A la Campagne
une aquarelle
d'Adyne Gohy
a inspiré
Le Linge sèche
un poème
de
Raymond Martin
Au printemps, le linge sèche, flottant sur le fil tel un drapeau sous le regard du Pic Epeiche,
Fourbu par ses tambourinages territoriaux pour les désirs de sa belle Epeichette.
Lulu la taupe, en visite au jardinet, hume les senteurs de la terre retournée par la bêche.
Oscar le lombric, laboureur bienfaisant, se tortille lentement à la racine d’une blette.
Au printemps, le linge sèche, épinglé sur le fil, rayonnant de ses couleurs bigarrées au soleil montant.
De sa fraîcheur, il embaume l’espace, laissant tomber sur l’herbe une perle de rosée du matin.
Un trio caquetant, la crête élancée, guette l’apparition tardive d’un panache conquérant.
Au loin, la cloche de neuf heures résonne, un cocorico l’accompagne à la vue d’un butin.
Au printemps, le linge sèche, un vélo esseulé dans une ombre violacée attend sa délivrance.
Doré, l’astre du jour, s’achemine lentement vers le haut point, faisant sécher torchons et fripes.
Lucky, alerte boxer, se frotte le dos sur l’herbe encore humide et verte en abondance.
Fichu sur la tête, la brune jardinière guette le facteur essoufflé tirant goulument sur sa pipe.
Au printemps, le linge sèche, le sang de la treille rabougrie s’active pour lui redonner vigueur.
L’antique muret du jardinet supporte avec peine la rudesse de l’astre, jaunissant son crépi.
Jojo, bourricot d’un âge certain, quémande de son puissant « hi-han » le foin du bonheur.
Le bruit de la pétrolette s’éloigne, le facteur porte encore en sacoche, à donner quelques plis.
Au printemps, le linge sèche au rythme des heures égrainées dans le secret de la pierre.
Ainsi passe le temps, ainsi passe le linge, bleu d’un jour, blanc d’un autre, vert d’une chemise.
L’arc–en-ciel rayonne, tendu entre les pieux d’étendage au gré de la brune lavandière.
Le vent murmure au soleil son souhait chaleureux, prêt à l’aider à réchauffer la remise.
Raymond Martin - octobre 2016