La lune sur la plaine étendait ses longs voiles
A chaque onde qu'imprime une ornière au chemin
Se coulait l'ombre douce Un très léger venin
S'accroupissait dans les buissons et dans leurs moëlles
Faisait couler de lents poisons sans lendemains
En longs sourcils branlaient les aqueducs romains
Claire traînée de nacre au milieu des étoiles
Les rives s'affaissaient en lents coteaux très pâles
Un fleuve bien trop calme agonisait obscur
Une source apaisait ses lévriers d'azur
De grands saules pleuraient La nuit était fatale
Les branches des grands arbres écoutaient le ciel pur
En son silence épais En brefs claquements durs
Craquaient les griffes des profondeurs végétales
L'été venait mourir au seuil noir de l'automne
De hauts châteaux rêvaient sur leurs pics rocailleux
En stalagmites froids les donjons bisaïeux
Laissaient couler l'or blanc de leurs tuiles atones
Les feuilles lentement allaient au fil des cieux
Moi noyé dans l'or blanc je plongeais mes deux yeux
Dans tes deux yeux de braise où le ciel s'abandonne
Qu'il faisait bon rêver tous les deux sur la mousse
Ma chair contre ta chair bercés par l'infini
Sous la voûte des branches enduites d'un vernis
De fils de lune blanche Ah! ta douce frimousse
L'été pouvait mourir tes yeux avaient uni
Cette nuit pour moi seul la chaleur des midis
L'or des épis et la fraîcheur des jeunes pousses
T'en souvient-il ô toi de ces étreintes lentes
Qui alors écrasaient nos corps blonds tout en feu
Sur un brasier d'amour? T'en souvient-il ce voeu
Que tu balbutias aux étoiles filantes
C'était ce temps où deux rimait avec heureux
Et comme pour bénir nos baisers d'amoureux
Vint se poser sur nous une feuille tremblante
L'aqueduc écroulé dans la vallée verte
Me parle encor de toi et quand siffle le vent
Je pense à l'or soyeux de tes cheveux mouvants
Hélas tu n'es plus là et les pentes désertes
Ont beau dire ton nom aux oiseaux du levant
Jamais je n'entendrai ta voix dorénavant
Tant que je chercherai encor ta découverte
(inédit)