Reviendront-ils un jour les Temps de la Merveille
Où, cieux empanachés sur champ d'or et d'azur
Les hommes étaient grands et belles les querelles ?
Lors, la poésie engendrait l'architecture.
Reviendront-ils un jour les monstres et les fées
- divine musique et carrousels d'enfants-rois
Fête des fous et masques et porteurs d'épée
Fêtes-Dieu, folie, sagesse et cheval de Troie ?
Le temps en ces temps-là n'était pas si compté
En ces temps où le temps était couleur de l'air
Couleur du ciel - y a-t-il si longtemps ? - Amer
Comput qui dérobes à l'homme ce qu'il a été !
Je parle ici de notre siècle, de notre âge
de notre temps, de ces années qui naufragent
Méthodiquement les trèsors du vaste coeur
Les eaux, les bois, nos chasses et nos belles peurs
C'était le temps du temps qui tourne en rond, ailleurs
En nos places pavées traversées de jongleurs
Cirque divin, quadrant solaire où convergeaient
Une cohue vivante d'arcanes majeurs
Les lames transversales d'un Tarot français
Et le peuple était magicien, prêtre ou danseur.
Reparaîtront-ils point quelque jour en ces bois
En nos lacs, en nos landes, en nos pauvres lieux
Ces poètes divins, la langue de nos rois ?
Oh servir encore le savoir gai et précieux !
"Doulce mémoire en plaisir consommée
Ô siècle heureux qui causait tel sçavoir
La fermeté de nous deux tant aymée
Qui à nos maulx a sceu si bien pourvoir
Or maintenant a perdu son pouvoir
Rompant le but de ma soeure espérance
Servant d'exemple à tous piteux à voir
Fini le bien le mal soudain commence."
Douce mémoire en plaisir consommée
Ô siècle heureux qui causait tel savoir ...
Serviteurs de l'Epée, du Trône de la Gloire
Puis dans le même temps porte-enseignes du chant constellé
De par votre couronne vous teniez ouverts
Le Temps et l'Etendue, princes du Sagittaire
Ô l'heureux siècle mû par des rois troubadours
Couronne dévolue sur le ring de l'Histoire
Initiant l'homme assis sous le porche oratoire
Et par où passait la brise bleutée des jours.
Douloureuse mémoire, ô douce et vénérée
Hôtesse enluminée des princes architectes
Le Temps et l'Etendue consonnaient sous le plectre :
L'ordre est inconcevable et le pouvoir donné.
Vienne la résurgence, vienne le glaive ardent
Et le fil de l'épée en l'iris coronal
Oser !
Entrer dans le secret, grâce de solitude
Se laisser dénuder et traverser le mal
Cesser de croire aux mythes de la multitude
Errant et maquisard reconverti poête
Mais poête du large, tantôt pauvre et prophète
Tantôt clochard et roi
Entendre cette voix
Cassée, brisée, perdue
Folle mais rendue peut-être
Comme légère et sombre par la douleur et la vraie joie.
Reviendront-ils un jour les Temps de la Merveille
Et de la joie profonde ? Il est tard, je sens bien
Que nous l'avons perdu le mot du monde ancien
Les portes en sont closes. Le temps des assassins
Est sur nous. Aveuglés nous sommes leurs pareils !
Ils sont les accroupis de la lourde catin
Et la face noyée aux aisselles des foules
Ils béquillent aux trousses de l'épaisse houle
Qui aimante le peuple en cinglant ses instincts.
Et pourtant qu'est-ce du souvenit et de réminiscence
Le pressant espoir
Qu'est-ce de n'avoit goût à poursuivre qu'en faisant mémoire
Racines de l'enfance
Pourquoi transmettez-vous cette clarté vermeille
Reviendront-ils un jour les Temps de la Merveille ?