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Publications de Rodrigue Vanhoutte (4)

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Une pensée pour la main de Géricault.

Janvier 1824, Paris.

Depuis plus d'un an, Théodore Géricault, le Peintre du Radeau de la Méduse, est alité.

Il n'en fini plus de mourir, d'un cancer des os provoqué par une chute de cheval.

Il a 33 ans, en paraît 70. Ne pouvant plus bouger, il dessine sa main. Son dernier dessin.

A un ami qui lui demande ce qu'il fabrique, il répond juste : "Je m'utilise".

Cette main, c'est tellement plus qu'un simple dessin...c'est un adieu, un morceau d'âme, un appel à l'aide...

Et c'est tout pour aujourd'hui.

Théodore Géricault (1791-1824)
Main.
Aquarelle/papier.
1824.

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Nous sommes en 1539...


Michel-Ange travaille sur sa titanesque fresque du Jugement Dernier.
200 nus gigantesques tordus ds ttes les positions possibles.

Il a 6O ans, et l'oeuvre, commandée par Clément VII en 1534 afin de conjurer le sentiment de terreur rôdant à l'époque (le sac de Rome a eu lieu en 1527, l'époque est pour le moins trouble et troublée), semble totalement irréalisable, même pour le grand Buonarroti.
Clément meurt en 34, c'est Paul III qui prend la relève.

Nous sommes donc en 1539, et Michel-Ange travaille sur sa titanesque fresque du Jugement Dernier...


Arrivent le Pape et ses Cardinaux, juger de l'état d'avancement de l'oeuvre.

Bagio de Cesena, premier conseiller du pontife, et genre à pisser de l'acide, est outré ; il déclare qu'une telle ribambelle de "parties honteuses" est plus à sa place dans une taverne ou une maison de plaisirs que dans la Chapelle du Pape, qu'il faut détruire cette horreur et durement châtier l'Artiste.

Michel-Ange serre les dents, impossible de répondre. Les choses en restent là...

Quelques semaines plus tard, le Pape et ses conseillers reviennent.
Et là...consternation !!
Par vengeance, Michel-Ange a osé peindre Bagio de Cesena, en Minos l'esclave de l'enfer, affublé d'oreilles d'âne, un serpent lui bouffant les testicules...(je rappelle aux étourdis que ça, normalement, c'était le bûcher direct. Avec des clous sous les ongles pour faire bonne figure)...Cesena, au bord de l'apoplexie, hurle auprès du Pape de faire quelque chose contre cette infâmie !!!

Moment de silence qu'on imagine très tendu...

Et le Pape, un petit sourire, de répondre : "Mon pauvre ami, je ne peux hélas rien faire ! Si encore Michel-Ange vous eut placé au Purgatoire, j'aurais pu intercéder en votre faveur auprès du Ciel ! Mais en Enfer, ni moi ni personne n'avons aucun pouvoir...".

Moralité : toujours faire attention lorsqu'on emmerde un Artiste de génie et un Pape malin. Au risque d'y gagner une postérité, certes, mais un peu louche ^^


Michel-Ange Buonarotti (1475-1564)
Le Jugement Dernier, détail de l'Enfer, portrait de Bagio de Cesena en Minos.
Fresque.
Entre 1534 et 1541.

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Turner et la Belgique...

Il y a tout de même un curieux atavisme typiquement belge, qui consiste à ignorer tout ce qui pourrait participer à la grandeur culturelle du Pays...

Qui, en Belgique, se souvient que les Van Beethoven sont belges ? (Les Van Beethoven sont originaires de Louvain, et le grand-père Beethoven travaillait comme maître de chapelle à la Cathédrale de Liège...VAN, et non VON Beethoven...)
Qui sait que le premier chef-d'oeuvre de Rodin est un portrait du-dit Beethoven, placé sur la façade du Conservatoire ?
Qui fait encore l'effort de se souvenir que la Peinture à l'Huile a été "inventée" par Van Eyck, qui n'était pas vraiment autre chose qu'un Belge ?

Et Turner...

C'était un voyageur infatigable, le Turner, c'est un fait bien connu.

A une époque où les guerres et luttes imbéciles d'imbéciles au pouvoir n'étaient pas pires qu'aujourd'hui, rendant la circulation des gens bien difficile, il était de ceux qui n'hésitaient pas à partir quand-même.


Plusieurs fois dans sa vie, il s'est lancé dans ce qui, à l'époque, représentaient de véritables expéditions ; des voyages de plusieurs mois...traverser des cols devenus aujourd'hui inimaginables et impraticables, des pays ravagés par la guerre, les famines ; traverser des océans en se faisant attacher au mât afin de vivre la tempête de près (même les marins de métier ont eu peur, à l'époque, en le regardant faire...).
A pied, à cheval, en diligence (accidentée en pleine nuit et en plein blizzard dans les Alpes. Il en a fait une toile, bien sûr !), et, son méga-kiff, en bateau.

Les pinceaux et ses carnets dans la poche, et vogue !

Il a parcouru l'Europe dans tous les sens, créant un corpus de plusieurs milliers de croquis et d'aquarelles.
Il a traversé la France, au moment où la France n'arrivait pas à se remettre de ses révolutions et guerres diverses...
L'Allemagne, à l'époque de Beethoven et de Goethe...
L'Italie, la Suisse, l'Autriche, Turner à voyagé partout à une époque où voyager était difficile et dangereux.

Et toujours, pour peindre et dessiner.

Et puis dans les années 1830-40, il va remonter en bateau la Seine et...la Meuse.

Turner traverse la Belgique.

En Belgique, il dessine tout, et ce qu'il ne dessine pas, il le peint : Liège, qu'il trouve intimidante, Waterloo bien entendu (c'était il y a pas longtemps, à l'époque, le signal était encore extrêmement fort), et...Dinant, dont il tombe littéralement amoureux, comparant la région au Paradis avant la Faute...

A Dinant, Turner va réaliser un enemble d'aquarelles parmi les plus extraordinnaires de son oeuvre : les lumières mouillées de pluie, la sensation de grandeur presque divine des rochers fameux...

Quand on regarde ce genre de merveille aquarellée, on se dit qu'effectivement, Turner à aimé la Belgique...

Mais j'en reviens à ma phrase d'intoduction : ce curieux phénomène qui pousse la Belgique à systématiquement ignorer ce dont elle pourraît s'enorgueillir...sans vouloir tomber dans l'exécrable exemple français à ce niveau, je dirais qu'il y a tout de même un minimum...

Enfin bref ; un jour, Turner s'est promené à Dinant.
..

William Turner (1775-1851)
Dinant sur Meuse.
Aquarelle/papier
Vers 1839.

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"Nous construisons un monde nouveau"...

Aaah Paul Nash...Paul Nash, quoi.


C'était un enfant malheureux et solitaire, Nash ; sa mère était gravement malade psychologiquement, avec des accès de violence terrible, la maison était un caveau.
Le petit Nash prend l'habitude de fuir se réfugier dans la forêt. A l'âge de 11 ans il a une révélation : la Nature est vivante. Elle est dotée d'une pensée propre. Elle nous observe, nous les pauvres humains. Elle vit à son rythme, et si nous ne voyons pas les pierres se déplacer, c'est parce que nous sommes, nous les hommes, devenus artificiels.
Il décide de consacrer sa vie à Peindre le "Génie de la Nature".
Ado, il fuit l'Académie. Rester enfermé des heures à dessiner des modèles, très peu pour lui. Du reste, peindre l'être humain ne l'intéresse absolument pas.

Il se lance dans une oeuvre magnifique, dans ses dessins et ses toiles la Nature semble nous parler, nous révéler des choses indicibles.
Et l'AIR. L'air dans ces toiles...je ne connais pas d'autre Peintre ayant réussi à peindre la sensation de l'air, du pouvoir de respirer.
Il fallait un asthmatique pour peindre comme ça (il en mourra, de son asthme).
Et cette palette, unique...

Et puis un jour...
Un jour c'est 1914, il a 23 ans, et il se retrouve dans les tranchées...
Il ne comprend pas, Nash.
Il n'arrive pas à prendre la guerre au sérieux. Il voit ça comme un immense jeu débile, il voit avec les yeux de la Nature, il ne voit que des fourmis occupées à s'entre-dévorer, et pour quoi ?
Alors qu'il est occupé à dessiner hors de sa tranchée (Nash...), il glisse sur la boue, tombe, et se brise plusieurs côtes.
Quelques jours plus tard, pendant qu'il est à l'hôpital, c'est la triste bataille de Pasendaele qui commence. La plus meurtrière de la guerre. Un carnage sans nom. Une vision d'apolcalypse.
Plus de 200.000 morts en une poignées de journées infernales.
Toute sa compagnie est décimée.
Tous ses amis sont massacrés.

Nash s'en veut, il a honte d'avoir survécu.
Il se met à être obsédé par une chose : devenir Peintre de guerre. Il sollicite l'armée qui refuse (soyons sérieux, Messieurs. La Peinture de guerre, c'est la représentation de batailles, de hauts faits, de blessés, de héros ! Qu'est-ce qu'il veut, le paysagiste, là ?!).
A force d'écrire partout, il arrive à fatiguer les gradés.
"Ok, Nash, va donc peindre la guerre, fais-nous rire"...

Et Paul Nash va réaliser ce qui est, à mon sens, une des deux plus incroyables séries de peintures de guerre du 20e siècle.
Il va prendre la guerre "à rebours".
Pas de corps ensanglantés, pas d'actes "héroiques" à la con.
Non.
La guerre vue...par la Nature.
Le regard d'un homme qui n'en a rien à foutre, lui, des bonnes mauvaises raisons que l'humain se trouve pour avoir juste le curieux plaisir de détruire.

Et, en 1918, il peint le chef-d'oeuvre de la série.
Le sol comme un corps labouré de cicatrices, les organes sans dessus-dessous...les arbres pétrifiés, calcinés, comme des mains lancées vers le ciel...et ce soleil, blanc, froid, qui ne réchauffe plus rien.

Et Nash, que ses amis décrivent comme "incapable d'une action cynique", Nash le rêveur, Nash donne un titre terrible à son tableau.

"We Are Making a New World".

Aaah Paul Nash...Paul Nash, quoi...

Paul Nash (1889-1946)
"We are making a new world"
Huile/toile
1918.

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