakorn, en Thaïlande où elle a étudié l’art traditionnel thaïlandais ainsi que le graphisme.

Elle a d’ailleurs enseigné cette matière à la Faculté des Lettres en Côte d’Ivoire. Elle est titulaire d’un Master en Thérapie de Famille et Sexualité.

CAROLINE DANOIS peint à l’huile. Sa peinture, faite d’une matière délicatement étalée sur la toile, est lisse. Cette artiste est riche d’un enseignement traditionnel qu’elle conjugue avec une esthétique résolument contemporaine. Sa peinture peut être qualifiée de « distinguée », à la fois dans le sens premier du terme mais aussi parce que tout se distingue dans l’espace pictural qu’elle parcourt. Rien n’est surchargé. Aucune lourdeur ne vient perturber cette douce harmonie faite de rites et de couleurs. Indépendamment de son univers féerique, son œuvre est avant tout militante, nourrie d’un féminisme lumineux et progressiste. Un humanisme centré sur l’équilibre naturel entre l’Homme et la Femme, blottis à l’unisson du désir. 

François L. Speranza.

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Collection "Belles signatures" © 2021 Robert Paul

 

N.B. : Ce billet est publié à l'initiative exclusive de ROBERT PAUL, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis. 

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste CAROLINE DANOIS et François Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

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                               VOYAGE AU CENTRE DE LA PARÉIDOLIE : L’ŒUVRE DE JOËL JABBOUR

Du 08-10 au 31-10-21, l’ESPACE ART GALLERY a plaisir de vous inviter à une exposition consacrée au photographe belge, Monsieur JOËL JABBOUR, intitulée : ART DÉCO ET ART DÉCALÉ.

JOËL JABBOUR, répondant à sa précédente exposition de septembre 2019, intitulée : FRESQUES ET FRASQUES, renoue avec sa thématique initiale, à savoir l’architecture revue (et corrigée!) par l’objectif de sa caméra (celle de son gsm!). Les édifices recréés témoignent d’une variation sur le grand angle, en ce sens qu’elles sont sujettes à de distorsions rarement atteintes dans le résultat obtenu. Si, dans l’exposition précédente, la parole était à la fantaisie, l’exposition actuelle redouble d’intensité imaginative. Le discours esthétique demeure le même, néanmoins, l’on remarque un renouvellement esthétique dans l’élaboration plastique du sujet. Celui-ci virevolte et se démultiplie jusqu’à se perdre dans un lointain que l’œil ne perçoit plus. Le discours photographique de l’artiste se développe globalement sur deux temps. Ces deux temps sont matérialisés par deux clichés superposés. A’ partir d’un thème central, l’artiste le développe en deux moments distincts.

  • un cliché laissant le visiteur deviner de quel édifice il s’agit.
  • un cliché du même édifice complètement transformé.

Si les deux clichés témoignent de sa vive fantaisie, chacun d’eux se distingue de l’autre par une dilatation de la forme à l’intérieur de l’espace, jusqu’à ce que celle-ci devienne tentaculaire dans ses distorsions.

ATOMIUM (60 x 40 cm)

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Ce cliché explicite parfaitement cette définition stylistique. Le cliché inférieur nous offre une vision volontairement confuse de l’édifice. L’ATOMIUM est représenté dilaté, à l’horizontale, « masqué » par des fragments vaporeux, à l’instar de nuages. Ceux-ci se trouvant devant les boules de l’édifice, sont formés à partir de jets d’eau de la fontaine placée devant le monument, donnent l’image d’une constellation atomisée. La construction s’inscrit sur le fond bleu du ciel. Ce qui contribue à son identification parfaite. Le cliché supérieur, est lui, l’objet d’une distorsion conçue à outrance. Cette distorsion est techniquement obtenue en bougeant frénétiquement le gsm, afin de rendre le rendu photographique flou et donner ainsi l’impression visuelle que les boules de l’édifice sont flasques.

La gestion de l’espace n’est plus la même. Si l’édifice du cliché inférieur occupe l’essentiel de l’image, se délinéant sur un fond bleu, le cliché supérieur présente, en réalité deux ATOMIUMS, réalisés sur deux extrémités du même espace. La composition se détache d’un arrière-plan blanc-opaque. L’artiste renoue également avec un autre thème envisagé lors de son exposition précédente, celui de l’élément végétal associé à l’appareil architectural. Le contraste entre le blanc de l’édifice et le vert de la végétation teinté de noir et de brun, offre un très bel effet chromatique.

HOTEL SOLVAY (60 x 40 cm)

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Cette œuvre donne à l’artiste l’opportunité première de recréer l’architecture filmée selon sa fantaisie et sensibilité. Nous assistons ici à une transformation de la forme. A’ partir d’une façade appartenant à « l’Art nouveau », l’artiste, profitant de la dimension torsadée des balcons en fer forgé, fait de cette façade une œuvre digne de l’architecte Antoni Gaudi. Pensons à certains aspects plastiques de la SAGRADA FAMILIA (Barcelone) et la comparaison sautera aux yeux. 

L’art de JOËL JABBOUR se révèle être, avant tout, un discours critique. Cela se vérifie avec CONSILIUM (60 x 40 cm) Cette œuvre prend pour mire les institutions européennes. Le côté humoristique est, néanmoins, tempéré par une certaine déception concernant l’accueil qu’il a reçu auprès de celles-ci, à propos de ses clichés, lesquels ne furent pas, selon l’artiste, appréciés à leur juste valeur. Le côté, aussi ironique que bon enfant, contrastant avec la dimension politique et architecturale imposante de l’édifice, s’affirme dans les moustaches grotesques que l’artiste a posées sur ce qui ressemble à un visage. 

PARLEMENT EUROPÉEN (60 x 40 cm)

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De par sa riche végétation, cette photographie fait écho à l’œuvre du photographe qui dans son désir de totalité, assemble l’élément végétal au béton.

BRUXELLES-JUSTICE (60 x 40 cm)

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Ces deux photographies participent également de ce même discours. Le cliché de gauche met en scène l’appareil judiciaire recouvert d’échafaudages, qu’il faut considérer comme des béquilles pour soutenir l’institution. Le cliché de droite insiste sur la petitesse de l’individu, écrasé par l’appareil judiciaire.

FLAGEY (60 x 40 cm)

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L'édifice devient un ensemble de spirales virevoltant dans un circuit d’entrelacs vertigineux, sur lesquels l’on peut encore distinguer quelques attributs (tels que le nom du bâtiment) attestant de son identité et de sa fonction. L’édifice est, pour ainsi dire, « découpé » en fines lamelles qu’une myriade de torsions rend méconnaissable. A’ l’instar de œuvres précédentes, le ciel sert d’arrière-plan (cliché supérieur), ce qui unit le sujet à l’espace environnant.

DE FRÉ (60 x 40 cm)

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Avec le traitement de l’Eglise Orthodoxe, située à l’Avenue De Fré (Uccle), l’artiste nous offre un moment de divertissement dans son interprétation de la façade. Si le cliché supérieur (la façade prise à l’horizontale) peut, dans sa partie inférieure, faire apparaître l’esquisse d’un regard, le cliché d’en bas, présenté dans une distorsion verticale, nous dévoile deux yeux cernés par des volutes (les fenêtres en œil de bœuf) avec, dans le bas de ce carré minuscule une fenêtre plus petite, évoquant l’image d’une bouche. Une fois encore, l’élément végétal se présente à l’avant-plan (cfr. le cliché supérieur) reléguant l’église conçue en blanc, au second plan. Le cliché inférieur nous offre un très beau contraste entre le gris de la bâtisse et le blanc de l’arrière-plan dans lequel elle s’inscrit. Dans notre article précédent consacré à l’artiste, nous insistions sur son passé de cinéaste. 

BEAUX ARTS (60 x 40 cm)/HOTEL BEETHOVEN (60 x 40 cm)

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Cela se perçoit dans cette vue, en plongée, prise dans la Salle Henri Leboeuf, aux Beaux Arts de Bruxelles, vide. Au fond de cette image, faisant penser aux prises de vues du cinéma fantastique et psychédélique des années ’60, gît le piano solitaire que le cadrage rend minuscule. Ces deux clichés sont symboliquement reliés par un dénominateur commun, à savoir la musique classique : la prise de vue supérieure représente une vision de la façade de l’Hôtel Beethoven, recréée sur des variations serpentines de courbes et d’entrelacs. Si nous employons le terme « vision », c’est parce que celui-ci nous ramène, par-delà la photographie, à la peinture dans une série de variations abstraites.

PORTE DE HALLE (60 x 40 cm)

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Dans le précédent article concernant la première exposition de l’artiste à l’EAG, nous évoquions son côté « dadaïste ». A’ quoi peuvent bien faire penser ces « deux » caméras braquées sur le visiteur et reliées entre elles, à partir de deux axes en forme de « V » ? L’interprétation revient de droit au visiteur.   

LA FORME EN « V »  La forme en « V », même si on ne la perçoit pas toujours du premier coup d’œil, demeure le pivot de chacune de ses compositions.

Car elle souligne l’empreinte d’un rabattement interne, celui opéré par la superposition du côté droit sur le côté gauche de l’image. Dès lors, par ce rabattement interne, l’image se dédouble et chaque élément en est démultiplié. Par conséquent, les « deux » caméras scrutant jusqu’au tréfonds le visiteur, présentes dans PORTE DE HALLE (mentionné plus haut), n’est donc qu’un seul élément replié sur lui-même dont l’existence se définit dans sa dualité. Le cadrage de ce plan est d’une importance capitale. A’ partir de cette contre plongée, il ne peut être ni trop haut ni trop bas. Il est juste parfait pour que les yeux  scrutant entrent en contact avec ceux du visiteur. Nous retrouvons là le talent du cinéaste évoqué plus haut. PORTE DE HALLE présentant, comme nous le constatons, cette forme en « V », celle-ci a été prise au zoom. Cette technique est selon l’artiste, la possibilité de raconter une histoire en une seule image.

Et, en s’immergeant dans l’univers de MONNAIE (60 x 40 cm), l’on s’aperçoit que l’utilisation du zoom démultiplie un même plan à l’infini. Il a été obtenu en avançant et en reculant, jouant ainsi sur la longueur focale.   

 

HET BOOTJE (LE PETIT BATEAU) (Anvers-maison Art Nouveau) (60 x 40 cm)

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Nous retrouvons ce « V » catalyseur de la forme sur le haut de la façade dans sa fonction de rattachement des deux parties de la même image.  

 

BRUXELLES-JUSTICE (cité plus haut), la forme en « V » se manifeste dans la conception des échafaudages (cliché de gauche). Remarquons, à propos du rabattement interne, la colonne (redoublée) du cliché de droite, censée de par sa hauteur imposante, représenter la Justice écrasante face à l’individu démuni. Les « deux » colonnes portantes deviennent, par conséquent, les piliers de la Justice.      

Une différence, flagrante par rapport à la première exposition de l’artiste à l’EAG, consiste dans le fait que l’exposition précédente était plus centrée sur la réalité. Celle-ci en est plus lointaine. Auparavant (comme spécifié plus haut), l’édifice photographié se présentait d’emblée transformé, recréé. A’ présent, il se présente de façon carrément « explicative », sur deux clichés : une vue dans laquelle le sujet est reconnaissable et une autre où il est totalement absorbé dans une dimension abstraite. Même si le dénominateur commun entre les deux expositions demeure la vision personnelle d’un Art déco (et décalé), celle-ci en présente une variation, somme toute, plus abstraite par rapport à la première.

L’artiste pense poursuivre son itinéraire créateur dans cette voie, à savoir un réexamen urbanistique et sociétal fondé sur une grammaire à l’abstraction picturale et cinématographique, placée dans rapport essentiellement critique. Au cours du vernissage de son exposition, l’artiste fut accosté par un visiteur qui lui fit une remarque fort intéressante, à savoir que son œuvre est psychologiquement comparable à la « paréidolie » ou si l’on préfère, à l’ « aperception », c'est-à-dire la capacité qu’a notre cerveau de former, notamment, des visages en observant intensément, par exemple, des nuages. Comme lorsque nous étions enfants. JOËL JABBOUR, sous cet aspect des choses, n’est pas le premier artiste à s’essayer à cet exercice. Il a, dans l’Histoire de l’Art, un fameux prédécesseur, en la personne du peintre italien du 16ème siècle, ARCIMBOLDO, qui à partir d’éléments végétaux, créait des visages. 

JOËL JABBOUR n’est pas en reste! Sa démarche créatrice demeure la même : à partir d’une donnée formelle, il engage un tournant démiurgique qui la retransforme en lui conférant une identité plastique et psychologique nouvelle.

François L. Speranza.

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L'artiste JOEL JABBOUR et François Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

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Exposition des oeuvres de l'artiste JOEL JABBOUR à l'ESPACE ART GALLERY 

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                                             LE NOIR, ARGILE DE LA VIE : L’ŒUVRE DE JEAN-PIERRE CRANINX

Du 03-09 au 26-09-09-21, l’ESPACE ART GALLERY (Rue de Laeken, 83, 1000 Bruxelles) vous présente une exposition du peintre belge JEAN-PIERRE CRANINX, intitulée : BLACK AND LIGHT.  

Force est de constater que depuis 1979, les matières noires de PIERRE SOULAGES ont engendré des germinations de peintres obsédés par « l’outrenoir », en tant qu’idiome pictural et mystique. JEAN-PIERRE CRANINX est de ceux-là. S’inscrivant dans les pas de Soulages, tout en restant lui-même, il interroge le NOIR en tant que note chromatique et la retransforme, en lui conférant les pouvoirs de la révélation et de l’effacement du sujet. Et nous nous remémorons la phrase biblique magique : « Que la Lumière soit et la Lumière fut! » Il s’agit, en réalité, de l’avènement d’une rencontre dynamique, sans laquelle le mouvement n’a pas lieu. Par « mouvement », nous entendons la mise en création de la forme dans son mouvement, c'est-à-dire de son existence amorcée. L’artiste nous invite à la capter.  

Nous avons, avec l’œuvre exposée, l’exemple même d’une peinture « hybride », en ce sens qu’à l’intérieur d’un même cadre, une myriade de tonalités dérivant du traitement de la couleur noire, se révèlent en un ensemble de variations tonales. Outre cela, l’intérieur du cadre, témoigne d’une belle dextérité sculpturale, car on y trouve des pistes arpentables, des rébus et des losanges en brillance. Le peintre révèle aussi des formes rappelant la silhouette humaine flottant dans l’air. Il y a, également, de matière rocheuse accrochée au cadre. Tout ce qui permet au tableau de vibrer. Mais par-dessus tout, il y a l’éternel retour de l’obscurité et de la lumière, comme fondement à la dynamique du mouvement. Spécifions, d’emblée, qu’à son grand étonnement, le visiteur ne trouvera jamais aucun titre accompagnant les œuvres. Un titre, serait selon le peintre, un moyen trop facile d’orienter le public dans une interprétation. Observons également qu’à une seule exception, nous trouverons une œuvre peinte sur toile, car d’habitude, elles sont réalisées sur une feuille en peuplier de cinq ou six millimètres d’épaisseur.  

Son œuvre se définit, globalement, en deux temps : le temps des tableaux « sculptés » et le temps de tableaux « lisses ».

 

ŒUVRES  « SCULPTEES »

12273384682?profile=original(100 X 70 cm-panneau bois sur châssis bois-technique mixte : enduit, acrylique, époxy)

Est-ce l’étalement d’une onde, émergeant du centre sur le magnétisme de l’espace en expansion? A’ partir du Noir primordial (le centre), se développent une série d’ondes, en spirale, comme à partir du choc entre la pierre lancée et l’eau dormante. A’ partir de ce point noir, se construit toute une variation de clairs-obscurs, en étalement que seules les dimensions du cadre limitent dans l’espace mais que le visiteur poursuit par le biais de son imaginaire.  Ce premier exemple permet, d’emblée, de comprendre la dialectique de l’artiste concernant le NOIR, conçu cette fois-ci, en tant que « non couleur », en ce sens qu’il n’existe que pour la retenir sans la restituer. Techniquement, ce type de noir, a été réalisé par des pigments à base de nanotubes de carbone, conçus pour capter l’impact de la lumière. Des reliefs, créant des ombres, ornent le centre pour accentuer, selon l’artiste, une impression de néant. Et c’est à partir de ce « néant » que s’étalent ces magnifiques variations créées sur base d’un NOIR dans une myriade de différences, révélant désormais une lumière libérée. Précisons que ce tableau est cette exception, évoquée plus haut, concernant l’unique œuvre réalisée sur feuille de peuplier de cinq ou six millimètres d’épaisseur.

12273385088?profile=original(100 X 100 cm-châssis entoilé -technique mixte : acrylique, époxy)

Un véritable travail d’orfèvre structure cette toile finement ciselée. De dérivation cubiste, cette œuvre est un jeu de polygones, en losanges, de tailles diverses, destinés à capter et à expulser la lumière après l’avoir absorbée. Cet amour-rejet, à la fois physique te mystique, ne s’articule que par la différence tonale des noirs. Ces formes, à la fois concaves et convexes, assument simultanément, le maintien et l’expulsion de la lumière.

 

12273385678?profile=original(120 X 120 CM-panneau bois sur châssis bois technique mixte : pâte papier, enduit, acrylique, époxy)

Parmi ces « tableaux sculptures », celui-ci révèle totalement sa matérialité presque cyclopéenne par deux pièces en papier mâché, posées sur le cadre, traitées de sorte à rappeler l’élément rocheux. L’ajout de reliefs a pour but de capturer la lumière. La surface lisse (particulièrement dans le bas de la pièce ainsi que les trouées laissant s’échapper la lumière) a été réalisée à base de coulées d’époxy, une matière liquide qui ne se peint pas et ne peut qu’être coulée, tout en étant contenue dans des formes.

Le fond est réalisé en ultra mât, de sorte à ne pas réfléchir la lumière et garder l’atmosphère d’un espace inquiétant.

 

ŒUVRES « LISSES »   

12273386257?profile=original(100 X 70 cm panneau bois sur châssis bois-technique : acrylique, époxy, vernis polyester)

L’objet (lequel peut être également considéré comme sujet) de cette œuvre est, essentiellement, cette série de stries descendantes, en demi-spirales, vers la base du tableau. Le but répond au besoin, carrément élémentaire chez l’artiste, de graver une empreinte lumineuse sur le NOIR. Et c’est toute l’œuvre qui brille!

12273386656?profile=original(120 X 80 cm-panneau bois sur châssis bois-technique mixte : acrylique, époxy)

 Le même discours soutient cette pièce, cette fois-ci, dans une argumentation plus complexe, accentuée par cette coulée d’époxy, coulant de haut en bas, à partir de la gauche et scindant le tableau sur toute sa longueur.

 

Ces deux œuvres se répondent simultanément, en ce sens qu’elles remontent dans le temps. Celui de l’histoire de l’Art. Remarquons, d’emblée, que l’artiste ne cultive pas exclusivement le NOIR. Il aime à les comparer à d’autres couleurs, telles que le rouge et le jaune dont il faut parler pour percevoir sa démarche.

12273387068?profile=original(100 X 70 cm-panneau bois sur châssis bois-technique mixte : acrylique, époxy, vernis)

Dans un carré central d’importance supérieure, partent en gravitation, une série de quadrilatères de dimensions spatiales différentes. Ceux-ci s’opposent, non seulement dans la forme mais aussi dans leur matière, imposant leur brillance. De même que dans l’œuvre suivante (le polyptique), l’artiste se base et respecte l’esthétique rigoriste du peintre néerlandais PIET MONDRIAN (1872-1944). Ce dernier, mû par l’éthique du groupe De Stijl (le Style), à savoir l’utilisation des formes et des couleurs pures, considère les formes comme étant la concrétisation des mathématiques (exprimées par la géométrie), associées aux couleurs considérées pures, étant représentées par le rouge, le bleu et le jaune, devant correspondre à un ordre mathématique et social, dicté par l’art.

Ces couleurs « pures » étant en opposition avec les couleurs noir, blanc et gris (mélange de blanc et de noir), considérés comme des « non couleurs ». Le but recherché par De Stijl était celui de l’harmonie à la fois humaine et politique. 

12273387278?profile=original'150 X 150 cm-9 petits tableaux sur châssis bois-technique mixte : acrylique, époxy, vernis)

Basé sur un polyptique de neuf couleurs associées, celles-ci répondent, comme nous l’avons signalé, aux exigences de peintre Mondrian, en ce qui concerne les couleurs jaune et rouge ainsi que par la disposition des carrés, l’un par rapport à l’autre (la géométrie étant dérivée des mathématiques, dans le but d’assurer l’équilibre de l’ensemble – artistique et social). Cette œuvre polychromée a pris deux ans à l’artiste pour être réalisée. Trois types de NOIR ont été utilisés : le très brillant, le scintillant (en surface) et le très mât, en guise d’absorbant.

Le jaune et le rouge assurent l’esthétique philosophique de « De Stijl » à l’intérieur de la composition du polyptique.  

 

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(100 X 70 cm-panneau bois sur châssis bois-technique mixte : acrylique, enduit minéral, époxy)

 Nous évoquions, plus haut, des formes de silhouettes et des rébus. Cette œuvre est un mélange de plusieurs procédés graphiques : le cadre central (scindé en sa hauteur), semble présenter des silhouettes découpées en contre-jour. Tandis que le carré du haut, sur la gauche, fait penser à une sorte de jeu de piste. Cette œuvre est une suite de cadres enchâssés d’un dans l’autre, témoignant d’une rare force dynamique, dans la réalisation du mouvement, assuré par l’intense traitement de la matière, à la fois lisse et rugueuse. 

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(120 X 120 cm-panneau sur bois-technique mixte : enduit, acrylique, époxy)

Cette œuvre, aux cadres striés, permets à la lumière de réfléchir. En ce déplaçant, les motifs se modifient. Cela est dû au fait que les stries, réalisées avec de la matière épaisse, vont dans tous les sens.   

 

JEAN-PIERRE CRANINX est un peintre pour qui la matière compte énormément puisqu’il se définit comme « artiste du relief et de la matière à traiter ». Il utilise une technique mixte (époxy, acrylique, matières minérales, pigments…). Il a fréquenté les Beaux Arts, en obtenant un Master en Arts Plastiques Visuels. Il enseigne d’ailleurs l’Orientation en Design à Liège.

Il a, également, donné des cours de Design à Valenciennes (France). Observons qu’à l’instar des peintres de la Renaissance, il signe ses tableaux d’un monogramme, afin que la signature n’accapare qu’un minimum d’espace sur la toile. Le titre de l’exposition est, de par sa nature, fort explicite. Il nous évite de tomber dans la bipolarité : blanc/noir, noir/blanc. Le titre étant BLACK AND LIGHT et non pas BLACK AND WHITE. Par ce choix, l’artiste transcende la barrière chromatique pour atteindre l’essence même des choses.

Soulages a, comme nous l’avons spécifié plus haut, donné le stimulus à l’artiste d’entrer dans l’art et s’intéresser ainsi, comme beaucoup de peintres, à cette obsédante couleur noire. Il s’en est imprégné en assistant à plusieurs expositions consacrées au créateur de « l’outrenoir ». L’artiste s’en distingue, toutefois, par le rejet de son style qu’il juge trop « minimaliste », lequel n’utilise que deux tonalités de la couleur noire. Il rejoint, néanmoins, Soulages dans l’idée que, symboliquement, le NOIR n’est pas une couleur « négative ».  JEAN-PIERRE CRANINX nous faisait remarquer que déjà, à l’Antiquité Classique et Proche-Orientale, les Egyptiens vénéraient la couleur noire car elle était apparentée au limon, lors des crues du Nil. Ce qui assurait la fertilité du sol, par conséquent la stabilité politique, religieuse et économique du pays. L’artiste, habitant La Hesbaye (région de Belgique, elle-même riche en limon noir), s’est littéralement senti attiré par cette terre noire, comme fasciné par cette argile de vie. A’ l’instar de Soulages, il considère le NOIR comme une couleur pouvant passer de vie à un trépas symbolique, selon la volonté de l’artiste, en ce sens que « couleur et non couleur », ne dépendent que du traitement chromatique qu’on lui accorde. En référence à la sentence biblique, à savoir « Que la Lumière soit et le Lumière fut », le jet lumineux apporté par le peintre est au commencement de tout. En dernière analyse, le NOIR à l’instar des autres couleurs ne vit que par la peinture. 

François L. Speranza.

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(Le monogramme de JEAN-PIERRE CRANINX)

Collection "Belles signatures" © 2021 Robert Paul

 

N.B. : Ce billet est publié à l'initiative exclusive de ROBERT PAUL, fondateur et administrateur général d'ARTS ET LETTRES. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis. 

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste JEAN-PIERRE CRANINX et François L. Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles.

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Photos de l'exposition de JEAN-PIERRE CRANINX à l'ESPACE ART GALLERY    

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                              VENTZISLAV DIKOV : VOYAGE INITIATIQUE ENTRE L’ORDRE ET LE CHAOS

Du 03-09 au 26-09-21, l’ESPACE ART GALLERY (Rue de Laeken 83, 1000 Bruxelles) vous présente l’œuvre du peintre bulgare, Monsieur VENTZINSLAV DIKOV, intitulée : L’ORDRE ET LE CHAOS

Il y a chez VENTZISLAV DIKOV un besoin vital d’exprimer le sujet à travers une relation amoureuse et harmonieuse avec la forme. Dans le cas de cet artiste, la forme revêt surtout la figure humaine, essentiellement exprimée par la tête dont la particularité est de n’appartenir à aucun genre déterminé. Cette tête, séparée du corps, devient l’essentiel de la toile, en ce sens qu’elle occupe la totalité du cadre. Mise en relief par un monochromatisme spécifique constitué de couleurs tendres (voire volontairement ternes, précisément pour accentuer cette mise en relief), qu’elle soit campée de face ou de profil, la tête confère l’autonomie essentielle au sujet, en tant qu’identité de sa propre nature. Sa conception varie entre stylisation (visages ovales en élongation) et renflement du volume. Sont-ce encore des visages ou sommes-nous dans l’univers du masque, voire à certains moments, du totem? 

BE YOURSELF/RESTE COMME TU ES (120 x 100 cm-huile sur toile)

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Nous sommes face à une série de visages, apparemment disparates, puisqu’ils varient entre postures de face et postures de profil. La « direction » du visage est assurée par le regard, lequel fixe pour la plupart des cas, le visiteur. Ceux de profil, ont presque tous les yeux clos. Un prognathisme affirmé confère à l’œuvre l’identité voulue, soulignée par la linéarité du trait. Les expressions en profil, témoignent excellemment de l’efficacité du trait. Le visage, situé à l’extrême gauche, vers le bas, offre une conception se distinguant du reste par ses traits massifs que le nez fin, servant de ligne médiane, la petite bouche, les yeux et les sourcils, mettent en exergue. Des graffitis s’inscrivent sur un espace libre (en haut à droite) rappelant le « street art ». Remarquons qu’on les retrouve également sur le visage massif dont nous venons de parler.

NO ORDINARY LOVE/UN AMOUR EXCEPTIONNEL  (150 x 130 cm- huile sur toile)  

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Sont-ce encore des formes humaines? Ces deux visages antithétiques, de par leur dimension massive, semblent s’affronter au centre d’une arène monochromatique, laquelle diffère peu du chromatisme appliqué aux personnages (constitué de notes bleues, jaunes et gris-clair).  

Une fois encore, c’est la force du trait, discrètement souligné à restituer la matérialité aux deux figures formant le couple.

THE BIRTH OF CONSCIOUSNESS/LA NAISSANCE DE LA CONSCIENCE (100 x 100 cm-huile sur toile)

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Une fois n’est pas coutume, au lieu d’aborder, in primis, le sujet central de la toile, concentrons-nous sur l’arrière-plan. Il témoigne de l’ambivalence à évoluer simultanément sur le plan figuratif et abstrait, ressentie par l’artiste. Cet arrière-plan est construit sur des éléments filiformes, à la charnière entre la végétation luxuriante et la forme abstraite, totalement inconnue. Concernant le sujet central, la tête, de profil possède l’ensemble des signes inhérents aux autres profils : prognathisme affirmé, yeux clos et bouche fermée. L’ensemble est orchestré par un trait, à la fois fin et incisif. La couleur du visage est le blanc, agrémenté de touches bleues et jaune-clair, ne contrastant nullement avec le blanc initial, pour ne pas altérer la spécificité psychologique du sujet. Remarquons qu’une seule oreille du personnage n’est que vaguement esquissée.

A CHILD IN EVERYONE/L’ENFANT EN CHACUN DE NOUS (70 x 60 cm-huile sur toile)

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De tous les visages exposés, celui-ci demeure le plus fascinant car il laisse le visiteur pantois par tant de mystère discrètement suggéré. Mais avant tout, il est impossible de ne pas se poser une question : y a-t-il une volonté de « portrait » dans cette œuvre? Même symbolique ou simplement imaginaire, la notion de « portrait » se signale (bien avant toute ressemblance physique) par l’intensité du regard, lequel fixe pour ne pas dire « scrute » le visiteur. Il y a comme un aimant établissant la dynamique du contact. De plus, à la différence avec les figures humaines exposées, le visage du personnage est extrêmement soigné. Sa barbe est courte et fine ainsi que sa chevelure. Les sourcils sont tout autant fins et soignés. Pour assurer une parfaite stabilité spatiale à l‘intérieur de la toile, les oreilles du personnage (pour qu’elles ne débordent pas le cadre stricte du visage) sont à peine esquissées, dégageant ainsi le volume de la face dans toute son amplitude. Son cou, gracile, débute à partir de la base du tableau. Servant de socle, il permet au visage de s’affirmer en élongation. Ce dernier ne recouvre pas la totalité de l’espace. De couleur uniforme (un mélange de noir et de brun), il contraste avec la vivacité de la couleur des chairs, animant ainsi le portrait. Le visiteur est surpris par un autre élément, à savoir la dimension « iconique » du personnage, centrée à la fois sur la vivacité chromatique des chairs du visage ainsi que par l’intensité (presque magico-religieuse) du regard. L’artiste a commencé ce tableau sans penser précisément à un autoportrait, sans barbe.

Ensuite, il l’a ajoutée, ce qui créé une ressemblance physique avec l’artiste. A’ ses dires, le sujet est à la fois lui et un autre, surtout si l’on tient compte des chairs lumineuses du visage qui sont celles d’un enfant (cfr. Le titre). Il a débuté la composition par le visage (en tant que structure de l’édifice facial sur laquelle repose l’ensemble des attributs), pour enchaîner ensuite par le nez, les yeux et la bouche. Les animaux surplombant le crâne, sont des créatures largement hybrides, allant vers le chien, le zèbre-girafe ainsi que deux autres espèces totalement inconnues.  

 

CHAOS AND ORDER (116 x 81 cm-huile sur toile) 

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Cette œuvre est un hommage à René Magritte. Elle sanctionne également le passage entre deux états d’âme vécus par l’artiste : un état de désordre dû à une mauvaise expérience amoureuse qui l’a laissé dans un état de confusion et de questionnements humains et artistiques. Et un état d’ordre où il retrouve ses moyens. La pipe de Magritte se trouve dans l’ « ordre ». « Elle est clean » comme le dit l’artiste. Celle qu’il a conçue est de facture personnelle. Tout cela s’exprime par un passage allant du surréalisme magrittien qu’il aime moyennement, à l’état d’abstraction, concrétisé par l’arrière-plan dans lequel l’artiste se retrouve. Il exprime ainsi un certain malaise par rapport à Magritte dans les proportions de la pipe, lesquelles ne sont pas rigoureusement respectées, en y apportant de sérieuses modifications. Commençons par la couleur de la pipe chez Magritte : elle est brune sur toute la chambre et noire sur l’entière superficie du tuyau. Elle est séparée, en son milieu par le sempiternel raccord doré, séparant les deux parties de l’objet. Le chromatisme de l’arrière-plan diffère peu de celui de la pipe. Le haut de l’objet confine avec la partie haute de la toile. La pipe de VENTZISLAV DIKOV, elle, même si elle réside dans la sphère de l’image, demeure par son chromatisme jaune vif, « immatérielle », par comparaison à celle de Magritte. Spatialement, par rapport à la toile, la pipe de l’artiste est plus décentrée que celle du peintre surréaliste, laquelle demeure ancrée dans sa rectitude. A’ la différence de celle de l’artiste, la pipe de Magritte se termine par une lentille. L’arrière-plan de la composition de VENTZISLAV DIKOV, de par sa couleur bleu de fond, agrémenté par un mélange de tracés blancs filandreux, confinant vers une calligraphie inconnue, « vibre » autour de la pipe, l’entraînant dans une dimension carrément « transcendantale ». Ces mêmes tracés blancs filandreux peints en élongation devant la chambre de la pipe, rappellent néanmoins, l’idée de la fumée s’échappant de celle-ci, la ramenant (par l’anecdote) à son usage premier. Le titre de cette toile, oppose l’ordre au chaos. Nous sommes confrontés à la dialectique même de l’œuvre de l’artiste, en ce sens qu’elle traduit son intérêt premier pour le chamanisme. En associant la personne de l’artiste avec celle du chamane, il s’efforce à établir un équilibre entre le connu et l’inconnu, en assumant, à l’instar du chamane, le passage entre ces deux territoires sacrés. En passant d’une dimension à une autre, il cherche à trouver des réponses à ses territoires personnels. En associant le chamane au créateur, il renoue avec le rôle mythique du musagète, alliant sens et images dans une immédiate perception.     

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CECI N'EST PAS UNE PIPE (René Magritte - 1929)

LEMONS/CITRONS (81 x 65 cm-huile sur toile)

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Si, concernant la figure humaine, le visage n’exprimait que rarement son appartenance à un genre, cette œuvre, la dernière en date de l’artiste, aborde clairement la figure humaine sous les traits assurément féminins. Si, jusqu’à présent, la figure humaine se réduisait à des têtes, cette figure de femme se révèle être acéphale et ne se réduit qu’au corps. Avouons que le contraste est saisissant, en ce sens que, après nous avoir offert des visages épanouis aux chairs claires et vives, l’artiste décide de ne nous montrer qu’un corps filiforme et décharné. Notons, néanmoins, que pour la première fois dans cette exposition, la Femme (même lugubre et maladive) est mise à l’honneur. Son image alterne sur deux plans : un espace blanc à gauche, montrant un long corps féminin sans tête, conçu de face. Un espace noir, proposant la même femme décapitée, cette fois de profil, à droite.  

Mais, que diable me direz-vous, viennent faire les deux citrons, figurant en plein milieu de la toile? L’artiste les a peints de façon subconsciente. Ce n’est qu’après les avoir peints qu’il s’est aperçu de leur présence, d’où le titre du tableau. Dès lors, est-ce encore la femme le sujet central ou sont-ce les citrons? Si, comme l’admet l’artiste, celui-ci n’accorde qu’une importance toute relative aux titres, les citrons sont, par conséquent le sujet central de l’œuvre. Néanmoins, la femme est bel et bien présente et les citrons ne semblent qu’accessoires!

Cela n’est absolument pas étonnant, étant donné que pour le peintre, un titre à la complexité extrême limiterait la liberté du visiteur dans son ressenti. Mais, comme on n’aime généralement pas les œuvres sans titres, il se place un peu, selon ses dires, « entre les deux ». Il affirme, néanmoins, que mettre un titre, constitue d’emblée, une démarche déjà très intellectuelle, par conséquent, limitative.    

Cette exposition est le résultat d’une errance personnelle. L’ORDRE ET LE CHAOS est la conjonction entre l‘épidémie du Covid-19 avec le chaos sentimental personnel qui déchirait l’artiste, tout en lui imposant une réflexion sur la place de la Femme, à la fois, dans le Monde et dans sa vie. Cela a exacerbé en lui le sentiment d’appartenance, en tant qu’artiste, dans le Monde ainsi que sa responsabilité face à son œuvre.

Sa vision mystique du chamanisme, lui a permis d’entrer en phase avec  son subconscient dans la conception de sa peinture. Son amour pour le visage humain lui est venu après qu’il se soit confronté au bestiaire (il est également un excellent peintre animalier). Il considère d’ailleurs le visage humain comme une fenêtre ouverte sur le Monde. Et cette fenêtre s’avère être l’état de désinhibition succédant à celui d’introversion, se rapportant à son propre chaos. L’importance qu’il accorde au  trait est due au fait qu’il a beaucoup dessiné dès son enfance, à un point tel qu’il exécute des esquisses avant de s’attaquer à la toile. Il en a d’ailleurs des carnets, cultivant derechef, la troisième dimension. A’ la question : « où vous situez-vous entre l’écriture abstraite et figurative? », l’artiste répond : « entre les deux ». Il précise, à ce propos, qu’il n’y a pas selon lui,  d’art « figuratif » car ce qui importe, ce sont les couleurs et les formes.

VENTZISLAV DIKOV, qui est guitariste classique de formation, s’avère être parfaitement autodidacte en matière de peinture. Comme nous l’avons indiqué plus haut, il pratique également la sculpture. Sa technique est basée sur l’huile. Il travaille la peinture comme un dessin. Il se sert également du couteau, des spatules et des brosses pour lisser parfaitement la matière.

Ses influences sont, pour le moins, inattendues, en ce sens que la lecture d’un ouvrage tel que DIALOGUE AVEC GIOCOMETTI de Yanaihara Isaku (1955) sur le processus de création chez Alberto Giacometti, peintre et non plus éternellement sculpteur, comme on l’a désormais décrété, ont accéléré son évolution en tant qu’artiste. Une autre source d’influence est constituée par les musées qu’il a visités au cours de ses voyages.

VENTZISLAV DIKOV nous raconte son imaginaire à travers un long livre de fables qui se perdent dans la nuit de l’Inconscient, à l’intérieur duquel, le visiteur-chamane traverse les régions sacrées de ses propres rêves.

François L. Speranza.

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Signature de l'artiste. Collection "Belles signatures" © 2021 Robert Paul

 

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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste VENTZISLAV DIKOV et François L. Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles 

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Photos de l'exposition de VENTZISLAV DIKOV à l'ESPACE ART GALLERY

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            L’ESPACE COMME THÉÂTRE DU SENTIMENT VITAL : L’ŒUVRE GRAPHIQUE DE SERGE DEHAES

Du 06 au 29-08-21, dans le cadre du SALON d’ÉTÉ 2021, l’ESPACE ART GALLERY (83, Rue de Laeken 1000 Bruxelles) a le plaisir de vous présenter l’œuvre du peintre et dessinateur belge, Monsieur SERGE DEHAES.

Avec SERGE DEHAES, nous avons affaire à un artiste « polyvalent », en ce sens qu’il associe avec le même bonheur, l’aquarelle, le dessin, la peinture et la bande dessinée. Cet éclectisme est corroboré par une excellente connaissance des styles. Chacune des œuvres exposées est un concentré de maîtrise, stylistique et technique.

NEDER SUR MEUSE (29 x 39 cm-aquarelle, pastel et crayon)

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Cette œuvre concrétisme l’association de l’aquarelle, par ses couleurs tendres posées en aplat, soulignant les fleurs ainsi que la végétation entourant la maison avec la grande qualité du dessin. Ce dessin, lequel par la mise en perspective du dispositif mural de la maison, agencé par le dispositif des fenêtres, articule le mur en accroissant la sensation d’avancement. La peinture, présente dans la conception des arbres, met en exergue les troncs. Particulièrement en ce qui concerne l’arbre en avant-plan sur la droite donc les racines s’immergent dans l’eau. Observez la façon dont l’écorce est soulignée. De longs traits au crayon, structurent le corps de l’arbre sur toute sa longueur, le recouvrant de sinuosités, accélérant ainsi le rythme du mouvement des racines se dilatant vers l’eau. L’artiste s’est exclusivement concentré, en premier, sur la couleur en attendant qu’elle sèche pour utiliser, par la suite, un gras au lieu d’un crayon aquarelle. La présence du peintre se ressent également dans la conception du petit sentier en pierres se mouvant vers l’intérieur du jardin dans son uniformité géométrique. Elle se révèle aussi dans la conception spatiale : 6 plans structurent l’ensemble de la toile.

  • le cours d’eau réfléchissant la silhouette des arbres et de la maison
  • l’allée en terre claire sur laquelle évoluent les personnages
  • le jardin sur lequel trônent les arbres et la maison
  • le champ désert strié par des sillons
  • l’allée des arbres verts
  • le bleu clair du ciel, encadrant l’ensemble de la composition et faisant écho avec le bleu (plus foncé) du cours d’eau agité par les remous.

L’ensemble vibre à l’intérieur d’une dynamique rarement atteinte à l’intérieur d’un calme ambiant.                      

Le coloriste se révèle dans la magnifique conception de la couleur verte dans l’élaboration du gazon ainsi que des feuilles des sapins.

Chacune d’entre elles est tributaire de deux tonalités axées sur le vert : l’une claire, l’autre sombre. Le chromatisme régissant les fleurs sur le parterre, associant essentiellement le rouge, le jaune et le bleu, confère à l’ensemble une gaité ainsi qu’une innocence, débouchant sur l’idée d’un style, celui de l’art dit « naïf » réinterprété selon la sensibilité de l’artiste. Notons que ce dernier a traité l’arrière-plan du tableau, par après, en atelier.

TOKYO (59 x 43 cm-digigraphie)

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C’est avec cette œuvre que s’affirme le dessinateur de bande dessinée. Elle s’inscrit dans ce que l’on pourrait qualifier d’ « aventure urbaine », en ce sens que l’artiste a fait partie d’un groupe appelé « The Urban Sketchers », dont l’enjeu consistait pour les artistes (qui ne se connaissaient pas) à se donner rendez-vous dans une ville déterminée et de dessiner un même sujet à partir de visions différentes. Et ce, quel que fut le temps. Il est arrivé à l’artiste de travailler sur place pendant trois ou quatre heures d’affilée. Créée, précisément « in situ » au Japon (comme son titre l’indique), cette œuvre se distingue par son côté « crépusculaire », suscité par un ciel rouge alterné de jaune, contrastant avec deux zones sombres coupées par une plage blanche en leur milieu, dans le bas de la toile. L’ensemble des passants déambulant dans la rue accentue ce côté « crépusculaire ». Les édifices sont traités, chromatiquement, par du bleu foncé (en dégradés) et du blanc (également en dégradés), alternant avec des notes jaunes et rouges : les hiéroglyphes japonais sur le toit de l’immeuble au centre, à l’arrière-plan de la toile. Les fils électriques des poteaux servent d’axes reliant divers points dans l’espace, augmentant ainsi la dynamique narrative. Le visiteur sera à coup sûr intrigué par cette croix blanche, posée au sol entre deux plages, d’un bleu sombre. Si l’artiste Ignorait l’explication de sa présence sur ce lieu, force est de constater que cette forme va jusqu’à intriguer le passants, puisqu’un couple se fige face à elle de façon ostentatoire.  

CHEZ ANNICK SCHAERBEEK (100 x 320 cm-huile sur toile)

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Il s’agit d’un diptyque comportant des similitudes au point de vue de l’organisation spatiale :

  • les deux panneaux sont structurés à l’arrière-plan par deux fonds chromatiques différents : du rouge pour le panneau de gauche et du bleu pour le panneau de droite. Tous deux sont encadrés par une plinthe blanche, délimitant le plan moyen. Une ligne, également de couleur blanche, sur le panneau de gauche, fait office de séparation entre les deux pièces (les deux panneaux)
  • l’organisation spatiale des deux panneaux s’articule sur un avancement des deux pièces centrales, à savoir les cheminées, lesquelles accentuent progressivement leur rythme vers l’avant. Cet avancement prend son point de départ à partir du prolongement du mur formant un cube.

L’avant-plan, faisant office de parquet, offre un ensemble cinétique déterminant pour la dynamique de l’œuvre. Il y a une opposition subtile exprimée entre l’élément vertical de l’arrière-plan et l’élément horizontal de l’avant-plan, offrant un déséquilibre visuel accentué par des situations presque en trompe-l’œil : les lamelles du parquet, le revêtement en damier, noir et blanc, à l’intérieur de la cheminée ainsi que le tapis posé sur la droite du panneau de gauche. La verticalité est assurée, notamment, par les deux fauteuils striés, accentuant l’affrontement visuel entre les éléments verticaux et horizontaux.

La table retournée, soutenue par trois chaises, sur laquelle sont posés différents objets lesquels, de par la position oblique de la table, offrent un déséquilibre trouvant son origine dans la peinture de Matisse. Déjà, concernant NEDER SUR MEUSE (évoqué plus haut), l’artiste avait basé sa composition sur ce même principe. Prenons en considération le fait qu’il aime les points de vue frontaux, donnant au visiteur le sentiment d’un décorum théâtral.  

Concernant l’œuvre précitée, nous avions attiré l’attention sur le fait que l’artiste avait reproduit le style dit « naïf » selon sa sensibilité propre.

ACADEMIE DE ST. JOSSE (27 x 33 cm-aquarelle, pastel, crayon)

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Avec cette œuvre, nous assistons à une déclinaison, à la fois picturale et conceptuelle du verbe « Apprendre ». Que voyons-nous? Une leçon basée sur l’apprentissage, à savoir l’image des élèves face au model à reproduire. A’ partir de « gribouillis » « maladroitement » posés, remplissant les personnages soit entièrement, soit sommairement, signifiant les visages dans les traits les plus évidents, parmi lesquels le nez, l’artiste nous convie vers une évocation rappelant l’écriture « enfantine », laquelle évoluant en dehors de toute culture, c’est-à-dire de toute « norme », se passe de codifications. Cette liberté retrouvée est une évocation sans entraves de l’Art brut (évoquée plus haut).

SERGE DEHAES a fait ses études à l’Académie des Beaux Arts de Bruxelles où Il a étudié le graphisme. Illustrateur, il enseigne la communication visuelle dans cette même institution.

Il retouche parfois ses toiles dans son atelier même si, de façon générale, l’essentiel de son travail est accompli. Le graphisme, la peinture, l’aquarelle, le dessin et le pastel, constituent l’éventail de sa personnalité créatrice. Chacune de ces disciplines lui permet de s’affirmer dans chaque domaine. Cette démarche est, comme il se plaît à le dire, dicté par le principe de la nécessité : celle d’un changement évolutif. Même si ce n’est pas fréquent, il lui arrive de prendre des photos mais uniquement dans le but de les retravailler picturalement. Mais ce qui d’emblée saute aux yeux, c’est son amour pour la couleur. Coloriste attitré de l’auteur de bandes dessinées Philippe Geluck, il travaille sous la contrainte morale de ne jamais tomber dans cette routine que seraient les « redites » en termes chromatiques concernant un même sujet. De toutes les étapes créatrices, c’est la couleur qui vient en premier. En effet, celle-ci est envisagée avant même la conception du dessin. L’artiste travaille au crayon aquarelle. Les masses de couleurs profitent de leur aspect consistant pour que l’on y dessine par dessus. Selon lui, le « dessin pur » n’est pas suffisant car il doit jongler avec l’ensemble des éléments, tels que la mise en couleurs et la perspective, à l’intérieur de la composition générale. Plusieurs artistes structurent son écriture picturale. Parmi ceux-ci, MATISSE (évoqué plus haut) et PICASSO ont une valeur primordiale. Matisse, en ce qui concerne la scansion rythmique de l’espace ainsi que pour son amour des couleurs posée en aplat. Pour la prédominance de cette même couleur sur le dessin ainsi que pour la pose du dessin dans la couleur. Picasso, parce que l’artiste le considère comme un chercheur infatigable, prêt à toutes les expériences, évitant ainsi le piège de cette « routine » dont nous parlions plus haut concernant le besoin de renouveler son travail de coloriste au service de l’auteur de bandes dessinées Philippe Geluck.

SERGE DEHAES nous convie dans son univers féerique où les couleurs enrichissent et définissent l’atmosphère trouvant ainsi sa révélation dans un déséquilibre progressif au diapason du regard lequel, à chaque étape de son périple, réinvente le sentiment vital de l’espace.

   

François L. Speranza.

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Signature de l'artiste: Collection "Belles signatures" © 2021 Robert Paul

 N.B. : Ce billet est publié à l'initiative exclusive de ROBERT PAUL, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis. 

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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste SERGE DEHAES et François L. Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

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Photos de l'exposition de SERGE DEHAES à l'ESPACE ART GALLERY   

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                           LA FORME ENTRE SCULPTURE ET PEINTURE : L’ŒUVRE DE PATRICK STEENS

Du 04-O6 au 27-06-21, l’ESPACE ART GALLERY (83, Rue de Laeken, 1000 Bruxelles) a le plaisir de vous convier à découvrir l’exposition du peintre belge, Monsieur PATRICK STEENS, intitulée : UPRISING.

Il est extrêmement rare de constater une symbiose aussi prenante entre peinture et sculpture au sein de la trajectoire créative d’un artiste. PATRICK STEENS nous révèle autant de sculpture dans sa peinture que de peinture dans sa sculpture.

TALISMAN (100 x 100 cm-acrylique sur toile)

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A’ titre d’exemple, concernant sa production picturale, cette toile telle est un mariage formel entre couleurs et extension géométrique. Chromatisme et formes deviennent consubstantielles à l’intérieur de l’espace pictural. Sculpture et peinture se conjuguent  tandis que la forme se dilate dans une géométrie comprise dans des zones chromatiques « limitrophes », en ce sens qu’aucune d’entre elles n’empiète sur l’autre. Enserré à l’intérieur d’un cadre de couleur blanche, l’arrière-plan met en exergue l’ensemble de la composition se déclinant en jaune-or, alternant avec de légères pointes de couleur verte et grise. A’ partir de là, l’ensemble se développe au regard. Les couleurs, bien affirmées, ne tombent jamais dans l’excès, évitant ainsi une charge chromatique trop vive. La palette est composée de rouge, de bleu, de vert de gris et de rouge-bordeaux. Les couleurs se répartissent à l’intérieur d’une répartition géométrique, à l’apparence simple laquelle ne dévoile sa complexité qu’à partir d’un examen attentif.

Cinq zones en bleu apparaissent avec à l’intérieur de chacune d’elles, des dessins conçus en réticulaires, rappelant des plans de villes, élaborés en quartiers quadrillés avec des rues, des places et des avenues.

Quatre zones en gris sont parsemées d’un fin pointillé répondant à la dynamique engendrée par le réticulaire des zones bleues.

Cinq zones de couleur rouge alternent avec six zones de couleur verte.

Comme toute œuvre de nature géométrique, un centre de conception rectangulaire de couleur blanche, unit les différentes parties à l’ensemble, assurant un point d’intersection entre le haut et le bas de la toile.

Mais c’est assurément cette forme en « S » retourné, conçue dans un très beau violet (mélange de bleu et de rouge) qui intrigue le regard par sa nature massive, rappelant la pierre sculptée.

Force est de constater que concernant l’œuvre peinte de l’artiste, deux écritures picturales s’entrechoquent tout en se complétant. Une écriture reprenant les formes issues de l’univers intérieur du peintre-sculpteur, associée à une autre écriture où la forme participe de la Nature dans sa réception, à la fois directe, néanmoins transcendée dans sa conception. 

BIOSPHÈRE (100 x 100 cm-acrylique et collages)

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Il s'agit d'une œuvre dans laquelle peinture et collages alternent pour célébrer la figure humaine à l’intérieur du créé. La figure humaine personnifiée par la Femme, s’affirme dans un bleu-ciel, à la limité du surréalisme magrittien. Elle se révèle à partir d’un arrière-plan de conception blanche, agrémentée de bleu-clair. Deux arbres (dont on ne voit que les troncs, rappelant des colonnes) servent de ligne de force mettant en relief le corps de la Femme. L’avant-plan du tableau est occupé par une Nature riche en plantes aux couleurs issues de l’imaginaire de l’artiste. Si tout est peinture, seuls les feuilles tombantes et les oiseaux (conçus à l’acrylique au couteau) résultent de collages. 

BLOWN BY THE WIND (112 x 82 cm-acrylique sur toile)

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Dans ce triptyque, les feuilles en automne ne résultent d’aucun collage (comme dans l’œuvre précédente). A’ l’instar de TALISMAN (cité plus haut), la composition est propulsée vers le regard à partir d’un arrière-plan aux tonalités tendres mais efficaces dans l’expression physique du sujet. Ici, l’arrière-plan se compose de vert, de rouge, de jaune et d’orange. Tout le chromatisme de l’automne que l’on retrouve dans les feuilles balayées par le vent. 

PEINTURE-SCULPTURE

Des liens ontologiques existent, notamment, dans l’utilisation fréquente de la forme imbriquée, unissant les autres tant dans le volume comme dans la couleur. 

Comparons TALISMAN (évoqué plus haut) avec TOGETHERNESS.   

TOGETHERNESS (H 40 cm-pierre bleue du Hainaut sur granit)

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Dans les deux œuvres, la création s’accomplit dans l’enlacement des formes. TOGETHERNESS résulte de l’entrelacement de deux cercles en pierre bleu du Hainaut que l’artiste a poli pour arriver à l’épurement du derme. La belle couleur bleu de cette pièce a fasciné le sculpteur car elle lui a donné l’opportunité de se distancier du blanc « immaculé » du marbre de Carrare, lequel a fini par s’imposer dans l’esthétique sculpturale occidentale. Notons le rôle du socle conçu en granit noir luisant destiné à mettre la sculpture en relief. 

Nous retrouvons ce même discours avec LAS PALABRAS DE AMOR (H 60 cm).

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Si dans l’œuvre précédente, l’union se faisait dans la fusion de deux cercles distincts, celle-ci offre une sorte d’ « accouchement », en ce sens que la forme naît de la forme : c’est à partir du bas que l’élancement prend naissance, dès la première pièce, pour littéralement s’échapper de son point de départ et atteindre la deuxième pièce vers le haut, dans une sorte de « baiser » qui voit les deux amants fusionner l’un dans l’autre, par une étreinte qui scelle la composition. Cette œuvre a été réalisée dans un marbre d’origine iranienne, appelé « marbre soraya ».    

Par ses créations, l’artiste nous révèle son idée du « concept », en ce sens qu’il se manifeste par l’éclair de la forme que la sculpture suscite dans l’imaginaire du visiteur. 

NOIRE DE MAZY (H 60 cm)

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A’ titre d’exemple, dans cette pièce,  la légèreté de son élan et sa finesse, évoquent l’élément féminin dans sa corporalité. L’artiste nous a même avoué que chez certains, elle évoque également l’image de la flamme par l’élan qui, vers le haut, la propulse.

UNDER THE SKIN (H 60 cm)

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Tandis que cette oeuvre évoque, toujours dans sa matérialité corporelle, l’image du buste masculin à l’intérieur d’une antiquité classique devenue « contemporaine ».  Il s’agit d’un très beau travail sur de la pierre de sable. Le torse est habillé avec du plomb ajouté. Cette pièce fait partie de ce que l’artiste considère comme une forme de « promotion sociale » de la pierre sculptée. En fait, la pierre de sable est considérée dans la sphère des ateliers de sculpture comme le « parent pauvre » des matériaux à sculpter. Par cette œuvre, l’artiste a voulu aller à contre-courant, en lui rendant ses lettres de noblesse. Dans la hiérarchie du monde minéral, si la pierre de Mazy (connue et appréciée jusqu’à Carrare, en Toscane) fait partie des matériaux prisés en matière de sculpture, la pierre de sable est considérée comme faisant partie du « bas de gamme ».    

Au fur et à mesure que le visiteur tourne autour des deux pièces précitées, il s’aperçoit que grâce à la taille que l’artiste a apporté à l’œuvre, la forme vit, se métamorphose et ressuscite à chaque tournant.

Si pour PATRICK STEENS, la sculpture participe globalement de l’abstraction, la peinture n’est pas en reste car à maints égards, cette même abstraction s’y retrouve en tant qu’élément moteur (cfr. TALISMAN ainsi que dans RIVER OF DREAMS,  où la note dominante est le vert, amplifié par une tendre lumière jaune que les stries de la brosse du peintre-sculpteur mettent en évidence.

RIVER OF DREAMS (122 x 61 cm-acrylique sur toile)  

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Il y a, par conséquent, deux écritures dans la peinture de cet artiste : une écriture fondée sur l’abstrait que l’on retrouve dans sa sculpture et une écriture provenant de sa mythologie personnelle où la forme s’inscrit dans un vocabulaire connu : BIOSPHÈRE – la Nature (cité plus haut) en est l’unique exemple concernant la présente exposition.

PATRICK STEENS considère la peinture comme étant une clé expérimentale de sa sculpture, en ce sens qu’elle lui accorde un terrain d’expérimentations que la seule sculpture ne pourrait lui offrir, comme la problématique des formes et des couleurs…). La forme est pour lui primordiale car elle investit l’espace et de ce fait, participe à la création d’autres formes. De formation académique, l’artiste a fréquenté l’Académie communale de Sint-Pieters-Leeuw, en Belgique dans le Brabant flamand, avant de suivre des stages à Carrare, en Italie. Si, à ses débuts, il a indistinctement utilisé l’huile et l’acrylique, il s’exprime désormais essentiellement à l’acrylique. Cette technique dont le temps de séchage est très court, lui permet  d’appliquer le nombre désiré de couches sur la toile aidé par un liant lui servant à diluer la peinture sur laquelle il ajoute les pigments nécessaires à sa recherche de transparence et de brillance. Si nul n’est imperméable aux influences, notre peintre-sculpteur demeure extrêmement vigilent à les garder à bonne distance, pour ne pas y succomber.   

PATRICK STEENS nous offre une œuvre à la charnière entre l’image peinte et l’image sculptée. Loin d’être une œuvre hybride, il s’agit d’un langage aux ramifications culturelles complémentaires.

Un travail de recherche où la forme s’imbrique dans la forme. Une œuvre où sculpture et peinture se répondent dans toutes leurs facettes pour arriver au renouvellement de cette même forme, dans un éternel retour, vers d’infinis possibles.

 

François L. Speranza.

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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste PATRICK STEENS et François Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

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Photos de l'exposition de PATRICK STEENS à l'ESPACE ART GALLERY

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                                               DU CARRÉ A’ L’INFINI : L’ŒUVRE DE MARIE CÉLINE BONDUE

Du 02-04 au 30-04-21, l’ESPACE ART GALLERY (83, Rue de Laeken, 1000 Bruxelles) a le plaisir de vous présenter l’œuvre du peintre belge, Madame MARIE CÉLINE BONDUE, intitulée : CHEMINS INCONNUS

Il y a dans l’œuvre de MARIE CÉLINE BONDUE la volonté infatigable d’un esprit de recherche. Un équilibre rigoureux entre abstrait et figuratif exprimé dans le mystère de la « forme ». Il y a des architectures inconnues soutenues par une géométrie axée sur le carré. Un carré conçu à l’instar d’une fenêtre donnant sur un infini qui se fait infime, comme situé à l’autre bout d’une lorgnette. Il y a des paysages baignés par des brumes à la blancheur diaphane. Il y a des jeux chromatiques du plus bel effet, destinés à mettre en exergue cet ensemble onirique. L’artiste nous expose une variation d’états d’âme, basés sur un jeu de couleurs et de lumière, en passant par une douce mélancolie jusqu’à la matérialisation de la joie la plus expressive.

BARRICADES (100 x 100 cm-huile sur toile)

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L’espace est construit de façon abrupte, en ce sens qu’aucune progression tangible ne scande la voie au regard, comme pourrait la scander une suite définie de plans, conduisant l’oeil vers un but déterminé. Nous sommes face à un chaos abstrait qui trouve son élément dans la ville, pensée comme le décorum dramatique à la mesure d’un chantier urbain. Le visiteur est mis devant le fait accompli d’un acte dans son déroulement présent, celui de la destruction irrévocable d’un moment. En laissant promener le regard, un univers fantasmagorique se profile, à l’arrière-plan : celui des silhouettes fantomatiques et spectrales d’immeubles, enserrées à l’intérieur d’un brouillard à dominante blanche. Ils ne sont repérables qu’à travers la présence noirâtre, effacée de leur structure. Sont-ils là? Étaient-ils là? Sont-ils en passe de disparaître? Ils deviennent des souvenirs en devenir. Sur la partie supérieure gauche, une forme indéfinissable que seule l’artiste est à même de définir : un carré d’un très beau noir dans lequel s’inscrit une grue conçue en une série de traits rouges. L’avant-plan de l’image nous montre un terrain labouré par les travaux en cours. C’est à ce stade que le titre de l’œuvre prend toute son importance : deux barricades, toujours à l’avant-plan, l’une perpendiculaire à l’autre, « barrent » symboliquement l’accès au visiteur face à cette vision apocalyptique où le silence des couleurs opaques règne en maître. D’un point de vue technique, ces deux barricades dévoilent l’intérêt indéfectible de l’artiste pour le collage.

En effet, cette particularité régit la totalité de son œuvre exposée, en ce sens que dans chacune de ses toiles, l’on trouve un ou plusieurs éléments de collage galvanisant l’esthétique de l’œuvre.

FUSION AUTOMNALE (95 x 70 cm-huile sur toile)

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Nous sommes transportés dans l’abstraction totale, tant dans le rendu graphique que dans le rendu de l’idée originelle. L’œuvre grâce à son chromatisme rend parfaitement le sens  à son titre. L’idée de la Nature est littéralement transfigurée pour atteindre l’incandescence des notes verte, rouge, jaune et noire, offrant au visiteur l’image transcendée de la forêt à l’heure de l’automne. La note rouge, au centre de la toile, s’avère être d’un fauvisme exacerbé. Néanmoins, à aucun moment elle n’écrase les autres. Ce qui est d’ailleurs une constante notoire dans l’œuvre de l’artiste : aucune couleur ne l’emporte sur l’autre, même la plus vive. Dans cette œuvre, se distingue en outre la présence (assez discrète) de la figure géométrique, évoquée plus haut, par la vision (confuse de prime abord) du carré. La zone centrale de l’œuvre, flamboyante et attirant le regard, conçue en rouge vif, est axée sur un carré travaillé au couteau sur sa partie supérieure. Cet espace accapare le regard en le conduisant au loin, vers un arrière-plan qu’une légère trouée jaune rend à peine perceptible. Sur la droite de la toile, une sorte de tourbillon réalisé en vert assure une continuité dans le rythme. Tandis qu’une série d’élongations au noir symbolisent une volonté de verticalité associée à celle de l’arbre, comme pour stabiliser ce même rythme dans un dialogue cosmique entre les saisons. Car l’automne offre ce qui reste de l’été dans un délire de couleurs fusionnelles. Comme spécifié plus haut, même dans les teintes les plus vives, nous vivons la présence d’une harmonie ontologique, en ce sens qu’aucune couleur n’est là pour en occulter une autre. Tout s’accorde à l’unisson dans la même partition chromatique. Notons que le cercle vert, évoquant l’idée du tourbillon, sur la gauche de la toile constitue la dernière étape de la réalisation.   

                        

ROUGES (73 x 100 cm-huile sur toile)

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Cette œuvre est non seulement un excellent exemple de la maîtrise du chromatisme par l’artiste mais aussi la preuve de l’amour pour les couleurs de celle-ci. Car elle les aime et cela se voit par l’acharnement que le peintre met à les travailler au couteau et au chiffon. Cette toile est un travail sur le rouge dans une dialectique constante entre la puissance de la couleur et la lumière la mettant en exergue ainsi que sur l’élaboration du rouge dans son exploration. Elle se décline sur quatre variations. 

Cette toile risque fort de déséquilibrer le visiteur, car ce qu’il pourrait interpréter comme faisant partie des différentes étapes créatives pour atteindre le but, se révèle être, en dernière analyse, un jeu de dupes destiné à l’égarer dans l’hypothèse d’une analyse rationnelle. En réalité, l’artiste a élaboré son travail en six étapes :

  • mise en place d’une couche rouge de fond
  • encadrement en rouge de Venise sur le périmètre de la toile
  • couche d’ocre/rouge orangé
  • renforcement de l’intensité chromatique par une couche de rouge vif
  • application d’un collage en carton (en bas de la toile)
  • réalisation d’un carré rouge rehaussant l’intensité chromatique

C’est précisément cette sixième et dernière étape, ce carré rouge conçu « comme point final», terminant l’œuvre, qui donne au visiteur l’illusion immédiate qu’il s’agit de  la première étape chromatique par laquelle l’artiste a abordé son exploration de la couleur rouge. Des stries dynamisent le carré rouge vif. Réalisées au couteau, elles diffèrent de par leur forme à celles présentes sur un autre carré, de petites dimensions, en haut sur la gauche du carré central, lesquelles témoignent d’une géométrie rigoureuse, à l’opposé de celles figurant sur le carré rouge vif, lesquelles sont conçues de façon anarchique. Notons que le collage en carton dans le bas de la toile présente également des stries, naturelles celles-là car elles reprennent les ondulations de la matière originale. Elles sont légèrement rehaussées de blanc et s’accordent parfaitement au rythme de l’ensemble. Cette œuvre rassemble à elle seule les composantes esthétiques de l’écriture picturale de l’artiste.

FENÊTRE 2 (50 x 50 cm-huile sur toile)

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Une de ces constantes esthétiques est l’image de la fenêtre. Celle-ci, concrétisée par le module du carré, est l’image d’une porte donnant sur le Monde. Si, dans l’œuvre précédente, le rouge est à l’honneur dans un éventail de variantes, nous sommes à présent dans l’univers du bleu.

Une couleur qui se marie mythologiquement avec l’image de la fenêtre, puisqu’elle annonce symboliquement le ciel. Toujours à l’instar de l’œuvre précédente, la fenêtre s’inscrit dans le module du carré démultiplié. Cette composition est un ensemble de cinq carrés augmentée d’un rectangle au bas du second carré.

  • le carré de départ se décline sur un bleu clair
  • il est suivi par un carré en bleu plus foncé
  • un carré d’un bleu plus clair confère à la composition un côté « brouillard », plongeant le regard dans une atmosphère presque irréelle
  • le bleu plus prononcé annonce la dernière étape :      
  • une zone ressortant discrètement au centre de la toile, à peine perceptible, agrémentée d’un blanc saillant, sert d’ « ouverture » à la fenêtre, laquelle, telle la fente d’une serrure, invite le regard à s’y plonger pour s’y perdre
  • un collage en forme de rectangle blanc termine la composition. Il est conçu en toile de jute, il s’agit d’une matière très épaisse, étalée à la spatule

Comme nous l’avons spécifié plus haut, le quadrilatère (qu’il soit carré ou rectangle) régit la presque totalité de  l’œuvre de l’artiste.  

L’artiste aime terminer une composition en se lançant une sorte de « défi », en ce sens qu’elle « jette » à la face de la toile quelque chose qui la singularise tout en la mettant « en péril » car cet acte décide de la réussite ou de l’échec de l’œuvre. C’est le cas des collages placés au bas de la toile en ce qui concerne ROUGES et FENÊTRE 2 (cités plus haut). Quant à FUSION D’AUTOMNE (également mentionné plus haut), il se termine par ce tourbillon vert en forme de cercle, comme la signature de son Etre créateur, jeté à la face du créé comme le joueur jette les dés sur le tapis du hasard. L’artiste qui a fait de l’abstraction son mode d’expression, a d’abord commencé par l’aquarelle. Son abstraction se définit par la recherche d’une réalité concrète qu’elle retransforme à sa guise, convaincue du fait que la forme est partout. La forme omniprésente, est comme nous l’avons spécifié, souvent mise en relief par le carré. Or, le carré, à cause de sa spécificité géométrique, nous ramène, temporairement, hors de l’abstraction en l’atténuant légèrement. Il devient le symbole concret au sein d’une perspective abstraite.

Quelque chose de matériellement tangible (voire de rationnel), une porte ou…une fenêtre, nous révélant chez l’artiste la volonté d’une recherche d’absolu dans la possibilité d’un ailleurs qu’elle porte en elle-même.

Précisons que les titres, si évocateurs accompagnant ses œuvres, lui viennent toujours après leur création. L’artiste a fréquenté l’Académie de Wavre.

Sur les conseils de son professeur, elle délaisse les petits formats pour évoluer dans les grands. Précisons qu’elle est à la base de la  création de toutes ses couleurs. Elle peint exclusivement à l’huile.

MARIE CÉLINE BONDUE nous a exprimé son désir de continuer à évoluer dans les grands formats mais également d’explorer la figure transcendant de tous temps la mythologie figurative, à savoir la figure humaine. A’ la vue de deux œuvres non exposées montrant deux formes longilignes glissant tout en longueur au centre d’un brouillard réalisé en teintes douces, la présence humaine, comme cachée aux profanes, s’est révélée tel un fantôme encore pris dans sa chrysalide….

François L. Speranza.

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  Collection "Belles signatures" © 2021 Robert Paul

                                       

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N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

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A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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MARIE CELINE BONDUE et François Speranza:  interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

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      12273376098?profile=original   Photos de l'exposition de MARIE CELINE BONDUE à l' ESPACE ART GALLERY                               

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     LA LIGNE ENTRE COULEURS ET COSMOS : L’ŒUVRE DE VICTOR BARROS

Du 17 - 02 au 06 – 03 - 16, l’ESPACE ART GALLERY (Rue lesbroussart, 35, Bruxelles 1050), vous propose une exposition consacrée à l’œuvre du peintre et sculpteur équatorien VICTOR BARROS, intitulée VIBRATIONS COSMIQUES.

VICTOR BARROS est un artiste funambule ! Il peint sur la corde raide (dans le sens le plus positif du terme !) Son art est en équilibre entre tellement  d’expressions qu’il est souvent ardu d’en démêler les influences.

Dire que son style est « naïf » irait, à première vue, de soi si ce n’est que des influences étrangères au « naïf » viennent se greffer sur son œuvre. Dire que son style est « contemporain » correspond à l’exacte vérité, néanmoins, il s’arrête à l’approche d’éléments distinctifs appartenant au style « naïf ». Dire que son style est une fusion entre le « naïf » et le « contemporain » est tout aussi exact. Mais un facteur supplémentaire essentiel à la cohabitation entre ces deux formes d’écriture se matérialise dans l’apparition de la dimension « ethnographique » que revêt le sens profond de son œuvre, lui conférant ainsi la contemporanéité de son langage. C’est bien ce troisième élément à déterminer l’originalité de son œuvre. Sans cela, l’artiste oscillerait bêtement entre deux univers sans jamais trouver son équilibre identitaire. Et son identité c’est sa culture d’origine. Une culture millénaire qui se décline à la fois dans la force de la couleur, dans les attitudes des personnages en mouvement, dans la symbolique ainsi que dans l’importance de la ligne renforcée au trait noir comme pour amplifier tout en affirmant le volume dans l’espace. Les couleurs, très vives, ne sont pas là pour inciter le visiteur à l’exotisme mais bien pour lui suggérer l’impact ethnographique, c'est-à-dire culturel donc politique de son œuvre.  

L’artiste se situe à la croisée de plusieurs expressions techniques, à savoir, la lithographie, la peinture, la gravure et la sculpture. Néanmoins, après analyse, nous constaterons que c’est essentiellement le sculpteur qui prend le dessus sur le reste.  

La danseuse de NINA Y PAJARO (LA FILLETTE ET L’OISEAU) (49 x 32 cm – lithographie)

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traduit parfaitement l’existence actuelle (souvent trop méconnue dans les méandres de l’occidentalisation) des sociétés dites « traditionnelles ».

Si la composition est dominée par une atmosphère « naïve » tant par les couleurs vives de la robe de la fillette que par le plumage de l’oiseau, la position oblique de la tête de la petite fille tranche nettement avec l’ensemble.  

En déstabilisant ainsi le visage par rapport au corps, elle devient « contemporaine » de fait mais trouve sa fonctionnalité culturelle dans la traduction ethnologique de la « transe » permettant à l’Homme d’accéder au monde des esprits.

Cette « transe » devient la manifestation d’une joie existentielle laquelle se traduit par un chromatisme vif, composé de rose, de jaune, de bleu et de vert en dégradés.

Cette dimension « ethnographique » se remarque également dans IDOLO (L’IDOLE) (142 x 162 cm - huile sur toile).

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Ici s’exprime l’utilisation du « naïf » en termes de revendication culturelle, typique des artistes du Tiers-Monde. Néanmoins, le « naïf » n’est pas la seule règle sémantique de ce tableau. Le visage du personnage masculin est stylistiquement proche de celui de LOS AMANTES (LES AMANTS) (32 x 23 cm – huile sur toile – dont nous parlerons plus loin),

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par son prognathisme affirmé et son nez « en pointe », prenant forme à partir du front. Quant au traitement du corps, il diffère de celui de LOS AMANTES dans sa conception. Si, dans le tableau précité, le corps est conçu de profil, ici il l’est de trois-quarts, tandis que son visage demeure de profil. Les jambes de l’homme sont écartées. La droite est avancée par rapport à la gauche, assurant le passage imaginaire d’une ligne médiane passant de la base du cou par le torse jusqu’à l’entre-jambes. Intéressant est aussi le jeu de jambes de la petite fille s’appuyant sur la jambe droite, laissant la gauche assurer son élan en esquissant un déséquilibre contrôlé du corps. Le chromatisme, principalement composé de couleurs fauves (vert, jaune gris-clair), devient assez calme en son centre, tandis que sur les côtés, il assure une dynamique très vive, que ce soit pour souligner la présence du petit cheval sur roues que pour illuminer l’impact de l’idole, présenté comme une théophanie. Son visage est un masque dont la largeur est accentuée par un bleu très foncé, presque nocturne, laissant apparaître des yeux d’un rouge incandescent. Ici encore, la ligne appuyée au trait noir, délimite la forme dans l’espace. La dimension « ethnographique » de cette œuvre se dessine surtout dans le fait que l’idole n’a pas de nom.

Il n’est pas spécifiquement répertorié dans le panthéon Inca. Il fait partie de l’identité rurale de chaque village qui place une statuette de l’idole à ses portes en guise de protection, réalisant ainsi ce syncrétisme typique du Tiers-Monde, entre christianisme d’exportation coloniale et culture autochtone.

Néanmoins, les deux personnages, en bas, sur les jambes de l’idole, que l’artiste estime être une invention personnelle, peuvent également rappeler la notion très souvent présente dans le panthéon des sociétés dites « traditionnelles » des divinités subalternes, procédant directement de la volonté de l’Etre suprême dans son effort de démiurge, ou dans ce cas-ci, de l’idole. L’Etre suprême, après avoir créé des divinités inférieures, leur laisse la tâche de terminer la création à sa place. Les lunes, présentes sur la toile, indiquent le temps des semailles. Celle de couleur grise (à gauche) indique l’automne, tandis que celle de couleur jaune (à droite) indique l’été. Le petit cheval sur roulettes est le porte-parole d’un autre mythe : celui de l’enfance. Et la tête auquel il est associé souligne l’esprit qui l’anime. La petite fille est l’expression de la tendresse qui illumine cette œuvre. 

Plusieurs thèmes animent l’univers de l’artiste : la vie villageoise, la mythologie, l’érotisme et la souffrance de l’Homme.

LOS AMANTES (cité plus haut) décrit l’acte sexuel dans une linéarité inspirée du classicisme grec. Cela se remarque dans les angularités des visages ainsi que dans la position de la jambe gauche avancée par rapport à la droite, laquelle rappelle la statuaire antique. Dans cette réminiscence du classicisme, la ligne règne en maîtresse. Non seulement elle délimite le champ du volume apporté aux personnages dans de profonds traits noirs mais, en plus, elle se réaffirme de façon plus légère, par un autre trait, à la fois plus clair et plus subtil pour jouer sur la dynamique du mouvement. Observez ce trait clair et fin qui circonscrit les seins de la femme ainsi que sa cuisse. Il en va de même pour la jambe gauche du personnage masculin. Remarquez comme la ligne renforcée au trait noir délimite chaque territoire du corps. Comme elle « rattache », à titre d’exemple, le bras de l’homme à son épaule. Et son visage, de conception si classique, cette même ligne le structure de façon à le raccorder au cou, lequel par le même tracé, descend sur tout le dos, en passant par les jambes pour aboutir à l’extrême pointe des pieds. La position des jambes du même personnage (une jambe plus haute que l’autre) assure l’acte sexuel dans toute la vitalité de sa dynamique. Il y a une grande douceur dans cette œuvre. Elle est donnée par un chromatisme tendre, basé sur un dégradé à partir du brun.

Le couple conçu en cette couleur s’inscrit (grâce à la ligne qui le délimite) sur un arrière-plan, également fait de brun (très foncé).

La force de la couleur verte des cheveux n’est là que pour accentuer le mouvement et casser ainsi la douceur du monochromatisme général, laquelle finirait, à la longue, par devenir lassante. Il s’agit de l’acte sexuel conçu en dehors de toute forme d’exhibitionnisme.

Si LOS AMANTES est une œuvre classiquement suave, LOS AMIGOS (LES AMIS) (62 x 48 cm – huile sur toile)

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est, au contraire, tourmenté, à la fois par les couleurs vives du langage passionnel (rouge, bleu, vert, orange, jaune vifs) mais aussi par l’étalement de la matière au couteau. Ce qui fait de cette œuvre un moment pulsionnel intense lequel débute par un baiser à la sensualité primitive. Il y a une mise en évidence des chairs réalisée par un traitement de la matière au couteau.

L’artiste, dans son pèlerinage thématique, a également exploré l’angoisse et la déchéance du monde face, notamment, à la guerre. Durant son séjour en Pologne, en 1972, lorsqu’il était étudiant aux Beaux Arts, le thème de la Deuxième Guerre Mondiale par rapport à la souffrance vécue par la Pologne, l’inspira à créer des gravures dans lesquelles les personnages, réduits à un état de matières en décomposition, adoptent par leur posture, un langage où le physique se crispe et se désagrège dans un chromatisme apocalyptique.

EL GRUPO (LE GROUPE) (31 x 25 cm – gravure)

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nous montre un groupe d’hommes pris dans la tourmente de la guerre. Il s’agit d’un ensemble de silhouettes squelettiques, rassemblées dans un étau macabre. C’est ici qu’intervient la nécessité de l’écriture contemporaine. Nous pouvons le remarquer dans la position de la tête de l’un des personnages, à l’extrême gauche de la gravure. Ce visage implorant, tourné vers le haut n’est pas sans rappeler la même attitude du personnage féminin (à l’extrême gauche de la composition également) de GUERNICA (Picasso - 1937), lequel implore (ou interroge) le ciel, transi par l’effroi.

Quoiqu’on en dise, c’est dans le domaine de la sculpture que l’artiste a puisé ce qui lui servira pour définir son écriture picturale. Notamment le volume puissant de la ligne devant inconditionnellement exister pour délimiter la forme dans l’espace.

Dans cette SCULPTURE DE FEMME (25 x 15 cm – cuivre repoussé),

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la forme émerge de la découpe. Le cisaillement de la matière à la petite scie fait office de ligne. Cette même ligne cisaillée se retrouve, notamment, dans la conception de la chevelure, élaborée à partir de la gauche de la sculpture (à droite par rapport au visiteur), laquelle passe au-dessus de sa tête pour se perdre dans une sorte de labyrinthe, vers la droite de la pièce (à gauche par rapport au visiteur). 

Tout dans cette œuvre est une question de courbes : la tête, les seins proéminents, le ventre dont la légère protubérance indique la gestation et les cuisses, lesquelles, ressortant dans l’espace, renouent avec la cosmicité des Vénus préhistoriques. L’artiste est, en réalité, un sculpteur qui peint, en transposant une vitalité trouvée dans la dureté de la matière vers la fluidité de la toile. Il maîtrise parfaitement la taille de pièces de toutes les dimensions.

VICTOR BARROS qui réside à Bruxelles, a commencé à créer dans son Equateur natal, à 23 ans. Son œuvre est une contribution au développement des cultures mésoaméricaines actuelles. Plusieurs étapes structurent son parcours créateur, notamment la gravure, laquelle correspond à ce qu’il nomme son « époque polonaise » datant (comme nous l’avons mentionne plus haut) de 1972, contribuant à exprimer la souffrance de la guerre. Ensuite, il s’est dirigé vers le style qui le caractérise aujourd’hui. Il a reçu une formation classique en Equateur, à l’Académie des Beaux Arts de Guayaquil, dans les années ’60.

Ce n’est pas un hasard si l’exposition visant à faire connaître cet artiste s’intitule VIBRATIONS COSMIQUES. Cette cosmicité se rencontre à chaque coin de son œuvre. Chaque explosion chromatique, chaque trait soulignant la ligne directrice de la forme est une nervure amplifiant la dynamique de ces vibrations, lesquelles répercutent leur écho dans l’espace ancestral du Sacré.

François L. Speranza.

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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza


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Victor Barros et François Speranza:  interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(17 février 2016 - Photo Robert Paul)

                                      

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Exposition Victor Barros à l'Espace Art Gallery en février 2016 - Photo Espace Art Gallery

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COULEURS DE MUSIQUE, MUSIQUE DES COULEURS : L’ART DE HOANG HUY TRUONG

Du 28-09 au 15-10-17, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) a proposé une exposition consacrée au peintre vietnamien, Monsieur HOANG HUY TRUONG intitulée SYMPHONIE DE COULEURS.

L’art de HOANG HUY TRUONG est un mariage de formes éclectiques, variant entre calligraphie et abstraction. L’art de cet artiste a pour effet de déclencher le « sentiment de la forme », en ce sens que la représentation de l’évoqué est suggéré par un travail, en apparence confus, qui se révèle en réalité, d’une précision mathématique saisissante. La spécificité de l’œuvre exposée réside dans le fait qu’elle est le résultat d’une sensibilité à la fois picturale et musicale. En effet, l’artiste est également un excellent pianiste classique.

Le mode d’expression de l’artiste est dominé par trois types d’écritures :

1)    une première écriture axée sur la couleur en fusion

2)    une seconde écriture centrée sur la calligraphie

3)    une troisième écriture que l’on peut considérer comme un ensemble intermédiaire associant fusion chromatique et calligraphie.

REPRESENTATION SOLAIRE (80 x 1OO cm- technique mixte sur papier 2017)

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est, à partir du noir, une variation chromatique sur le jaune et le vert. La note noire sert d’élément dynamique permettant l’harmonie des deux autres couleurs par la mise en exergue d’une sensibilité restituant l’âme de la matière par des tonalités créées, à certains moments, grâce au pastel. L’ensemble baignant dans une irrésistible légèreté. Ce qui a pour résultat de conférer à l’œuvre l’aspect d’une matérialité évanescente, laquelle est rendue par le travail minutieux apporté au papier, le matériau principal servant de base à l’artiste. Le résultat de ce travail consiste à provoquer le sentiment d’une explosion solaire arrêtée sur l’image. Cette explosion solaire a lieu à l’intérieur d’un cadre délimité par un trait noir puissant, séparant le phénomène chromatique de la fusion du reste de la composition. L’œuvre a été réalisée en deux étapes : l’artiste a commence à partir de l’intérieur pour ensuite aborder l’extérieur du cadre. Il a d’ailleurs débuté par le jaune avant d’aborder le noir dans le but de faire ressortir le jaune. Pour l’artiste, le noir et le jaune sont deux couleurs qu’il qualifie de « positives ».

Rappelons, en passant, que la couleur jaune a toujours intrigué tant les historiens de l’Art que les psychologues, en ce sens qu’elle engage le pathos d’une façon démentielle : pensez, notamment, à Turner et à  Van Gogh, pour ne citer qu’eux concernant l’interprétation de cette couleur.

DECLINAISONS CHROMATIQUES EN JAUNE ET NOIR (50 x 70 cm-technique mixte sur papier 2016)

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participe de la première écriture (citée plus haut) axée sur la couleur en fusion.

REVE DE LUNE (50 x 65 cm-technique mixte sur papier - 2017)

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associe deux écritures : une première constituée par une calligraphie ésotérique et une deuxième qui reprend le discours de la variation chromatique.

Tandis que TAPIS ORIENTAL EN ROUGE (73 x 60 cm-technique mixte sur papier 2017)

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axe son jeu sur une opposition entre le rouge et le noir que la technique de l’artiste rend fascinante. La composition est constituée de cinq plages s’enserrant à l’intérieur d’un cadre, elles-mêmes comprise à l’intérieur du tableau. L’intérieur même de ce cadre est également dominé par différents types d’oppositions :

1)    l’opposition chromatique rouge/noir

2)    l’opposition chromatique rouge/calligraphie hiéroglyphique de couleur blanche

3)    l’opposition entre chromatisme et symbolisme, en ce sens que sur chaque espace figure une « grecque » de couleur rouge en forme de spirale à l’intérieur d’une zone noire. Tandis qu’une « grecque » noire se trouve enserrée à l’intérieur d’une zone rouge. Outre l’opposition rouge/noire se profile, discrète, une autre opposition : celle de la « grecque » opposée à la spirale. La « grecque » est considérée par les historiens de l’Art comme l’image de la rationalité définissant la civilisation grecque (bien qu’un nombre considérable de « grecques » se retrouvent représentées dans divers arts dits « traditionnels » tels que les arts africains et précolombiens). En revanche, l’image de la spirale représente l’infini, c'est-à-dire l’opposé de la rationalité, communément exprimée.

 CECI N’EST PAS UN ESCALIER (65 x 70 cm-technique mixte sur papier - 2017) .

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Malgré le titre de nature « magrittienne », la philosophie de cette œuvre se base sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un escalier mais de l’image qui pourrait être celle d’un escalier en distorsion, associée à celle d’un autre élément faisant partie intégrante de la vie de l’artiste, et qui pourrait être celle du piano.

Car, comme nous l’avons spécifié plus haut, le peintre est également pianiste. Observons l’agencement des couleurs délicates, mariées à l’arrière-plan faisant ressortir le sujet.

FIGURINES AFRICAINES (80 x 1OO cm-technique mixte sur papier - 2017)

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représente une démarche du plus haut intérêt, puisqu’elle s’avère être la projection d’une culture sur une autre. En effet, le peintre d’origine et de culture asiatique aborde un système de pensée plastique où tout repose à la fois sur le volume et sur la courbe.

L’artiste ne reprend que ce qu’il considère être l’essentiel de son discours, à savoir la courbe. Mais il la reprend de façon fragmentée, évoluant, presque en lévitation dans l’espace. Il la réinterprète « à l’asiatique », c'est-à-dire en accordant la priorité à l’élément courbé, considéré comme un « vide », devant fusionner avec un « plein » (invisible). Cette œuvre est, en quelque sorte, un ensemble de courbes en lévitation, prophétisant la forme à venir.

BLEU ORIENTAL (50 x 65 cm-technique mixte sur papier - 2017) 

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est une variation sur le bleu (en dégradés) marié au blanc dans l’évanescence d’un paysage lacustre, alternant pleins et vides par la seule force du chromatisme. Outre le bleu, de légers traits noirs dynamisent, ca et là, la composition en jouant sur  la musique des contrastes. Ici encore, le « sentiment » de la forme est révélé par l’apport du trait appliqué dans la plus extrême finesse : les pleins existent mais ne sont qu’esquissés. Les vides, aériens, glissent sur le blanc constituant l’espace. Précisons que l’idéogramme, au centre de la toile, ne comporte aucune signification spécifique. Nous sommes ici face à une méditation. Une méditation constituée de pleins et de vides. Une œuvre abstraite comme l’est la musique. Nous savons que l’artiste est également pianiste. La musique, particulièrement le classique, est une méditation. Une méditation sonore  également constituée de pleins et de vides ainsi que de silences. La création devient, pour l’artiste, une symbiose où les sons se confondent avec les lumières laissées sur la toile par le pinceau. Et cette symbiose se poursuit dans la non différenciation entre l’oreille qui perçoit le son et les doigts qui dirigent le pinceau.

Sa peinture, même si elle s’inscrit dans un registre contemporain, respire le classique par sa finesse et sa légèreté. Sa profondeur aussi car son côté « méditatif » se rencontre, notamment, dans la musique d’un Bach ou d’un Schubert.

A titre exemplatif, l’artiste a aboli de son répertoire pianistique la musique contemporaine. Tandis qu’en matière de peinture, l’abstraction donc la matière « contemporaine » est abordée avec bonheur. Cela peut sembler paradoxal car d’aucuns pourraient imaginer le contraire : la figure humaine en tant que référant de la culture classique éclipserait l’abstraction, moderne et de surcroit, contemporaine. Mais il n’en est rien! L’artiste adopte l’abstrait à condition de le marier à sa culture originelle pour autant qu’il puisse l’adapter à sa propre conception de l’Art, à savoir de le soumettre aux impératifs de son imagination. Car, comme il aime à le répéter, paraphrasant Einstein : « l’imagination est plus importante que la connaissance ».

Dès lors, il peint « avec son cerveau et non avec la technique ». Celle-ci n’est qu’un support à la création de l’idée. Au plus l’oreille est à l’écoute, au plus s’améliore la musique. Il en va de même avec la peinture qui demeure tributaire de la capacité du peintre à regarder. D’ailleurs, l’artiste a une conception purement personnelle du mot « perspective ». Lorsqu’il l’a employé pour la première fois en indiquant une de ses toiles où aucune forme de « perspective » à proprement parler n’était visible, il nous a fallu un certain temps pour comprendre que ce mot ne se référait nullement à la théorie visuelle de la Renaissance mais bien à son idée tout à fait personnelle sur la façon d’aborder la toile. Suite au désir d’améliorer sa technique pianistique, l’artiste s’est posé la question de savoir « comment entendre », immédiatement suivie de « comment regarder », en ce qui concerne le peintre. Toutes proportions gardées, il s’agit là d’un processus presque kantien de penser la création. La seule différence concernant le but que visait Kant, ce n’était pas la création mais la connaissance. Le peintre se demande « comment regarder ? ». Le philosophe, dans sa « Critique de la Raison pure », se demande, non pas « comment connaître » mais bien « que puis-je connaître ? ». Evidemment, il y a de grandes différences dans les développements de ces questionnements. Néanmoins, « regarder » et « connaître », ne participent-ils pas de la même volonté cognitive ?

Dès lors, la tentation de vouloir effectuer, ne fût-ce qu’un timide rapprochement philosophique, ne peut qu’effleurer l’esprit. Musique et peinture dans un même prolongement sonore et gestuel…en réalité, cette dichotomie entre création musicale et picturale, cache un refus inconditionnel de l’académisme, en ce sens que si la partition du répertoire classique ne souffre d’aucune forme d’improvisation, la façon d’aborder l’espace pictural, permet toutes les variations possibles. La peinture est à la musique ce que le jazz est au classique : une possibilité d’enchaîner une infinie succession d’accords pour aboutir, non pas au refus mais bien à l’éclatement de la mélodie. A’ sa libération des carcans qui l’emprisonnent. A tel point, qu’en matière de peinture, il refuse de dessiner d’après la réalité, exprimant ainsi son refus de l’académisme. L’artiste peint en écoutant la musique. Et, chose intéressante (peut-être même révélatrice de ce que nous ignorons pour le moment), le classique n’est pas forcément le style qu’il écoute en peignant. Tous les styles musicaux existants l’accompagnent dans sa démarche créatrice.

Issu d’une famille de musiciens, HOANG HUY TRUONG, bien que largement autodidacte, a suivi des cours de peinture mais les a abandonnés rapidement car il estimait qu’ils bloquaient son esprit. Comme le montre FIGURINES AFRICAINES (cité plus haut), il s’est beaucoup intéressé aux autres cultures en les interprétant selon sa sensibilité propre. Néanmoins, il a débuté son périple cognitif à partir de l’Orient ancien et de la Grèce classique : TAPIS D’ORIENT (cité plus haut), comportant, notamment des « grecques » et des hiéroglyphes égyptiens, également réinterprétés à sa manière en les distordant à sa guise, est un autre exemple de sa volonté à se retrouver dans l’Autre. Il pratique tant la musique que la peinture depuis sa plus tendre enfance.

L’artiste utilise une technique mixte, composée, notamment, de fusain, de crayon carène, de pastel et bien entendu de papier qu’il froisse pour le faire bien ressortir, provoquant ainsi chez le visiteur l’image d’une sculpture picturale. En matière de musique, ses compositeurs préférés sont Bach, Chopin et Ravel. Tandis que Picasso et Van Gogh (que nous avons cité plus haut) sont, entre autres, ses peintres préférés.  

HOANG HUY TRUONG nous invite à écouter sa peinture musicale. Chaque trait, chaque vide suivi d’un plein, chaque explosion de couleur est une invitation à écouter la méditation qui couve en nous-mêmes et ne demande qu’à éclore, au tréfonds d’un silence.

François L. Speranza.

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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(Octobre 2017) photo Jerry Delfosse)

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 Biographie:

TRUONG Hoang Huy est né en 1987 au Vietnam dans une famille de musiciens et d'artistes. Son grand-père Tran Huu Quang était peintre, sculpteur, professeur et écrivain d’histoire. Son oncle Tran Vuong Thach est chef d’orchestre de la salle Philarmonique de l’opéra d’Ho Chi Minh-Vietnam. Un autre oncle, Tran Thanh Tung, est compositeur.
Huy Truong a commencé la peinture et le piano (avec sa mère Tran Anh Tu qui est professeur de piano) en même temps à l’âge de 4 ans. Il a gagné de nombreux prix pour ses peintures comme le concours National Vietnam " Net Ve Xanh ", " the 31 st International Children’s Art Exhibition 2001 – Bronze Awards " au Japon, …
A 5 ans, il a gagné le prix " Crystal " (catégorie pour plus jeunes) du concours Piano festival " Nu Duong Cam " à Ho Chi Minh ville. Il est entré à l’âge de 7 ans au conservatoire d’Ho Chi Minh dans la classe de Nguyen Thien Phuong Hanh (sous-directeur de la section au piano). A l’âge de 9 ans, il a participé à nouveau au concours Piano festival " Nu Duong Cam " et il a gagné le 2ième prix.
En 1997, il est choisi comme meilleur étudiant du conservatoire d’Ho Chi Minh pour participer au XXième Concours International Per Giovani où il obtient le 1er prix " Jeune Talent " en Italie.
Il est invité par la chaine de télévision Ho Chi Minh – Vietnam pour une interview sur sa jeunesse pianistique. Il a participé à beaucoup de concerts de piano au conservatoire d’Ho Chi Minh et plusieurs
ont été enregistrés par la chaine de télévision d’ Ho Chi Minh. L’Académie nationale d’Ho Chi Minh l’a invité pour accompagner au piano la chorale des enfants au Festival International de Shanghai – Chine. Le conservatoire d’Ho Chi Minh l’a choisi pour jouer dans un concert de bienvenu lors de la visite de John. F. Kerry.
Il a reçu le diplôme d’honneur comme étudiant excellant au conservatoire d’Ho Chi Minh de l’ex Président du Vietnam, Truong Tan Sang.
Il a reçu en 2005 un graduat d’excellence au Piano " jeune talent " avec Dang Hong Quang (directeur de la session au piano) au conservatoire d’Ho Chi Minh.
En 2005, il continue sa carrière en Europe. Il a réussi les deux examens d’entrée de piano au conservatoire d’Amsterdam, Pays-Bas, et au conservatoire Royal de Liège, Belgique.
Il a choisi d’étudier au conservatoire Royal de Liège où son oncle était chef d’orchestre et où il obtient un Master dans la classe de François Thiry, Hélène Fazius et Gabriel Teclu en 2010. Il est actuellement suivi au Conservatoire Royal de Bruxelles par le pianiste Mikhaïl Faerman (1er prix du Concours Reine Elisabeth en 1975) et Stephane Ginsburgh. Il a participé à de nombreux concerts et master classes avec les plus grands interprètes classiques pour affiner sa technique: Jacques Rouvier, Akiko Ebi, Françoise Thinat, Alan Weiss, Diane Andersen, Johan Schmidt, Joaquin Soriano, Ralf Nattkemper, Friedemann Rieger, Uta Weyand, André de Groote, Haruhi Hata, Jun Kanno, Daniel Blumenthal.
En 2014, l’ambassadeur du Vietnam Pham Sanh Chau à Bruxelles l’a invité pour participer au concert de piano avec 2 artistes vietnamiens, le violoniste Tang Thanh Nam et la pianiste Ly Giai Hoa, donné à l’occasion du 69ième anniversaire de la fête nationale du Vietnam au Bozar à Bruxelles.
En 2014 - 2015, il continue d’améliorer sa technique pianistique avec la pianiste française Brigitte Bouthinon-Dumas (conservatoire de Paris) qui est l’auteur de nombreux ouvrages pédagogiques de référence dont " Mémoire d’Empreintes ".
En 2016 : la période du concept Piano et peinture :
4 juin 2016 : Récital piano et vernissage à Eupen .Adresse: Gospertstrasse 56, 4700 Eupen – Belgique.
30 juillet 2016 : concert piano dans la Vieille Eglise St. Laurent Diekirch – Luxembourg.
21 Août 2016 : présentation de ses peintures avec les Choeurs et Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie dans l’Eglise Saint-Remacle à Verviers sous la direction musicale de Cyril Englebert et des chefs des choeurs : Pierre Iodice et Jean – Michel Allepaerts.
12 Octobre 2016 : Vernissage " Quand le piano peint " au Gallery Resto-Boutique à Bruxelles (quartier Louise). Adresse : 7 rue du Grand Cerf, 1000 Bruxelles.
5 novembre 2016 : Récital piano et exposition au Musée des Beaux –Arts de Verviers – Belgique.
En 2017 :
19 février 2017 : Piano master class pour les étudiants au conservatoire à Ho Chi Minh ville – Vietnam.
20 avril 2017 : Exposition " Primary Colors " avec 2 artistes : Boris Mestchersky et Anna Eva Radicetti à la galerie Peep Art .Adresse : rue des Minimes 33, quartier du Sablon -Bruxelles.
09 juin 2017 : Exposition d'ensemble " Association Koekelbergeoise Artistique " (AKA) sous l'égide de Monsieur Philippe Pivin, Député-Bourgmestre, et du collège échevinal de la Commune de Koekelberg. Une initiative de Madame Sylvie Andry, Echevine de la Culture française. Adresse : Maison Stepman, Boulevard Léopold II, 250 - 1081 Koekelberg.
27 septembre 2017 : Exposition à L’Espace Art Gallery .Adresse : 35 rue Lesbroussart – 1050 Bruxelles

Quand le piano peint (document à télécharger)

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Du 30 – 09 – au 16 – 10 -16, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles), a le plaisir de vous présenter une exposition dédiée à l’œuvre du peintre belge, Monsieur MARC BREES, intitulée FLORILEGES SURREALISTES.
MARC BREES nous démontre, par son œuvre, que le surréalisme peut se décliner de multiples façons tout en conservant la magie des éclairages ainsi que les éléments fondateurs dans ce domaine pictural, tels que le bleu magrittien du ciel, ex. LES PARADIS PERDUS (80 x 100 cm – huile sur toile),

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le chapeau melon du VESTIAIRE IMAGINAIRE (50 x 60 cm – huile sur toile),

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le côté épuré de l’espace au centre duquel se distingue le sujet de C’EST ASSEZ, CETACE (60 x 60 cm – huile sur toile)

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ainsi que sur l’essence même du surréalisme dans l’expression de sa sacralité : ESPECES EN VOIE DE DISPARITION (50 x 60 cm – huile sur toile).

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L’artiste nous redonne également la preuve que cette écriture peut réinterpréter les classiques de l’histoire de l’Art, comme il le démontre dans LA MORT DU DOGE (162 x 97 cm – huile sur toile). 

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Comme toute forme d’art, le surréalisme (qu’il soit pictural, cinématographique ou littéraire) procède par signes ou plus exactement, par la mise en signes à l’intérieur de l’espace, laquelle dialogue avec le visiteur par la présence provocatrice de chaque élément l’interpellant directement.
LES PARADIS PERDUS (cité plus haut) 12273187088?profile=original nous montre, au centre de la composition, juché sur un socle, le personnage biblique d’Eve, prise à l’instant où elle est encore en accord avec l’injonction de Dieu de ne point manger du fruit défendu. Ce fruit, que l’on traduit depuis maintenant des siècles par « pomme », est représenté dans un registre inférieur, reposant sur le chapiteau d’une colonne antique. Remarquons que la pomme vient d’être à peine entamée. Derrière Eve, un diptyque séparé par l’arbre de la Connaissance resplendit au cœur d’une végétation luxuriante. L’ensemble de la composition repose sur un sol en damier lequel commence déjà à se désagréger, à l’avant-plan. Ce qui conduit notre regard vers la droite de la toile, sur laquelle se profile la même scène dans une répétition du récit où la mort se manifeste par l’apparition d’une Eve en décomposition, répondant à l’arbre de la Connaissance réduit à l’état de squelette. Cette scène symbolise la chute d’Eve, chassée de l’Eden. Oui mais…et Adam dans tout ça ?
Eve n’était pas goinfre au point d’engloutir la pomme toute seule ! Dirigeons à présent notre regard sur la partie gauche de la toile.
Une scène à l’aspect assez hermétique nous interroge sur l’exégèse totale du tableau. L’on y voit, pendant sur un petit bout de bois taillé en pointe, un lambeau de tissu famélique. Le visiteur peut passer cent fois devant ce détail sans qu’il ait la moindre idée quant à sa signification. L’interprétation de l’artiste est la suivante : le morceau de tissu est en fait le fragment d’une burqa, symbole de la soumission de la Femme par un islamisme intolérant. Dès lors, la présence de la seule Eve se justifie par une apologie de la Femme en souffrance. Le titre de l’œuvre LES PARADIS PERDUS dépasse le récit biblique. Par l’actualité de son contexte politique, l’artiste détourne l’histoire vétérotestamentaire, laquelle par le fait même de la présence d’Adam, permet au couple primordial (même maudit) d’entrer dans l’Histoire, en donnant un futur au genre humain par le biais de la désobéissance originelle. En d’autres termes, d’une histoire finalement positive, l’artiste donne au récit une finalité tragique. La présence de la pomme, à peine croquée et qui déjà commence à s’oxyder (au centre de la composition), laisse entrevoir la possibilité d’une issue mortifère. Néanmoins, l’élément surréaliste reprend le dessus en enveloppant la scène du bleu tributaire de Magritte que nous évoquions plus haut. D’un point de vue strictement sémantique, le véritable sujet de la composition n’est pas l’Eve trônant sur son socle mais bien le personnage squelettique à la droite de l’image, violé et ostracisé par un univers machiste et rétrograde.

LE VESTIAIRE IMAGINAIRE (cité plus haut)12273187289?profile=original joue avec la suspension des éléments picturaux dans l’espace, offrant à l’image une grande légèreté narrative. Compris entre deux zones rouge-clair (en haut et en bas de la toile), un porte-manteau fait office de vestiaire sur lequel pendent les mythes de Tintin et des thèmes de Magritte, en un seul tracé évocateur. Trois chapeaux melons reposent sur une surface plane, au bas de laquelle sont suspendues trois cannes. En partant de la gauche, nous remarquons que le premier couvre-chef appartient à un certain Dupond (avec un « d »), que le second est au nom de Dupont (avec un « t ») tandis que le nom du propriétaire du troisième chapeau melon n’est (en apparence) pas mentionné. Dupond est associé au chiffre 07 et Dupont au chiffre 77. Le troisième chapeau, apparemment sans propriétaire, est associé au chiffre 67. Mais voilà que les choses se précisent quant à son identité puisqu’une pomme s’affiche sur sa droite. Sous le couvre-chef de Dupond apparait le monogramme « R » tandis que sous celui de Dupont se trouve un second monogramme : « G ». Pour les « tintinophiles », abonnés jadis au « Journal de Tintin », l’énigme se précise, en ce sens que l’addition de tous ces signes indique que l’âge des lecteurs du journal est compris entre « 7 et 77 ans ». Que les monogrammes « R » et « G » cachent le pseudonyme d’Hergé (Georges Remi à l’état civil). Mais….tonnerre de Brest ! Que vient faire le chiffre 67 dans tout cela ? Et cette pomme ? Ne perdons pas de vue que nous avons trois chapeaux melons, alignés l’un à côté de l’autre…que le chapeau melon est l’élément distinctif des détectives Dupond et Dupont. Mais aussi celui d’un certain Magritte, associé à cet autre élément qu’est la pomme (LE FILS DE L’HOMME - 1964) Dès lors, l’énigme trouve sa réponse. Quant au chiffre 67, il correspond à la date du décès de René Magritte, survenu le 15 août 1967. Sous le chapeau de ce dernier, pend une canne couleur bleu-ciel, la couleur du surréalisme. Les deux autres cannes sont, évidemment, indissociables des deux détectives.

C’EST ASSEZ, CETACE (cité plus haut), 12273187685?profile=originalest sans doute la toile qui répond le plus à l’esthétique magrittienne. De la surface épurée (évoquée plus haut), se dégage le sujet dont nous n’apercevons que la partie visible (la queue de la baleine) s’apprêtant à plonger à travers un rideau rouge-vif, rappelant la scène d’un théâtre. La mer est réduite à l’état d’écume. A l’avant-plan, un harpon. Il s’agit, de par le sujet comme de par le titre, d’une œuvre de dénonciation de la chasse aux cétacés. Remarquons l’excellent effet visuel obtenu par le mariage chromatique du bleu-gris de la baleine et du rouge (en dégradés) du rideau ainsi que par celui de l’arrière-plan, séparé par le blanc immaculé de l’arc en plein cintre. L’écume de l’océan qui se retire ainsi que le brun du planché, évoquant non pas la douceur du sable mais bien une matérialisation de la dureté, à l’avant-plan, ainsi que la symbolique du rideau sanglant (la baleine se vidant de sa consistance), termine notre prise de conscience du signe.

ESPECE EN VOIE DE DISPARITION (cité plus haut)12273188256?profile=original est une œuvre répondant à une sémantique entremêlant histoire universelle et souvenir personnel dont il ne reste plus que l’empreinte. Il s’agit de l’évocation du net recul du catholicisme au sein de la société. Cela se perçoit par l’absence de la croix dont nous ne voyons plus que l’empreinte à partir d’un cadre dont le verre a été brisé (ce qui sanctionne un état de révolte). Réduite à l’état de squelette, la grenouille de bénitier bondit vers le visiteur. L’image pieuse qui rappelle la récompense distribuée jadis aux élèves des écoles catholiques ainsi que le rameau d’olivier, sur la droite de la toile, évoquant une paix qui tarde à arriver.

Le surréalisme, à l’instar de bien d’autres styles parcourant l’histoire de l’Art, a fait souvent des incursions dans d’autres époques.
En l’occurrence, LA MORT DU DOGE (cité plus haut)12273188461?profile=original fait référence à LA LECON D’ANATOMIE DU DOCTEUR TULP de Rembrandt (1632).

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Tout dans cette œuvre respire la mort. Les personnages, bien qu’humains, n’ont pas de visages. Ceux-ci sont remplacés soit par des masques, en ce qui concerne les médecins. Tandis que les élèves, assistant à l’origine à la leçon d’anatomie, ont des têtes de rapaces. Le visage du Doge, mort, est enveloppé d’un foulard opaque (lequel, stylistiquement considéré, n’est pas sans rappeler LES AMANTS de René Magritte (1928), dont le visage est recouvert d’un même foulard dont la forme évoque celle porté par le Doge). Ce qui à l’origine, était une pince à extraire les viscères, devient une tige se terminant par une main en réduction, faisant un geste de bénédiction. Elle est posée sur la robe rouge du Doge ornée du Lion de Saint Marc. Sur la droite, quatre colonnettes de marbre blanc reposent contre le mur. Deux d’entre elles se terminent également par des têtes de rapaces. Pour accentuer le côté masqué des personnages, la tête des assistants en forme d’oiseaux de proie, repose sur une fraise d’un blanc immaculé, laquelle contraste violemment avec la couleur terne de leurs manteaux (brun en dégradés et noir), tout en accentuant leur aspect féroce. Le masque des médecins, lequel n’est pas un masque protecteur contre les miasmes mais bien un masque de carnaval (nous sommes à Venise…), couvre toute la surface supposée du visage et se distingue nettement du vêtement noir. Il ne s’agit pas simplement de la création d’une œuvre sur une autre mais bien de la réinterprétation d’une œuvre déterminée en termes culturels et politiques, participant d’une approche à la fois contemporaine et personnelle. Dans ce cas-ci, l’interprétation relève d’une attitude de défi par rapport au pouvoir politique (illustrée par le Doge). Le médecin atteste de sa mort comme d’une délivrance. A y regarder de près, l’interprétation de l’artiste ne varie guère de celle de Rembrandt, puisque ce dernier avait conçu le tableau comme un manifeste en faveur de l’autopsie, condamnée par les autorités religieuses. Toutes deux sont des œuvres de contestation.
Il est impossible de ne pas s’incliner devant la maestria de MARC BREES, à la vue de cette interprétation picturale!
Les perspectives avec l’œuvre de Rembrandt ont été restituées ainsi que le flou duquel surgit le brun de l’arrière-plan avec ses éléments à peines perceptibles. La position des neuf personnages ainsi que le jeu des mains (sortant des vêtements) est identique.
La dynamique formée par les cinq personnages à la droite du médecin (à gauche pour le visiteur), formant un mouvement rotatif a été respectée. Enfin, le raccourci du corps du Doge, conçu presque de trois-quarts pour que celui-ci « entre » dans l’espace, ne laisse aucun doute sur la virtuosité de l’artiste. Dans l’œuvre originale, le corps est nu et presque translucide. Le médecin lui ouvre le bras gauche duquel surgissent les muscles et les veines. Ici, la pince se terminant par une main en miniature est posée sur la robe rouge du Doge, à hauteur du ventre, surplombant la tête du Lion de Saint Marc, c'est-à-dire, la tête pensante du pouvoir politique.
Vous serez surpris d’apprendre que MARC BREES est un autodidacte. Mais, à la différence de certains autodidactes qui commencent tard, l’artiste a débuté son chemin dans la magie de la peinture vers les dix ans. Son premier choc pictural fut Chagall et bien sûr, Bosch. Du côté maternel, l’artiste provient d’une famille de musiciens. De ce fait, il est extrêmement sensible à la musique et cela se perçoit dans la mise en scène de ses couleurs, lesquelles ne se livrent jamais à outrance mais respectent l’harmonie chromatique qui sied au surréalisme. Inutile de préciser qu’il adore Magritte et qu’à ses dires, il s’est toujours senti « surréaliste ». Il se définit également comme une espèce de « touche à tout », ce qui lui a permis d’évoluer comme Directeur du marketing et de la communication au sein d’une entreprise. Cette expérience se retrouve, notamment, dans l’arrière-plan d’ESPECE EN VOIE DE DISPARITION, conçu pour évoquer la brillance du papier peint couleur or.
MARC BREES est habité par l’innocence du surréalisme. Il l’exprime comme il respire, sans fards ni maniérismes, en trempant sa pensée dans un vocabulaire plastique personnel, se perdant dans son univers, oubliant, l’espace d’un trait que l’on est volontairement surréaliste !

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

 

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Marc Brees et François Speranza  interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(29 septembre 2016 photo Robert Paul)

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Exposition Marc Brees à l'Espace Art Gallery en septembre 2016 - Photo Espace Art Gallery

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  QUAND LE MYTHE S’INCARNE DANS L’ART : L’ŒUVRE D’ODILE BLANCHET

Du 20-10 au 06-11-16, s’est tenue à l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles), une exposition consacrée à l’œuvre de l’artiste française, Madame ODILE BLANCHET, intitulée INTERSTELLAIRE.

L’expression picturale de cette artiste repose non pas sur une tradition mythologique que le ressassement par l’esprit a rendu « classique » mais bien par l’envol créateur que la profondeur de son approche personnelle suscite. Cet envol créateur est, notamment, provoqué par l’élasticité des figures mythologiques étirées par la tension plastique à l’origine du mouvement.

MORGANEZ (80 x 120 cm- acrylique sur toile)

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nous offre un décorum céleste, campé en son milieu, par un personnage féminin dont nous ne voyons que le buste, lequel étire ses bras de telle façon que ceux-ci se confondent dans un chromatisme à dominante dorée (en dégradés), lui conférant ainsi l’envol d’un génie ailé. Techniquement parlant, cette figure féminine s’inscrit dans un réseau de raccourcis, lesquels, dans un premier temps, figent le personnage au niveau du buste et de la tête, pour le libérer dans un geste ascensionnel par l’étirement des bras, tendus vers le haut, formant ainsi des ailes culminant avec le soleil. Ces raccourcis se perçoivent à hauteur du buste dans une ligne qui le comprime, mettant en relief les seins du personnage, tout en alternant le mouvement du torse entre le profil et le trois quart. Du cou, inexistant, surgit un visage conçu de profil dont les attributs sont absents. L’absence, volontaire, du cou permet au visage de reposer sur un fin trait duquel prend naissance son bras gauche. La chevelure, tirée vers le haut, offre au bras droit, à peine perceptible, une assise lui assurant son envol vers un chromatisme extrêmement travaillé, évoquant le déploiement de l’aile, typique de la Niké grèque. Une constante régit l’œuvre de l’artiste : la présence physique d’une matière largement travaillée. L’univers mythologique de l’œuvre est agrémenté d’une paire de masques sur la droite de la toile, vers le bas, personnifiant des Gorgones,

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reconnaissables à cette matière, à la fois compacte et filandreuse, évoquant des serpents. Bien que les personnages appartiennent au monde gréco-romain, leur conception plastique pourrait, esthétiquement, être considérée comme un clin d’œil à la Commedia dell’Arte, par conséquent à la Renaissance italienne. Une autre figure, « mythologique » au sens qu’elle est issue de la mythologie personnelle de l’artiste (vers le haut à gauche de la toile), fait irruption sous la forme d’un profil pouvant évoquer le museau de cheval, symbolisant l’image du « Naissant », dont le graphisme est proche de l’esthétique d’un Chagall.

Cela se perçoit essentiellement par la finesse d’exécution du museau, longiforme, tout en délicatesse. Il s’agit d’un cheval descendant en droite ligne de l’imaginaire de l’artiste, lequel n’a rien de commun avec un graphisme qui s’efforcerait de respecter ses proportions morphologiques originales.

Il est intéressant de noter que les seuls personnages à avoir des traits faciaux sont les masques et le cheval. Comme nous l’avons mentionné plus haut, la femme, elle, en est privée. Les masques, même conçus comme tels, évoquent par leur traitement graphique, des visages anatomiquement humains : le nez, la bouche et les joues sont délimités par un réseau de traits au fusain, finement ciselés et fortement appuyés, mettant en exergue le grand talent de dessinatrice de l’artiste. Notons, néanmoins, cette constante, à savoir qu’à toutes les époques, de l’Antiquité classique à nos jours, les traits du visage de la Gorgone ont toujours été extrêmement prononcés et précis.

Une vaste note brune (en dégradés) s’étale sur le museau du cheval, lui laissant au niveau des yeux et des narines, traités en noir très vif deux zones, restituant la réalité morphologique qui lui sied. MORGANEZ est une œuvre « bouillonnante ». Le mouvement qu’elle dégage est le résultat du mariage rythmique entre la forme et la couleur. Le jaune, à outrance, se mêle au bleu, au vert et au rouge vif, formant ainsi l’image mythologique du ciel en convulsions, vers lequel tend l’ensemble de la composition.

PSYCHE (100 x 80 cm-acrylique sur toile)

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Avec cette œuvre, l’artiste réinterprète une thématique qui fit fureur pendant toute l’Histoire de l’Art, depuis l’Antiquité classique en passant par Raphaël jusqu’à Canova, pour trouver son heure de gloire dans l’Angleterre des préraphaélites (19ème siècle) avec, notamment, les œuvres de Waterhouse ou de Burne-Jones. A la période romantique (18ème siècle), des artistes tels que le sculpteur italien Canova, ont immortalisé l’étreinte amoureuse entre Amour et Psyché dans une posture délicieusement charnelle. En matière de peinture, Amour s’est souvent manifesté sous les traits d’un « putto », un ange-enfant se blottissant contre Psyché.

Ici, l’artiste revient aux origines mythiques de la nymphe sur son rocher mais dans une écriture contemporaine, en lui conférant une angoisse existentielle exprimée dans une vision du souvenir à jamais perdu.

Ce souvenir, est pour ainsi dire, guidé par les yeux de la femme-Psyché, à demi-nue, tournés vers la gauche.

En fait, elle n’existe que par le regard, les autres attributs du visage étant absents. Elle regarde. Mais que regarde-t-elle, en réalité ? Elle regarde un reflet qui se profile derrière elle rendu silhouette. 

De plus, voilà qu’au détour d’un coin, vers le haut à gauche, apparaît un deuxième reflet qui se dérobe au regard. Dans cette œuvre, deux éléments créent le rythme, à savoir le contraste saisissant entre la couleur chaude partant du bas de la toile inondant la femme et les teintes ternes, attribuées aux reflets. Les teintes chaudes centrées sur le jaune et le bleu sont fortement marquées par la présence de la matière incrustée, par rapport à la pâleur presque cadavérique des reflets, constitués de vert et de bleu, à peine émoussés au chiffon, pour rendre la forme évanescente. Ensuite, le rythme s’affirme par le traitement du buste de la femme, plongé dans la chaleur chromatique des teintes chaudes. Il y a une compression rythmique à partir du buste du personnage, produisant le sentiment d’une légère surélévation entre l’épaule gauche (droite pour le visiteur) et celle de droite (gauche pour le visiteur). Cela constitue un véritable tour de force, car en réalité, il n’en est rien. Tout en conservant les épaules au même niveau, son bras droit, légèrement avancé par rapport au gauche, amorce une cassure rythmique, à l’origine d’un mouvement donnant au buste une légère rotation de trois quarts. Le tout étant appuyé par la posture directionnelle du regard de la femme ainsi que par son visage, légèrement tourné vers sa gauche. Quel discours véhicule cette œuvre ? Les reflets, derrière la femme, évoquent les souvenirs d’un amour perdu. Le troisième personnage (celui qui s’apprête à  fuir au regard), est en réalité l’être aimé, personnifié en une créature hybride, se perdant dans la brume de la mémoire. Consciemment ou non, l’artiste renoue avec le mythe original, en ce sens qu’une fois emportée de son rocher vers un palais merveilleux, Psyché rencontre un être mystérieux qui lui promet un amour éternel, à condition qu’elle ne cherche pas à voir son visage. De fait, le visiteur ne l’aperçoit pas non plus.

Dans le mythe, le personnage mystérieux est hideux, sur la toile il est hybride, ou pour mieux dire, hermaphrodite, car son dos masculin est couvert d’une longue chevelure féminine. Il n’y a plus d’approche charnelle entre Psyché et Amour mais bien un rapport basé sur la mémoire, elle-même à la base de toute construction mythologique. Le personnage de Psyché, tout en demeurant mythique, échappe au récit classique en s’auto psychanalysant : elle se retourne sur un passé qui fut le sien et ne cesse de fuir. D’où sa participation à la tragédie contemporaine. Dans le bas à droite, un détail se laisse percevoir : la présence d’une page d’un livre. Ce détail est un rappel à la mémoire active qui raconte le mythe de Psyché sur son rocher.  L’artiste a voulu, en partant du bas, effectuer un passage allant de la matière symbolisant la terre (la solidité, la stabilité), pour rejoindre, vers le haut, le domaine du lisse, de la douceur du souvenir à jamais enfoui. Cette quête de la douceur révèle, néanmoins, une tentative d’espoir dans le traitement plastique du récit, ce qui nous renvoie à l’interprétation néo-platonicienne du mythe, à savoir un message d’espérance.

L’HEURE BLEUE (97 x 130 cm-acrylique sur toile)

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. Il y a comme une transition stylistique dans l’œuvre de l’artiste, en ce sens qu’à partir d’un même style, émerge une deuxième écriture.

Une écriture faite de réminiscences rappelant les « collages » des années ’20. En effet, des extensions en papiers apportent à la composition une esthétique qui déroute le visiteur.

L’HEURE BLEUE comporte sur sa droite (en haut et en bas), des fragments de plans de villes, associés à des zones chromatiques réalisées par collages, conçues de couleurs différentes. La philosophie des couleurs demeure la même : des teintes vives, proches du fauvisme, avec dans cette œuvre une dominante bleue enveloppant les autres teintes, traitées de façon à ce que celles-ci soient subordonnées à la couleur dominante. Aucune d’entre elles ne dépasse en intensité la teinte enveloppante. Dès lors, quelle surprise de voir, sur la gauche de la toile une série de constructions cubiques conçues en des proportions différentes.

Bien qu’elles soient parfaitement alignées, elles distillent un goût d’inachevé. Cela est dû au fait que chacune appartenant à cette série est encadrée à l’intérieur d’une zone particulière.

Centrée au cœur d’un univers froid, dominé par le gris, une construction géométrique, basée sur le module du rectangle, nous dévoile la façade d’un immeuble comportant dix fenêtres qui scandent le rythme d’un mur blafard. En bas, une deuxième zone oppose une série de maisonnettes dont trois d’entre elles sont surmontées d’une toiture de couleur noire, rappelant l’atmosphère d’un hameau. Malgré l’absence de voiles ou de vagues, cette composition exhale un parfum de mer.

Cela s’explique à la fois par la puissance que le bleu a sur notre imaginaire mais aussi parce que la scène se déroule dans un paysage breton. Une fois encore, la mythologie personnelle de l’artiste l’emporte sur le reste. La présence de fragments de plans de villes provient d’un souvenir pénible, celui d’un tremblement de terre que l’artiste vécut au Guatemala avec son mari, il y a des années. Ces fragments cartographiques sont à la fois, les résidus que le phénomène tellurique a laissés de la ville qu’il a ravagée, mais aussi des peurs non assouvies ressenties par l’artiste. D’autre part, le titre de l’œuvre (L’HEURE BLEUE) définit en réalité, l’heure du matin, plongée dans l’incertitude de ce que sera le jour : fera-t-il beau ou pleuvra-t-il ? La série des éléments architecturaux cubiques traduisent, à la fois l’amour de l’artiste pour le cubisme mais aussi ce qui est ressenti par elle comme une particularité bretonne, à savoir une uniformité presque maladive d’une certaine forme d’habitat local. Ce qui traduit dans son discours la présence d’une menace.

Cette même écriture se retrouve dans la réalisation de TOHU BOHU (80 x 80 cm-acrylique sur toile)

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où nous constatons cette association de peinture et de collages, à l’intérieur d’un univers au désordre extrêmement maîtrisé. Des fragments de plans de villes évoluent avec des zones aux couleurs incandescentes, alternant avec des teintes plus douces, particulièrement au bas de la toile.

Il y a dans l’œuvre d’ODILE BLANCHET une tentation de la forme révélée par une abondance de couleurs insufflée dans la plasticité de la matière.

La dimension mythologique, l’artiste la traduit de façon « biblique », selon son expression, voulant insister par là sur le côté « cosmologique » du créé. Sa peinture traduit les temps du « commencement ».

Et comme pour tous débuts, elle se questionne sur l’origine mytho-physiques de ces débuts, que l’on retrouve dans la personne de la Femme, la matrice de laquelle est issu le créé. MORGANEZ (cité plus haut), est une expression bretonne signifiant : « Née de la mer ». Elle distille une douceur maternelle, signifiée par cette image du « Naissant » exprimée dans les traits du profil d’équin. Tandis que la douceur maternelle confine avec la lumière céleste.

L’artiste qui s’exprime à l’acrylique, a suivi trois années d’études aux Beaux Arts de Clermont-Ferrand, sans pour autant porter son cursus à terme, pour éviter le professorat. Après un intervalle de dix ans, elle a renoué avec la peinture en repartant de zéro. Son talent de dessinatrice (révélé dans le traitement du visage des Gorgones de MORGANEZ – cité plus haut), s’est affirmé après avoir suivi un atelier de dessin pendant sept ans. Par conséquent, elle possède une formation académique, à la base, tout en poursuivant son parcours en tant qu’autodidacte. Ses influences sont multiples, de Chagall en passant par de Chirico, tout en vouant une véritable admiration à Picasso pour sa liberté créatrice.

Le titre de son exposition : INTERSTELLAIRE n’aurait pu mieux convenir, car il résume parfaitement la conception, à la fois cosmique et créatrice de la peinture : à l’instar de l’étoile, la peinture est un concentré de matière en perpétuelle errance, à la recherche constante de sa propre vérité.

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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Odile Blanchet et François Speranza  interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(6 novembre 2016 photo Robert Paul)

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Signature d'Odile Blanchet

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Exposition Odile Blanchet à l'Espace Art Gallery en octobre-novembre 2016 - Photo Espace Art Gallery

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L’IDEE, ARCHITECTURE DE LA FORME : L’ŒUVRE DE BERNARD BOUJOL

Pour son dernier vernissage avant son déménagement au 83, Rue de Laeken, 1000 Bruxelles, l’ESPACE ART GALLERY a consacré, du 22-03 au 22-04-18, une exposition dédiée au peintre suisse, Monsieur BERNARD BOUJOL, intitulée AU FIL DU TEMPS.

L’art de BERNARD BOUJOL se concrétise avant tout par la maîtrise de l’artiste sur la matière. Il apparaît, à la vue de son œuvre la conscience de la matière créée. Mais que l’on ne s’y trompe pas! Ce n’est pas la matière pour la matière mais bien la matière au service de l’imaginaire. Elle propose des formes et le visiteur les interprète au fil des couleurs. Car formes et couleurs (souvent fort vives) ne font qu’un.

Ce large espace qu’est la toile se résume, à première vue, par une plage de couleur verte où la tonalité se décline en dégradés sur une toile traversée en son milieu par une diagonale bleue. Il s’agit d’une coupe en plongée d’une zone géographique traversée par un long cours d’eau. Lorsqu’on se penche sur son titre, l’on remarque que le tableau s’intitule AMAZONIA. Mais déjà le simple fait d’être confronté à cette vaste étendue verte, fait que l’idée de la coupe géographique vient s’introduire dans l’esprit.

      AMAZONIA (80 x 80 cm-pigments naturels) 

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Idée et forme font que les œuvres atteignent souvent une dimension cosmique.

Avec SPIRALE et NOCTURNE INDIEN nous atteignons le cosmos par la magie du chromatisme bleu nocturne qui parsème le ciel de variations sur le bleu et le noir.

NOCTURNE INDIEN (60 x 60 cm-pigments naturels)

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donne la sensation, à partir de l’avant-plan noir, d’une fenêtre ouverte sur la nuit, basée sur la dominante bleue avec des effets tachistes noirs, blancs et rouges, donnant le sentiment d’avoir été conçus comme une coloration par projection. Une sorte de léger « dropping » extrêmement contrôlé.  

   

      SPIRALE (80 x 80 cm-pigments naturels)

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se définit par un mouvement rotatoire, appuyé par de fins traits blancs, accompagnés de légères touches blanches associées aux cercles reprenant leur trajectoire. Une note jaune à l’intérieur d’un carré de petites dimensions amplifie le mystère de la création cosmique.

Idée et forme s’interpénètrent dans LA CROISEE DES CHEMINS où deux chemins, réalisés volontairement de façon fruste, se croisent sur la partie gauche de la toile, submergée par une vaste étendue jaune (en dégradés) pouvant engendrer dans l’imaginaire du visiteur l’idée d’une vacuité tangible.

      LA CROISEE DES CHEMINS (60 x 60 cm-chaux et pigments naturels)

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L’artiste étant architecte de formation, cela se constate dans EQUILIBRE PRECAIRE. Nous avons le sentiment de nous trouver face à une construction mégalithique, soutenue par une base puissante qui s’élève en s’affinant, jusqu’à ne compter plus qu’un élément lithique terminant la composition. Ce qui singularise cette œuvre, réside dans le fait qu’elle est suspendue, en diagonale, dans les airs. Trois niveaux chromatiques structurent la composition :

  • brun, en dégradés, à l’avant plan
  • brun-clair au centre
  • blanc terminant l’ensemble

Ceci n’est pas un hasard car ces trois niveaux chromatiques « neutres » mettent en exergue la dimension cyclopéenne du mégalithe. L’équilibre, même précaire, est là pour soutenir l’ensemble, pouvant se disloquer à tout moment. L’équilibre n’est pas statique. Il est tributaire des lois physiques. Et la dimension cosmique revient : cet ensemble lithique pourrait aisément passer pour un ensemble de météorites en équilibre dans l’espace. La forme est à la fois abstraite et figurative. Mais ici le figuratif prend des dimensions abstraites. Mais que faut-il entendre par « abstraites »? S’agit-il de formes culturellement ininterprétables? Pas forcément. Car aujourd’hui, les formes ont acquis un langage que la psychanalyse a rendues, sinon universelles, du moins accessibles grâce, notamment, à un vocabulaire onirique, lequel permet à chacun une interprétation personnelle, axée sur l’intime. Comme il l’affirme lui-même, l’artiste « détourne » le figuratif en abstrait.

      EQUILIBRE PRECAIRE (60 x 60 cm-pigments naturels)

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Un exemple flagrant se matérialise avec LES TROIS SŒURS dans lequel trois formes verticales et statiques sont placées en bas sur la gauche du tableau. Trois formes pour trois couleurs : bleu, rouge et vert. La matière explose, pour ainsi dire, à partir d’un fond noir. Elle se présente carrément « brodée » comme du tissu.

Les trois formes s’inscrivent à partir de l’arrière-plan noir comme des figures sculptées au couteau sur l’écorce d’un arbre. Les motifs « brodés » semblent avoir été incisés en relief, conférant à l’œuvre le caractère métallique d’un fer forgé.

Une caractéristique de l’artiste s’exprime dans le fait que la peinture s’étale sur la surface entière jusqu’à déborder sur les côtés. Cela traduit une volonté de prolonger l’œuvre à l’infini et non de la circonscrire aux limites de l’espace scénique.

      LES TROIS SOEURS (60 x 60 cm-pigments naturels)

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      AVANT LA NUIT (80 x 80 cm- chaux et pigments naturels)12273281653?profile=original

AVANT LA NUIT représente une gestation se déroulant sur trois plans :

  • l’étendue de la mer touchant une ligne d’horizon très haute, à l’avant-plan
  • les feux du crépuscule, dans la zone médiane
  • le ciel conçu comme un cosmos étoilé, à l’arrière-plan

La gestation se produit au moment où la mer et le ciel (tous deux d’un noir intense) « accouchent » de ce magma chromatique, composé de rouge et de jaune vifs. Ce magma de couleurs signifiant le crépuscule est souligné par un long trait blanc matérialisant le volume de la forme. Malgré un calme apparent, il s’agit d’une œuvre d’une grande nervosité visuelle. A’ ce stade, l’artiste nous entraîne deux siècle en arrière dans l’élaboration du crépuscule, lequel possède le même chromatisme tourmenté d’un Turner. Sauf qu’à la différence du peintre anglais, la scène ne se déroule pas en plein jour mais juste « avant la nuit ». Les couleurs usitées par l’artiste sont généralement très vives carrément fauvistes dans leur conception expressive. Le rouge, le jaune vifs, le bleu obscur expriment une rare force. Le noir est également présent. Mais contrairement à la fonction que lui attribuent la majorité des peintres, il ne sert pas à faire ressortir le sujet de façon violente. Il se limite à mentionner sa présence en tant que « personnage » complétant l’ensemble (à l’exemple des LES TROIS SŒURS et NOCTURNE INDIEN, mentionnés plus haut). AVANT LA NUIT symbolise la rencontre charnelle entre deux univers : la mer et le ciel de laquelle émergent les feux du crépuscule. Dans l’évolution de l’histoire de l’Art, la couleur jaune a le mieux été interprétée par deux peintres, respectivement, Turner et Van Gogh.

La dimension passionnelle qu’elle dégage a considérablement influencé la peinture du 20ème siècle. Il y a dans la couleur jaune (comme dans les autres tonalités) une mythologie qui remonte au tréfonds des civilisations. La lumière et l’or jouent notamment une part considérable dans cette mythologie car ils symbolisent dans l’esprit humain les notions de pureté et d’incorruptibilité.  La lumière joue un rôle capital dans la naissance de l’image. C’est elle qui détermine sa viabilité. Eliminez la lumière et l’image n’existe plus. Faut-il rappeler son rôle lors de la première étape cosmologique vétérotestamentaire ? « Que la lumière soit ! » Quant à l’or, il possède une fonction philosophique plutôt contradictoire : depuis l’Antiquité classique et proche-orientale, il symbolise le pouvoir par le biais de sa nature organique, au fil du temps, incorruptible…alors qu’il n’y a rien de plus corruptible que le pouvoir! Mais la couleur jaune possède aussi une dimension de joie de vivre et d’exaltation (Van Gogh). Cela dit, comme nous l’évoquions plus haut, une concentration excessive de cette tonalité met en exergue la consistance passionnelle de l’âme humaine pouvant atteindre l’abîme (Turner).

Le crépuscule d’AVANT LA NUIT est composé de deux tonalités, à savoir le jaune et le rouge, faisant partie de ce que l’on nomme « les couleurs primaires »  (la troisième étant le bleu). La symbolique du rouge est celle du feu, du changement d’état mais aussi du sang, c'est-à-dire de la vie. Le crépuscule émerge à partir de trois éléments évoquant le chaos : le noir du ciel, signifiant la profondeur, le noir de l’eau considérée dans beaucoup de cosmogonies comme étant l’origine du monde à l’état anarchique, en pleine germination. De cette pénétration naissent les derniers feux du jour. Comme un cri avant la nuit.

L’artiste met en exergue la dimension cosmique et terrestre, l’une participant de l’autre.

Mais à ce stade, il est impératif de souligner l’erreur éventuelle que pourrait commettre le visiteur, laquelle serait de passer devant ces peintures trop rapidement, sans prendre le temps de s’arrêter systématiquement devant chacune d’entre elles. Car le sentiment d’être « envahi » par la maîtrise technique de l’artiste pourrait l’emporter sur son discours.

BERNARD BOUJOL est un peintre qui exploite la technique jusqu’à ses dernières limites pour arriver à concrétiser une idée. D’où cet appel à cette même idée demandée au visiteur par l’artiste (évoquée plus haut) pour concrétiser l’œuvre dans son existence à la fois charnelle et visuelle. Il y a, au contact d’une peinture de cet artiste, une adéquation émotionnelle et tactile entre l’œuvre et l’idée. Entre l’idée et l’œuvre par le biais de la forme. Contrairement aux apparences d’une première approche, il ne s’agit aucunement d’une peinture « intellectuelle ». Tout part et aboutit au ressenti.

Ayant fréquenté l’Ecole d’Architecture de Genève, l’artiste possède la formation d’architecte. Cela se remarque, notamment, en observant des œuvres telles qu’EQUILIBRE PRECAIRE. Son premier choix fut celui de faire de la peinture. Néanmoins, acceptant de suivre le conseil de ses parents pour qui le métier de peintre n’avait aucun avenir, il se tourna vers l’architecture et la pratiqua pendant quarante ans. Arrivé à un stade où le besoin de peindre se fit sentir, il se consacra entièrement à la peinture, sans pour cela devenir un « architecte qui peint ». Il dut pour cela « désapprendre à dessiner », comme il le dit lui-même, pour en finir avec les plans et les droites, afin de trouver sa propre liberté d’écriture picturale. Ceci dit, l’architecte n’a pas totalement disparu. Vous aurez remarqué que souvent, en indiquant sa technique, il est fait mention de pigments naturels accompagnés de chaux. Cette chaux est une réminiscence de l’architecture du Moyen Age. Les bâtisseurs l’utilisaient énormément pour consolider les éléments des cathédrales. Le peintre s’en sert comme fond fin pour absorber l’humidité ambiante une fois que les pigments recouvrent l’espace de la toile. A’ travers le pigment, la chaux réagit à l’humidité ambiante pour épaissir la couche. Le choix des pigments est capital, en ce sens qu’il les choisit naturels. Pour cela, il lui est arrivé d’aller jusqu’en Inde pour en trouver.

L’abstraction est pour lui une façon de se défaire de l’architecture en tant que tentation picturale. En détournant le figuratif de son signifié culturel, il entame une démarche qui fluidifie la forme et la soustrait à un vocabulaire préconçu. 

Cela se perçoit d’autant mieux si l’on considère le fait qu’il ne prend jamais de photographies comme support de travail.

BERNARD BOUJOL se sert de la mémoire comme miroir déformant une réalité à déconstruire pour la recréer. Néanmoins, même s’il est établi que l’artiste n’est pas un « architecte qui peint », n’y a-t-il pas dans le tréfonds de chaque peintre la flamme du démiurge, organisateur de son univers, déformant à volonté l’architecture d’un monde révolu?   

François L. Speranza.

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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste Bernard Boujol et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles. 

       

                                                         Une publication
                                                                  Arts 12272797098?profile=original                                                                  Lettres
 

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul.

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Signature de l'artiste Bernard Boujol

Collection "Belles signatures"  © 2017 Robert Paul

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Photos de l'exposition à l'ESPACE ART GALLERY

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DE LA VARIATION DES FORMES : L’ONDE MAGNÉTIQUE DE DIELLE

Du 05-03 au 28-03-21, l’ESPACE ART GALLERY a le plaisir de présenter l’œuvre du peintre belge, DIELLE dans une exposition intitulée : ONDES DE FORMES.    

Il y a des expositions dont l’intitulé épouse magiquement le but escompté par l’artiste. L’adéquation de « ondes » et « formes » illustre parfaitement l’âme de ces œuvres. 

ONDES. Il y a, effectivement, du magnétisme dans cet univers infini de volutes virevoltantes, définissant la FORME qui les assemble et leur confère le mouvement. Des ondes créant des formes entrelacées à l’origine d’un discours pictural où les corps dansent et se dilatent à l’intérieur d’une musique ondoyante de laquelle la forme, réduite à l’état de silhouette, capture l’espace en s’étirant à l’intérieur du cadre. Si nous osons le terme de « silhouette », c’est parce que les corps composant la forme, ne sont qu’esquissés. Filiformes, élancés, leur volume n’est qu’à peine perceptible, tellement la délicatesse du trait, à la fois léger et prononcé, les enserre dans une verticalité vitale. A’ l’exception d’un couple, le personnage de référence est assurément la Femme. Une « Femme-fleur » dont la sophistication s’avère être la signature de l’artiste. Cet élancement de la forme s’inscrit à la fois dans la dimension verticale même de la toile (souvent longue et rectangulaire) mais aussi dans le chromatisme de l’arrière-plan, lequel est toujours monochrome, quelle que soit l’intensité de la couleur. Ce qui assure à la forme sa mise en relief. De plus, la couleur définissant l’arrière-plan, est toujours douce, qu’elle soit claire ou sombre. Une ligne médiatrice scinde la forme en son milieu, l’isolant du reste de l’ensemble.

INNER WALTZ (80 x 30 cm-huile sur toile)

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Perdue dans une myriade d’entrelacs, un trait, partant du haut de la tête, signifiant la chevelure (presque une tresse), tombe le long des épaules pour arriver au creux des reins. Un espace laissé vide, suggérant la forme, indique le coccyx, lequel est immédiatement réinvesti par la continuation du même trait, affirmant la jambe gauche du personnage, scindant et terminant derechef, la forme. En réalité, deux lignes esquissent l’arrière du personnage : celle que nous venons d’évoquer et une autre, prenant son point de départ à partir du bas du visage (privé d’attributs), se prolongeant sur la tête pour descendre sur le dos avant d’aboutir dans le creux des reins et reprendre da course à partir du coccyx pour descendre vers la jambe droite jusqu’à atteindre ce que le visiteur imagine être l’aboutissement de la forme car à aucun moment (et c’est là un trait de son originalité), les pieds ne sont jamais indiqués.

Signalons, au passage, que dans les mains sont également absentes du vocabulaire pictural de l’artiste. L’avant du corps est conçu de façon moins complexe : une simple ligne part du haut du bras (privé de main) lequel descend de façon abrupte pour aboutir au torse (de profil) et terminer sa course sur la jambe droite avant d’atteindre le bas. 

LA VALSE (68 x 57 cm-huile sur toile)

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Les personnages sont, pour ainsi dire, imbriqués l’un dans l’autre. Le pas de danse devient le moteur fusionnel. L’arrière du corps de la femme « coupe » la composition en deux parties distinctes. Chaque partie répond à l’autre : la jambe droite (gauche par rapport au visiteur) de l’homme répond à la jambe gauche (droite par rapport au visiteur) de la femme. De même qu’à la jambe droite de la femme répond la jambe gauche (droite par rapport au visiteur) de l’homme. Une spirale prenant naissance au niveau du torse des personnages, englobe le couple, ce qui accentue le rythme envolé et saccadé de la valse. Symboliquement, dans bien des cultures, la spirale est l’image de l’infini. Le couple évolue dans les méandres des ondes magnétiques d’un espace se perpétuant à l’infini. La finesse du rendu plastique s’exprime dans la façon dont le couple s’enlace : le bras droit (gauche par rapport au visiteur) de l’homme enlace la femme, tandis que le bras droit (gauche par rapport au visiteur) de la femme enlace l’homme. Le bras de l’homme achevant le geste enveloppant s’affirme en une fine terminaison. Cette œuvre est issue d’un rêve, lequel s’est concrétisé dans la réalité, par une rencontre. Même éphémère, l’artiste a senti la nécessité de la retranscrire sur toile en assumant à la fois le rôle de l’homme et celui de la femme. Il s’agit de la concrétisation éveillée de l’activité onirique dans tous ses mécanismes, au cours de laquelle le rêveur s’incarne dans chacun de ses personnages.

 

MAJESTÉ (72 x 62 cm-huile sur toile)

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Cette œuvre est une étude sur la démultiplication du visage. Un personnage féminin bicéphale, aux attributs finement esquissés, scindé en deux parties au centre de la toile est le point de départ d’une série de démultiplications sur ses deux côtés. Seule la bouche demeure le vestige d’un visage « oublié », délesté de ses attributs, au fur et à mesure qu’il se démultiplie.

La couleur blanche est le point de départ chromatique du visage originel. Progressivement, les démultiplications se fondent dans l’arrière-plan, adoptant ainsi un chromatisme sombre, conçu en violet, une couleur nocturne, accentuant l’effacement du visage, à l’instar d’une mémoire qui s’estomperait. Il ne demeure de cet être bicéphale à la sensualité crépusculaire qu’une bouche charnue et sensuelle, laquelle déjà vire au bleu à partir du rouge vif, présent sur le visage de droite, fusionnant avec l’univers nocturne de l’arrière-plan, qui se dissipe au fur et à mesure que l’onde magnétique s’élargit.

Ce qui fascine chez cette artiste, c’est la finesse déployée à l’extrême de son trait, associée à cette verticalité évoquée plus haut, donnant au visiteur l’illusion que ces personnages-silhouettes sont, au premier regard, privés de volume.

Autodidacte, DIELLE se définit comme étant née artiste. Bien qu’elle dessine depuis son enfance, beaucoup de temps s’est écoulé avant qu’elle ne se serve de l’Art comme véhicule de son humanité. Ayant réalisé des croquis de mode, elle privilégie, comme le démontre la qualité de son œuvre, la ligne. Ces croquis sont à la base de ses productions transposées sur la toile. Un autre élément discrètement présent dans son œuvre actuelle et qu’elle a l’intention de développer dans le futur est la calligraphie. En effet, son grand intérêt pour la ligne se traduit par les volutes et les entrelacs laissés par les circonvolutions du trait, à l’origine d’une calligraphie embryonnaire, laquelle ne demande qu’à éclore. Elle privilégie la peinture à l’huile. A’ la question : « avez-vous des influences? », elle répond par la négative. Il est vrai que même si tout artiste est influencé, souvent à son insu, par l’œuvre d’un autre, force est de constater l’originalité ainsi que la mise en scène spatiale de son trait.    

DIELLE trouve son alter ego dans ses personnages-silhouettes, en tant qu’expression d’une humanité tendue au fil duquel elle est issue, se répercutant en ondes sonores au regard, dans les clapotis magnétiques d’une eau cosmique.   

François L. Speranza.

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 Collection "Belles signatures" © 2021 Robert Paul

 

N.B. : Ce billet est publié à l'initiative exclusive de ROBERT PAUL, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis. 

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste DIELLE et François Speranza : interview (masquée !) et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles.

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Photos de l'exposition de DIELLE à l' ESPACE ART GALLERY  

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L'UNIVERS FEERIQUE DE DOMINIQUE LEMOINE

                                                      L’UNIVERS FÉERIQUE DE DOMINIQUE LEMOINE 

Du 02-10 au 20-10-20, l’ESPACE ART GALLERY (83, Rue de Laeken, 1000 Bruxelles) a eu le plaisir de vous présenter l’œuvre de la sculptrice française, Madame DOMINIQUE LEMOINE, intitulée : CONVERSATIONS SINGULIÈRES.

DOMINIQUE LEMOINE est une artiste qui surprend en ce sens qu’elle prend le bois comme point d’amorce pour une sculpture mettant en relief d’autres matériaux (tels que le fer) sans qu’aucun d’entre eux ne l’emporte sur l’autre. Le fer (notamment le fer rouillé) épouse le bois jusqu’à en faire corps. Néanmoins, s’il n’y a aucune volonté de « perspective morale » dans les matériaux utilisés, force est de constater que la pièce en bois demeure l’élément portant de la sculpture. Le bois conserve sa prérogative  de « tronc ». Les autres matériaux, sans être relégués au rang d’ « accessoires », s’ajoutent en tant qu’éléments constitutifs à l’œuvre.

FAMILLE

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Cette oeuvre présente un groupe de trois personnages (père, mère et enfant) formant, de par leur disposition, un cercle. Des trois personnages, seul l’enfant possède un « visage » avec des attributs extrêmement sommaires, tels que les yeux. Le reste du faciès se limite à légère enflure vers le bas, faisant parfaitement ressortir la partie supérieure et les orbites oculaires. Bien qu’il s’agisse de personnages humains, le visiteur pourrait croire qu’ils sont inspirés de l’esthétique des arts dits « primitifs ». De plus, l’addition d’éléments en fer, accentue sur l’œuvre le côté « art brut ». Il y a, en outre, du « totémisme » dans cet ensemble sculptural. Cela se remarque dans la conception plastique du père (l’ancêtre/patriarche), reconnaissable à sa taille dominante sur le groupe, participant de cet ensemble de trois pièces, dont chaque individu est soudé par un système de vis, reliant les différentes parties, permettant aux personnages d’arborer leur posture : en l’occurrence, celle de se pencher vers l’enfant, en ce qui concerne le père. Les bras sont de longues tiges pendantes en fer rouillé. La tête est une fine lame de fer noir. Ces mêmes fils de fer font office d’articulations, à la fois pour la mère comme pour l’enfant. Il est à préciser que toutes les pièces exposées reposent sur un socle en métal faisant intégralement partie de la démarche sculpturale. Ce qui frappe, en ce qui concerne ces personnages, c’est l’expression d'une atmosphère protectrice de laquelle l’on subodore des gestes d’aménité. Autre indice d’harmonie sociale, la proximité des personnages prend la forme d’un cercle fermé. La famille est un thème que l’artiste a toujours pris à cœur.

ATTENTE12273367853?profile=original

A' l’instar de DANSEURS, cette pièce présente une volonté d’anthropomorphisme. En effet, autant les visages que les corps se rapprochent de la réalité (même caricaturale). Le visage de l’homme, enlaçant la femme, conçu de profil, adopte une morphologie proche de la caricature. Il trouve se point d’ancrage à la fois par son nez crochu et par sa bouche, en forme de fente rentrante, définissant la forme du visage. La femme, aux attributs faciaux plutôt sommaires, se singularise par son ventre proéminent, signe d’une « attente », celle de la vie.

DANSEURS12273368056?profile=original

Comme toutes les œuvres de cette exposition, une pièce en bois fait office de piédestal. Un panier à friture fait office de visage. Une différence notable avec les autres couples réside dans le fait que les pieds (de forme humaine) sont physiquement présents, en ce qui concerne ceux du danseur et de la danseuse, ils se réduisent à une sorte de fer à cheval dilaté. Leur corps est conçu en fer.   

Le comble de l’enlacement se situe dans cette sculpture de petites dimensions intitulée :

FUSION 

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Le couple est carrément « ficelé » dans des lamelles de fer rouillées, enserrant les corps à l’intérieur d’une fusion mystique : leur conception relève de l’esthétique contemporaine, notamment, dans ces corps presque torsadés, aux crânes exceptionnellement réduits. Des seins, légèrement proéminents, sortent du buste de la femme. Chez l’homme, le buste est svelte et une musculature puissante s’affirme dans la conception de sa cuisse gauche. Le corps de la femme est, lui, plus « enveloppé », plus propice à l’enfantement. Le chromatisme est dominé par le brun-clair. 

L’ELEGANTE 12273368473?profile=original

est un hymne à la féminité. Cette pièce est un véritable tour de force. Le corps est, pour ainsi dire, composé de trois parties : la tête, plus petite par rapport à l’ensemble. La partie supérieure, composée par le tronc, se réduit à une « taille de guêpe » séparant le bassin des jambes.

Si nous qualifions cette œuvre de « tour de force », c’est parce qu’elle s’avère être « multidimensionnelle », en ce sens que le visage, même tourné vers la droite (la gauche par rapport au visiteur) pointe du côté opposé. Que le buste penche résolument vers la droite (la gauche par rapport au visiteur) et que le bassin « propulse » en quelque sorte le rythme de la composition vers l’avant. La partie postérieure se présente sur sa droite (gauche par rapport au visiteur), par un renflement qui contribue à déstabiliser le rythme une seconde fois. Deux excroissances en métal font office de bras. Quant à la coiffure, elle est réalisée par des bouts de métal en forme de ressort. Cette pièce allie, en un souffle, rythme, dance, élégance du geste et chorégraphie dans sa conquête de l’espace.   

Un autre aspect de l’artiste réside dans la réalisation de pièces appartenant à l’art animalier. Il s’agit d’un bestiaire aux allures à la fois caricaturales et fabuleuses, autant que peut l’être une fable d’Esope ou un fabliau du Moyen Age mettant en scène le corbeau ou le goupil.

L’INNOCENT

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présente trois palmipèdes dont le bec pointe vers trois directions différentes. Leur corps se résume à une longue pièce en bois, surmontée d’une tête se terminant par le bec et aux lamelles de fer rouillées leur servant d’ailes. Les pattes palmées sont réalisées à même la pièce leur servant de socle. Les yeux des oiseaux sont conçus à la fois avec des ressorts, des clous ainsi qu’avec des plaques en forme de globes oculaires, déposées sur des orbites à peine creusées pour les accueillir. L'artiste précise que le titre de cette oeuvre traduit une forme de procès adressé au personnage faisant face aux deux autres. Sa position dans l'espace est une métaphore de son innocence. 

PARTIE DE PÊCHE

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Cette oeuvre présente l’image d’un canard faisant du ski nautique, pouvant participer du récit joyeux de la fable moralisatrice d’un La Fontaine. Divers éléments définissent le volatile : le ski, le bec, les passoires à thé servant de lunettes, sans oublier les lamelles en fer rouillé en guise d’ailes. La pièce du haut, comprenant le buste et la tête est raccordée à celle du bas comprenant le reste du corps jusqu’aux pattes, elles-mêmes soudées aux skis. Les pupilles et les blancs des yeux, derrière les lunettes, sont deux pièces enserrées à l’intérieur des trous faisant office d’orbites oculaires.

Le socle prend la forme d’un poisson d’où le titre de l’œuvre. Concernant l’art animalier, celui-ci est porté par une forte charge d’humour, consubstantielle à la fable moralisatrice.

Le visiteur peut légitimement se demander s’il y a adéquation entre ses œuvres et leurs titres. En réalité, il n’y en a pas. Les titres ne lui viennent qu’après la création.

Cela se retrouve dans sa technique par rapport au résultat. L’artiste précise qu’Il n’y a aucune idée préconçue. Les formes de départ des bois travaillés sont à la base de ses idées. L’origine même des bois est disparate, à titre d’exemple, le matériau ayant servi pour LA FAMILLE (cité plus haut) provient d’un ancien poteau de moules. D’anciens morceaux de carcasse de bateaux sont également à la base dans la réalisation des pièces. Son travail est avant tout celui d’une céramiste associant des terres différentes qui ont du grain avec adjonction de métal. Malgré cela, elle préfère de très loin la sculpture à la céramique proprement dire car celle-ci s’avère trop compliquée lors de la cuisson. Elle avoue avoir toujours eu l’envie de travailler sur de grandes pièces.

DOMINIQUE LEMOINE, de formation scientifique (elle est médecin-radiologue), travaille la terre depuis l’âge de cinq ans. Elle aborde bien plus tard la peinture sur soie. Ce n’est qu’au moment de sa retraite (vers 2010), qu’elle  reprend et amplifie son activité artistique. Elle pense continuer dans ce même créneau sans pour autant se destiner spécifiquement vers l’art animalier. Auteure d’un univers fantastique, elle nous transporte par des voies joyeuses vers des espaces pavés de récits intemporels, faisant des fables d’antan,  des conversations singulières.    

François L. Speranza.

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N.B. : Ce billet est publié à l'initiative exclusive de ROBERT PAUL, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis. 

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste DOMINIQUE LEMOINE et François Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

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       RYTHMES ET BRILLANCES : DE LA CONTEMPORANÉITÉ DE L’ŒUVRE DE GILLES WERBROUCK   

La galerie d’art et antiquariat LE 300 (300, Chaussée d’Ixelles, 1050 Bruxelles) a le plaisir de présenter l’œuvre de l’artiste belge, Monsieur GILLES WERBROUCK, axée sur ses compositions réalisées en tapisserie.

Il y a dans l’art de GILLES WERBROUCK la volonté de communier avec l’esthétique contemporaine. Cette approche esthétique se concrétise, notamment, dans l’emploi de la couleur noire. Une couleur noire, laquelle depuis Soulage, capture la lumière pour la réverbérer de l’intérieur vers l’infini. Ceci vaut pour la peinture. Mais il s’agit ici de tapisserie. Ce n’est donc pas un tableau que nous avons devant les yeux mais bien une œuvre tout en fils et en mailles. La tapisserie est apparue dans l’histoire de l’Art dès l’Antiquité Classique et proche-Orientale, en produisant des scènes de toutes sortes, toujours au diapason avec le substrat culturel des époques dans lesquelles elle s’est inscrite. La tapisserie permet à l’artiste d’explorer les possibilités que lui offrent les couleurs tant dans leurs variantes en rapport avec la lumière comme avec la création du volume. Néanmoins, comme le précise l’artiste, c’est avec la couleur noire qu’il trouve son medium d’expression majeur. L’artiste l’explore sous toutes ses « coutures ». L’image n’est pas trop forte puisqu’il s’agit de tapisseries et que le crochet n’est jamais loin! Une constante souligne l’introduction de la tapisserie dans la sphère de l’Art : elle délimite elle-même son propre cadre tout en se déployant au sein de l’espace. Par les matériaux qui la constituent, elle exprime les volumes en s’affirmant dans l’espace scénique constitué à l’intérieur de ses propres dimensions. Ce qui la distingue c’est que, de par sa nature, elle expose souvent sa matérialité comme le ferait une sculpture déployant son volume. A’ l’instar de la peinture et de la sculpture, la tapisserie est régie par le rythme (qu’il soit régulier ou saccadé) lequel introduit le mouvement la rendant vivante. Bien qu’elle s’inscrive dans l’esthétique du moment, la tapisserie ne « copie » pas la peinture. Jamais elle n’est à sa remorque. Elle exploite ses propres caractéristiques physiques qui la rendent unique, c'est-à-dire qui lui permettent de s’ouvrir à l’Art.  

 

L’ŒUVRE AU NOIR

# KM008 

12273358091?profile=original(200x100 cm-coton et lin tricoté sur machine domestique avec des flottés dans lesquels ont été tirés à la main de la bande magnétique (deux films VHS) et fini au tressage, monté sur cadre)

Cette œuvre est une longue composition rectangulaire, axée sur un espace parsemé à la fois de petits carrés conçus en bande magnétique VHS ainsi que de six lignes verticales ondulantes structurant l’espace, également réalisées dans des morceaux de bande magnétique. Horizontalement, l’œuvre s’étale sur huit lignes également noires démarquant l’espace. Il y a donc une volonté d’imposer un rythme dans la dynamique qui s’affirme au regard du visiteur. Chaque morceau de film est relié par du fil de la couleur dominante, pratiquement invisible à l’œil nu.

Il y a dans cette œuvre une adéquation entre Image et Mémoire dans l’utilisation de la bande magnétique VHS. Le passé se mêle à la sonorité de la mémoire. Petit bout par petit bout, le visiteur se rend compte de l’extrême minutie du rendu. Car il se trouve devant l’archéologie d’une œuvre « filmique » dont les tesselles magnétiques témoignent d’une Mémoire passée, atomisée en un univers cosmique, scintillant dans des ersatz de matière lointaine. 

# KM002

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(80 x 60 cm-bande magnétique (trois films VHS) au crochet monté sur toile peinte)

La tapisserie se distingue dans la manifestation plastique de sa matérialité. Contrairement à l’œuvre précédente, le dessin est extrêmement présent sur la surface de l’espace. Cette pièce exprime parfaitement l’objectif que l’artiste s’est toujours fixé, à savoir introduire sa formation de styliste de laquelle il est issu à la composition en cours de réalisation. Le sentiment de l’élaboration du tricot habillant la pièce envahit l’imaginaire dans la prise de conscience du visiteur.

Les mailles évoquent autant le tricot que le filet de pêche, c'est-à-dire l’élément enveloppant qui protège le corps de l’œuvre tout en le singularisant.  

 

 

L’ŒUVRE AU VERT

# KM001

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(50 x 50 cm-coton et polyester tricoté sur machine domestique et monté sur toile peinte)

Cette pièce, bâtie sur le module du carré, est un jeu subtil de mailles oblongues entourées de petits cercles. Elle démontre également le brio de l’artiste évoluant tant dans les petits formats comme dans les grands.

L’ŒUVRE AU ROUGE

# KM006 (Diptyque)

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(120 x 40 cm-laine vierge tricoté sur machine domestique et monté sur toile recouverte de tissus à sequin)

Nous avons ici un compromis avec l’esthétique de l’œuvre précédente. Seul le module rectangulaire permet un plus grand développement à la fois dans l’exécution comme dans le résultat. Ce qui suit est fort proche de l’esthétique picturale en ce qui concerne la scansion de l’espace. Ce diptyque se structure sur trois champs :

sur la droite : nous avons une série de mailles oblongues du même style de celles présentes sur la pièce verte (titre).

au milieu : une séparation de fils rouges verticaux joue sur le rythme de la pièce.

sur la gauche : une série d’entrelacs et de lignes horizontales formant un ensemble de pleins et de vides.

 

L’ŒUVRE AU GRIS

# KM005

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(80 x 60 cm-fil métallique, coton, mohair, raphia et polyester, traité sur machine domestique et créant les plis à la main et tricotant et monté sur toile)

Il s’agit d’un espace carré, structuré dans sa hauteur par une série de cinq lignes de démarcations séparant une série de quatre espaces verticaux, chacun d’entre eux étant séparé par une sorte de rebord, créant un jeu d’élévation planifié sur seize niveaux dans sa verticalité. Cette pièce, de par son chromatisme à dominante grise, ses excroissances en raphia passées à la main et ses seize niveaux se superposant les uns sur les autres, en élévation, donne le sentiment d’être face  à une sculpture.  

Ce qui émane de l’œuvre, c'est-à-dire sa nature profonde traduit les débuts de l’artiste qui ont cimenté son langage.

En effet, la mode, comme mentionné plus haut fut son premier véhicule dans l’expression de son art. L’image du tricot, également exprimée plus haut, se distingue dans la réception immédiate de l’œuvre. L’artiste « habille » sa pièce comme il « habillerait » un corps humain. Il développe des pièces pour tapisserie conçues avec de nouvelles techniques pour le tricot, axées sur le design textile, telles que la couleur, le fil ainsi que la manière de monter ses pièces.

Comme nous l’avons spécifié, des trois couleurs usitées, l’artiste privilégie le noir qu’il aborde après avoir effectué un grand travail de recherche. Il faut, selon ses dires, trouver les bons matériaux pour arriver au résultat espéré. A’ son avis, le noir n’est pas une couleur mais un élément « neutre » lequel éveille des sentiments différents par rapport aux autres couleurs. Pensez qu’il en est à ce point fasciné que, de la tête aux pieds, il s’habille de la même couleur. Et c’est encore celle-ci à le projeter dans l’art contemporain, en contribuant à créer une modernisation de l’image du tricot.

Comme vous l’aurez remarqué, nous avons jusqu’à présent, employé le mot « artiste » pour définit GILLES WERBROUCK. Néanmoins, celui-ci préfère être qualifié d’ « artisan » car il travaille devant sa machine pour donner vie à ses œuvres après bien des calculs. Cependant, l’approche savante résultant de ses œuvres, nous font pencher vers le qualificatif d’ « artisan d’art » car le jeu des variations de la lumière engendrée, notamment par le noir, sa conception de l’espace sont celles d’un artiste en bonne et due forme. Tout est en correspondance.

Les éléments se répondent, assurant ainsi le rythme nécessaire à la dynamique de l’œuvre. De plus, les pièces produites sont uniques dans leur essence et ne sont pas destinées à être reproduites à volonté, comme dans l’artisanat. La pièce produite a une valeur artistique, en ce sens qu’elle se distingue d’une autre. Evidemment, l’œuvre artisanale n’est en rien inférieure à l’œuvre d’art. Disons que dans le cas de GILLES WERBROUCK, la relation avec l’esthétique contemporaine s’avère indéfectible.

L’artiste est l’auteur de deux Masters en Knitting Design obtenus aux Beaux Arts de Bruxelles et à la Trent University de Nottingham.

Sa technique consiste dans l’élaboration de mailles à l’instar du tricot. Il peut les passer à la main comme il peut se servir d’une machine domestique. Avant chaque étape, l’artiste traduit son idée dans un échantillonnage basé sur l’essai de plusieurs points de tricot, de mélanges de fils pour les textures et les rendus. Ce travail préparatoire est de conception ancienne car déjà au 17ème siècle, ce que l’on nommait les « peintres-cartonniers » préparaient des esquisses destinées à la tapisserie. Conçues aux dimensions de la tapisserie, elles prenaient le nom de « cartons ». Inspirées de la peinture classique, c’étaient de véritables œuvres d’art.

GILLES WERBROUCK, lui, travaille sur machine domestique, c'est-à-dire avec une technologie contemporaine. Néanmoins, l’idée maîtresse ne varie pas. 

Il commence par sélectionner les fils à utiliser (coton, lin, laine ou fantaisie : lurex, polyester, raphia, bande magnétique VHS). Un bon travail requiert plusieurs textures de fils pour donner un maximum de légèreté et de relief. L’artiste forme ensuite un échantillon de 50 rangs sur 50 aiguilles qu’il lave pour que ce dernier adopte la forme initiale à l’œuvre pensée. La dernière étape consiste à noter sur papier combien d’aiguilles et de rangs sont nécessaires pour tricoter la forme à produire. Pour ce faire, il est limité à 200 aiguilles et doit trouver des solutions pour contourner ce problème. Le choix des aiguilles est déterminant pour créer le volume. Au fur et à mesure que passe le chariot de la machine, la pièce descend et se matérialise.    

GILLES WERBOUCK nous transporte dans un univers où la tapisserie a toute sa place, en l’installant dans les rythmes, les spirales et les cinétismes issus du 20ème siècle, leur assurant ainsi la pérennité légitime que leur permet notre 21ème siècle débutant. En cela, il assume le rôle de tout véritable artiste : grâce à sa machine domestique, fille du métier à tisser présent depuis l’Antiquité, il assume de par son talent et sa vaste connaissance, la charge de passeur de cultures dans le sillage séculaire de la création.

Précisons que GILLES WERBROUCK est le co-fondateur de la galerie d’art et d’antiquariat LE 300 en collaboration avec OMAR EL YATTOUTI, LAURA CHEDEVILLE, PAULINE MIKO, HUGUES LOINARD et soutenu par MEWE. Les photos exposées ont été réalisées par MIKO.

François L. Speranza.

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Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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Portrait de l'artiste GILLES WERBROUCK  (photo prise par MIKO)

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                                      QUAND LA CARICATURE SAUVE LE MONDE : L’ART DE MARC VIOULÈS

Du 04-09 au 27-09-20, l’ESPACE ART GALERY (83, Rue de Laeken, 1000 Bruxelles) a eu le plaisir d’exposer l’œuvre du peintre français, Monsieur MARC VIOULÈS, intitulée : TRANCHES DE VIE.   

L’œuvre de MARC VIOULÈS est régie par la ligne directrice de la caricature dans toute la noblesse de sa nature. Cela est dû au fait qu’il y a, parmi tant de choses, l’empreinte de la bande dessinée dans son écriture picturale. Mais il y a également la grandeur d’un Daumier dans sa satyre corrosive. Son œuvre nous offre une critique parfois acerbe mais toujours humoristique de la société contemporaine. Ses failles, ses inconsistances et ses tares sont mises en exergue par une écriture associant forme et couleur pour atteindre son but. Parmi les sujets présents dans cette exposition, c’est avant tout la thématique du couple qui est à l’honneur. Le couple et tout ce qui y gravite autour. Il s’agit manifestement du couple contemporain, campé dans une série de situations particulières. Force est de constater que la composition est toujours associée au titre qui l’accompagne. Nous pourrions carrément dire « qui la sous-tend ».

Suivant la dialectique proposée par titre de l’exposition, la thématique du couple est présentée de façon (socialement) évolutive. Par « socialement », nous entendons un ensemble d’émois et de pulsions, lesquels vont en se répercutant dans leur image sociale. Cela se concrétise par une série de toiles intitulée NOUS DEUX. L’artiste débute son parcours par l’enfance de l’amour, en nous présentant l’image des premiers émois amoureux.

LA MÉLODIE DE L’ACNÉ (81 x 65 cm-huile sur toile)

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Une atmosphère de candeur régit cette mélodie où l’acné n’est que l’indicateur de l’étape humaine du couple : la prime jeunesse. Elle se manifeste à titre picturalement indicatif sur le visage des personnages. La composition est fort intéressante. Tout est régi par le signe (comme d’ailleurs l’ensemble des œuvres exposées). A’ l’avant-plan (à droite), se trouvent les signifiés de la mélodie, à savoir l’électrophone avec le disque qui tourne. Au centre, sont indiqués à la fois la couverture extérieure du disque avec sur le haut à droite, le logo en forme de « V » renversé que l’on retrouve sur le disque ainsi que l’illustration montrant un groupe de sept personnages tournés vers la mer, desquels se déploie tout en longueur leur ombre.

Un détail significatif exprimant le parcours du temps se manifeste dans la deuxième couverture, intérieure celle-là, posée à côté de l’enveloppe extérieure.

En effet, dans un passé assez lointain, les disques étaient emballés dans deux couvertures (une extérieure, l’autre intérieure). Le plan moyen de l’image nous montre le couple tendrement enlacé. L’arrière-plan est constitué du papier peint ornant la chambre. Les figures à l’avant plan sont « en lévitation » dans l’espace, en ce sens qu’elles semblent flotter. Cela est dû à la position allongée du couple, bercée à l’intérieur d’un espace ondulant qui les recueille dans une forme de chrysalide chromatique. Ce qui confère la matérialité essentielle à l’électrophone, c’est précisément le disque qui tourne sur lui-même. Il est figuré en plan, dominant l’appareil campé de trois-quarts, reposant sur une table. Les couvertures sur le lit sont également conçues en plan. Celle extérieure s’affirme bien droite tandis que la couverture intérieure traduit l’enflure d’un pli du fait qu’elle repose sur le bord du lit. Le plan moyen montrant le couple est un exemple de raccourcis créant le rythme. Du couple, le premier personnage émergeant au regard est le garçon, campé dans son entièreté physique. A’ partir de ce premier personnage, naît la jeune fille dont nous ne percevons que le visage, posé sur le bras du jeune homme. Elle n’apparaît que par « à-coups », en ce sens que tout ce qui se révèle de son corps ce sont ses jambes et ses bras. L’arrière-plan enveloppe l’ensemble engendrant une consistance chromatique. Le chromatisme tient, comme dans toute l’œuvre de l’artiste, un rôle primordial. Les couleurs tendent vers l’harmonie : le bleu (en dégradés), le vert du papier peint et le blanc immaculé de la couverture intérieure du 45 tours se conjuguent et se répondent sans le moindre antagonisme. Tout contribue à l’existence de la mélodie amoureuse. Il y a, néanmoins, un élément troublant : nous avons évoqué la présence de l’électrophone, du vinyle ainsi que des couvertures pour disques. Ce qui tant dans l’imaginaire comme dans le vécu (probable) du visiteur évoquent des images du passé. Déjà, le fait d’avoir utilisé le mot « électrophone » participe du passé. Par conséquent, il nous faut imaginer que la prime jeunesse de ce couple date déjà de plusieurs années. Quelle est alors la surprise de constater que le pantalon du jeune homme est coupé au rasoir sur plusieurs endroits, comme ceux des jeunes d’aujourd’hui! L’artiste a voulu mettre en scène une nostalgie qui ne l’est déjà plus, en ce sens qu’il s’est plu à illustrer la renaissance d’une technologie laquelle semblait moribonde, sinon morte, celle du vinyle.

En cela, par le choc sémantique créé par la présence du jeune aux pantalons striés au rasoir et du 45 tours d’antan, il a voulu peindre une jeunesse « intemporelle ».

Pour la petite histoire, il s’est plu à représenter sur la couverture un groupe de  rock français nommé « Archive » dont l’enregistrement proposé par le vinyle est sorti vers 2010.

Interrogé à ce sujet, il parle d’un « éternel recommencement », en se demandant si, somme toute, l’Homme ne serait pas un être ontologiquement nostalgique. Néanmoins, indépendamment de tout questionnement, l’idée d’un départ dans la vie sociale coïncidant avec l’élément pulsionnel amoureux et formateur sont indiscutablement présents.  

Procédant dans leur parcours à la fois intime et social, le couple accède à la procréation.

UN LÉGER COUP DE BARRE (146 x 114 cm-huile sur toile)

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Cette toile nous démontre la maestria de l’artiste en tant que cadreur de toute première force. La forme, morcelée en plusieurs éléments, s’inscrit pleinement dans les dimensions du cadre. Un cubisme, autant personnel que discret, structure la toile. A’ l’avant-plan, se distinguent, en premier lieu les pantoufles des personnages. Celles de l’homme oscillent entre deux variations sur le bleu, alternant sur des stries d’intensité chromatique différentes. La position du personnage masculin, affalé sur le divan permet aux jambes de se plier pour rejoindre, derechef, les pantoufles par le biais de l’utilisation du trait de couleur rouge, démarquant les zones et précisant également le volume du rendu physique de l’homme. Le repli des jambes ainsi que des bras (désarticulés par l’intensité de l’effort), accélèrent ce cubisme discret. Remarquons que l’artiste utilise une technique picturale remontant à l’Antiquité classique que l’on nomme « le rabattement interne », consistant à ramener les éléments vers l’intérieur de la toile pour augmenter le côté à la fois « rationnel » mais « fouillé » de la mise en scène spatiale. Participant de ce même jeu cubiste, la chemise du personnage, réalisée en un damier blanc et bleu, accentue la tension rythmique dans la dynamique de l’ensemble. Par sa posture, le personnage féminin contribue à ce même discours rythmique.

Son bras droit (gauche par rapport au visiteur), posé sur l’épaule de son compagnon, crée par un balancement des bras, une diagonale qu’appuie la direction prise par son visage, tourné vers la droite (la gauche par rapport au visiteur).

Autre manifestation au cubisme discret, le divan, « ramassant » le couple est conçu en une série de huit segments, chacun d’entre eux étant séparé par un trait rouge, celui-là même servant à structurer la silhouette de l’homme, à l’intérieur de sa forme. La dernière manifestation de ce cubisme discret, nous est apportée par la décoration du papier peint, constituée d’un décor imaginaire rappelant le motif floral. L’expression du couple, unique tant pour l’homme que pour la femme, traduit l’immense l’effort physique et moral par l’impact métaphorique d’une énorme fatigue sociale. Les yeux sont fermés. La bouche est ouverte. Les traits du visage obéissent dans leurs traitement au reste de la composition : ils sont délimités par le même trait de couleur rouge, évoqué plus haut, accentuant le relief à l’origine du volume. La femme montre sa maternité par la présence de son sein sorti du corsage. En réalité, son sein est le seul élément plastique indiquant qu’elle possède un corps : celui de la maternité. Partant de son visage pour se poursuivre avec son cou, le sein duquel s’échappe une goutte de lait, termine cette suite composée de trois signes charnels, mettant en exergue trois parties identifiables de son être féminin et social. Le jeu des mains, unissant les personnages, est également fort intéressant. Par leur relâchement, elles accentuent la mollesse des corps. Remarquons la main gauche (droite par rapport au visiteur) du personnage masculin tenant d’un doigt la tétine de l’enfant. Comme pour l’homme, les jambes de la femme, repliées sur elle-même, accentuent l’élément cubiste mentionné plus haut. Insistons sur le fait qu’à l’intérieur de la géométrie structurant les jambes des personnages, se profilent une série de stries évoquant les reliefs créés par les plis des étoffes. Ces stries sont blanches pour mettre en relief le pantalon bleu de l’homme et bleu-foncé pour souligner les plis du vêtement vert de la femme. Le seul personnage « vivant » du groupe est l’enfant qui l’air espiègle, fixe le visiteur. Notons que même si cette scène est régie par une forte charge humoristique et caricaturale, cette situation se retrouve dans l’histoire de la peinture depuis le 2ème siècle jusqu’à la Renaissance, dans la représentation de l’Enfant Jésus assis sur les genoux de la Vierge allaitant. On la nomme d’ailleurs « La Vierge du lait ». Bien que l’enfant ici représenté ne soit pas en train de téter comme on le voit dans les sujets sacrés, une goutte de lait transparait du sein nu de la femme. Cette goutte de lait sanctionne l’image de la maternité dans son statut social. Il arrive souvent que dans l’art religieux, l’enfant interpelle le visiteur en le fixant du regard. C’est le cas en ce qui concerne l’œuvre de l’artiste.

La pantoufle retournée, à l’avant-plan, contribue à souligner cette atmosphère de chienlit. La couleur dominante est assurément le bleu. Celui-ci alterne de façon harmonieuse avec le rouge, à la fois clair et foncé ainsi qu’avec le vert du vêtement de la femme. De même qu’il épouse le jaune tendre de l’abat-jour, duquel émane une lumière douce et claire ainsi qu’avec le blanc ressortant de la chemise à carreaux du personnage masculin.  

Si LA MÉLODIE DE L’ACNÉ ainsi que UN LÉGER COUP DE BARRE (évoqués plus haut) faisant partie de la série NOUS DEUX traduisent les débuts de l’existence du couple (le premier amour et la constitution de la famille), la série LE SEXE, annonce avec LA BROUETTE THAÏLANDAISE l’embourgeoisement affirmé du couple dans tout ce qu’il y a de plus délicieusement pervers.   

LA BROUETTE THAÏLANDAISE (81 x 65 cm-huile sur toile)

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Le regard acerbe que l’artiste lance à cette phase traversée par le couple, met en exergue à la fois le côté « voyeuriste » de ce dernier mais également la peur existentielle vis-à-vis de sa défaillance croissante par rapport à sa propre libido, que l’on peut ressentir (malgré la charge caricaturale) comme l’antichambre de la mort. Trois éléments de perspective structurent la toile : le lit occupant l’ensemble de l’espace, à l’avant-plan, avec le couple qui y est comme « prisonnier » tenant le « Kamasutra » grand ouvert, occupant le plan moyen. Le couple, enveloppé à l’intérieur d’un grand coussin, regarde les illustrations érotiques di livre. L’attitude des personnages ne se prête à aucune équivoque : ils sont médusés par ce qu’ils voient. Nous pouvons même nous risquer à dire « apeurés » par ce qu’ils découvrent. Observez l’attitude de la femme qui « s’agrippe » à son mari. Est-ce la peur? Est-ce le désir? Force est de constater que Freud avait raison : peur et désir se conjuguent. Et ils se conjuguent dans le cadre rassurant d’un univers bourgeois qui étouffe doucement ses propres angoisses. C’est à ce stade qu’intervient le rôle du chromatisme. L’œuvre se structure principalement sur deux couleurs : le vert (en dégradés) et le jaune. C'est-à-dire des couleurs tendres. Le vert de la couverture et du baldaquin répondent au jaune du coussin et des abat-jours. Seul le blanc du drap tranche avec l’ensemble.

On devine les jambes des personnages qui le soulèvent, créant ainsi le volume. L’arrière-plan, toujours constitué de papier peint, nous propose des motifs géométriques, contribuant à structurer l’ensemble à l’intérieur d’un cadre se voulant « rationnel » mais qui déjà, par la situation même, trahit ses propres angoisses. La couleur rouge bordeaux du Kamasutra, le nu féminin au centre de la couverture du livre, appuie le côté « agité » du drap se soulevant frénétiquement. Les deux abat-jours, chacun dans une extrémité par rapport à l’autre, terminent la composition. Tous deux exhalent une lumière se mariant à celle du coussin.

LES PREMIERS SIGNES (81 x 65 cm-huile sur toile)

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Au contact premier avec cette œuvre, l’on pourrait croire qu’il n’y a que deux personnages : l’homme et la femme. En fait, ils sont trois, en comptant le miroir.

C’est ce dernier qui les révèle au visiteur. Car ceux-ci, même s’ils sont supposés se trouver devant le miroir, sont « enfermés » à l’intérieur de leur propre reflet. Le couple peut être le reflet du visiteur qui constate l’évocation des signes du temps sur son propre visage. Comme toujours, avec l’artiste, une série de signes nous conduisent vers l’essentiel : à l’avant-plan, le lavabo (schématisé), viennent ensuite la tablette avec dessus les produits de beauté. Arrivé à l’arrière-plan, celui-ci nous conduit vers le nœud du discours, à savoir le temps qui passe. En haut du miroir, une paire de luminaires exhalent une lumière vive qui nous illumine. Car, au-delà de l’évolution du couple en tant que tel, le discours de l’artiste devient universel, en ce sens qu’il parle au visiteur. Le personnage du miroir, tout torsadé, appartient à l’univers du conte de fée : « Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est la plus belle! » Dès lors, il est intéressant d’observer la gestuelle des personnages : la femme s’aperçoit de la présence d’un cheveu blanc (est-ce le premier?). L’homme, lui, constate ses premières rides. A’ l’instar de LA BROUETTE THAÏLANDAISE (cité plus haut), la composition se termine dans ses extrémités par deux éléments, à savoir le porte dentifrice (à gauche) et un globe en verre (à droite).

L’artiste s’exprime également dans les petits formats.

LES BONS SOUVENIRS (55 x 44 cm-huile sur toile)

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Le couple, apaisé, parcoure l’album des photos comme l’on arpente sa vie. La femme pose son doigt sur une photo. L’homme a l’attitude du rêveur, disons du « rêveur pensif ».

Une fois encore, ils sont enserrés à l’intérieur d’un élément matériel qui les unit, à savoir le divan. L’arrière-plan est constitué d’une cheminée, sur laquelle reposent un miroir accompagné d’une pendule, au centre.

Une pile de vieux livres sur la droite ainsi que la statuette d’un singe sur la gauche. L’avant-plan est structuré à la fois par l’album des photos et un gsm, sur la gauche et d’un porte-monnaie, sur la droite. Le gsm se trouve du côté de la femme.

Le porte-monnaie se trouve du côté du mari. Il y a là, comme une antinomie résistante par rapport au temps qui passe. L’image du vieux couple ayant traversé les décennies que l’on imaginerait tranquillement assis au coin du feu, vestige d’une image d’Epinal, altérée par la présence du gsm, soulignant la modernité au diapason du siècle. Notons que l’engin se trouve devant la femme…le mari se contentant de compter sa mitraille! Les couleurs sont essentiellement vives (rouge et bleu, en dégradés), traduisant la joie de vivre.

La chaise esquissée sur la gauche est conçue dans la tonalité verte (en dégradés). L’abat-jour terminant la composition est réalisé en jaune vif.

Nous avons évoqué plus haut la satyre corrosive digne d’un Daumier. Cela se ressent dans la réalisation des GRANDES DÉCISIONS (130 x 97 cm-huile sur toile).

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Réalisée en pleine époque du premier confinement dû au Covid-19, cette œuvre à forte dominante bleu, nous montre un groupe de onze fonctionnaires de l’Etat entourant le « décideur » chargé de prendre La décision irrévocable de tuer le virus (sur la gauche et à l’avant-plan). D’emblée, l’on observe que, contrairement à ce que pourrait évoquer en nous le titre, ces « grandes décisions » ne se prennent pas collectivement mais bien par une seule personne : le personnage à l’avant-plan. On le remarque avant tout par le fait que lui seul jouit du « privilège » d’avoir les chairs du visage mises en valeur, voire « personnalisées » par la lumière. Son attitude pensive, signe de réflexion aigüe, appuie l’action décisionnelle à venir…si jamais elle viendra! En outre, les onze personnages l’entourant ne sont que des comparses n’ayant pas droit au chapitre, renforçant ainsi une ambiance d’emblée théâtrale, à cheval entre Daumier et Courteline. En réalité, les visages des comparses sont, à y regarder de près, privés d’humanité. Ce sont, en fait, des masques au teint cadavérique à l’instar de la totalité de la scène à l’atmosphère macabre.

Le seul personnage « humain » n’est autre que le décideur car son visage, bien que caricaturé, exprime le poids de la décision à prendre. Une atmosphère à la fois bleue et nocturne inonde l’espace, mettant en relief chacun des personnages. Cette œuvre est carrément une parabole adressée à notre société.  

Les constantes régissant l’œuvre de l’artiste se retrouvent essentiellement dans un jeu de mains de type expressionniste ainsi que dans des visages caricaturés à l’extrême, lesquels aboutissent au bout de l’expression dictée par la situation ou le sentiment.

L’œuvre est surtout régie par un dialogue « ubuesque » dans la scansion narrative des couleurs, au service de la trame picturale. Le visiteur remarquera que l’artiste a toujours éprouvé un immense attrait pour la bande dessinée. Le dessin qu’il a pratiqué très jeune a été le moteur de la vocation d’artiste. Sa formation est académique.

Dès l’âge de dix-sept ans, il a fréquenté les Beaux Arts de Lorient, sa ville natale, où il s’est formé en architecture, perfectionnant ainsi ses recherches sur la perspective. Une fois obtenu son diplôme en architecture et en décoration à l’âge de vingt ans, il a axé ses recherches vers l’aquarelle pour se diriger ensuite vers la technique à l’huile au début des années ’90. Breton d’origine et de culture, il s’est dans un premier temps dirigé vers les « marines » et les paysages champêtres avant de trouver sa propre écriture. De très grands noms de la bande dessinée et de l’animation ont influencé l’artiste, tels que Hergé et Walt Disney. Dans un autre registre, Van Gogh et Buffet ont eu sur lui une grande influence. Cela se constate dans l’importance constante qu’il accorde aux couleurs. Celles-ci témoignent des phases tant humoristiques que désopilantes dans le déploiement d’un chromatisme vif, souvent à outrance. Elles assument une saveur létale lorsqu’il faut aborder des thèmes tels que le Covid-19, à l’instar des GRANDES DÉCISIONS (mentionné plus haut). Concernant la caricature, Honoré Daumier joue incontestablement le rôle de mentor. La problématique du couple, pris en tant que baromètre social, est le thème de prédilection qu’il décline dans toutes ses phases. L’artiste se considère « fâché avec la société ». Qui ne le serait pas ? Et c’est à ce moment-là qu’intervient l’humour, souvent corrosif, lequel se déclenche par la recherche du titre.

En effet, il ne vous aura pas échappé qu’il est en adéquation totale avec le sujet. En réalité, l’artiste attaque la toile par le titre en tant qu’idée de départ mais comme dans toute création qui se respecte, cette idée de départ peut par la suite, déboucher sur autre chose. Il est décidé à poursuivre cet itinéraire tant qu’il aura des choses à exprimer, en se concentrant sur la conception des personnages dans l’expression faciale, laquelle se voudra de plus en plus minimaliste dans le but d’arriver à l’essentiel. Bien que cette exposition présente à la fois des grands et des petits formats, l’artiste se sent décidément à l’aise avec les grandes surfaces, lesquelles lui permettent de s’exprimer davantage.

MARC VIOULÈS, par sa verve picturale, met le doigt sur ce qui forge notre société. Certains de ses aspects sont hilarants, d’autres sont moins glorieux et certains d’entre eux sont même tragiques. Son extraordinaire talent de peintre devient « prophétique », en ce sens que par le miroir qu’il nous tend, il souligne sans pour autant les juger, nos propres failles.

François L. Speranza.

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Collection "Belles signatures" © 2020 Robert Paul

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