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Publications de Plasschaert Daniel (21)

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LE PROJET DES DOCUMENTS EN LANGUES INCONNUES RETROUVES AU FOND D'ANCIENS TOMBEAUX.

Pour ceux que ça intéresserait, je propose à qui le désire de traduire un des textes qui suivent. Je les ai rédigés dans une langue qui n'existe pas. Moi même je ne sais pas ce qu'ils pourraient vouloir dire. Je demande de les traduire imaginativement, pour voir le résultat. Et peut-être les publier ensuite. Ce sont donc des textes retrouvés au fond d'anciennes tombes.

Voici les textes :

http://www.danofsky.be/2017/12/18/le-projet-de-traduction-de-textes-anciens/

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Je recherche une vie 
où je pourrais penser paisiblement
à la lueur de la chandelle. 
Toute lueur a son ange.
Ce qui est éteint ne peut plus mourir.
Le temps où toute chose était sacrée
n’est pas révolu.
Le temps où chaque geste était un sacrement nous parle encore dans l’encre des images peintes.
Il m’arrive de m’attarder au seuil de ces lueurs fugaces, de revivre dans les essences, tels le promeneur au coeur de son périple matinal.
Tant de voix m’habitent.
Le peintre des racines, le peintre des angelots, le peintre des choses inertes. 
Je vis dans les odeurs de résines, 
d’huiles, de vernis colorés. 
Je combat des ombres au fond de la fosse.
Le nom de mon ennemi est difficile à prononcer.
Les mots me manquent, les lignes se figent.
Enfermé dans mon atelier, je vis reclus, j’accomplis la mission qui me fut dévolue.
Soyez indulgents envers celui qui cherche,
par approximations, par divisions, 
par touches successives.
A force de se soustraire de l’inutile,
On finit par ne plus parler qu’au travers de songes qui s’effacent à chaque fois que la lueur se consume à la mèche de son propre corps.
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... extrait....

La lueur viendra.

Sur le banc sont gravés des mots d'amour.

Des noms inconnus, des chérubins aux ailes naïves

Déployées dans les nervures rugueuses du bois mourant

Des coeurs saignants, des baisers dans le demi-jour.

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... Extrait....

A force de croire en sa bonne étoile,

On perd des instants précieux.

Consignés à la garde de la loi divine,

On se retrouve les poches vides,

Trempé de la tête aux pieds,

Voyageur dans une gare, la valise à la main.

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Daniel Plasschaert, La Gloire amoureuse, éd. Chloé des Lys; Le Monde opaque, éd. Chloé des Lys, 2009, poèmes.

Daniel Plasschaert, La Gloire amoureuse, éd. Chloé des Lys; Le Monde opaque, éd. Chloé des Lys, 2009,

poèmes

, .plasschaert

 

 

D’emblée, dans la Gloire amoureuse, le lecteur est prévenu: le bonheur, la gloire sont hors de notre portée, ou, du moins, d’un accès difficile:

Le visage de Dieu m’est caché

La beauté m’est voilée

Alors, pourquoi voudriez-vous que je sois

heureux aujourd’hui

Il y a, en ce recueil, des passages très familiers, comme on en trouve chez Toulet, mais en même temps très réalistes, et qui nous portent à voir les choses en noir. Mais aussi, des formules scintillantes, éblouissantes, qui tranchent sur l’universelle grisaille. J’ai été ainsi séduit par ce dialogue avec le facteur:

Bonsoir facteur, vous avez bien meilleure mine que la nuit précédente./Et le courrier bien rangé dans votre sacoche,/votre serment de n’en plus lire une ligne./Posez vos livres et buvons à notre gloire./Un éclat de givre scintille entre vos doigts./Le cuir de vos gants noirs est usé./Sous la surface, l’air est saturé de mauvais rêves./ Dans ce quartier coronaire où nous demeurons pour l’éternité, le va et vient des passants condamne nos pensées au recul volontaire des saisons./ Facteur, vous et moi sommes ailleurs./Nous sommeillons.,/dans ces singuliers lendemains/d’où ne naît aucune aube.

et, plus loin, p.27: Nous sommes le hasard, /la moisson d’un jeu divisé, un frôlement jeté pêle-mêle/dans la bouche ivre d’un joueur épuisé.

Ici sont posées les questions essentielles, et la réponse est souvent triste et désabusée: p.30, l’art du géographe tient dans une poignée de terre. Les images de la peur sont dominantes, et la protection qu’une femme peut apporter contre cet environnement sauvage et meurtrier. Ainsi, p.41:

il ne faut pas que je sorte/il faut que toute cette peur s’en aille pour de bon, ou encore, p.42: Je retourne avec fracas vers le socle où repose la soif d’aller.

Mais il y a chez les femmes de Daniel Plasschaert un peu de cette étrangeté à la fois familière et inquiétante qui meut celles de Paul Delvaux.

On retrouvera, dans Le Monde opaque, une sorte de peur devant l’amour, peur de sa disparition, de sa précarité.
…il partira. Elle partira./Emportant le grand signe/Du vivant dans leur mouvement/Roues d’où le pouvoir de l’invisible/Racontera la chute/De ceux qui sont vaincus/Par tous leurs jours de noces/Et les passants à la porte/Feront des signes/Et les parterres délaissés de leurs fleurs/Et les statues pâles/Comme des taches de clarté futile/ Elèveront leurs corps jusqu’à leurs bouches/ (…)

La femme se confond avec le monde, le monde tout entier devient elle. Il y a une force singulière en ces regrets  pleins de vigueur:

Dans le désordre des armoires/Une lampe s’allume au détour des ruelles/Un journal froissé et ta photo/Que je glisse dans ma poche/Presque machinalement/Comme un voleur fatigué/Comme si j’allais un jour /Sortir de l’ombre portée de l’astre nocturne/L’idole lumineuse et magique/Qui rouvrirait le monde effacé/De ce que nous avons écrit/Et renié par mégarde…(p.51)

Une œuvre à la fois délicate et forte dans sa densité, et qui évoque à merveille, en prise avec les photos en grisaille prises par l’auteur, cette sorte d’étrange absence/présence amère et douce qui nous gouverne

Joseph Bodson

 

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Commandant Danofsky – Daniel Plasschaert, Les Odes au jardinet.

Commandant Danofsky – Daniel Plasschaert, Les Odes au jardinet, nouvelles, Chloé des Lys, version juillet 2009.

Ne vous étonnez pas si je vous entretiens, pour une fois, d’un livre qui date un peu. Pour moi, c’est une découverte, que je tiens à vous faire partager. Etrange personnage que ce commandant Danofsky. Il lui arrive, mais oui, de partir en guerre, et, ce qui est un comble,  contre ses lecteurs. C’est qu’il tient à ses habitudes, et n’aime pas qu’on le dérange. Et qu’est-ce que ces intrus qui se mêlent de lire ce qu’il a écrit? Je ne sais s’il le fait exprès, mais il semble aussi s’être brouillé avec l’orthographe. Une vieille querelle, sans doute.

Mais qu’y trouve-t-on, dans ce jardinet, si je peux le divulguer? Des salades étrangement raisonnables. Des limaces philosophes, dans le jardin du commandant. Transfuge de quel règne, de quel rêve? Minéral, animal, ou végétal? Mais qui empêchera jamais Alice de passer de l’autre côté du miroir? Des histoires pour les enfants? Oui, peut-être, mais pour des enfants déjà un peu âgés, tristes et graves, un peu revenus de tout, mais souriant quand même.

Un certain décalage par rapport à la réalité, très léger, parfois imperceptible, comme une horloge qui marquerait l’heure avec une justesse excessive, mais où la grande aiguille et la petite auraient été interverties. Un monde à la fois enfantin et barbare, où la seule règle ou presque – mais elle n’a rien de contraignant ni d’astreignant – c’est d’aller à l’encontre des idées, des clichés généralement admis.

La joie du jardinet: étrange scène d’amour très physique entre les plantes et le jardinier. Si vous me cherchez…Cela fait un peu songer à Saki, ou à Arcimboldo, ce peintre italien qui faisait des portraits très composites. Goûtez-y donc, si vous en avez l’occasion: vous m’en direz des nouvelles.

Joseph Bodson

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Marie de Magdalene

Nous n'avons pas trouvé de pain,Personne ne mangera aujourd'hui.Nous n'avons pas trouvé d'eau,Personne ne boira aujourd'hui.Le puits est vide,Quelques gouttes de roséeruissellent le long des pierres.Des vapeurs remontentDu fond de l'obscur tunnel,L'eau abandonne la margelle.Je crois aux larmes,Je crois au sel humide,A l'éternelle tristesseDe cette porteuse d'eau,Dont les pleursTels une source de lumière,Entament leur descente,Coulent le long de la paroi,Se retournent, rayons liquides,Pour entrevoir une fois encore,Le ciel qui s'éteintEnfantant la nuit sur ce monde.La femme prie encore,Des mots qui ne sont d'aucune langue.Les traits creusés,Il me semble qu'elle voudrait,Dire encore,Vouloir encore,Habiter ce lieu.Mais le fond de l'abysse, béant d'ombre,N'est pour personne la demeure.Elle resserre les liensDe sa robe de crin,Avant de chercher en elle,La force d'un Dieu inconnu,Qui gît étendu, malmené,Dans ce paysage de faïenceOù la raison se perd.Car ce qu'on pressent maintenant,N'est plus que la raisonChancelante au fond du puits.La soif du vide qui aspire le corpsDesséché de l'enfance,Le tracé d'une chute qui se déroule sans nous,Dévide le fil âprement tissé,de l'habit invisible,De la pécheresse.Je crois que tous,Devons nous asseoir et écouter,L'Echo de la chute,Ce chant qui résonne pour toujoursDans toutes les inventions maladroitesQui font de nous des créatures.Une voix qui devient cordeTendue de toutes les voix qui chantentEperdues dans nos corps.Sans rencontrer personne,Comme tombe la pierre,Sans heurts, sans secousse inutiles.Lorsque l'eau étendue,Au fond de ce puits,Aura révélé sa sagesse,Les mourants et les morts,S'éteindront.Sans blesser personneSans gestes pathétiques.J'ai donc vu Marie MadeleineSouriante, la main tendueIl faisait presque nuit.J'ai porté son seau,Et le seau était vide.Nous ne boirons pas ce soir.J'ai vu le fantôme du marcheur divin,Sur la route menant au calvaire.Mais il n'y a pas de pain.Et nous ne mangerons pas ce soir.
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L'envol stationnaire

L'envol stationnaireAllongé dans les cieuxEn plein volLe doute ne m’a plus quitté.Comme s'il pouvait y avoir une finA cette course pénibleQui mène d’une vie à l’autreDans une avalanche de signesQui d'un battement secsortent de l'ombre.Seul, armé d'un parapluie,le penseur se glisse dans les interstices du monde,se jette dans les enfers,épouse les enzymes et leurs spirales,Compte les nombres,dissimule les preuves de l'existence de Dieu,Ordonne les choses et les êtreset leurs rouages,tandis qu'au-dehors,dans la masse compactedes sanglots et des larmes,prend naissancele nouveau luminaire équivoque de l'être.
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L'epure

L'épureMa faculté de contemplationDe naissance saturnienneRalentit les obstaclesAdoucit les contours.Dans ce calme intemporelQui adhère à l'aubeJe me retrouve entier.Je visite vos maisons et vos jardins paisiblesJe me sens mieux qu'à l'ordinaire.Je parcours d'un regardL'espace nouveau néMiroir fémininReflétant sur mon visageSon incandescenteEt amoureuse géométrie.Emporté par la vague du temps,Je délaisse alors l'apprenti costumierQui pansait autrefois mes blessures.Je marche titubantLéger à la rencontre des heures.Ce petit enfant devant sa pageQui prends ses crayonsEt trace sur l'horizonCourbes innocentesL'ébauche de mes nerfsLes musclesDe ce corps imaginéL'orbite sinueuseDe ces veines au suc rafraîchiMon ombre rajeunie.Qui s'inclineVers la plaineBruissante de l'astreEmouvant souvenirPour entrevoirSous le voile tenduDe sa surprenante éternitéminuscule corps dans sa courseVéhicule ou flamme éteinteJe ne sais plusL'autre que j'étaisClouéSur le soleil nocturneQui Court et court encoreBien au-dessous de toute raisonDans la roche polieDe ce qu'il reste du limonDe la vie éperdue.C'est un pendu oscillantQui se mire encoreDans les fins nuages.Prince de l’inversionDressé au seuil du dernier passage.Rien ici n'exalte les sens.Rien ne nous parvientQui ne soit chiffre ou lettre sonore.La chaleur m'entoureDe bras puissants.Tout est clair.Sauf l'orage qu'en moiJe charrie cette foisPour de bon.
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Monsieur Robert Paul.

Il marche sous la pluie de Novembre, le parapluie inclné en direction de la bourrasque, c'est signe de détermination poétique, courber son parapluie. Les autres passants, plus terre à terre sans doute, ne marchent plus et se sont abrités sous les porches, dans les abris que leurs offrent les quelques arbres qui restent encore debout dans cette avenue large, si large qu'elle fait penser à l'Escaut du temps jadis, de ce temps ou les peintre y plantaient leurs chevalets et ou les poêtes s'y pendaient sous les ponts, mettant fin à leurs jours.

Il y avait aussi, quelques dessinateurs venus du haut de la ville pour immortaliser le vent, les gouttes d'eau, le vide de la nuit.

Monsieur Paul, défiant les automobiles et les fiacres, les vélomoteurs et les cylindres des géantes cylindrées, n'avait de cesse de saluer ceux que le maire de la ville appellait ses enfants. Pour nous, artisans qui rêvions de devenir artistes, la gloire n'était rien à moins d'être bénie et paraphée par le sourire ou l'apostrophe de Monsieur Robert Paul. 

L'art d'aimer l'art, une fameuse cuisine qui demande mieux que de bonnes épices. Le voici qui nous construit une maison sur la gauche de l'aube, une auberge à l'orée d'un escalier interdit ou encore, un boudoir rigolo pour nos soirs de misère. Vous l'avez déja vu sourire, amusé de nos cabrioles colorées ? Avez-vous déja saisi une émotion inconnue dans ses yeux de maître d'oeuvre ?

Glissez-vous sous son parapluie, sous ce royaume secret se cache le reflet de la ville, de nos pas, de l'infinie attention de l'homme pour ses petits cabotins. Mais il sait si bien pardonner lorsque le vert déborde et que les voyelles s'emballent. Il est l'heure. On se boit un café, à l'abri, chez lui, chez vous, chez nous. Have a good evening dear Mister Paul. 

 

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La gloire amoureuse, un extrait

Prince des embaumeurs,puisses-tu nous rapprocher l'un de l'autre.Prince des embaumeurs,Serre-nous l'un contre l'autre.Prince des embaumeurs,libère la vie,ouvre nos lèvres.Arrache au souffle la parcelle de mortet jette-la au loin à l'abri du rocher.Ces sourires mouillés sont des morts qui renaissentpoussés par des fleuves d'azur.Des démons charriés par nos bouches de confusion,par les torrents de feu qui agitent, meurtris,le tissu invisible de l'émoi.Couverts de flammes et de folie,nos baisers se touchent dans l'au-delà.Nos baisers se touchent et se séparent,convois du renoncement aux choses,projetés épars en torches liquidessur les yeux mi-clos d'une mort rajeunie.VAux parapets de la tour, accoudé,le joueur contemple le spectacle de la vallée verdoyante qui s'étend au-dessous des terrasses.Immobile sur le lac supérieur de la pensée,il écarte le ciel saigné à blanccomme un trou laissé vide.Dans la poussière qui recouvre son front,une femme dénudée dort paisiblement.Il y a tant d'allées et venues dans ces yeux,de brins d'herbe oubliés, de terres révolues.A ses pieds sous la mousse, coule un fin filet d'eau, une ombre qui ruisselle vers les tentes de chanvre.Un chant de liesse fugace, d'écritures et de traits,de guerriers, de danseurs qui s'effacent miroitants à mesure que passent les barques.Immobile sur le lac supérieur de la pensée,le joueur dans un saut majuscule,crucifie en riant,le visage étonné de l'attenteet grave dans la mousse,les chroniques de sa résurrection.VIEt tel un cerveau de pierre,la cave où nous logeonspour quelques nuits d'amournous paraît immenseavec ses couloirs glissants,ses parois moites,où l'on devine plus qu'une simple invitation.Nous vidons toutes les bouteilles, tu es blancheet lunaire.Cet amour immaculé.Cet amour similaire aux ajours.Cet amour émasculé, ensorcelé.Cet amour blessé dans son ventre et dans son sang.Et tel un cerveau de pierre la cave où nous gisons s'emplit de regards, de sable et de songes uniques.Et tel un cerveau de pierre,elle nous recouvre de ses peines,de ses dictionnaires,de ses voûtes basses où résonnent nos cris d'enfants.Dehors,le ciel splendide et calmedescend les marches du palaiset jaillit anonyme.Pur sous le soupirail attentif.VIILe ciel habite un point fragile entre tes yeux,entre nadir et zénith.J'y suis allé un soir de pluieentre deux rêvespour retrouver l'ancien rivageet sa clarté divine.Je me suis promené longtemps,au point de mire de deux existences,à l'endroit sacrilège où se forment les vies de chair.Aux pieds de ces tours Saturniennes.Et c'est sans doute que douloureuxce même soir,plus fou que d'habitudej'ai brisé d'un coup secle vase d'airain,accédé aux formes les plus reculéesde ton amour magnifié.Vers séculaires à l'empreinte de cesfragments sculptés qui brisèrent l'infidélité en la nommant.J'ai lu en songeant,parcourant le ponton dans l'espace.j'ai lu, j'ai soudé,un sarment de ta folie sur mon ventre désert.J'ai lu, agité ta foliecomme un flambeau ruisselant d'argile,sculpté la hanche du Géantqui gardait en silence,la couronne de la reine légendaire.Qui voudra me croire ?Le ciel habite un point fragile entre tes yeux.Le ciel de ta signature de chair, le haut du précipice.J'y suis allé cueillir des perles et des fleursDeux sourires légers gardaient l'entrée de tes blessures.Le point fragile entre tes yeux.j'y suis allé un jour de pluie,entre deux rêves inachevés.La maison de l'ancienne passion.Il y a du givre sur la fenêtre,des roses sèches sur le tapis.
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Le monde opaque, un extrait

... Ces moments si rares
Que nous eûmes tant de peine
À déchiffrer
Toi sous la lucarne qui rêvais
De l’enfant abandonné
Dans sa tour de pierre
Moi penché sur les astres
Rêvant de l'intime durée
Du fond de l’espace
Depuis le vase constellé du porteur d’eau
Jusqu’aux lèvres de la vierge errante
Ces routes fragiles parcourues
À grand peine
À corps perdu
À l’insu de nos songes de parcimonie
Ces moments qui nous suivent
Et nous contournent maintenant
À perte de vue
Couvrant l’horizon écarlate
De triptyques chamoisés...


... Tous nos gémissements de fêtes foraines
Ces respirations souterraines de l'amour
Ces moments complices
Noués aux deux bouts
Lancés dans la course des essieux
Le temps quadrillé sans relâche
À l’affut du moindre frisson
Avec ses pentagrammes illisibles...



... Des semaines et des jours
D’éclairs oubliés
Des moments de floraison galante
Gravés dans la paume d’une main
La main retenue des moments
Cousus sur nos lèvres durcies
Qui retiennent leurs paradoxes
Et offrent leur démesure
Au moindre gémissement tardif
La félicité d’une vie fugitive


Ces carcans accouplés
Ces corps momentanés
Couchés n’importe où
Sur le sol
Dans les tombeaux pillés
Les interstices sales
Les crevasses boueuses
Goûtant le suc des arbres
Ces corps de préludes
Au règne de la nature invisible...


... Seuls comme deux enclumes
Sous la pluie battante
Battant le soc exténué de la vie opaque
Ces moments de douleur qui se hâtent
Ces moments de conspiration bâtarde
Qui s’emparent de nous
Dans notre mort étroite
Sans fondations
En des cieux où la chair aspire
À plus d’humanité...



... Et je n'ai plus aimé le monde.
Mais toi, sombre comme hier
Et l’ovale joyeux
De tes clavicules tremblantes
J’ai mis à mal
Le souvenir de nos incendies
De nos ligatures
De ton ventre hanté
Par les esprits du marais
Dans un miroitement de songes acides
De plaies ruisselantes
Toujours et partout
Le cantique effrayant de l'offrande
De l'autre à l'autre
De l'autre pour l'autre
De l'autre dans l'autre
Amoureux qui s'effondrent pantois
Au creux d’une peur partagée
S'immolant dans le feu
Pour se terrer plus bas
Épuisant la maigreur de la soif
Les hanches soudées dans


L’enclos de leurs ébats
Humides de vie
L’amour qui tourne tel une hélice
La volupté féroce de l'éternité
Qui renouvelle sa peau
Et le serment initial de la passion
Mutation de gestes recomposés
Alors dans cet amour caudal
Est-ce toi encore
Ou l'autre qui prend ma place
Ce malandrin infernal
Qui se joue de tout ...
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Les odes au jardinet, un extrait.

Les semis

Quand on laboure, ce n’est pas grave si on est de mauvaise humeur. Il m’arrive même de frapper des grosses mottes de terre sur le sol en jurant. C’est du travail de force, on commence en chemise et on termine noir comme de la fumée. Par contre, pour ce qui est des semis, il vaut mieux penser à de belles et bonnes choses. Les semis bourgeonnent mieux lorsqu’on les entoure de nuages de senteurs douces. À quoi où à qui pensez-vous que le commandant Danofsky pense lorsqu'il sème ses magnifiques plantules ?
Tout d'abord, le commandant nettoie ses oreilles et ses cheveux, se frotte la barbe avec de la teinture d’ortie et saute nu dans le puits, une, deux, trois fois de suite. Tout au fond du puits il y a une valise avec des ustensiles réservés à la cuisine des grands jours. L’eau garde les petites cuillères bien propres et les casseroles brillantes et lisses.
Voici pour vous, une pensée cuite du commandant Danofsky. D'abord, il prépare un plat délicieux, un plat qu'il adore : les carbonnades flamandes au pain d'épice et au miel. Le plat doit mijoter une journée entière et lorsqu'une odeur brûlante de sucre mou et de viande marinée sort de la casserole, il se penche et respire un grand coup. Il hume le plat et fait ressortir par ses oreilles des notes de musique qui vont s'enrouler autour des bourgeons nouveaux nés. Il faut très vite les récupérer, les rouler dans la farine et les faire dorer de chaque côté pour qu’elles gardent leur sonorité de beurre bien doré.
Ne vous inquiétez pas si vous entendez pleurer les jeunes floraisons aux extrémités de l’arbre, ils ont faim, ils ont grand faim d’harmonie et de contrepoints. Voici des quintes qui s’accrochent, des duos de triolets qui s’ouvrent au vent, des quartes, des octaves minuscules qui se hissent sur la pointe des nouveaux jets.
Tout n’est que symphonies et ballets au grand jour des semaisons. Si ça vous fait rêver et vous donne envie, dites-vous bien qu’on n’arrive pas à un tel résultat en une saison. Il faut des années et des années pour accorder tous ces violons et toutes ces harpes dans le jus d’une chlorophylle bien verte et juteuse. Et jamais de gros mots en cas de malheur, ni de semence de datura sur la pointe de la langue. Vous ne connaissez pas le datura ? Allons donc ! C'est le passé d'une rature qu'on a joué aux dés.




Le réveil de la salade

La salade s’est réveillée de bonne heure au son de la limace. Un drame se joue sous mes yeux et je me sens impuissant. Je vois. Une limace et son oncle qui digèrent lentement le vert tendre de la feuille et progressent vers l'intérieur du corps. À quelques mètres de là, un troisième baveur se presse pour les rejoindre. Le combat, inégal, se déroule en silence. Personne n’interviendra dans l’issue de la lutte, car la loi importe plus que la vie des combattants.
J’ai connu l’époque où dans une situation pareille nous aurions tenu conseil avec les habitants les plus proches et aurions sacrifié un sachet de sciure bien sèche que nous aurions dispersé sur leur route. Elles se seraient engluées, seraient mortes dans d’atroces souffrances, et pourquoi, pour qui, pour où ? Pour une feuille de salade qui fait tout un plat de ses chemises alors qu’elles repoussent, repoussent et repoussent encore.
Rien de plus lassant que ces êtres sans fleurs qui sous l’apparence d’un cœur tendre dissimulent des radicaux amers. Régalez-vous limaces ! D'ici quelques jours, la salade ne sera plus que feuilles froissées qu'elle me tendra en disant : voici mon testament autographe. Je lègue ma chlorophylle à la lumière et mes nuances de vert et de blanc au commandant Danofsky. Je pardonne à mes bourreaux ainsi qu'au chat qui vient de me pisser dessus. Laissez moisir en paix mon cœur tendre, à l'abri des pluies de juin.




La marguerite

Il ne faut pas écraser sans arrêt par manque d'attention les choses qu’on croise sur son chemin. Je sais bien que les fleurs refleurissent si on les laisse faire, mais je sais aussi que ce n’est pas difficile de faire un pas sur le côté et de marcher sur les cailloux de l’allée. Ils ont l’habitude eux. Ils sont durs et ne sont pas dans l'obligation de fleurir. Tout ce qu’ils ont comme devoir, c’est crissoter légèrement sous la semelle lorsqu’on passe. Pour le reste, les cailloux ressemblent à de très vieilles fleurs qui ont passé l’âge de se déguiser. Ils aiment la chaleur, mais supportent sans effort apparent les plus grandes neiges qui leur permettent de reprendre du brillant pendant la saison d’hiver. Mes marguerites, quant à elles, je les appelle mes œufs sur le plat. Rien à voir avec les cailloux si ce n'est la forme du jaune. Mous cailloux font trempette à mou pain. Et molle tartine font cuisine à matines.
Tenez, puisque nous parlons des marguerites, ce qui est amusant, c'est qu'il y en a toujours beaucoup les années ou les poules pondent bien. Lorsqu'on en voit une, c'est qu'il y en a plein qui s’apprêtent et se font belles sous la terre. Blanches sous bruns, c'est pas aussi facile d'en sortir propre. Elles sortent volontiers sans me prévenir et bougent toutes en même temps, à gauche le matin et à droite le soir. La nuit elles replient leurs pétales et on ne les voit plus. Et c'est ça qui est dangereux, car on risque facilement de les écraser si on ne fait pas attention. Ce n’est pas parce qu’elles ne servent à rien qu’il faut les ignorer.
Chaque fois que vous cueillez une marguerite, je vous conseille de faire ce qui suit. Vous lui parlez d’amour et vous tournez autour de sa corolle en sifflotant. Certaines personnes s’embrassent et arrachent les pétales une à une en priant. Elles prient d’amour. Elles prient pour ce qu’elles ont maintenant, mais qui va s’en aller. Mais si vous devenez l’ami des marguerites, rien ne s’en ira. C’est cela leur trésor, le trésor des marguerites. Un amour qui ne s'en ira pas.

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