CHRISTIAN BOBIN
La présence pure
"Qu'est-ce qui distingue les anges de nous?
Leur très grand naturel."
"Qui danse jusqu'à l'aube?
L'étoile."
"Qui essuie la lumière avec un chiffon sale?
La folie."
"Qui ne vient chez nous qu'en notre absence?
L'amour."
" Qui mange dans notre main?
L'espoir. "
"Qui a la fièvre sans jamais être malade?
Le temps."
"A quoi reconnait-on la parole juste?
A son silence."
"Nous sommes ici et notre dieu est là-bas. Chacun espérant que l'autre fera le chemin et personne ne bougeant. Nous regardons notre dieu, il nous regarde, chacun mesurant l'abîme qui le sépare de l'autre - un abîme si léger qu'un enfant le franchit à pieds joints."
"Chez nous pas de Bien, pas de Mal.
Le Bien c'est un tabouret que vous glissez sous vos pieds, pour vous élever.
Le Mal c'est une hanche que vous serrez entre vos mains, pour séparer, pour simplifier en séparant.
Chez nous pas de tabouret ni de hanche : vitesse seulement, lenteur seulement."
Un assassin blanc comme neige -
"Lire, c'est ajouter au livre, découvrir, en s'y penchant, son propre visage dans la fontaine de papier blanc."
"Tous les airs se démodent - pas les chants d'oiseaux."
L'Eloignement du monde -
"L'artiste a affaire avec l'invisible de la beauté.
Le saint a affaire avec l'invisible de la grâce.
Mais, en regard du travail des mères, artistes et saints ne sont que dilettantes : rien de plus essentiel que de servir cette petite enfance sur laquelle repose l'architecture de tous les mondes invisibles."
"L'amour nous fait toucher au cœur perdu du monde avec infiniment d'égards et de délicatesses, comme dans un rêve on voit une porte qui s'ouvre devant nous sous notre seule intention de l'ouvrir, avant que nous ayons posé la main sur la poignée."
« J'ai trouvé, mon amour, le nom le plus secret et le plus clair pour dire ce qu'est ta vie dedans ma vie : l'air.
Tu es l'air qui ne me fait jamais défaut, cet air si nécessaire à la pensée et au rire,
cet air qui rafraîchit mon cœur et fait de ma solitude une place battue par tous les vents."
Le Colporteur -
"Les rêveurs de grands chemins, les solitaires dont le visage est une flamme, ils marchent lentement dans le soir qui descend. Leur corps est déboîté du côté de l'âme, leurs bras sont grands ouverts et le vent les devance, faisant s'incliner les blés en livrée de fête : accueil à ce qui va.
Ils ne se nourrissent de rien, sinon de miettes hasardeuses, tombées du ciel d'un livre, de semis de lumière, oubliés dans l'épaisseur de l'encre : de quoi réjouir les cigales et charmer le silence."
"L'amour frappe ses hôtes de stupeur, lorsque pour eux il fragmente les sources et partage les lumières.
Ceux qui, de lui, pourraient dire quelque chose sont atteints de silence.
Pour louer l'aube première, ils lui confient les nervures de leur main, celle qui écrit : qu'elle lui soit soumise, comme le feuillage au vent qui l'enchante.
Que la blancheur de la page soit celle de la table à laquelle tu seras, un jour, convié."
La dame blanche -
"Il faut que tout respire et chante en nous, même le néant."
"Le paradis est l'endroit où nous n'avons plus besoin d'être rassurés."
La lumière du monde –
"Voir un vrai visage, c'est voir quelqu'un qui a vu quelque chose de plus grand que lui.
C'est rare aujourd'hui, parce qu'on est dans des temps de basses eaux où il paraît curieux de reconnaître quelque chose de plus grand que soi."